Chapitre 40 (partie II)
Le silence tombe tandis que Benny hoche la tête avant de tourner les talons et rejoindre la petite foule qui commence à rentrer. Ethel soupire et se passe une main sur le visage.
— Je vais aller dormir. Calliste, est-ce que tu peux dire à Benny qu'il faut que vous soyez tous les deux dans la chambre qui me sert de bureau ? Il faut qu'on revoie le plan et qu'on s'assure qu'il n'y aura qu'un minimum de perte. Aksel, j'ai besoin que tu gagnes le plus de temps possible. Je sais que s'alimenter avec un sérum n'est pas l'idéal, mais j'aurai besoin que tu en fournisses assez pour les deux prochaines semaines. Il y a encore quelques rations dans le stock, mais seulement si on passe à un repas solide par jour, et encore. Felidae, tu lui donneras un coup de main, d'accord ?, lâche-t-elle avant de se diriger également vers l'intérieur, suivi de Calliste qui courre pour rattraper Benny.
La foule continue de se disperser tandis qu'Aksel et moi restons l'un à côté de l'autre, main dans la main, les regardant partir sans un mot. Les murmures se tarissent petit à petit, nous laissant bientôt dans le silence complet. Pourtant, aucun de nous deux ne semble vouloir partir. Je sais ce qui nous retient. Mais je ne sais pas comment l'aborder.
Alors je m'éloigne de quelques pas, lâchant sa main. Je m'aventure dehors, là où je sais que je ne pourrais bientôt plus aller, du moins pas avant deux semaines. Je touche mon bras droit, là où se trouve le petit fil qui m'alimente depuis une semaine pour les repas du midi et du soir.
Une invention d'Aksel, nous permettant de survivre sans trop attaquer le stock, au cas où nous ayons besoin de rester au QG pour un long moment.
Lâchant un énorme soupir, je me tourne vers ce qui était une forêt, observant le paysage une dernière fois. J'imagine les arbres et l'herbe qui s'y trouvaient avant que toi ne soit recouvert par les cendres. Un début de sourire naît sur mon visage à ces souvenirs.
— Felidae ?
La voix d'Aksel me ramène à la réalité. A nouveau, je soupire. « Cette conversation doit avoir lieu, quoi qu'il arrive », me souffle mon I.A.
— Je sais. Il faut qu'on parle, dis-je.
Je me tourne vers le jeune homme, qui regarde le sol, clairement gêné. Il passe une main sur sa nuque avant de relever les yeux vers moi.
— Ouais. Il faut.
Je hoche la tête, laissant le silence durer quelques minutes, avant de finalement me décider à le rompre :
— Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Enfin... Enfin si, mais pas vraiment ? J'étais super triste de te penser mort, juste après avoir discuté avec Ethel de... De tout ce qu'on s'est dit avant la soirée... Et puis d'un coup, tu n'étais plus mort, tu étais là et... j'ai agis ? C'était probablement très con, mais je ne sais pas... J'en avais envie. C'était... c'était naturel, tu vois ? Non, c'était normal. Tu es normal. Et j'ai envie de normal. Tu comprends ?
J'expire bruyamment après ma petite tirade, découvrant le sourire d'Aksel en face de moi. Il reste muet quelques secondes, hochant la tête tout doucement, les mains dans les poches.
— Bizarrement, oui, je comprends. Est-ce que ça me rend moins normal ? Parce que j'ai envie de voir ce que peux être la normalité. Avec toi. Si tu l'acceptes ?
Je ne peux me retenir d'éclater de rire face à cette demande si incongrue. Après m'être calmée, je me contente simplement se rompre l'espace qui nous sépare et poser mes lèvres sur les siennes. Le jeune homme répond aussitôt au baiser, croisant ses bras dans mon dos. Cette étreinte ne dure que quelques minutes, avant que je ne m'éloigne, commençant à réaliser à quel point je manque de sommeil.
Aksel éclate de rire en me voyant bailler, avant que je ne le fasse taire en le frappant gentiment dans le bras. Je finis par le suivre au -1 afin de trouver un lit de disponible parmi ceux qui restent et essayer de trouver le sommeil malgré toutes les révélations de la journée. Mon cœur s'alourdit lorsque je repense à Madigan et Adrien qui, heureusement je suppose, ont pu trouver la paix ensemble. Hillis a pu retrouver sa jumelle, sans nul doute.
Mais qu'en est-il d'Eloeiz ? A-t-elle retrouvé sa famille ? Je ne m'attarde pas à songer à d'autre chose, comme « qu'est-ce qui se trouve de l'autre côté, quand on meurt ? », sachant d'avance qu'aucune réponse ne me pourrait me satisfaire.
