Chapitre 13 « t'es revenue pour castrer Mékra ? »
Ma grand-mère, m'a élevé, malgré le fait, que j'sois dur
Jamais d'"je t'aime", n'est sorti de ma bouche
Grand-père est mort, ça m'a touché, devenu fou, mec
Depuis coeur de pierre, je nique l'amour
Grosse claque.
Lui aussi.
Je secouai la tête, comme pour chasser un mauvais rêve. Pourquoi étais-je soudainement passionnée par la vie de ce type ?
Reprends-toi Maya, me dis-je à moi même, concentre toi sur la seule chose qui ait vraiment de l'importance : la danse.
Deux semaines passèrent, il ne m'en restait plus qu'une avec mon plâtre, puis je pourrais passer à une attelle et commencer la rééducation. Le mois de mai avait commencé, et je voyais avec aigreur Claire prendre petit à petit la place que j'avais mis tant de temps à conquérir.
La haine que j'avais à l'encontre d'Hakim n'avait rien à voir avec celle que je ressentais à l'égard de la jeune danseuse. Chaque fois que nos regards se croisaient j'avais juste envie de lui casser les deux jambes. Mais j'attendais patiemment le moment où je pourrais me venger.
Un message arrivant sur mon portable me tira de ma réflexion.
Lucie : On fait quelque chose ce soir ?
Pourquoi pas ? Au moment où j'allais répondre mon téléphone sonna.
— Clem, dis-je en décrochant.
— Maya, ce soir soirée chez Ken, tu dois venir c'est important !
Elle avait l'air absolument surexcitée, je me demandais bien ce qui pouvait être responsable de son ton joyeux. Je l'avais revue deux fois depuis le lendemain de la beuverie avec Hakim. Clémentine semblait ne pas vouloir me lâcher et avait bien décidé d'être mon amie.
— Bah je voudrais bien, mais je dois voir une amie... répondis-je.
— Ramène-la ! s'enthousiasma-t-elle, c'est toujours bon d'avoir des filles au milieu de tous ces gars. Enfin des filles qui ne soient pas des grosses michtos, j'entends.
J'acquiesçai, ayant du mal à imaginer Lucie dans cette ambiance, mais après tout, il fallait bien confronter les milieux.
— Ok tu peux m'envoyer l'adresse de Ken ?
— Oui c'est dans le XVe, métro Convention, je t'envoie tout ça.
Je raccrochai et contactais Lucie pour la prévenir.
Clem m'envoya rapidement un message avec l'adresse exacte, précisant qu'il ne fallait surtout pas que celle-ci fuite et que je devais demander à mon amie de rester discrète également.
Ce n'était pas compliqué à comprendre et je connaissais suffisamment Lucie pour savoir qu'elle serait la dernière à diffuser ce genre de chose.
Le soir, nous nous retrouvâmes donc devant la porte brune d'un appartement. Je sonnai, c'est Ken qui nous ouvrit. Il avait un sourire jusqu'aux oreilles.
— Salut, fit-il, entrez les filles.
Après lui avoir fait la bise, nous pénétrâmes dans l'appartement et Lucie me chuchota un :
— Il est vachement beau dis donc.
Je levai les yeux au ciel.
— Il est vachement maqué surtout.
Comme pour répondre à ma phrase, une tornade brune se précipita vers nous.
— Maya !!!
Clémentine, comme à son habitude, avait rassemblé son épaisse chevelure au sommet de son crâne. À chaque fois que je la voyais, elle portait le même genre de vêtements décontractés avec une pointe d'élégance.
Je notais que nous étions les premières arrivées.
— Je vous ai fait venir plus tôt pour pouvoir vous briefer un peu, rit-elle, mais je suis pas prête... désolée !
Elle commençait à repartir vers ce qui me semblait être la salle de bain mais son copain l'interrompit.
— Clem c'est bon, t'es très bien comme ça !
— Mais je suis pas maquillée, protesta-t-elle.
Ken eut un petit sourire amusé.
— Moi non plus, et j'en fais pas tout un plat.
Lucie éclata de rire à côté de moi. Je lui donnai un coup de coude. Elle n'allait pas se mettre à aduler ce mec elle aussi.
— Asseyez vous les filles, nous dit Clem.
Nous obtempérâmes et elle partit nous chercher des bières tandis que Ken disparaissait on ne sait où.
— Ils sont trop mignons, chuchota Lucie.
Je lui adressai une moue mi dégoûtée mi amusée.
Clémentine revint, des bouteilles à la main et nous les tendit.
— Alors juste pour vous prévenir : cet appartement risque de se transformer d'ici une heure en véritable aquarium. On va être très nombreux parce qu'on a vraiment invité tout le monde. Si vous n'êtes pas à l'aise, dites le nous il n'y a pas de souci. Restez juste jusqu'à notre petite annonce.
Je lui lançai un regard suspicieux. Mais quelqu'un tambourina à la porte et elle se précipita pour ouvrir. C'était le dénommé Sneazzy.
Il checka tout le monde.
