Chapitre 26 (partie II)
Nous restons en silence quelques instants pendant lesquels je m'interroge sur la signification de « n'avoir aucun moyen de tester quelque chose ». Sur quoi les teste-t-il en général ? Directement sur des humains ? Dans ce cas, que se passe-t-il s'il rate, si le produit final ne marche pas, s'il y a des effets imprévus ?
Je suis sûre qu'il y a un moyen plus sûr de le tester avant d'introduire n'importe quel sérum dans un corps humain ! Finalement, Aksel finit par me donner quelques directives sur ce qui doit être rangé et à quel endroit, avant de se mettre à travailler sur des choses que, selon lui, je « ne comprendrais pas », car « trop scientifique ».
Il passe sa matinée à manipuler des poudres, des liquides, des instruments en métaux que je n'avais jamais vus, sans un regard vers moi, sauf pour me guider sur les espaces de rangement. Le silence est interrompu par des bruits de sifflement, venant d'une casserole qui chauffe et qui laisse s'échapper une épaisse fumée verte.
Aksel se précipite pour l'éteindre et je retourne ranger la pile de petits verres à la forme étrange dans les étagères qui leur sont destinées. Je le surprends également parfois me jeter de petits coups d'œil rapide avant de noter quelque chose dans un petit carnet qu'il semble emmener partout.
Je quitte le LABO à l'heure du déjeuner sans qu'il ne s'en rende compte pour monter à la cantine, où je retrouve brièvement Madigan sur le pas de la porte. J'en profite pour lui demander des nouvelles de Benny et malheureusement, la réponse est toujours la même que la veille : « pas de visite, état instable ».
Je cache ma déception et la laisse s'éclipser, allant plutôt me chercher un petit bout de pain et une bouteille d'eau. La queue de personne devant moi est longue, mais je suis trop occupée à pense à Benny, puis au Labo, que je ne vois pas le temps passer.
Comme l'ont fait les personnes avant moi, je montre ma chaine à ce que je devine être le « cuisiner » et demande ce que je souhaite manger. Je reste silencieuse un petit moment, regardant ce qui se trouve sur les étagères et désigne un morceau de pain et une bouteille d'eau.
Pensant alors à Aksel, trop occupé à manipuler des produits dangereux pour remonter déjeuner et finis par prendre une deuxième ration avant de retourner au Labo pour manger dans le calme, offrant le déjeuner supplémentaire à Aksel, qui le prend avec le sourire. Il s'octroie alors une pause, m'emmenant dans le fond du laboratoire pour manger sur une table « saine » et propre.
Cela finit par devenir une habitude. Chaque jour, j'arrive en avance, incapable de faire des nuits complètes dans ma chambre, dans laquelle je suis toujours aussi seule, malgré le temps qui passe.
Aksel arrive à l'heure, toujours avec un petit sourire ou directement une petite blague pour « bien commencer la journée », on entre dans le Labo et on travaille majoritairement en silence, sauf lorsque le jeune homme veut absolument me parler de sa dernière création ou de ses trouvailles apportées par les Trieurs.
Je vais chercher le déjeuner, demande des nouvelles de Benny à Madigan quand j'arrive à la croiser et j'entends toujours la même réponse, avec le même sourire désolé de la part de la jeune femme.
Alors je retourne auprès d'Aksel et on termine nos journées autour de dix-neuf heures vingt-cinq, avant de remonter dîner à la cantine pour se séparer à l'étage des dortoirs. Ce n'est qu'après une semaine de conversation unilatérale qu'Aksel finit par me demander si j'ai un moyen de communication et on commence alors à avoir de véritable conversation.
Parfois, c'est juste une anecdote entendue à la cantine, parfois ce sont de véritables leçons de science de la part du jeune homme. Petit à petit, le Labo se range jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien par terre, ce que le jeune homme semble apprécier plus qu'il ne le montre. Et comme mon travail est donc officiellement terminé, Aksel décide de m'apprendre à devenir une « laborantine », quoi que ce mot veuille dire.
