Chapitre 39 (partie II)
Il confirme avec un mouvement de tête.
— Il est très heureux de savoir que tu vas bien également. Il a promis de remonter dès qu'il peut, mais il est pas mal occupé. Il cherche d'autres survivants au -2, il y a eu plusieurs effondrements successifs, on a plusieurs jeunes coincés, confie Ethel.
Je ne peux retirer un énième sanglot, de joie cette fois, en entendant que Benny est en vie. Certes, j'aurai aimé pouvoir en attester de mes yeux et le prendre dans mes bras, mais au moins, il est vivant. C'est un soulagement immense, même si mon cœur reste lourd. Parce qu'il y a une personne, sur nous cinq, qui manque encore à l'appel.
Une personne qui, je le sais, se trouvait dehors au moment de l'explosion. Une personne que ni Ethel, ni Calliste n'a encore mentionné, probablement parce qu'il est trop douloureux d'en parler. Quelque part, il me paraît étrange d'être aussi affectée, alors qu'Ethel et Calliste le connaissent depuis bien plus longtemps, mais vu les dernières révélations de son côté, comme du mien, ce n'est pas vraiment étonnant.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
La question de Calliste résonne sur les murs et transperce le silence qui s'était installé. Nous sommes trois, dans un hall désert, face à un champ de bataille aussi poétique que désolant. Une partie de moi continue de se demander s'il est toujours possible et même judicieux de continuer à résister, tandis que l'autre partie clame haut et fort que notre survie est déjà une résistance, en soi.
— Aujourd'hui, rien. Demain... Demain on verra, répond Ethel sur le même ton, avant de passer un bras sous mes épaules, posant sa tête sur l'une d'elles.
Je souris, acceptant cette réponse simple et évidente. Face à moi, le champ de cendres, qui sous mes yeux prend vie. Je revois les images de la veille, les regards insouciants, les rires, les chants, les cris, les verres levés, jetés, le feu de camp. Une vie simple, sans danger, sans peur. La vie que j'imaginais pour les plus jeunes du camp.
Qu'un jour, ils puissent entrer dans un cinéma sans qu'il explose, qu'ils puissent aller à l'école sans qu'une mine fasse sauter le bus, ou qu'ils puissent lire sans crainte de mourir le lendemain. Qu'un jour, ils retrouvent une civilisation telle que celle d'il y a dix ans, sans devoir apprendre à se servir d'une arme ou avoir le corps couverts de bleus.
— Tu te sens capable d'aider à chercher dans les décombres ?, me demande Ethel.
Je hoche la tête.
— Je n'ai rien d'autre de prévu boss, je réplique avec un sourire en coin.
Ethel lève les yeux au ciel et me pousse légèrement l'épaule, me faisant tituber vers l'arrière. Calliste et elle se dirigent vers les escaliers, tournant le dos au tapis blanc et noir dont je porte encore quelques traces. Je leur emboîte le pas, ne sachant pas exactement ce que je suis supposée ressentir. Toutes ces cendres me donnent à la fois envie de crier et de vomir, savoir Calliste et Benny vivants me rend joyeuse mais rend la perte d'Aksel encore plus difficile...
« Je peux prendre le relai le temps que tu digères toutes les informations », propose mon I.A, ce que je refuse d'un mouvement sec du menton. Hors de question d'avoir quelqu'un d'autre que moi-même aux manettes aujourd'hui, pas quand Ethel, Calliste et Benny compte sur moi pour aider. Je vais simplement devoir mettre toutes ces informations de côtés jusqu'à ce soir et prendre sur moi.
Il y a fort à parier qu'il y a beaucoup d'autres personnes qui font face à des situations similaires en ce moment. Dans les escaliers, je croise d'autres Survivants, le regard vide et hagard, qui dévisage chaque nouvel arrivant avec une lueur d'espoir qui s'éteint tout aussi rapidement. Moi-même, je cherche le visage de Benny, espérant le voir surgir à chaque nouvelle marche passée. Ou même, stupidement, celui d'Aksel.
