Chapitre 12 « C'est un jeu d'ado ça »
J'observais le visage du Kabyle, il me lançait un regard plein de défi.
— J'ai déjà répondu à une question sale hmar, si tu veux jouer à ça, faut que je t'en pose une d'abord.
Je sentis Hakim se tendre légèrement. Et oui mon petit gars, c'était trop facile sinon.
— C'est un jeu d'ado ça. Et arrête de me traiter de hmar, ça va vite me gaver.
Je souris, ravie de voir qu'il se défilait.
— Oui. Et non, j'arrête pas, t'es un âne et c'est tout. Tu peux me lâcher les mains au moins ?
Le rappeur parut réfléchir.
— J'te lâche pas tu vas encore me griffer. Ok pour les questions. Mais y a pas de joker possible. Si tu réponds pas, tu peux plus en poser.
— Ok mais pas le droit de mentir. Soit on répond pas soit on dit la vérité.
Hakim hocha la tête.
— Jure, insistai-je.
— Wallah j'mentirai pas.
Parfait, je n'étais moi même pas forcément religieuse ayant deux origines très différentes, mais je savais que dans l'une ou l'autre des religions que je connaissais, mentir alors qu'on avait juré devant Dieu était un blasphème très grave.
— Toi aussi jure.
— Hakim, je peux jurer si tu veux mais je ne suis pas sure que ça ait autant d'importance que pour toi. De toutes façons j'ai pas d'intérêt à mentir, autant pas répondre.
— Jure, répéta-t-il.
— Ok je le jure.
Il sembla satisfait.
— C'est à moi de poser une question du coup, commençai-je, pourquoi tu restes chez moi à m'emmerder alors que tu me détestes ?
Il m'adressa de nouveau son mouvement de bouche vers le bas qui voulait tout et rien dire à la fois.
— Je sais pas, t'es une go chelou, ça m'intrigue. Savoir que je t'emmerde c'est plutôt cool.
— Tu trouves Clem bizarre pourtant t'es pas en train de la faire chier là.
Il me regarda comme si j'étais complètement débile.
— Clem c'est une fragile et c'est la go de mon kho.
— Pourquoi je suis bizarre ?
— Je sais pas, n'importe quelle meuf se serait mise à chialer à ta place, quand tu t'es pété le iep, mais pas toi. Tu trouves que les sentiments ça craint et j'suis d'accord.
Je me frottai le visage. Hakim était-il mon alter-égo masculin ? Comprenait-il à quel point, pour moi, tout ce qui était du domaine du sentiment était pure perte de temps ?
— J'peux poser ma question maintenant ? J'te lâche mais tu me griffes pas Namira.
Je tentais de me rappeler vaguement ce que signifiait ce mot en arabe mais cela ne me vint pas. Cependant je n'osais pas perdre la face et fit semblant de comprendre.
— Ok. Mais d'abord tu m'aides à ranger l'appart, y a du verre et du café partout.
J'essayais de retarder au maximum le moment de répondre à sa question, je savais que je devais passer par là pour lui en poser une nouvelle, et bizarrement il avait attisé ma curiosité lui aussi.
Hakim lâcha mes poignets et se redressa. Je me levai, et, à cloche-pied, rejoignis le placard à balais pour en sortir un et le tendre au rappeur.
— Tu t'occupes du verre, je me charge du café.
Il grogna mais acquiesça en saisissant le balais et je sautillai jusqu'à la cuisine.
— Comment tu fais pour être aussi à l'aise sur un pied ? bougonna-t-il.
Je lui adressai un regard méprisant, c'était mon métier d'être en équilibre en permanence. Il haussa encore les épaules, et replia sa bouche, conscient de la débilité de sa question.
Quand tout fut ramassé, il s'affala à nouveau dans le canapé et je le rejoignis.
J'étais vraiment surprise, sa présence ne m'était pas insupportable. J'avais envie de le tuer mais pas qu'il parte. Devenais-je complètement folle ?
— Hassoul, fit-il, Pourquoi y a qu'une tof de ta grand mère chez toi ?
Je soupirai, après tout, que pouvait-il faire contre moi avec cette information ?
— Parce que c'est la seule personne qui ait jamais vraiment compté pour moi. Elle m'a élevée.
Hakim m'adressa un regard pénétrant. Il y avait quelque chose qui ressemblait à de l'incrédulité dans son expression. Je sentais qu'il avait envie de poser d'autres questions, mais c'était à mon tour.
— Pourquoi t'as réagi comme ça quand je t'ai traité de fils de pute ?
Un partout, balle au centre.
