Chapitre 35 (partie I)

Le temps de trouver la formule idéale pour fabriquer la « peau » recouvrant le squelette métallique de Risu, ainsi que de perfectionner lesdits os, deux mois et demi se sont écoulés. Pendant ce temps, Aksel a pu terminer de nombreuses versions du sérum utilisé lors de la Cure, permettant aux Survivants de recouvrir la mémoire plus rapidement. 

Ethel et Calliste sont parvenus à estimer les distances nous séparant des hôpitaux les plus proches et combien d'androïdes environ s'y trouvent. Benny, quant à lui, a finalement trouvé sa place parmi le groupe et commence à laisser ses affreux souvenirs, quoi qu'ils contiennent, derrière lui. 

Hier, je l'ai même vu se rapprocher d'une autre fille de son groupe de travail, qui semblait vouloir connaître le jeune homme un petit peu plus intimement. Je soupire et ouvre les yeux, cinq minutes avant que le réveil mural ne sonne, comme tous les matins. 

Face à moi, allongé et profondément endormi, se trouve Aksel, qui porte fièrement la marque de l'oreiller sur la joue. Je laisse échapper un gloussement et attrape ma serviette et mes vêtements, filant vers les douches avant que tout l'étage ne se lève. 

L'avantage d'y aller tôt, c'est que je ne croise personne. Je parviens à revenir au moment où le réveil se déclenche, à sept-heure et demi, assistant alors au grognement guttural d'Aksel quand il comprend ce que ce bruit signifie. Je lâche ma serviette mouillée sur son visage, ce qui le force à se redresser afin de me la relancer. Je l'attrape avec facilité, lâchant cette fois un rire un petit peu plus sonore.

— Debout marmotte, aujourd'hui est un grand jour, je déclare, passant une main furtive dans ses cheveux.

Le jeune homme grogne, cherche vainement ma main sur son crâne pour la chasser et replonge nez en premier dans son oreiller, sans oublier de m'adresser un brave doigt d'honneur sur le chemin. Je me contente simplement de hausser un sourcil et jeter un œil vers l'horloge, avant d'entendre un juron provenir de la masse recouverte par les couvertures. La seconde suivante, lesdits draps s'envolent et Aksel fait son apparition, l'œil vif et alerte, la trace de l'oreiller toujours présente. Il se plante devant moi, plongeant ses yeux azurs dans les miens.

— C'est aujourd'hui qu'on présente Risu au groupe, non ?, demande le jeune homme.

Un simple sourire de confirmation de ma part et le voilà parti en direction des douches, non sans que je sois obligée de sortir dans le couloir pour lui lancer sa serviette, qu'il laisse toujours traîner à côté de son lit. 

Claquant la porte dans mon dos, je m'allonge sur mon lit défait, le regard au plafond, un petit sourire aux lèvres. Après un an de travail, Risu est fin prêt à commencer les tests et je n'ai aucun doute sur les résultats. 

Certes, je sais d'avance qu'il y aura probablement encore des choses à rectifier, des algorithmes à changer et probablement des améliorations à effectuer aux fils du temps, mais je sais que Risu est opérationnel. 

Mon sourire se fige quelques secondes, réalisant que cette certitude signifie également qu'une fois Ethel et Calliste au courant, nous devrons probablement débuter les premières missions de sauvetages, et donc annoncer aux restes des Survivants que nous passons à l'offensive. 

Et je ne sais quoi penser de tout ça. Jusqu'ici, la construction de Risu me permettait de bloquer cette information dans une partie de mon cerveau, mais maintenant... Il n'y a plus d'échappatoire et je vais devoir sérieusement y songer. 

Mais pas aujourd'hui. A cet instant, Aksel débarque dans la chambre, les cheveux encore trempés, rapidement habillé, le souffle court. J'étouffe un début de fou-rire en me redressant, faisant désormais face à mon partenaire.

— On est en retard ?, demande le jeune homme en passant une main dans ses mèches gorgées d'eau, avant de faire la grimace.

Une nouvelle fois, mon regard dérive sur l'horloge, qui indique désormais sept-heure quarante-cinq. Notre rendez-vous avec Ethel, Calliste et Benny est fixé à huit-heure et demi dans le Laboratoire, ce qui nous laisse quarante-cinq minutes pour petit-déjeuner. 