Le silence a été remplacé par des bruits de pleurs, des murmures de réconfort que personne ne semble vraiment entendre et des cris de personnes encore coincées qui attendent de l'aide. Au -1, je croise également des corps jonchant le sol, retrouvés asphyxiés sous des décombres, ou avec des membres broyés ayant provoqué une hémorragie, entourés bien souvent d'autres personnes blessées qui n'ont déjà plus de larmes à pleurer.
Encore une longue descente jusqu'au -2, le niveau des Artistes et des Mécaniques. Le sol est jonché d'objets sans forme et de sang. Je me fige sur la dernière marche, incapable de savoir si je suis réellement prête à plonger là-dedans. Finalement, l'extérieur me paraît presque plus accueillant que cet endroit.
Les murs ont tenu, mais pas le reste, ou presque. Je ne reconnais aucune pièce, pas même le couloir central. Les quelques lumières qui ont tenues me permettent de distinguer des visages ensanglantés, des personnes auxquelles, parfois, il manque des membres. Je déglutis bruyamment et m'approche d'Ethel, collant au jeune couple et observant les alentours avec horreur. Je ne m'attendais pas à ça.
— J'ai entendu quelqu'un au fond !
La voix de Benny résonne malgré les cris et les pleurs qui m'encombrent les oreilles. Je tourne la tête vers lui et m'arrête net. Il est couvert de sang, portant à bout de bras un adolescent que je ne reconnais pas. Je ne saurais pas dire s'il lui manque un bras ou une jambe, ou même les deux.
Son visage est atrocement mutilé et je doute qu'il respire encore. Benny l'allonge dans le couloir, le visage sombre. Il se redresse et détourne le regard, pointant du doigt une direction à une autre personne venue en renfort, que je reconnais comme étant Calliste. Puis, Benny s'approche d'Ethel et lui dit quelque chose que je n'entends pas, avant de finalement lever les yeux vers moi.
Je ne sais pas lequel de nous deux à l'air le plus surpris de nous voir ici et vivant, mais c'est d'un accord quasi-commun que nous avançons l'un vers l'autre, jusqu'à se prendre dans nos bras. J'échappe un soupir tandis que Benny rit nerveusement et à voix basse.
On reste ainsi quelques minutes avant qu'il ne se redresse, me rappelant qu'il était couvert de sang et que mes vêtements le sont désormais. Benny fait une grimace mais n'ajoute rien, ce qui est probablement mieux.
— Contente de te voir debout, je chuchote sans trop savoir pourquoi.
Puis je me souviens qu'autour de moi se trouve des corps et des gens qui pleurent des disparus. Alors pas un sourire, pas de petite blague, juste un regard reconnaissant. Un regard qui dit « merci ». Merci d'être en vie.
— Content de ne pas t'avoir retrouvée à l'infirmerie, lâche finalement Benny.
Je hausse les sourcils, surprise. Etais-ce une blague ? Benny grimace de nouveau.
— Non, mais vraiment par contre. L'infirmerie s'est totalement écroulée, je ne saurais pas te dire pourquoi mais l'un des murs n'a pas tenu. S'il y avait eu quelqu'un dedans...
Je hoche la tête, le coupant avant qu'il ne parte dans des descriptions graphique de ce qui aurait pu arriver. J'ai déjà l'image en tête.
— Combien de survivants ?, je demande.
Benny soupire.
— A cet étage, quinze. Mais toutes les salles n'ont pas encore été fouillées.
Il hésite, fait une pause et se mord la lèvre, avant de finalement demander :
— Et là-haut ?
Je secoue la tête.
— Seulement des cendres, je termine.
Benny accuse le coup, s'assombrissant aussitôt.
— Tu as vu Aksel ?
Je ferme les yeux, sans répondre.
— Aux dernières nouvelles, personne ne l'a vu, admet Ethel, surgissant derrière moi.
J'inspire longuement, refusant de céder une nouvelle fois aux larmes alors que d'autres personnes ont besoin de nous. Benny fronce les sourcils et ouvre la bouche, avant d'être interrompu par Ethel :
— Benny, juste dit-nous où on peut aider, d'accord ?
Le jeune homme ne proteste pas.
