Chapitre 35 (partie II)

Je baisse ma main et ma tête en même temps, laissant le fou-rire me gagner. Visiblement, la remarque d'Ethel fait mouche puisqu'en moins de dix secondes, tout le monde s'est mis à rire, sous le regard impassible de l'animal.

Ce dernier tenait fermement un petit bout de métal entre ses pattes, remuant son museau afin de mieux analyser ce qui, pour lui, ressemblait à un bout de sa queue. Après cinq bonnes minutes, nous nous sommes tous à peu près calmé –si j'en crois les regards furtifs d'Aksel, il semblait à deux doigts de repartir- et notre attention fut à nouveau happée par le petit animal révolutionnaire qui se tenait devant nous.

Ethel et Calliste ont tenu à toucher la créature, semblant fasciné par la texture du poil, tandis que Benny continuait son analyse visuelle de Risu, sans oser faire un pas de plus dans sa direction. Après cela, tout s'est enchaîné si rapidement que le soir venu, je me suis pratiquement évanouie avant d'atteindre mon lit. Je me souviens simplement qu'Aksel a dû me porter pour m'amener jusqu'à mon matelas.

A la suite de sa blague, Ethel a demandé à ce que nous commencions les tests, qui consistaient donc en plusieurs étapes. D'abord, voir si le robot faisait en effet la différence entre un humain et un androïde grâce à une séquence en réalité virtuelle codée spécialement pour lui, où nous le mettions face à plusieurs assaillants armés qu'il devait analyser. 

Le test durait quarante minutes, il nous en a fallu sept pour nous rendre compte qu'il savait non seulement faire la distinction, mais qu'en plus il était conscient d'être dans une simulation et en jouait. 

Après cela, Calliste a testé la résistance de ses pattes et de sa queue en tirant dessus. Aksel a dû accepter de se faire broyer la main tant j'étais nerveuse à l'idée que Risu prenne une balle perdue. 

Puis, le dernier test fut effectué sur une sorte de reconstitution de corps humain à l'aide de pièce de métal et de tissu retrouvé par les Trieurs, le tout assemblé et construit par Benny. Risu mit exactement quinze secondes à sauter au niveau de sa gorge pour la lui trancher avec sa queue. Un record qui m'a autant terrifiée qu'émerveillée. 

La seule chose que nous n'avons pu tester fut sa capacité à pirater des systèmes informatiques, Ethel ne tenant pas vraiment à ce que l'on teste avec le nôtre. « En cas de problème, je ne tiens pas à ce que les androïdes nous tombent dessus », a-t-elle avancé comme argument, mettant fin à la discussion. Selon elle, c'est une capacité qu'il nous faudra tester sur le terrain.

Et pas plus de trois mois après ces tests, le 17 Février 3020, Ethel annonça au reste des Survivants que nous avions de quoi aller libérer d'autres adolescents, de quoi « riposter contre l'oppresseur » selon ses propres termes. Dans les yeux de certains, je pouvais lire de la détermination, de la colère même. 

Des gens comme Adrien, qui n'attendaient que ça depuis le retour de leurs souvenirs ou leur arrivée ici. Pour d'autres, je ne voyais que la peur et le doute, comme pour Eloeiz, qui ne semblait clairement pas accepter de risquer la vie de certaines personnes pour en sauver d'autres. 

Ou Madigan, qui suite à cette annonce se ferma complètement, passant du joyeux boute-en-train à une sorte d'automate, répétant à chaque réunion avec Ethel qu'il était stupide de se lancer dans une telle entreprise alors que nous n'avions pas les moyens de traiter les plaies par balle ou de quoi sauver les patients du K.T.A. 

Malgré cette réticence de la part de notre médecin, Ethel continuait d'organiser les « missions sauvetages » avec Calliste, Madigan, Aksel et moi, jusqu'à ce que la jeune docteure finisse par accepter et donner ses propres consignes de sécurité. 

Suite à cela, tous les détails furent consignés et les entraînements aux tirs commencèrent pour tous ceux qui souhaitent aider et qui seraient capable de le faire rapidement. Une fois que nous avions recensé pas moins de trente Survivants capable de commencer les raids, Ethel arrêta les entraînements et annonça les premiers départs.

A cinq heures trente-deux, le matin du 25 Mai 3020, nous étions donc trente réunis dans le grand hangar désaffecté dans lequel se trouve normalement les Armuriers. Tous habillés de tenues spécialement conçues pour l'occasion, si je puis dire. 