— Maya l'abeille t'es revenue pour castrer Mékra ? me demanda-t-il, Il va faire son kabyle bresson toute la soirée là.
Je ne savais pas ce que voulait dire bresson mais je souris quand même de toute mes dents.
— Ah bah t'as ramené une frangine !
Lucie avait l'air un peu surprise par l'attitude du rappeur, mais elle lui sourit poliment. Ken réapparut, une casquette vissée sur la tête.
— Sneazz y'a Alpha qu'est vénère parce que tu lui as toujours pas envoyé ton couplet pour UMLA.
— Oh putain j'me planque aux chiottes quand il arrive.
Petit à petit l'appartement se remplit, les verres également. Je n'avais qu'une chose en tête : Hakim.
Cela m'agaçait mais à chaque fois que la porte s'ouvrait, je guettais pour voir si ce n'était pas le barbu à casquette.
Lucie avait l'air de bien s'intégrer au groupe, elle parlait avec 2zer et Clémentine depuis une bonne demie heure tandis que j'écoutais distraitement Camille me raconter sa relation complexe avec un certain Ivan.
Soudain la porte s'ouvrit sur un grand brun aux cheveux longs et à la barbe épaisse.
Clémentine poussa un hurlement que ne couvrit pas la musique.
— DEEN !
Elle bondit sur le type, s'agrippant à son cou comme un enfant qui retrouve sa mère après l'école.
Cette fille était vraiment bizarre. Le gars avait l'air mal à l'aise, il lui frotta la tête doucement. Elle ne semblait pas vouloir le lâcher.
Ken les regardait avec un air étrange, il n'avait pas l'air jaloux, plutôt agacé.
Clem lâcha le gars, les yeux embués. J'aurais donné cher pour savoir ce que l'un et l'autre se murmuraient. Mais mon attention fut rapidement captée par autre chose.
Les deux frères Akrour venaient de faire leur apparition. Tous deux étaient vêtus de noir, du jean à la casquette. Je réussis malgré moi à leur trouver une certaine classe.
Ils se mélangèrent au groupe, je ne quittais pas Hakim des yeux, curieuse de voir sa réaction quand il constaterait ma présence.
Mais enfin ! Qu'est-ce qui me prenait ? Depuis quand les réactions des hommes m'importaient ? Depuis quand celles d'Hakim comptaient ?
Son regard rencontra le mien, il fronça les sourcils, mais son visage ne trahit pas même de la surprise. Il me fixa pendant quelques secondes puis détourna le regard vers Doums qui lui parlait.
C'est tout ? pensai-je, déçue par si peu de considération.
Durant la demie heure qui suivit, le rappeur ne m'adressa pas un coup d'œil, à croire que j'étais aussi transparente que mes yeux.
— C'est qui le mec que tu fixes depuis qu'il est rentré ? me souffla Lucie.
Et merde. Je devais passer pour une grosse malade mentale. Heureusement, j'avais un alibi de qualité supérieure.
— C'est celui qui m'a écrasée.
Lucie écarquilla les yeux.
— Il n'a pas l'air commode.
Je haussai les épaules. Pour moi, Hakim n'avait rien d'impressionnant.
Soudain la musique s'arrêta.
Tout le monde se tut rapidement et tourna le regard vers Ken et Clem qui s'étaient positionnés au milieu du salon.
J'avais déjà compris quand le rappeur prit la parole.
— Les mecs, elle a dit oui.
Clémentine brandit alors sa main gauche et je repérai une jolie pierre bleue à son annulaire.
J'en étais sûre.
Tout les gars poussèrent des cris de hyènes en chaleur. Tous, sauf deux. Hakim et celui sur lequel Clem avait sauté.
Tout s'éclaira pour moi, Hakim était au courant depuis belle lurette et n'éprouvait pas forcément le besoin de feindre la surprise. L'autre en revanche, n'était pas au courant, mais il était amoureux de Clémentine, il suffisait de voir son sourire faux et son regard douloureux lorsque ses yeux se posaient sur elle.
Après maintes questions et félicitations, Ken et Clem nous expliquèrent qu'ils avaient prévu de se marier un an plus tard, en mai 2019.
— Prems pour être témoin, hurla Sneazz.
— Les témoins seront prévenus en temps et en heure, répondit Clem.
— Oh Sneazz, gueula Alpha, Il est où ton couplet pour mon squeud ?
Mohammed disparut plus vite que son ombre.
Un peu plus tard, alors que la fête avait repris, je me réfugiais dans la cuisine. Ce n'était pas pratique d'avoir des béquilles en soirée. Lucie parlait avec Framal depuis plus d'une demie heure et Clem était très sollicitée.
Je venais à peine de me poser à la fenêtre pour respirer un peu d'air frais et débarrassé des vapeurs de cannabis, quand une voix grave retentit derrière moi.
— T'as envie de pillave ?
Pillave ?
Devant mon air incrédule, Hakim leva les yeux au ciel.
— Picoler.
Il tenait dans chacune de ses mains une bouteille de whisky et une autre de vodka.
Lentement, je hochai la tête, les yeux dans le vague.
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