Chapitre 21 « Bon les guignols, c'est fini ? »
Nous suivîmes 2zer en hâte dans le club, il nous entraîna dans le couloir, jusqu'aux toilettes des hommes.
Des éclats de voix nous parvenaient, particulièrement un hurlement de hyène que j'attribuai à Idriss. Clem poussa la porte.
Spectacle désolant, Nekfeu, Framal et Mékra étaient en pleine lutte face à trois types assez balaises. Deux femmes étaient terrées dans un coin.
— Non mais ça va pas ? Ken !
La voix de Clémentine peinait à couvrir les insultes et les vociférations des garçons. J'avais du mal à voir qui était qui. Hakim distribuait coup sur coup et j'avais rarement vu son regard aussi obscur.
— On les sépare avant que quelqu'un appelle la police, j'ai pas envie que Ken soit en une des journaux demain matin.
Aidées de Théo, nous tentâmes alors de nous interposer entre les différents protagonistes de la bagarre. Clémentine tentait de maîtriser Ken qui s'acharnait sur l'un d'eux, il avait l'air dans une autre dimension.
— Ken arrête, supplia la jeune femme, arrête, regarde moi s'il te plaît.
Je tentai alors de m'immiscer entre Framal et le grand type avec lequel il se battait.
— Bon les guignols, c'est fini ?
Mais le gars me gifla violemment et je laissai échapper un cri de douleur en me réceptionnant sur mon pied qui ne supporta pas mon poids. Je m'effondrai sur le sol malodorant.
Tout se passa en un éclair, sans que je n'aie eu le temps de réaliser. À peine avais-je relevé la tête qu'un bruit d'os brisé résonna sinistrement dans la pièce et je me retournai pour voir Hakim à califourchon sur le type qui venait de me frapper, lui assénant droite sur gauche.
— Hakim ! Arrête ! hurla Clem.
Ok, là ça dégénérait totalement. 2Zer et Clem avaient réussi à calmer le reste des hommes et chacun tenait fermement Ken et Framal. Les deux femmes dans le coin hurlaient de panique. Quelqu'un allait appeler les flics si je ne réagissais pas très vite.
Sans réfléchir, je me jetai sur le dos du Kabyle, entourant ses épaules.
— Hakim, ça suffit arrête, murmurai-je à son oreille.
— Dégage, souffla-t-il enragé, laisse moi achever ce fils de pute.
Il tenta de me repousser, mais je ne le lâchais pas, forçant sur ses bras pour qu'ils ne puissent plus atteindre le visage ensanglanté du type. Je sentais tous ses nerfs à vifs, ses muscles tendus à l'extrême rendaient son corps si ferme, que cela me donnait l'illusion de serrer entre mes bras une statue de pierre.
— Arrête. Il a eu sa dose. Tu vas finir la nuit en garde-à-vue. Arrête s'il te plaît.
Je sentis ses bras lutter un peu moins fort contre l'étau des miens. Saisissant alors ses poignets, je forçai dessus pour les ramener contre son torse. Le rappeur soufflait bruyamment, je compris qu'il tentait de maîtriser sa haine et sa colère.
Le voir ainsi me fit vraiment peur, je réalisai à quel point lui et moi étions semblables. Jamais de toute ma courte vie je n'avais rencontré une personne qui me ressemblait autant.
Ce calme apparent qui dissimulait une telle rage. J'étais simplement beaucoup plus impulsive, il en fallait moins pour me faire sortir de mes gonds, mais le résultat était le même lorsque notre haine se libérait.
Hakim ferma les yeux et fit quelque chose qui m'étonna au plus haut point, il laissa sa tête retomber contre la mienne. Le contact de sa joue moite sur mon épiderme m'arracha un frisson.
Les minutes semblèrent défiler comme des heures, curieusement je n'avais pas envie de bouger, nos respirations s'étaient calées l'une sur l'autre et je sentais progressivement ses muscles se détendre contre mon corps.
Je pris alors conscience que quelque chose de nouveau s'était insinué dans mon organisme, mon ventre se contracta et mon pouls déjà en panique se fit plus fort dans mes tempes à mesure que la chaleur me montait aux joues.
Était-ce vraiment le moment d'avoir envie de lui ?
— Faut qu'on bouge de là, annonça Théo.
Un coup de feu dans la pièce ne m'aurait pas fait plus sursauter. Je me rappelai alors que nous n'étions pas seuls. La tête d'Hakim se redressa brusquement et mes bras lâchèrent ses épaules. Très vite je me décollai de lui pour me retourner vers les autres, tandis qu'il se levait.
Clémentine était lovée contre Ken, lui chuchotant des choses à l'oreille, son regard déviant régulièrement vers les deux filles. Je reconnus alors la girafe qui était collée à Hakim quelques minutes plus tôt, l'autre femme était une sorte de créature divine aux yeux verts de chat.
Framal se massait les poings, jetant des regards assassins aux trois mecs qui n'en menaient pas large.
