Chapitre 18 « N'y pense même pas. »

— Attends, je saisis pas là, t'as couché avec le mec qui t'a écrasée ?

La petite brune me regardait avec des yeux exhorbités et je haussai les épaules.

— Mais... Qui fait ça Maya ? T'es complètement folle !

— Ça va, Lucie, c'était juste une affaire d'un soir, pas la peine d'en faire un mélodrame.

Mon amie fronça les sourcils.

— Je te connais Maya, à chaque fois c'est ça, puis tu revois le gars, il s'attache et toi non, et à la fin il a le cœur brisé.

Une ébauche de sourire naquit sur mes lèvres, c'était rarement le genre de phrase que l'on adressait aux femmes en règle générale. Mais c'était vrai, mes précédentes relations se résumaient assez bien par les mots de Lucie. Je rencontrais un type, je le voyais pendant quelques mois, et le jour où il commençait à m'avouer qu'il avait des sentiments, je partais en courant.

Pourtant à chaque fois j'avais averti... Je ne tombais pas amoureuse, je ne voulais pas de relation sérieuse, pas de surnoms mignons et de petits cœurs, pas de cadeaux, pas de fleurs. Mais les hommes n'entendaient jamais que ce qu'ils voulaient bien entendre.

La vie m'avait prouvé à plusieurs reprises que l'amour n'était qu'une vaste arnaque. Une utopie qui faisait croire pendant un temps aux gens que leur bonheur pouvait dépendre d'une personne unique et merveilleuse.
Puis un matin, l'amour de leur vie se révélait être une ordure sans nom et, de la passion brûlante qui les avait fait vibrer ensemble pendant des jours et des nuits, ne restait plus qu'aigreur, larmes et solitude.

L'amour, c'était comme coller un pansement sur une plaie à vif, cela soulageait un moment, puis il était violemment arraché, on le recollait une fois, on l'arrachait une deuxième, et à la fin, la colle était usée et il ne tenait plus sur la peau. Alors ne restait plus que la plaie, et celle ci ne guérissait jamais.

Moi, j'avais été plus intelligente, j'avais pris du fil et une aiguille et avait recousu tout ça, sans ciller. Pas besoin de pansement, plaie guérie à tout jamais.

— Maya tu m'écoutes ?

Je me concentrai de nouveau sur ma meilleure amie qui m'adressait un regard sévère.

— Oui désolée, t'inquiète pas pour Hakim, je ne crois pas que ce soit le genre type qui s'attache. D'ailleurs, j'ai pas nécessairement prévu de réitérer l'expérience, il me rend barge.

Un double haussement de sourcils me répondit.

— Quoi ? fis-je.

Lucie m'adressa un sourire en coin.

— Rien, c'est la première fois que tu me dis qu'un homme te « rend barge » .

Alors oui, mais non. Sûrement pas. Lucie commençait à se faire des films, et je devais couper directement court à la comédie romantique à l'américaine qui se réalisait dans son esprit.

— Non. N'y pense même pas.

Elle haussa les épaules, mais je sentais qu'une idée avait germé dans son crâne et cela me déplaisait.

— Au fait, qu'est-ce que tu faisais à moitié allongée sur Framal quand on est partis ?

Allez, à moi de la torturer un peu.

— Rien de spécial, j'étais un peu pétée, on a beaucoup parlé mais c'est tout. Il est vraiment sympa et drôle.

Super, encore un rappeur du genre de Ken qui jouait les charmeurs à tout va. Mais qu'avaient-ils tous à attirer les femmes comme des aimants ? Et surtout, qu'est-ce qu'elles leur trouvaient toutes ? C'étaient de faux voyons encapuchonnés dont la seule obsession était de faire de l'argent pour se venger de la société qui avait appauvri leurs parents.

Ils pensaient tout savoir parce qu'ils avaient mis deux trois droites, avaient fait quelques heures de garde-à-vue, mais franchement, ils étaient loin d'avoir connu les tranchées ou le Vietnam.

Quant à leur pseudo talent, bon d'accord il y avait quelques jeux de mots bien trouvés et des rythmes entraînants, mais quand même, Camus, Flaubert et Proust pouvaient dormir tranquille, ce n'était pas ce « S-Crew » qui allait leur donner des complexes.

— Maya ? Tu fais cette tête quand tu essaies de te convaincre de quelque chose alors que toi même n'y crois pas.

Touchée, en plein dans le mille.

— Je sais pas, je comprends pas l'engouement des gens, particulièrement des femmes pour cette bande.

Lucie sourit doucement.

— Si, tu comprends très bien. Parce que t'es exactement comme eux et tu suscites la même chose chez les gens qui t'entourent. Ils sont comme toi, charismatiques, talentueux, drôles, ils ont toujours ce côté inaccessible de « tu ne me connaîtras jamais vraiment ». Vous êtes pareils, avec la même rage d'atteindre vos objectifs.