Après cinq semaines, je finis par arriver en même temps qu'Aksel, le croisant même parfois dans les couloirs du dortoir, ou dans ceux qui reviennent des douches.
Je sais me servir et nommer tous les objets qui se trouvent dans le laboratoire, que ce soit les béchers en métal ou les tubes d'essai —qui sont les seules choses en verre qui peuvent se briser —, pour la plus grande fierté d'Aksel. Parfois, je me surprends à jouer avec des bouts de métaux qui sont apportés par les Trieurs, me demandant ce que je pourrais bien en faire.
Mais je finis par les laisser de côté quand Aksel m'appelle pour venir se pencher sur un nouveau sérum qu'il veut soumettre à la seule machine présente dans le laboratoire, qu'il a nommé « Tas », pour Testeur automatique de Sérums.
Il suffit simplement de placer le tube au milieu de la machine et cette dernière affiche sur un écran les prédictions, soit ce que le sérum aura comme conséquences sur un corps humain. Et en cinq semaines, pas un seul test ne fut concluant.
Les semaines continuent de défiler, Ethel vient parfois nous rendre visite et ne peut s'empêcher de plaisanter sur la propreté « surnaturelle » du Labo, ce qui provoque de longs fous-rires entre elle et Aksel —auxquels je participe à ma manière, soit dans ma tête —.
Mes relations avec la jeune femme s'améliorent, jusqu'au jour où Ethel se permet même de faire une blague qui m'est destinée. Dire que je suis surprise est un euphémisme —oui, ce mot est revenu de lui-même, quelle surprise ! —.
D'autres fois, c'est Calliste qui vient simplement vérifier qu'Aksel ne m'a pas fait fuir, ou n'est pas trop dur avec moi, ce que je dénie à chaque visite. Une sorte d'amitié se noue lentement entre Aksel et moi, remplaçant la relation « d'apprenti/professeur » que nous avions, selon lui.
Il n'en manque pas une pour me rappeler que j'ai tout de même quatre ans de moins que lui, ce qui semble suffisant pour qu'il se désigne « professeur ». Venir travailler devient plus un plaisir qu'une simple routine et l'absence de Benny devient moins pénible quand je suis au Labo.
Mars devient avril, puis mai, sans que mon ancien compagnon ne sorte de la Cure. Je « fête » seule l'anniversaire des un an de mon réveil, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. Madigan finit même par m'éviter à la cantine —selon les dires de son frère — pour ne pas avoir à me donner mes mêmes nouvelles encore et encore. Alors je reste dans le noir, espérant chaque matin me réveiller avec une seconde personne, en vain.
À la fin du mois de mai, je change de chambre pour m'installer dans celle d'Aksel. Comme nous travaillons au même endroit, il est logique que nous dormions au même endroit, ou du moins c'est ce que me dit Calliste quand il vient m'apprendre la nouvelle.
Je suis ravie de pouvoir quitter mon isolement et de retrouver une autre personne quand je me lève le matin. La cohabitation est facile, presque évidente même. Les blagues et anecdotes, parfois même les cours d'Aksel se poursuivent jusque dans la chambre.
Aux fils des semaines, Aksel finit même par quitter le Labo à l'heure du déjeuner pour manger à la cantine, ce qui attire pas mal de regards, surtout lorsque Calliste et Ethel joignent notre table quand ils sont dans les parages. Dans un sens, j'ai l'impression d'avoir gagné quatre nouveaux amis là où je sens en avoir perdu un et je ne sais pas comment réagir.
Je sais que je n'ai techniquement pas « perdu » Benny, puisque je sais où il est. Mais ne plus l'avoir à mes côtés reste un manque qui commence petit à petit à se combler, surtout grâce à Aksel. Plus les jours avancent, moins je pense à Benny.
Et je finis même pas avoir des conversations avec Madigan sans évoquer le sujet. Je me réveille le matin sans y penser et mes journées semblent briller un peu plus fort qu'avant. Et parfois, quand je me retrouve seule sous la douche, les couleurs se fanent et mon cœur se serre, tandis que les larmes coulent quand je me demande comment je peux oser être heureuse quand il ne l'est pas.