Et lorsque le sommeil me gagne, c'est le cœur lourd que je m'abandonne à Morphée. Les deux semaines de délai donné par Ethel passe vite. Cette fois, c'est avec Aksel que je les passe, ne voyant Ethel, Calliste ou Benny qu'en de rare occasion. Nos journées se déroulent à nouveau dans le Laboratoire, ce qui m'a rendu nerveuse les premiers temps.
Être de retour tout en bas, comme avant... C'était étrange. Le rythme n'est plus le même : Aksel travaille sur ses sérums d'alimentation, tandis que je m'occupe de faire la navette entre le Labo et le bureau de Sasha, avec Risu, à la demande du garçon. Selon lui, il est plus simple de reconstruire le code avec le petit écureuil, qui semble ravi d'aider.
Chaque soir, je passe devant la porte de la chambre d'Ethel, qui est aussi son bureau, espérant la voir émerger et m'annoncer que tout ira bien et que nous ne bougerons pas. Une partie de moi est tétanisée à l'idée de devoir quitter les murs rassurant du QG pour partir en guerre.
Une autre passe son temps à lire et relire chaque nom inscrit sur le mur d'entrée jusqu'à les retenir. Mais la porte ne s'ouvre pas, alors je me fais une raison. Et chaque nuit, je m'endors avec la boule au ventre d'être réveillée par une nouvelle explosion.
De découvrir de nouveaux cadavres au réveil. Alors je fais des insomnies. Je parle à ceux qui en font aussi. Je réveille et rassure ceux qui font des cauchemars, qui voient encore les horreurs qui ont suivies l'explosion.
Les membres arrachés. Les corps en lambeaux. Je les rassure sans y croire, moi-même hantée par ces mêmes images qui m'empêchent de dormir. Et pour parvenir à trouver le sommeil, je récite le nom de chaque disparu dans ma tête.
En deux semaines, il n'y a que trois nuits où j'ai réussi à réciter les trente-cinq noms. En général, le réveil est douloureux. Ma tête me fait mal, autour de moi les gens crient ou pleurent. Aujourd'hui, je crois entendre quelqu'un rire. Et je sens quelqu'un qui me tape dans les côtes.
— Enfin réveillée, ça fait dix minutes que j'essaye, peste une voix familière.
J'ouvre un œil et pose une main sur mon crâne, me tournant vers la source de la voix.
— Ethel ?
Cette dernière sourit et me fait « coucou » de la main.
— La seule et unique. Bon, tu te bouges ? Réunion dans mon « bureau » dans dix minutes, lâche-t-elle avant de s'éloigner.
Je grogne et signe rapidement une insulte pour éviter les regards de travers des Survivants qui passent dans le couloir.
— Outch, qui est le destinataire de ces vilaines paroles ?, demande Benny avec humour.
Je fronce les sourcils et signe « ça peut être toi si tu es venu m'annoncer la réunion dans dix minutes ». Le jeune homme lève les mains en signe de reddition et recule, partant en direction de la chambre-bureau d'Ethel.
Ce n'est qu'une fois disparu de ma vue que je l'entends rire. Cette fois, l'injure sort avant que je ne la contrôle et je sors de mon lit, passant une main dans mes cheveux. Je grimace en retirant ma main pleine d'un mélange subtil de sueur et de gras, avant de relever ma maigre masse capillaire en une tresse serrée.
Puis je paramètre mon bracelet sur « journée » et mon pyjama change de matière et de couleur pour devenir un pantalon noir et un haut kaki. J'enfile rapidement mes boots et attrape ma veste, seule vestige de l'époque pré-explosion avant de courir vers le bureau d'Ethel pour ne pas être en retard.
Je ne prends pas la peine de frapper et me contente simplement d'entrer, évitant le regard amusé de Benny pour venir prendre place face à Ethel, aux côtés de Calliste. Ce n'est que lorsque la porte se ferme que je remarque l'absence d'Aksel et surtout les regards graves du couple.
— Nous avons décidé d'un plan. Peu de perte, de petits effectifs, un plan solide, déclare Ethel.
Je hoche la tête, attendant la suite.
— Six iront dans la salle des ordinateurs, en bas de la tour, pour implanter le virus. Sasha car il est le seul à pouvoir paramétrer tout ça, Dys pour lui donner un coup de main. Léane, Aksel, Benny et moi seront les bras armés pour les protéger et ouvrir le passage. Calliste et les onze autres iront jusqu'à la côte pour trouver un moyen de quitter le continent. Les bateaux sont les moyens les plus simples à hacker. Une fois le virus implanté, il va falloir qu'on rejoigne la côte le plus rapidement possible. D'après Sasha, on aura environ six heures jusqu'au reboot complet des androïdes. Il en faut cinq pour arriver au port le plus proche, complète la jeune femme.
Je hoche la tête, inspirant longuement. Ethel n'a mentionné que dix-huit personnes.
— Et moi je sers d'appât en allant discuter avec R.O.B, je termine d'une petite voix.