Entièrement vêtus de couleurs sombres, allant du marron au noir afin de nous fondre dans le décor et ne pas être repérés par les drones qui survolent de temps à autre les abords de la forêt. 

Je me sens un peu à l'étroit dans mon pantalon et mon sweat sans capuche noir, mais je peux également sentir le pelage chaud de Risu, roulé en boule dans la poche ventrale et cela suffit à me rassurer. Malgré l'heure, je ne me sens absolument pas fatiguée, le stress et la panique me donnant des nœuds à l'estomac depuis trois jours. 

Je baisse les yeux, vérifiant que mes baskets sont suffisamment serrées, que je ne risque pas de les perdre. Un réflexe tout à fait idiot puisqu'elles se sont adaptées à la taille de mes pieds et leur programme les a serré au maximum. J'expire fortement, tout comme mon voisin de gauche, un petit blond que je n'avais encore jamais croisé. 

Son regard est empli de détermination, même si je peux voir briller une lueur de peur au fond de ses prunelles. A ma droite, Aksel scanne la foule qui nous entoure pour se divertir et éviter de penser que dans quelques minutes, notre groupe devra prendre la direction Sud-Est afin d'aller libérer le deuxième plus petit hôpital d'Héliantia.

Les groupes sont composés de cinq ou six Survivants à chaque fois, afin de perdre le plus petit effectif possible si les missions tournent mal. Une décision prise par Ethel qui a été lourdement critiquée par le reste de l'équipe, soit moi, Madigan et Aksel. 

Calliste et Benny sont restés très silencieux lors de cette prise de décision, surtout Benny. Mais finalement, nous nous sommes tous accordés pour dire que c'était la décision la plus logique au vu de notre situation. Notre propre groupe de cinq se retrouve divisé. D'un côté, Calliste, Ethel et Benny, de l'autre, moi, Aksel et Risu. 

Un autre groupe est mené par Adrien, également, malgré les réticences de sa sœur à ce sujet. Je ne connais pas le nom des autres chefs de groupe, trop focalisée sur Risu et mon propre apprentissage au tir pour faire ami-ami avec eux. Tout ce que je sais, c'est qu'Ethel les a choisis pour leurs sang-froid et leur capacité à prendre des décisions difficiles en cas de besoin. 

Et ça me suffit. J'inspire une nouvelle fois plus longuement, sentant Risu commencer à bouger dans sa cachette. Aksel prend ma main et la serre doucement, me faisant sourire. Je croise son regard et hoche lentement de la tête, le remerciement en silence. 

Lorsqu'Ethel agite le bras, signifiant notre départ, je dois me retenir de ne pas rendre le contenu de mon estomac sur le sol. Les groupes se mettent en route, chacun commençant à suivre la direction qu'on leur a donnée. Les quatre autres membres de mon escouade s'arrêtent à la lisière de la forêt, nous attendant de pieds fermes, tandis qu'Ethel m'arrête pas le bras, le regard dur.

— Rendez-vous ici à dix-huit heures maximum. Soyez présent, souffle la jeune femme et malgré son ton impératif, je sens sa voix trembler à la fin de sa phrase.

Son regard est presque suppliant et je viens poser ma main sur la sienne, hochant la tête d'un coup sec, sentant mon cou craquer. La jeune femme fait de même et nos chemins se séparent pour la journée. 

Dans mon dos, Calliste et Aksel s'échangent une accolade rapide avant de s'éloigner également. Le jeune asiatique m'adresse un sourire hésitant et une main sur l'épaule avant de s'éloigner, tandis que je m'avance pour prendre Benny dans mes bras. 

Ce dernier me serre, assez fort pour que Risu proteste d'un coup de patte, ce qui nous fait rire. Lorsque je recule, j'observe que ses yeux sont tout aussi humides que les miens. Le jeune homme inspire et pointe son arme du doigt :

— Dix-huit heures. T'as intérêt à être indemne, je n'en peux plus de te retrouver à l'infirmerie, plaisante-t-il.

Apposant deux doigts à plat contre ma tempe, je salue le jeune homme avant de me détourner et rejoindre les cinq silhouettes m'attendant près des arbres. A côté d'Aksel se trouve Jule et Hillis, deux jumelles de vingt-trois ans. 

Blondes, l'une aux yeux verts, l'autre aux yeux bruns, elles ont la même carrure imposante qu'Ethel. Ce sont des tireuses redoutables, capable d'abattre des cibles à plusieurs mètres de distance. Le dernier membre de l'escouade est Flint, un jeune homme de dix-neuf ans, arrivé un an après moi et désireux de prendre sa revanche. 