Je haussai les épaules, peut-être avait-elle raison.

— Idriss m'a dit un truc intéressant, qui m'a fait penser à toi. Apparement c'est dans une de leurs chansons.

Arquant un sourcil, je l'encourageai à poursuivre.

— « Être le meilleur pour eux c'est le but, pour nous c'est juste le minimum » ou un truc du genre.

Je souris à mon amie, effectivement, c'était une phrase que j'aurais pu prononcer. C'était bien dit.

— Oui c'est vrai.

Peut-être avions nous des points communs, je savais déjà que j'en avais avec Hakim, bien plus qu'avec n'importe quel autre être humain que j'avais pu rencontrer.

Mais cela ne changeait strictement rien.

— Bon, on retourne s'entraîner ? Tu m'aides à m'étirer ? lui demandai-je finalement.

Elle acquiesça et nous nous mîmes rapidement au travail.

Deux semaines passèrent sans que je n'aie plus de nouvelles des rappeurs, je revis simplement Clem, à deux reprises, pour un café. Habilement, je réussis à avoir l'information que je cherchais, Hakim ne lui avait pas demandé mon numéro.

Je m'en voulais, mais le fait qu'il fasse le mort depuis que nous avions passé une nuit ensemble attisait mon intérêt pour sa personne. C'était la première fois qu'un homme se comportait de la sorte avec moi. Enfin du moins, sans que nous ayons convenu de ne pas nous revoir.

Il m'énervait tellement, alors même que je ne le voyais pas. Une part de moi savait très bien que c'était un nouveau duel qu'il avait mis en place : le premier qui contactait l'autre, avait perdu.

Manque de pot pour lui, je ne jouais jamais à un jeu sans le gagner. De toutes façons, s'il ne se manifestait pas, il finirait par sombrer dans les méandres de ma mémoire et ce serait tout aussi bien.

Mon plâtre m'avait enfin été retiré, je n'avais plus qu'une attelle à porter durant la journée. J'étais néanmoins encore obligée de me coltiner ces foutues béquilles, ma cheville étant encore trop faible et engourdie pour supporter mon poids.

Cela n'arrangeait vraiment pas mes affaires, j'avais désespérément besoin de me remettre à la danse pour de bon, j'en avais assez du travail au sol et attendais avec impatience le moment où je pourrais recommencer à fouler les planches de l'Opéra Garnier en tant que vedette.

Solange voulait absolument que je prenne du repos et désespérait de me voir revenir chaque matin, mon sac sur le dos, pour continuer de faire travailler tous les muscles qui n'étaient pas blessés. Mais encore une fois, j'aurais tout le temps de me reposer quand je prendrais ma retraite, en ayant marqué à tout jamais l'Opéra National de Paris.

— Maya ! me héla Lucie alors que je quittais le Palais Garnier.

Je m'arrêtai pour lui laisser le temps d'arriver à ma hauteur.

— Oui ?

— On sort ce soir, m'annonça-t-elle.

Fronçant les sourcils, je lui lançais un regard interrogateur.

— Ah bon ? Où ?

Elle me sourit de toutes ses dents et m'adressa un coup d'oeil entendu.

— En club, figure toi. Idriss m'a envoyé un message, ils font un petit showcase pour une marque ou un truc dans le genre, je n'ai pas très bien compris,  mais on est invitées !

Ah non certainement pas. Je ne comptais pas passer ma soirée à regarder des rappeurs gesticuler sur scène.

— Idriss a ton numéro ?

J'essayais de changer de sujet pour me dérober le plus vite possible, ensuite. Lucie eut l'air un peu gênée.

— Oui en fait, quand on a parlé à la soirée, je lui ai dit que je serais curieuse de voir un concert de rap et il m'a dit que quand ils avaient un truc sur Paris il m'enverrait un message.

Eh bah, elle devait lui avoir sacrément tapé dans l'oeil pour qu'il s'en souvienne plusieurs semaines après.

— Bon, donc tu n'as pas besoin de moi, c'est super.

Je commençais à prendre la direction de chez moi mais mon amie me retint par le bras.

— Non, tu dois venir.

— Rien ne m'y oblige, pourquoi "devrais-je"venir ?

Lucie croisa les bras sous sa poitrine et m'adressa un regard sévère.

— Parce que tu meurs d'envie de revoir Hakim.

Alors là... Elle ne pouvait pas être plus éloignée de la réalité, je n'avais aucune envie de voir ce connard de rappeur.

Quoique.

Une idée venait de germer dans ma tête, je tenais ma vengeance.

— Je viens, tranchai-je.

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