Je secoue négativement la tête, ce qui semble soulager le jeune homme. Aksel se laisse choir sur son matelas, attrapant au passage une paire de chaussette subtilement glissée sous lit la veille, puis enfilant ses chaussures. Je l'imite, réalisant à cet instant que c'était la seule chose que je n'avais pas encore effectuée. 

Une fois prêts, nous quittons notre chambre en direction de la cantine, deux étages plus bas. Le trajet s'effectue majoritairement dans le silence, Aksel étant trop peu réveillé et moi trop anxieuse pour aligner deux phrases cohérentes ou lâcher une petite blague pour détendre l'atmosphère. 

Il n'y a que nos pas qui résonnent dans les couloirs vides, qui me paraissent d'un coup sombre et effrayant. Je me rapproche inconsciemment d'Aksel, frissonnant suite à cette pensée.Ce n'est qu'une fois assis, notre plateau contenant une miche de pain, un verre d'eau et quelques baies plutôt acides posé devant nous qu'Aksel semble réellement sortir de sa torpeur pour m'adresser un sourire et une pression appliquée sur mon bras.

— Tout va bien se passer, Ris' est prêt, souffle-t-il entre deux bouchées de pain.

Ses yeux sont plongés dans les miens tandis qu'il me sourit, se voulant probablement rassurant. Je pose ma main sur la sienne, effectuant à mon tour une petite pression réconfortante, un début de sourire naissant sur mes lèvres.

— Je ne suis pas inquiète pour Risu. Je ne peux simplement pas m'empêcher de penser à ce qu'une réussite signifie, je réponds, baissant les yeux, prétendant admirer le plateau.

L'expression d'Aksel devient aussitôt plus grave et fermée qu'il y a quelques minutes et il hoche la tête en réponse, devinant ce que je n'ose avouer à haute voix, même dans une cantine pratiquement dépeuplée. 

Entremêlant mes doigts aux siens, je me contente simplement de lui adresser un bref hochement de tête et un petit sourire timide avant d'attraper mon bout de pain d'une main et croquer dedans. J'entends Aksel glousser et je manque de m'étouffer suite à ma bouchée, le fusillant du regard. 

Après une dernière petite pression, il lâche ma main et m'encourage à manger, afin, selon lui « de pouvoir tenir la journée ». Il ne semble pas penser qu'Ethel puisse nous laisser prendre une pause pour le déjeuner. 

Plus les semaines passaient, plus la jeune femme devenait nerveuse, s'attendant à ce que le petit robot résolve tous nos problèmes, probablement. Je n'ose imaginer sa réaction si elle découvre la moindre faiblesse de construction sur le robot lors des tests... 

Finalement, je suis peut-être un peu inquiète pour Risu, je me laisse penser en ramenant mon plateau terminé vers les cuisines pour qu'il soit nettoyé. Je n'ai cependant pas le temps d'y songer plus longtemps, Aksel m'entraînant vers le laboratoire. Nous finissions par y arriver à huit heures vingt-trois. Deux petits « bips » se font entendre et j'attrape mon collier, comme une sorte de protection.

La lumière s'allume lorsque nous entrons et je me dirige immédiatement vers la petite cage qui se situe au fond du laboratoire et dans laquelle Risu semble paisiblement dormir. Roulé en boule de cette manière, il pourrait presque passer pour un véritable écureuil, si ce n'est sa patte arrière et sa queue entièrement métallique. 

Selon Aksel, ça le rend « plus effrayant », même si j'ai du mal à voir ce qui est aussi terrifiant à propos d'une boule de poils de cette taille, surtout quand on la voit dormir. Comme s'il avait senti ma présence, je vois ses deux yeux s'ouvrir et sa tête bouge lentement dans ma direction. 

Je souris et lève une main, comme pour saluer l'animal, bien que je sois parfaitement conscience que ses capteurs ne font qu'analyser chacun de mes traits pour s'assurer qu'il s'agisse bien de moi.

Après quelques secondes, l'animal se lève et s'approche, me laissant passer une main sur sa tête tout en remuant les oreilles. Son petit museau se met également à bouger tandis qu'il survole ma main, s'assurant que ce soit bien la même odeur qu'hier. 