Benny ferme les yeux et baisse la tête, confirmant mes dires. Ethel l'imite, tandis que Calliste pose une main sur mon épaule.
— Evans était un traitre et tout le monde ici et dehors l'admettent. Mais il avait raison sur un point : ce plan ne fonctionne pas si R.O.B est conscient de ce qui se trame. S'il n'est pas distrait, le plan n'a aucune chance. On est conscient de ce que l'on te demande, Felidae. Mais...
— Mais nous sommes en guerre et chacun doit faire sa part, pas vrai ?, je finis pour lui avec un soupçon d'humour.
Calliste détourne le regard, sa main retombant mollement le long de ses côtes.
— Je n'ai aucune envie de t'envoyer là-bas Fel'. Mais nous avons passé trois jours à chercher d'autres moyens et nous n'avons rien trouvé. On a plus le temps d'y réfléchir. S'il y avait un autre moyen..., commence Benny.
Je peux sentir la frustration dans sa voix.
— C'est logique, je déclare, attirant sur moi trois paires d'yeux interloqués.
Je hausse les épaules.
— C'est un plan solide avec un minimum de perte, je répète bêtement, ne sachant pas exactement quoi dire d'autre.
Ethel hoche la tête, tout comme Calliste et Benny. Le silence règne. Personne ne sait quoi ajouter. Tous me regardent et attendent. Attendent quoi ?
— Qu'est-ce qui a ? Vous voulez que je proteste ? Que je refuse le plan ? Que je vous dire que oui, je préfère rester ici, continuer de travailler au Laboratoire avec le garçon que j'aime, écouter les récits macabres des survivants de l'explosion, plutôt que d'aller prendre le thé avec un androïde psychopathe ? Ou vous voulez que je vous rassure en vous disant que c'est normal qu'en disant « minimum de perte » vous vouliez dire « Felidae » ?
Je ne sais pas vraiment pourquoi mon discours se voulant au départ humoristique s'est terminé avec moi pratiquement crachant mon venin sur les trois personnes autour de moi. Il semble cependant faire mouche, puisque tous les regards convergent vers le sol en un mouvement quasi-synchronisé.
— Ce n'est pas...
— Oui, je sais, ce n'est pas ce que vous vouliez dire, ce n'est pas ce que vous vouliez faire non plus. Mais de toute façon, c'est la guerre, vous ne me demandez pas vraiment mon avis. Vous m'informez juste des conséquences de votre décision. Soyez sympa, n'oubliez pas d'écrire mon nom sur le premier mur que vous croiserez en quittant Héliantia, je lâche avec plus de colère que je n'aurais voulu, avant de quitter la pièce en claquant la porte.
Je laisse mes jambes me guider, ressassant toutes les informations. Je ne sais pas vraiment ce qui m'a mis en colère. Le plan d'Evans m'avait paru dangereux, oui, mais pas insensé ! Alors pourquoi est-ce que celui d'Ethel, Calliste et Benny me blesse autant ?
« Tu sais pourquoi », souffle la petite voix dans ma tête. Je m'arrête net, laissant les larmes me gagner. Oui, je sais pourquoi. Parce que j'avais espoir. J'avais cet espoir un peu stupide et enfantin, de penser que mes amis sauraient trouver un plan qui ne me mettrait pas en danger. Qui me permettrait de redécouvrir le monde d'il y a dix ans.
Celui où les familles vivent en paix, où personne ne meurt sous les coups d'une bombe et où personne n'a peur de perdre les gens qu'ils aiment du jour au lendemain. Je devrais faire demi-tour. Je devrais aller m'excuser, leur dire pourquoi j'ai crié, pourquoi j'ai eu des mots aussi dur. Mais je n'y arrive pas.
J'entends simplement leurs voix qui me condamne et le bruit de mon cœur qui éclate. Je ne sais même pas où je suis, à quel étage ou même s'il y a des gens autour de moi. Je me contente juste d'ouvrir les vannes et laisser toute ma rage, ma déception, ma colère et mon naïf espoir sortir en gros sanglots, en me roulant en bouge sur le sol.
Salut les gens 💫
What's up ?
Mon bébé chat Felida-dou... 😭😭
Je lui inflige trop de bobos ❤️
Alors que je l'adore en vrai mon bébé !
Mais je suis obligée, pour l'histoire....
Qu'en pensez-vous ?
Que pensez-vous du plan ?
Du comportement de tout le monde ?
De la réaction de Felidae ?
Selon vous : excessive ou réaliste ?
Quelles idées auriez-vous eu à la place d'Ethel, Calliste et Benny ? 👀👀
Dites-moi tout, je lis tout, je réponds à tout ! 👀💫❤️🎄 Et même que si vous êtes sage, vous aurez un second chapitre cette semaine, spécialement pour Noël 👀🧡 [on va même peut-être réussir à finir Felidae en 2020 ? 😱]
Bonne soirée tout le monde 🧡❤️
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