Motivé, silencieux et calculateur, c'est le seul sur lequel je compte garder un œil vigilant, parce qu'il serait capable de dévier de la mission dans le seul but de se battre contre les androïdes. Or, les instructions d'Ethel sont claires : on engage seulement si nous sommes repérés, mais le but est d'être assez discret pour faire le moins de dégâts possibles.

— Les patients devraient être dans la cantine, ce qui nous permettra d'en libérer le plus possible au moment où il a le moins de sécurité. En effet, les androïdes-infirmières sont dans les étages pour préparer les injections et dans la cantine, il n'y a que les gardes, soit environ sept androïdes lourdement armés. Nous sommes censés griller leurs circuits, ce qui nous donnera assez de temps avant leur reboot pour briser une des baies-vitrées et faire sortir un maximum d'adolescents. Est-ce que c'est clair pour tout le monde ?, déclare Aksel, me sortant de mes pensées.

Mes trois comparses hochent la tête, l'air grave. De mon côté, mon regard croise celui d'Aksel et nous ajustons en même temps nos armes, resserrant la bandoulière autour de nos épaules avant que tout le groupe ne s'enfonce dans la forêt en silence. 

Le trajet est long, ponctué par de simples directives d'Aksel de temps à autre. Nous sommes à l'affût du moindre bruit de moteur ou de pas, le cœur battant la chamade. Dans la poche de mon sweat, je peux sentir Risu s'étirer et se remettre en boule régulièrement, absolument pas gêné par mon rythme de marche. 

Le temps de sortir de la forêt, il est proche de huit heures du matin. Suite à cela, nous marchons dans une étendue à peine plus en fleurs que celle que j'avais pu observer avec Benny l'année précédente. Juste des arbres un peu plus garni, avec quelques feuilles vertes bougeant au gré du vent et un tapis fin d'herbe verte qui craquent sous mes pieds. 

Il n'y a que peu d'endroits pour se mettre à couvert, mais heureusement, nous ne semblons pas en avoir besoin. Pas un seul androïde n'est croisé sur le chemin. Ni même un drone. Aux fils des heures, le visage d'Aksel se durcit et s'assombrit, me faisant comprendre que ce n'est pas normal.

Lorsque nous atteignons l'hôpital à dix heures, la tension dans le groupe est au plus haut. Ce n'est qu'à ce moment-là que je laisse Risu sortir sous les regards inexpressifs du reste du groupe. Le petit écureuil se faufile à l'intérieur, en direction des câbles électriques. 

Nous attendons pratiquement une heure à l'extérieur jusqu'à ce que les lumières s'éteignent, nous faisant comprendre que la voie est libre. Alors qu'Aksel et Flint se chargent d'ouvrir la baie vitrée, ce qui est simplifiée vu qu'elle est désormais hors tension, Risu retrouve le chemin de l'extérieur et coure jusqu'à ma main ouverte pour retourner dans ma poche. 

Tous les cinq, nous entrons dans la cantine remplie, dans laquelle les sept androïdes, clairement surpris, ne tiennent pas plus d'une vingtaine de minutes. Il nous faut tout de même sept charges électriques pour les désactiver. 

Cela crée tout de même un mouvement de panique et il nous faut une bonne dizaine de minutes pour convaincre les adolescents de nous suivre. De précieuses minutes pendant lesquelles les jumelles s'assurent que les androïdes restent désactivé et qu'aucune infirmière ne pénètre dans la pièce.

Malheureusement, les charges ne semblent pas aussi efficaces que prévues et ils effectuent leur reboot en moins de cinq minutes. J'entends Jule hurler quelque chose avant d'entendre une déflagration terrible qui me fait tomber au sol, les yeux grands ouverts. 

Avec horreur, je vois les robots armés commencer à tirer dans le tas de jeunes que nous nous efforçons de guider dehors. Les corps tombent, les cris fusent et les coups de feu également tandis que je reste paralysée face à cet enchaînement terrible. Risu saute hors de mon sweat et file vers l'androïde le plus proche, détachant sa tête en quelques secondes, nous faisant gagner de précieuses secondes. 

Mon I.A prend le contrôle et je suis de nouveau debout en une fraction de seconde, visant les autres avec mon arme, envoyant plusieurs décharges sur le même jusqu'à ce que je le vois tomber. 