Satisfait, l'écureuil s'assoit dans sa cage et observe ses alentours. Ses petites pattes remuent dans le vide, comme s'il cherchait à communiquer. Malheureusement, la seule chose que nous n'avons pas réussi à entièrement recréer est un synthétiseur vocal qui lui aurait permis de s'exprimer avec des cris. Risu est muet. Je peux presque sentir l'ironie de la situation se moquer de moi.

— Comment se porte notre nouveau colocataire ?

Les yeux toujours rivés sur Risu, qui a désormais tourné la tête vers le nouvel arrivant, je souris pensivement. Comme il l'a fait pour moi, je peux voir l'écureuil analyser le visage d'Aksel pour s'assurer qu'il s'agisse bien de lui.

— Jusqu'ici, il est tout à fait opérationnel, je réponds après quelques secondes, levant les yeux vers Aksel.

Ce dernier hoche la tête et émet une moue impressionnée lorsque Risu vient poser sa petite patte sur sa main, après avoir reconnu le jeune homme. Une nouvelle fois, le museau de l'animal remue et il finit par hocher la tête, nous surprenant tous les deux. 

Une surprise de courte durée, l'animal retournant aussitôt au fond de sa cage pour s'y rouler en boule, sa queue métallique cachant ses yeux. Au même moment, la porte du Laboratoire s'ouvre et la voix grave d'Ethel s'élève dans la pièce, nous demandant expressément de bien vouloir « sortir de notre trou à rat, ou plutôt à écureuil » afin de commencer les festivités. 

J'échange un regard angoissé avec Aksel, qui se contente de me prendre la main et hocher la tête tout en inspirant fortement, me laissant comprendre qu'il ressent exactement la même nervosité. Finalement, nous rejoignons les autres dans l'entrée. Calliste nous salue, tout sourire et je remarque qu'il semble à bout de souffle, revenant probablement d'un tour de garde. 

Benny se contente de lever une main pour nous saluer, mais ses yeux trahissent son manque de sommeil. Ethel, quant à elle, est déjà en train de vérifier mes dessins et calculs notés sur ma tablette, encore allumée sur ma table de travail. Je peux voir à ses froncements de sourcils intempestifs qu'elle n'y comprend pas grand-chose, en tout cas pour les calculs. Je souris et viens délicatement lui retirer la tablette des mains, éteignant l'engin.

— Bonjour à toi aussi, je souffle, la faisant sourire.

La jeune femme lève alors les yeux au ciel et roule des épaules avant de venir croiser ses bras sur son torse et s'exclamer :

— Ouais ouais, bonjour à vous deux. Où est le petit prodige ?

J'entends Calliste étouffer un rire tandis qu'Aksel, qui se trouve à côté de lui, a plaqué sur son visage son fameux rictus moqueur. Seul Benny fronce les sourcils, ne sachant comment interpréter la remarque de la jeune femme. C'est à mon tour de lever les yeux au ciel sans pour autant retenir le sourire de fierté qui éclot sur mes lèvres.

— Il dort. Je vais le chercher, je réplique.

Laissant le petit groupe seul quelques instants, je retourne au fond de la pièce pour aller récupérer Risu, en espérant de tout cœur qu'il se soit à nouveau réveillé. Je sais que techniquement, il ne dort pas, mais il a tout de même besoin d'un certain nombre d'heures de repos pour être au maximum de ses capacités. 

Et par « au repos », j'entends totalement éteint, sans aucun mouvement de sa part. Ce qui est, de manière très surprenante, très difficile à coder sur un robot. Sans surprise, l'écureuil m'accueille avec deux yeux grands ouverts et un mouvement frénétique du museau. Il a senti les nouveaux arrivants, ce qui a probablement dû réveiller tous ses programmes. Il cherche à analyser leurs odeurs d'ici, avant de pouvoir voir leurs visages.

Avec le sourire, j'entrouvre la cage et tend une main, laissant la petite créature grimper sur mon avant-bras, puis mon épaule. Il ferme les yeux une demi-seconde et pose sa petite tête contre ma joue, avant de planter ses griffes métalliques dans le haut de ma blouse de travail –heureusement renforcée-, analysant à nouveau son environnement. 

Je reprends le chemin de l'entrée, le petit animal tranquillement assis sur mon épaule. De temps à autre, je m'arrête pour qu'il puisse renifler un bécher ou un tube à essai, souriant en le voyant faire une grimace. Puis, enfin, j'arrive dans l'entrée où le petit groupe est assis à même le sol, discutant de tout et de rien, dos à moi. 