— Calliste est dans la salle du fond, je pense qu'il reste encore deux salles à vérifier : une juste à droite et celle-ci, déclare-t-il en pointant du doigt la porte à sa gauche.
Ethel hoche la tête.
— Très bien, alors Feli' et moi on va à droite et tu te charges de celle-ci.
Benny reste pensif, puis la corrige :
— Ethel, tu vas rejoindre Calliste au fond, je pense qu'il aura besoin d'aide. Je vais me charge de la salle de droite.
Je claque des doigts, le cœur battant. Je dois me retenir de vomir en imaginant ce qui peut se trouver derrière les portes.
— Et je vais en face !
J'esquisse un mouvement vers ladite porte quand Benny m'attrape les épaules.
— Non, tu vas au cinquième. Il faut qu'on sache jusqu'où sont allés les dégâts et j'ai besoin que quelqu'un fasse de la reconnaissance tout en bas. Tu connais l'endroit mieux que quiconque, je pense que tu sauras gérer. Qui sait, peut-être que Risu a survécu, lâche le jeune homme en me poussant vers les escaliers.
Je me fige.
— Tu veux que je retourne au Labo ?
Ma voix est blanche, presque éteinte. J'ai probablement pâli, mais je ne peux pas vraiment m'en rendre compte.
— Feli', les débris ici sont énormes, tu ne parviendrais pas à les soulever. Il faut l'admettre, tu n'as pas assez de force pour ça. Je doute que le Labo ait subi autant de dommages, s'il y a des gens coincés, tu es probablement la seul à pouvoir les trouver et les atteindre ! Et encore une fois, ton super-robot a peut-être survécu l'explosion, ça serait assez utile pour nous qu'on remette la main dessus, tu ne crois pas ?
Je cligne des yeux, sans trop savoir quoi répondre. Bien sûr que retrouver Risu, qui est sans nul doute en sécurité et caché quelque part, est tentant. Mais retourner dans le Labo ? Maintenant ? Alors qu'il y a tant de personnes à aider ici ? Je suis d'accord avec Benny, je suis loin d'être la plus musclée du lot, mais j'ai tout de même deux bras ! Comment peut-il refuser de me laisser aider ? Même Ethel, restée à quelques pas de nous, le regarde bizarrement ! Elle finit par s'approcher :
— Malgré cette formulation extrêmement étrange de la part de Benny, il a raison. Si Risu est encore en vie, je préfère m'en assurer et qu'on le garde en sécurité. On a peut-être perdu le virus et seul ton écureuil a la formule. Et puisqu'il n'ose pas le dire... On a besoin de bras, c'est vrai, mais Felidae, tu es à deux doigts de vomir et tu n'es même pas entrée dans la pièce. Ton cerveau est plus utile au -5.
Je finis par accepter et lève les bras en signe de reddition. Je recule jusqu'à heurter un mur et pose mon pied sur la première marche, direction le Labo. J'inspire fortement et sans trop savoir pourquoi, je me mets à courir. Je dévale les marches, sans m'arrêter, incapable de regarder autre chose que la marche suivante.
Je ne veux pas entendre les cris, les pleurs, voir le sang et les larmes, donner de l'espoir à chaque nouveau visage croisé sur ma route. Je veux juste arriver dans le Laboratoire, fermer la porte et y rester jusqu'à ce que je me sente capable d'affronter la réalité. Je ne me sens pas capable de quoi que ce soit d'autre.
L'envie de vomir diminue au fil de la descente, mais l'odeur du sang me reste sur l'estomac. Les images de corps mutilés ne parviennent pas à quitter mon cerveau. Et la sensation poisseuse de mes vêtements n'aide en rien.
Je ralentis la cadence quand la lumière diminue, réalisant que plus je descends, moins les lumières fonctionnent, jusqu'à me retrouver dans le noir total une fois au -5. Face à moi, la porte du Laboratoire est ouverte. J'avance, passe le pas de la porte et la lumière s'allume. Je retiens mon souffle.
A l'intérieur, tout est intact. C'est étrange. C'est comme si j'étais revenue en arrière, avant l'explosion. Tout est rangé, à sa place. Seuls quelques bouts de verre brisés sur le sol attestent de la violence de l'explosion, mais rien de plus.
