Chapitre 33 (partie II)

Sans réfléchir, j'enserre Benny dans mes bras, faisant de mon mieux pour réussir à encercler tout son corps de mes petits bras, ma tête posée contre son torse –je suis toujours un peu trop petite pour atteindre son épaule-.

Le jeune homme accepte le câlin et vient fermer ses bras dans mon dos, sans pour autant fondre en larmes comme j'ai pu le faire précédemment. Mon cœur semble être compressée par une barre de métal mais je ne saurais dire si c'est la culpabilité que je ressens face à ces aveux alors que je cache moi-même un énorme « secret » ou le fait de voir Benny au bord des larmes, à deux doigts de craquer.

Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il a pu vivre par le passé pour le mettre dans cet état et l'empêcher d'accepter complètement ledit passé. Je ferme les yeux, inspirant longuement jusqu'à ce que je sente le moment se terminer. Alors je fais un pas en arrière et laisse le jeune homme reprendre ses esprits.

Il est désormais pensif et presque inatteignable, son regard fixant le vide avec une intensité quasi-terrifiante. Un frisson me parcourt mais je n'ose essayer de le sortir de sa torpeur, ne sachant pas comment le jeune homme pourrait réagir.

— Merci, Fel. Tu seras la première au courant, je te le promets, murmure le jeune homme sans me regarder, presque comme s'il parlait à quelqu'un d'autre.

Je signe « de rien » pratiquement dans le vide puisque le jeune homme ne me voit toujours pas. Mon cœur se serre un petit peu plus en voyant son état et je ne peux m'empêcher de me demander s'il n'aurait pas été mieux qu'il ne se souvienne de rien. Quelque part, c'est ma faute s'il est ici. Certes, il voulait déjà s'enfuir avant de me rencontrer, mais j'ai précipité le départ...

Et s'il était resté plus longtemps à l'hôpital, est-ce qu'il aurait été plus prêt, mentalement, à retrouver ses souvenirs ? Finalement, je me mets à maudire la Cure et son principe, furieuse de voir qu'elle m'avait retiré un ami et qu'il ne reviendrait jamais complètement.

Furieuse contre Madigan, qui a elle-même décidé de nous séparer alors que si j'étais restée avec lui, peut-être qu'il irait mieux, peut-être qu'il ne serait pas resté aussi longtemps en Cure. Furieuse contre Ethel qui m'a prise en grippe dès le départ, créant tous les problèmes à la base.

Furieuse contre moi-même d'avoir à tout prix voulu prouver ma bonne foi plutôt que de chercher à faire ce qui est mieux pour Benny. Mes pensées sont interrompues lorsque la porte de la pièce s'ouvre à la volée, dévoilant une jeune médecin aux cernes assez conséquentes.

— Bon, Benny, tu es chargé de tenir ton copain à l'écart de tout objet semblant trop lourd pour lui, j'en ai assez de lui poser des pansements toutes les semaines. Et Felidae, tu reviens d'asseoir ici, je n'en avais pas fini avec toi, déclare Madigan en entrant dans la pièce sans lever les yeux vers nous, ce qui semble réveiller Benny d'un coup sec.

Madigan, finalement, se décide à relever la tête et m'adresse un petit sourire, pointant de la tête la chaise que j'avais quitté en voyant Benny, avant de se replonger dans la commode qui se trouve à l'autre bout de la pièce, dans laquelle se trouve le matériel médical.

Le jeune homme me sourit avant de me pousser d'une main vers le fauteuil au centre de la pièce, avec une familiarité qui me déconcerte. C'est presque comme s'il ne venait pas de passer trois minutes dans le silence complet à observer le mur, en fait. Je lui rends son sourire tel une automate, ce dont il ne semble pas –et heureusement- prendre conscience. Il se tourne alors vers Madigan, qui nous tourne toujours le dos.

— Mad', ça te dérange si je reste ? On a encore pas mal de trucs à se dire avec Felidae. La séparation fut plutôt longue après tout, lâche le jeune homme sans se départir de son sourire.

La jeune femme se retourne et nous observe avec un sourcil levé, posant des questions silencieuses avec ses yeux que je ne parviens pas à saisir.

— Tout va bien vous deux ? demande la jeune femme.

Benny semble surpris par la question.

— Bien sûr, tout va super bien ! Je viens de retrouver Felidae, après presque un an sans de voir, je suis ravi ! Au contraire, c'était beaucoup moins gênant que ce que j'imaginais, lâche le jeune homme avec un sourire.