Comme s'il avait senti notre présence, Aksel tourne la tête vers moi, sourire aux lèvres, ce qui stop immédiatement la conversation. Une bouffée de nervosité m'envahit en voyant tous les regards converger dans ma direction. 

Risu, lui, paraît plus submergé d'odeurs et de visages à analyser, tournant lentement la tête de droite à gauche, jusqu'à ce que je sente ses griffes se rétracter. Je tends une nouvelle fois le bras, laissant l'animal venir se placer sur la table à côté de moi, ce qu'il fait aussitôt. Une fois arrivé sur la nouvelle surface, il s'amuse à faire crisser sa queue sur la surface de la table, ce qui semble faire rire Ethel.

— Il est vraiment réussi, au niveau physique. J'aime beaucoup l'idée de lui laisser des parties métalliques, ça le rend vraiment plus dangereux, commente la jeune femme.

A côté d'elle, Aksel m'adresse un clin d'œil et je lève les yeux au ciel. Je ne vois vraiment pas ce qui rend le métal terrifiant.

— Il reste relativement adorable, pour un robot capable de tuer, souligne Calliste en réponse, me permettant d'offrir à Aksel un sourire légèrement forcé, pour appuyer son propos.

C'est au tour du jeune homme de rouler des yeux, avant de reporter son attention sur l'écureuil. Benny reste silencieux, observant la créature avec un mélange de fascination et de peur. C'est le seul qui reste en retrait quand tout le monde s'avance plus près de la table afin de pouvoir l'observer. 

Je sais qu'il ne voit en Risu qu'une autre machine, un autre robot capable de se retourner contre nous. Encore une création qui pourrait mal tourner et faire du mal aux personnes qui se trouvent dans cette pièce. J'ai eu ces craintes également, au départ. L'idée de créer un nouveau robot ne m'enchantait guère. 

Je voulais simplement refaire un écureuil pour commémorer la mémoire de mon frère, pas pour en faire une machine de guerre. Mais maintenant qu'il est là, terminé... Je ne peux m'empêcher d'y voir de l'espoir. 

Un signe que les robots ne sont pas fondamentalement mauvais, qu'il n'y ait pas eu de problème dans leurs codages, mais que c'est peut-être autre chose qui les a poussés à se rebeller contre nous. Il me suffit simplement de trouver cette erreur et de ne pas la reproduire. Et normalement... Tout ira bien.

— Comment il fonctionne ?, finit par demander le jeune homme, laissant sa curiosité prendre le pas sur sa peur.

Je souris, laissant mon regard se poser une nouvelle fois sur l'animal.

— En termes simples, il est capable d'analyser n'importe quel visage et odeur, ce qui lui permet de faire la distinction entre humains et androïdes. Sa queue est assez fine pour qu'il puisse être rapide, discret et se faufiler partout, mais également assez solide pour qu'il puisse trancher n'importe quoi avec. Os compris. Et ne le laisse pas te mordre non plus, il pourrait t'arracher le bras avec. Ses griffes sont également tranchantes et assez souples pour qu'il puisse aussi crocheter des serrures et se brancher à n'importe quelle source électronique, comme un ordinateur par exemple. Et son cerveau peut accueillir énormément de datas mais ne peut pas les traiter, donc il peut pirater un ordinateur mais ça sera à nous de les décharger pour pouvoir les lire, j'explique, passant deux doigts sur le crâne de l'animal, qui ferme ses yeux pour apprécier le contact.

Benny ne répond pas, observant une nouvelle fois la créature, même s'il m'adresse tout de même un petit sourire rempli de fierté. J'entends Ethel souffler du nez face à moi.

— C'est donc un robot mi-tueur d'androïdes, mi-clé USB ?

Rare image de moi écrivant cette punchline de fin.

Comment ça va les petites courginettes et courgineaux ?
Je vous ai manqué depuis mardi dernier ? 
RISU EST FINI, IL EST BEAU ET CUTE ! 
Vous en pensez quoi ? 

Sinon, quoi de neuf ?
Qu'avez-vous pensé de cette partie ?
Trouvez-vous le récit trop long ?
Avez-vous hâte de connaître le dénouement ?
Pensez-vous que l'histoire se finira bien ou mal ?

Sur ce, gros bisous à tous ! 
On se retrouve mardi prochain pour la dernière partie de ce chapitre...
See you soon !

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