L'endroit est douloureusement familier et je ne m'y attarde pas, longeant les tables en métal pour aller au fond de la pièce. Seuls les bruits de mes pas résonnent dans la pièce, ainsi qu'un faible chuintement.
Il s'agit en réalité d'un bruit de métal qui m'accueille lorsque j'arrive à proximité de la cage de Risu et j'y découvre le petit animal, limant ses barreaux à l'aide de sa queue métallique. En me voyant, il arrête net et sautille sur place, avant de sauter directement dans ma main pour réclamer des caresses dès que la cage s'ouvre.
Je renifle, passant une main sur le pelage de la créature. Je pose Risu sur une étagère et signe : « Je suis bien contente de te voir en un morceau ». Il bouge ses petites pattes avant, signant un bref « moi aussi » et je ne sais pas pourquoi ça me fait rire. Bien vite, le rire tourne aux larmes et je plaque une main sur ma bouche pour ne pas craquer.
Risu saute sur mon épaule et colle sa petite tête près de la mienne, poussant régulièrement contre ma joue, m'apportant tout le réconfort qu'il est capable de donner. Je renifle sans aucune élégance et me retiens de sécher mes larmes avec ma manche pleine de sang à la dernière seconde.
— Il y a quelqu'un ?
Je me fige, redresse la tête et ma respiration se bloque, tandis que Risu se réfugie d'un bond dans sa cage, surpris. Mon cœur ne sait plus où donner de la tête, hésitant entre s'emballer ou s'arrêter net. Je serre les poings pour me donner du courage et avance vers l'entrée du Labo, où je peux clairement entendre des bruits de pas venir dans ma direction.
— J'ai vu la lumière, est-ce que tout va bien ?
Encore des bruits de pas mais je n'ose pas ouvrir la bouche, de peur que tout ceci ne soit qu'un rêve. Jusqu'à ce que...
— Felidae ?
Je ne peux retenir mon petit hoquet de stupeur en voyant ses yeux bleus fixés sur moi. Il a l'air tout aussi choqué que moi de le voir en vie, dans le Laboratoire. Je cligne des yeux, vissée sur place, incapable de fixer autre chose que les multiples coupures plus ou moins profondes sur ses joues ou son œil au beurre noir.
Il est là. Il est vraiment là. Blessé, mais vivant. D'elle-même, ma main vient se coller sur ma bouche tandis que j'expire un petit rire bref. La mort m'avait tendue les bras, et je les avais à chaque fois repoussés parce que je sentais que j'avais encore des choses à accomplir, que je devais encore me battre, encore quelques heures, quelques jours.
Depuis mon arrivée ici, ou presque, je me suis concentrée sur mes souvenirs, mon rôle dans tout ça et comment je pouvais aider. Ethel avait raison au final : il est temps que je me concentre un peu sur moi. Je passais à côté de ma vie depuis si longtemps... Il n'y a désormais plus une minute à perdre.
Je dois vivre à fond, en accepter les conséquences et ne plus rien en avoir à faire parce que de toute façon, demain, tout peut s'arrêter. Alors je courre et ne m'arrête qu'en sentant son torse contre le mien, ses bras dans mon dos et mes lèvres contre les siennes.
Salut les petits !
Ca va mieux ?
Vous êtes contents ?
Les cinq héros sont en vie ! Youhou !
Mais alors, combien de morts ? Et qui ? Des pronostics ?
Bon, en vrai, les cinq s'en sont sortis, mais alors bonjour les séquelles mentales de 1. Et de 2, j'ai jamais dit qu'ils s'en étaient tous sortis indemne physiquement, mais j'y reviendrai. (pour ceux qui attaquaient le manque de réalisme). ANYWAY.
Qu'avez-vous pensé du chapitre ?
Benny savait-il qu'Aksel était vivant ?
Qui est mort ?
Combien de Survivants restent-ils ?
FAKSEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEELLLLLLLLLLLLLLLL ! [pardon].
Dites-moi tout, je lis tout, je veux TOUT savoir même si vous dites juste ce que vous avez mangé à midi. Sur ce, à mardi prochain les chouchous !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top