Je cligne des yeux. Moins gênant ? Vraiment ? Suis-je la seule à ne pas savoir comment me comporter alors ? Suis-je la seule à ressentir le malaise présent dans la pièce ? Face à moi, Madigan ouvre de grands yeux, souffle et vient de pincer le nez d'une main tandis que l'autre vient soutenir son front qu'elle laisse tomber à grand bruit. Je l'observe sans comprendre, avant de la voir reprendre un visage plus neutre et calme. Elle fixe Benny comme si de rien était, avec un sourire.

— Tu m'en voies ravie. Et sinon, pas de problème pour moi, je suis contente que vous vous soyez retrouvé tous les deux, souffle la jeune femme avec sa joie quasi-constante, avant de froncer les sourcils dans ma direction et je comprends enfin qu'elle avait perçu le malaise dans la pièce.

Je me contente de retourner m'asseoir sur le fauteuil, clairement déstabilisée par les réactions de tout le monde tandis que Benny prend place à côté de moi, comme il le faisait à notre arrivé ici. Satisfaite, Madigan attrape une petite machine en forme de triangle et vient la placer sur l'arrête de mon nez, me faisant signe de ne pas bouger.

Je lève mon pouce vers le haut, ce qui fait rire la jeune femme, tandis que Benny semble être reparti dans sa transe car il ne réagit que lorsque Madigan lui assène un coup de coude dans les côtes. Le jeune homme proteste de vive voix, ce qui nous fait toutes les deux éclater d'un rire complice.

Finalement, Madigan retire la petite machine et je me rends compte que je ne sens plus le poids du sang séché qui se trouvait dans mes narines. Je ne connaissais pas cette machine pourtant. Je suppose que je n'ai jamais vraiment lu de manuel de médecine auparavant. Lorsque la jeune femme me laisse enfin me relever, elle procède à d'autres petits tests pour s'assurer que tout va bien, avant de finalement m'autoriser à quitter les lieux.

— Et Felidae, on est d'accord, je ne veux pas te revoir avant un long moment, d'accord ? Je t'ai suffisamment vue pour l'année, je pense, plaisante la jeune femme.

Je souffle du nez et acquiesce, sous le regard visiblement étonné de Benny. Je me faufile hors de la pièce avant que Madigan ne commence à poser des questions sur nos retrouvailles, qui me forceraient à admettre que c'était tout de même un peu gênant.

Chose que le jeune homme ne semble pas vouloir s'avouer ou en tout cas, il n'a rien remarqué. Le problème viendrait-il donc de moi ? Après tout, après des années à vivre enfermée chez moi, sans contact avec les autres... Il est possible que je ne sache pas comment me comporter en société, après tout.

Fermant la porte derrière moi, je prends un instant dans le couloir pour fermer les yeux et reprendre le contrôle sur les battements de mon cœur. Je m'adosse au mur à l'extérieur, inspirant lentement, essayant de trouver quoi dire à Madigan, ou Benny, si l'un d'eux venait à passer la porte. J'étais tellement heureuse de revoir Benny...

Mais je ne m'attendais pas à cela. J'aurai dû me douter qu'il serait différent, après tout ce qu'il a vécu seul... Tous les moments de douleur et de souffrance, et je n'étais pas là pour l'épauler. J'aurai dû, peut-être, trouver un moyen. Forcer Madigan à me laisser le voir.

Demander plus fréquemment de ses nouvelles. Parce que si lui a avoué avoir arrêté d'en demander après un petit moment... J'ai pratiquement arrêté quand Aksel et moi sommes devenus amis. Quand j'ai compris que si Benny ne revenait pas, j'avais quelqu'un d'autre pour m'épauler. Quand j'ai accepté de grandir et continuer mon chemin sans Benny, sans le grand frère protecteur que j'avais jusqu'ici toujours eu.

Et c'est la pire des réalisations. Parce qu'au final, si j'ai trouvé cela gênant, ce n'est pas uniquement parce que Benny avait changé. Tous ces mois à devoir trouver ma place au sein de cette société, à devoir accepter que mes souvenirs ne reviendraient jamais, ou devoir accepter ceux qui sont revenus...

L'Intelligence Artificielle, la fille que j'étais dans mes souvenirs, revivre la perte de mes parents, de mon frère, devoir affronter Ethel et son regard qui m'analyse à chaque fois... J'ai changé. J'ai grandi, j'ai également mûri –ou du moins je l'espère- et j'ai pris conscience de qui je voulais être. Et je ne sais pas si Benny continuera d'être amie avec la personne que je suis devenue.