J'entends Aksel ordonner le repli et mes jambes fonctionnent avant mon cerveau. Je me mets à courir au milieu d'autres jeunes, le souffle court, refusant d'enregistrer les cris et les corps qui s'écroulent autour de moi jusqu'à ce que je me sente happée par le bras d'Aksel. La respiration saccadée, je lève mes yeux baignés de larmes vers le jeune homme, dont le visage est déformé par la colère. Je baisse alors le regard pour lire l'heure. Quatorze heure vingt.

Derrière Aksel, Flint soutient Hillis, qui a une main ensanglantée posée sur son épaule. La jeune femme regarde fermement le sol. Autour d'eux, je compte seulement sept adolescents silencieux, tremblant de peur mais n'osant pas échanger le moindre mot. Leurs yeux observent la nature autour d'eux, puis se posent sur nous et aussitôt se détournent. Du coin de l'œil, je vois Aksel arriver à la même conclusion que moi. 

Tout ça pour ça ? Si nous retournions là-bas, combien de corps compterions-nous sur le sol ? Combien de morts ? Combien de blessés ? Combien d'adolescents avons-nous laissé entre les mains des androïdes ? En y songeant, je sens mes sourcils se froncer et tourne la tête derrière moi, observant la direction d'où nous venons. Je n'entends pas un bruit. Pas un drone qui survole notre position, pas un seul androïde lancé derrière nous. 

Ils ne se donnent même pas la peine de nous courir après. Et je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose. A côté de moi, j'entends Aksel jurer entre ses dents et je pose une main sur son bras pour le rassurer. C'est à ce moment-là que Risu me saute sur le bras, remuant son petit museau dans ma direction. 

Sa queue est recouverte d'un liquide violacé qui me tord l'estomac et je suis obligée de me tourner à l'opposé du groupe pour rendre mon dernier repas sur le sol pendant que Risu se faufile dans ma poche ventrale. Je me fais violence pour ne pas fondre en larmes à cet instant précis et m'essuie la bouche d'un geste rageur.

Je sens la main d'Aksel trouver la mienne. Nous nous serrons les mains au même moment pour se donner du courage. Nos yeux se trouvent et je devine sans peine la colère et la tristesse qui luisent dans ses prunelles. 

Finalement, il lève le bras et indique au groupe de le suivre, prenant le chemin de la caserne. Les cinq heures de marche retour se font dans un silence pesant tandis que les images du raid passent en boucle dans ma tête. Je peux revoir les premiers corps tomber, les yeux grands ouverts de ces adolescents, la peur et l'incompréhension dans leurs regards. 

J'entends encore le bruit atroce de cette détonation provenant des armes des androïdes. Je peux pratiquement sentir la déflagration me frapper, me couper la respiration et me faire chuter. Je revois le sang joncher le sol, venir colorer mes mains, mon visage, mes vêtements, sans savoir s'il s'agit du mien ou celui des personnes qui m'entouraient. 

Je peux encore revoir le regard vide et mécanique des androïdes qui tiraient dans le tas, sans se soucier du nombre de victime. Et les questions affluent. Pourquoi les IEM n'ont pas durés aussi longtemps que prévu ? Comment les androïdes ont-ils pu rebooter aussi rapidement ? Pourquoi ne pas se lancer à notre poursuite ? 

Comment n'ont-ils pas détecté notre présence avant de nous voir ? Souhaitaient-ils nous laisser entrer, pour mieux nous éliminer ? Pensaient-ils réellement que nous allions rester terrer jusqu'à la mort ? Mon cycle ininterrompu de questions s'arrête net lorsque je distingue plusieurs silhouettes au loin, près d'un hangar désaffecté. Nous sommes arrivés. Je vérifie l'heure : dix-huit heures quarante-cinq.

Pourtant, lorsque nous parvenons à la hauteur d'Ethel et Calliste, qui attendent assis devant le hall, je comprends en un coup d'œil que nos trois quart d'heures de retard n'ont aucune importance.

Salut les Courginettes !
Comment ça va ?
C'est bien la merde non ? 👀
Au moins, Risu est vivant xD
Pour ceux qui voulait une image :

Que me racontez-nous ?
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Comment va réagir Ethel ?
Combien de gens sont morts ?
Comment vont réagir les androïdes ?
Hm...

Dites-moi tout, je lis tout !
Sur ce, à mardi prochain les petiots !
Courage pour votre semaine 🧡

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top