Chapitre 15-2





Nous parvînmes enfin à la clairière ceinte par la falaise où nous avions trouvé la grotte, et je sus sans l'ombre d'un doute qu'il était là. Je comprenais mieux sa nouvelle confiance en mes capacités tout à coup ! Il savait que je capterais son odeur sans problème et que je suivrais instinctivement sa piste. Dans ce cas, pourquoi ne pas m'en avoir parlé hier ? Tout cela n'avait décidément aucun sens.

Je ne le voyais pas mais le sentais tout proche. Il me guettait sûrement sous sa forme animale, que j'ignorais toujours d'ailleurs. En même temps, il n'encourageait pas vraiment les confessions, ni les questions intimes. Même si j'avais osé la lui poser, il ne m'aurait certainement pas répondu !

Heureusement, l'inspecteur Worth prit mon immobilité pour de l'hésitation et crut que je m'étais de nouveau perdue.

— Alors, vous allez nous faire tourner en rond encore longtemps ? Pourquoi m'avoir amené jusqu'ici ? me demanda-t-il d'un ton méfiant, sa main dangereusement proche de son arme.

Il devait penser que je lui avais tendu un piège ! me dis-je, sentant le stress et la tension monter entre nous tandis que son regard revenait fréquemment se poser sur le coin de forêt où je supposais que se trouvait Jude. L'inspecteur me cachait-il quelque chose ? Discrètement, j'essayai de déterminer son « empreinte », mais je ne ressentis rien de spécial, à part l'odeur de son after-shave et celle qui n'appartenait qu'à lui, mais que je n'aurais su décrire avec précision.

— Non, c'est là, derrière ces plantes, m'empressai-je de lui dire pour apaiser ses craintes. Je me souviens avoir dû les écarter pour sortir.

Il me jeta un regard plus que sceptique et sortit son arme.

— Passez devant. Curieusement, je n'ai pas confiance.

Je ne dis rien, me contentai d'écarter les branches et d'entrer dans la cavité, avant de me déporter sur le côté pour le laisser passer. Je regardai machinalement vers le coin où nous avions découvert le corps de Martha, mais rien ne subsistait pouvant laisser supposer la présence d'un cadavre à cet endroit. Subitement, une vague d'inquiétude m'étreignit le cœur. Comme au ralenti, je pivotai d'un quart de tour et pris conscience de ce que mon cerveau avait compris dès l'instant où j'étais entrée.

Le corps de Martha était en alignement quasi parfait avec le seul espace dépourvu de végétation, en haut à gauche de l'entrée. La balle que je tenais dans la main sembla soudainement lourde et brûlante. C'était sûrement comme ça que Martha était morte. Une fois persuadée d'être en sécurité, elle avait dû se retransformer et c'est à cet instant précis que le tueur avait frappé, tirant une, voire plusieurs balles trafiquées, à l'aide d'une arme longue portée. Il n'avait plus eu qu'à attendre patiemment qu'elle se vide de son sang. Une fois morte, il était venu récupérer les balles pour ne pas qu'on les trouve, d'où les entailles sur le corps de Martha. Mon Dieu ! Ma prise de conscience fut si brutale que ma main se mit à trembler. Je lâchai alors la balle qui tomba sur la terre meuble sans faire un bruit.

Heureusement pour moi, car c'est à cet instant précis que Worth entra à son tour, une lampe torche à la main m'éblouissant brièvement lorsqu'il me braqua le faisceau dans les yeux. Il fallait que je bouge. S'il trouvait la balle pile à mes pieds, il risquait de se poser des questions. Je m'éloignai donc de l'entrée et le laissai s'avancer à l'intérieur.

— Comment avez-vous réussi à retrouver cet endroit ? me demanda l'inspecteur en éclairant les différents angles de la grotte.

— Au ton de votre voix, je vois que vous ne me faites toujours pas confiance, lui dis-je avec un petit sourire triste, assorti à mon état d'esprit.

— Vous, le feriez-vous à ma place ? m'interrogea-t-il en me fixant d'un regard dur, la lampe toujours braquée dans ma direction. Cet endroit est presque impossible à trouver et parfait pour une embuscade ou pour cacher un corps.