S'il voudra toujours l'être quand il comprendra l'étendue du changement. Ou si à ses yeux, je deviendrais une menace ou pire, une semi-androïde, à cause de ce que j'ai dans le crâne. Je laisse échapper un sanglot étouffé, sentant mes genoux sur le point de céder. Je ne peux pas me permettre de m'effondrer ici, pas quand il peut sortir de l'infirmerie à tout moment.

— Felidae ?

La voix de Benny coupe court à mes terribles pensées et j'inspire longuement, essayant de chasser le tremblement de ma voix ou la faiblesse de mes genoux. J'expire d'un seul coup, essayant de chasser toutes pensées de mon esprit afin de ne pas laisser Benny voir à quel point je suis chamboulée.

Je ne veux pas répondre à ses questions, parce que je finirais par craquer et tout avouer. Et donc, la finalité, c'est que j'aurai gâché nos retrouvailles. Et je ne veux pas lui faire ça. Je me tourne donc vers la source de la voix, y trouvant Benny, tout sourire, avec une petite boîte de pansement dans les mains. Je focalise mon regard dessus afin d'essayer de contenir toutes les émotions qui me submergent et j'entends Benny rire, ce qui me fait tressaillir.

— Madigan a dit qu'elle préférait que je gère les prochaines blessures de Samuel parce qu'elle en a assez de le voir à l'infirmerie en permanence. C'est un des jeunes qui a changé de métier récemment et il a toujours tendance à vouloir manier des instruments trop lourds pour lui, pour essayer de se faire respecter par les autres. En un certain sens, il me rappelle tes débuts à l'hôpital. Mais rien de bien grave jusqu'ici et heureusement, je pense que ça rendrait Madigan folle, avoue le jeune homme.

Je souris en retour, soulagée qu'il n'ait pas sentie ma détresse. Un petit « bip » m'indique qu'il est bientôt l'heure du dîner et je ne peux m'empêcher d'être remplie de joie à l'idée de retrouver Aksel, Ethel et Calliste dans quelques minutes. Je baisse les yeux vers mon pendentif qui émet des petites vibrations, quelque chose que j'ai appris par Ethel, signifiant que l'heure d'un repas est proche.

J'ai probablement une demi-heure avant de devoir pointer à la cantine pour dîner. Prenant alors conscience que Benny attend clairement une réponse ou en tout cas, que je lui dise quelque chose, je relève les yeux vers lui et souris. Après tout, c'est lui qui a parlé pendant une bonne partie de l'après-midi, il serait logique que ça soit moi qui termine ces retrouvailles... Si possible sans être trop cynique.

« Au vu de tes pensées actuelles, tu as environ 83% de chance de lui dire quelque chose de cynique », souffle mon Intelligence Artificielle, me faisant tressaillir. Je ne pensais pas qu'elle puisse encore me parler sans mon accord au préalable, mais il faut croire qu'elle n'écoute que ce qui l'arrange.

— Benny ?

Je m'arrête net, réalisant qu'encore une fois, j'ai parlé avant d'avoir la moindre idée de ce que je vais bien pouvoir lui dire. Le jeune homme me sourit, m'encourageant à continuer. J'inspire une nouvelle fois.

— Ça te dirait de dîner avec moi et l'équipe ? Je dois passer au Labo' pour finir quelque chose avant, mais on se donne rendez-vous à vingt heures devant la porte de la cantine ?

Le jeune homme me sourit une nouvelle fois de toutes ces dents, acceptant sur-le-champ mon invitation. Définitivement soulagée, je lui rends son sourire et nous nous faisons un énième câlin avant de se séparer, pour mieux se retrouver dans quelques minutes.

Je prends le chemin du laboratoire avec le cœur plus léger, débarrassée de toutes pensées morose au sujet de Benny ou de moi. Après tout, il ne tient qu'à moi de continuer à nourrir notre amitié si je ne veux pas la voir mourir.

Et nous avons vécu trop de choses pour que Benny se mette à me détester. Ce n'est pas une petite Intelligence Artificielle qui va venir mettre un terme dans mon amitié avec Benny.

SALUT LES PETIOTS !!!
COMMENT ÇA VA ?
Trop d'énergie là.

#TeamBennidae ? Yup.
(C'est le nom du ship ?).
Selon vous, Benny saura-t-il la vérité ?
Si oui, comment ?
Dites-moi tout !

Sur ce, bisous de Courginettes 💜🧡🌈

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