Hakim tiqua, il n'avait visiblement aucune envie de parler de sa famille.
— Personne n'insulte ma daronne. C'est tout. C'est pas une pute, tu la traites pas de pute.
Pragmatique comme réponse, en même temps que pouvais-je demander de plus ?
— Tes parents sont morts ? demanda-t-il.
J'étais surprise par le manque de pudeur de sa question. Il ne cherchait pas à mettre les formes. Ça m'allait très bien comme ça.
— Non.
Hakim hocha la tête, c'était à mon tour.
— C'est ta mère qui t'a élevé ?
Je me demandais si sa réaction virulente concernant sa mère venait du fait qu'il avait été élevé uniquement par elle et qu'il lui vouait depuis, un culte invétéré.
Hakim fronça les sourcils, le visage fermé.
— Non.
— C'est qui alors ?
— C'est à mon tour.
Je soupirai, il éveillait ma curiosité et je détestais ça. Il avait l'air d'avoir comme moi, des origines et une cellule familiale complexe.
— Pourquoi c'est pas tes parents qui t'ont élevée s'ils sont pas morts ?
Je n'avais pas envie d'y répondre. Je secouai la tête lui indiquant que c'était hors de question.
— Dommage, dit-il, t'en sauras pas plus sur moi non plus.
Il se leva, chaussa ses Nikes et récupéra ses quelques affaires éparpillées autour de lui.
Hakim parut ensuite hésiter sur la conduite à tenir avant de partir. Je me levai tant bien que mal et sautillai jusqu'à la porte.
— Bon... bah...
Le rappeur me fixa un instant, il avait presque l'air gêné, ayant retrouvé sa mine bourrue.
— Oui ? demandai-je.
Je commençais à être un peu déboussolée par ses regards insistants, je comprenais qu'il essayait de me déchiffrer et cela m'inquiétait.
— Rien. Allez, salut.
Ok...
— Salut Hakim.
La porte se referma derrière lui et, malgré moi, je ne pus m'empêcher de ressentir une sorte de déception. Il était grand temps que je me remette les idées en place.
Aller danser, ça c'était un bon programme.
Je récupérai rapidement mes affaires, et béquilles en main, je descendis mes cinq étages.
Clem m'envoya un message dans l'après midi pour me confirmer que nous nous verrions le soir même. Elle me donna le nom d'un café et lorsque ma journée fut finie je l'y rejoignis.
Elle avait l'air fatiguée, effectivement ses joues étaient un peu plus creuses que la dernière fois que je l'avais vue et des cernes bleutés entouraient ses yeux.
— Je suis désolée, fis-je d'emblée en l'embrassant sur les deux joues, J'aurais dû prendre tes appels. Il fallait juste que je digère, mais je t'en veux pas Clem, ni à Ken au fond, c'est juste Hakim et le hasard...
Elle parut soulagée par mes mots. Puis un regard suspicieux vint remplacer sa mine rassurée.
— Dis donc, en parlant d'Hakim...
Aïe aïe aïe, cela sentait l'interrogatoire à plein nez. Je devais lui couper l'herbe sous les pieds.
— Oui, c'est lui que tu as entendu ce matin, il est venu hier à l'Opéra pour me dire que je devais t'appeler. On a bu un verre il a dormi sur mon canapé, il est parti. Fin de l'histoire.
Clem écarquilla les yeux, submergée par ces différentes informations.
— Attends quoi ? Haks est venu te voir ? Comme ça ? Il est resté chez toi toute la nuit ? Mais je comprends rien je croyais que vous vous détestiez...
Je haussai les épaules, oui c'était bizarre, mais j'avais passé une bonne soirée. Le fait de ne pas s'aimer rendait les choses plus faciles. Aucun des deux n'avait peur de blesser l'autre, on ne s'encombrait pas d'une politesse hypocrite et j'aimais bien ça.
— Oui on se déteste, mais j'avais envie de boire et lui aussi.
Clémentine avait l'air vraiment choquée par mes révélations. Elle ne me questionna pas plus, mais moi j'avais envie de le faire. Elle savait peut-être des choses sur Hakim qui pourraient orienter d'éventuelles futures questions.
— Il est bizarre Hakim, soufflai-je, J'ai un peu de mal à le cerner. On dirait qu'il cache plein de choses.
La jeune brune m'adressa un regard perspicace et pétillant.
— Vous êtes tous les deux comme ça. Mais si tu veux en apprendre plus sur lui, faut écouter les sons du S-Crew, Maya. Commence par Du Vécu.
Toujours ce rap...
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