La porte des toilettes s'ouvrit sur Lucie et Doums.
Leurs yeux s'écarquillèrent en nous voyant. Lulu porta la main à sa bouche lorsqu'elle constata mon état.
— Maya ! Mon Dieu, tu t'es vue ? Tu m'avais promis de ne plus jamais te battre ! Oh non mais regardez vous... Quelqu'un peut m'expliquer ?
Je me tournai vers le miroir pour jeter un coup d'œil à mon état. Ah oui, quand même. Ma pommette était rouge et boursouflée, mes cheveux en pagaille et un peu de sang recouvrait mes lèvres.
Tout le monde avait l'air assez gêné.
— Je me suis pas battue, dis-je d'une voix éraillée, Crois moi, j'aimerais bien comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi je me suis prise une baffe.
— On va chez moi, trancha Clémentine d'une voix blanche, Tous. Vous avez droit à des explications.
Tout le monde hocha la tête et, comme un seul homme, se dirigea vers la sortie. Mais soudain je m'interrompis, prise d'un élan de haine.
Boitillante, je me dirigeai vers le connard qui m'avait frappée et lui assénait un coup de genou monumental dans les parties génitales, avant de lui aplatir la mâchoire d'une gifle vigoureuse.
Il s'affaissa de nouveau contre le mur en gémissant de douleur.
Ma voix rauque résonna alors dans pièce.
— Si l'un d'entre vous tente de diffuser quoi que ce soit de ce qu'il s'est passé ce soir, je vous jure que cette histoire ira très loin. J'ai peur de personne et encore moins de types qui s'abaissent à taper sur des femmes. Vous êtes vraiment dans la...
Une main sur ma bouche étouffa la fin de ma phrase.
— C'est hnine que tu veuilles nous protéger, mais on s'arrache Namira, ils feront walou ces fils de putes.
Un frisson parcourut mon échine lorsque je sentis le souffle d'Hakim contre mon oreille. Mes yeux rencontrèrent les siens et je compris qu'il n'était même plus en colère contre moi. Les autres étaient déjà sortis et je me surpris à avoir envie de coller mes lèvres aux siennes.
Je rompis ce contact visuel assez rapidement avant d'avoir d'autres idées saugrenues.
Nous commandâmes trois taxis, Doums monta avec Clem et Ken, Lucie qui avait l'air fâchée contre Idriss et moi, avec 2Zer et Judith et je me retrouvai avec les deux Kabyles.
Le trajet se fit dans le silence le plus total, Fram n'avait toujours pas l'air calmé, Hakim était passé en mode avion : aucune interaction avec son entourage. Pour ma part, je devais me battre contre tout un tas d'émotions contradictoires qui se déchaînaient en moi.
Je sentais des larmes de rage me monter aux yeux et luttais contre moi même pour les retenir. Ne jamais pleurer, jamais.
Inspirant un grand coup, je me passai la main sur le visage, grimaçant lorsque celle-ci effleura ma pommette douloureuse.
Hakim décroisa alors les bras, lentement sa main s'insinua entre nos jambes et effleura ma cuisse à travers le tissu de ma combinaison. Je n'osais pas le regarder, sachant qu'il essaierait de lire dans mes yeux ce que je ressentais. Mais mes doigts rejoignirent lentement sa main et je plantai mes ongles au creux de sa paume. Je l'entendis alors pousser un grognement à peine audible et ses phalanges se refermèrent sur les miennes.
Une nouvelle lutte s'immisça en moi lorsque je me rendis compte de l'envie furieuse que j'avais de laisser aller ma tête contre son épaule.
Ma pauvre Maya, me souffla ma conscience, tu débloques totalement !
Quelques minutes plus tard nous étions affalés chez Clem, tous vannés par les événements de la soirée.
— Bien, commença Ken d'une voix pâteuse, Je suis désolé par ce qui s'est passé ce soir. C'est ma faute. J'ai pas fait belek quand Clem m'a dit que cette pute de Léa était là. Elle était avec une pote qui avait pour mission de chauffer n'importe lequel des gars, l'entraîner dans les chiottes et faire en sorte que les trois fils de pute lui tombe dessus. Cette tainp savait très bien que j'allais me jeter direct dans la baston. Sauf que la première chose que Zer2 a fait c'est de choper leurs bigos pour pas qu'elles filment ou appellent les keufs. Donc on les a niqués.
Un sourire fier naquit sur les lèvres de Théo qui laissa tomber deux iPhones sur la table basse.
— Désolé que tu te sois fait taper à cause de moi, ça me rend ouf Maya. Putain si Clem m'avait pas retenu j'crois que j'aurais tué ce chien.
Je bâillai, sentant mes yeux se fermer tout seuls.
— T'inquiète, murmurai-je, C'est pas la première baffe que je me prends.
Tout le monde m'adressa un regard interrogateur, mais je les ignorai, laissant ma tête retomber sur ce qui me sembla être un coussin. Les bras de Morphée se refermèrent aussitôt autour de moi.
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