— Vous ne croyez pas si bien dire, lâchai-je sans réfléchir, toujours perturbée par ma découverte concernant les conséquences de la mort de Martha.

Je sus à l'instant où les mots franchirent mes lèvres que j'avais fait une énorme erreur.

— Qu'avez-vous dit ? souffla-t-il doucement d'un air incrédule tout en braquant calmement son arme dans ma direction, et ce, sans même faire tressaillir le pinceau lumineux de sa lampe.

— Non, mais calmez-vous ! dis-je en levant mes mains en signe d'apaisement. Je disais seulement ça dans le sens où c'est de là que je me suis enfuie, expliquai-je maladroitement. Je crois que j'ai de la chance d'être encore en vie.

En entendant ces mots sortir de ma bouche, je pris conscience que Cassie était sûrement déjà morte et que, quelque part au fond de moi, je le savais depuis longtemps. Je n'en avais seulement pas encore pris conscience... pas complètement en tout cas. Je ne sais si c'est la tristesse ou la résignation qu'il put voir passer dans mes yeux qui le convainquit, mais il baissa son arme.

— Nous allons retrouver votre amie, me dit-il avec perspicacité.

Comment avait-il pu deviner ce qui venait de me passer par la tête ? Sa voix, à la fois douce et pleine d'assurance, me rasséréna, car je savais qu'il ferait tout pour la retrouver, vivante ou non.

— Je vous fais confiance.

À mes mots, il se détendit et rangea son arme, avant de commencer à explorer la caverne plus en détails. Il commença du côté opposé où se trouvait la balle. Quand il parvint à l'endroit d'où partait le boyau, il émit un petit sifflement surpris.

— C'est par là que vous vous êtes échappée ?

Au ton de sa voix, je compris que ce n'était pas une question mais une affirmation. Il s'était accroupi et, la tête passée dans l'ouverture, était en train d'observer quelque chose avec attention. Je m'approchai précautionneusement de lui, et jetai un bref coup d'œil pour voir ce qui l'intéressait tellement, mais impossible avec lui devant.

Oh mon Dieu, ce passage était vraiment si petit que ça ! L'air me devint soudain aussi lourd que du plomb et je commençai à lutter pour respirer correctement. Avant que je ne puisse reculer vers l'entrée et sa faible luminosité rassurante, l'inspecteur Worth se dégagea et se retourna vers moi.

Il s'approcha tout en me clouant de son regard vert plein d'interrogation, et, avant que je n'aie pu anticiper son mouvement, laissa tomber sa lampe torche au sol et me saisit les deux poignets d'une poigne de fer. Doucement, il commença à faire remonter ma manche gauche jusqu'à mon coude et lâcha mes yeux pour examiner mon bras. Je le vis plisser les paupières, visiblement gêné par la faible luminosité. Avec précaution, il me saisit alors les deux poignets d'une seule main et se baissa en m'entraînant avec lui pour se saisir de cette maudite lampe torche.

Retrouvant tout à coup mes esprits, je tentai de me dégager et de me relever d'un seul mouvement mais ne réussis qu'à finir assise par terre, mes bras toujours prisonniers de sa main droite. Décidé, il dirigea enfin le faisceau sur mon bras et poussa un petit son étranglé.

— « C'est le droit qui a tout pris... » Hein ? me dit-il sur un ton à la fois interrogateur et résigné. Quand allez-vous enfin vous décider à me dire la vérité ?


Il me lâcha brusquement et s'éloigna de moi de quelques pas. Réussissant l'exploit d'avoir l'air furieux, blessé et perdu tout à la fois.

— Pouvez-vous m'expliquer comment des blessures, si graves et si nombreuses qu'elles vous ont fait perdre au moins un litre de sang, puissent déjà en être à ce stade de guérison en à peine trois jours ? Et surtout, comment pouvez-vous être encore en vie ?

Jebaissai le regard vers mes bras, puis vers le début du tunnel et vis ce quiavait attiré son regard. Des traces de sang et en grande quantité.Effectivement, c'était une bonne question à laquelle j'allais devoir trouverune réponse plausible, si je voulais me sortir de cette fâcheuse situation. 


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