Juin arrive et avec lui l'été. Mes vêtements s'adaptent en diminuant l'épaisseur de mon collant jusqu'à ce qu'il soit presque une seconde peau. Les patrouilleurs reviennent sans blessure et sans aucune trace du moindre androïde, tandis que les Trieurs continuent de nous abreuver de métal que les Artistes nous modèlent en forme de béchers ou autres instruments nécessaires.
Une routine s'est installée dans le Labo et bien que l'on entende que la voix d'Aksel, les conversations vont dans les deux sens. Le jeune homme a même commencé à apprendre la langue des signes et ils nous arrivent d'arrêter toute activité pour réviser certains mots.
Le soleil nous donne notre énergie et nos lumières semblent briller plus fort aux alentours de midi. Aujourd'hui, Aksel et moi sommes supposés travailler sur un nouveau traitement contre les petites maladies, pour éviter des épidémies de rhumes ou de grippe l'hiver prochain, mais nous sommes actuellement en train d'apprendre le mot « bonjour ».
Bien que ses gestes soient parfaits, Aksel ne semble clairement pas concentré sur ce qu'il fait, son regard glissant régulièrement au niveau des marques sur mon cou. Je finis par lui donner un coup dans les côtes, le faisant gémir.
— Désolé, c'est juste que... Tu es la première personne que je croise à avoir trois marques et ça me fascine. Pas juste scientifique-moi, mais aussi moi moi. Tu es une sorte de coffre fermé dont toi seule as les clés et j'avoue que ça m'intrigue. J'aimerais savoir qui est Felidae, pas juste amnésique-Felidae, tu vois ? avoue-t-il.
Je lui souris tristement, courbant l'échine. Mes sourcils se lèvent et s'abaissent d'eux-mêmes face au sol tandis que mes yeux se ferment quelques instants. Mon cœur se contracte d'un coup plutôt violent dans mon estomac et je dois vraiment prendre sur moi pour ne pas me mettre à vomir ou à pleurer – voire peut-être les deux d'ailleurs, qui sait ? – dégoûtant, proteste ma petite voix, me poussant à rouvrir les yeux et relever la tête, croisant le regard songeur d'Aksel face à moi.
« On est deux », je signe lentement, avant de me souvenir qu'il ne connaît pas encore ces mots-là.
Je décide alors d'aller au plus simple et de le pointer du doigt, puis moi, avant de lever un pouce en l'air, une expression presque blasée sur le visage.
Je ne sais pas exactement ce que je veux qu'il comprenne ni même s'il va comprendre tant ces gestes ne sont pas conventionnels. Mais ma Feuille est à l'entrée du laboratoire et nous sommes tout au fond, alors il serait étrange que je quitte ma place pour partir la chercher. En plus, je suis bien ainsi, assise en tailleur sur le sol face à Aksel.
Heureusement, le jeune homme semble comprendre le message puisqu'il me sourit en posant une main sur mon épaule, qu'il retire après quelques secondes pour hausser les épaules, mouvement qu'il accompagne d'une petite moue. Son regard est toujours dans le vide avant qu'il ne finisse par le braquer dans ma direction d'un mouvement de tête rapide qui me fait frissonner.
— Dans le fond, je n'ai pas vraiment besoin de connaître Felidae pour apprécier amnésique-Felidae, admet-il, ce qui me fait sourire de toutes mes dents et oublier son geste étrange.
Je me retiens de lui sauter dans les bras, parce que je pense que ça nous rendrait tous les deux mal à l'aise, alors qu'il s'agit tout bonnement de la plus belle chose que l'on ait pu me dire depuis mon réveil.
J'ai passé tellement de temps à imaginer qui j'étais avant et à écouter ceux qui me disaient que mes souvenirs reviendraient bientôt, que j'ai délaissé la personne que je suis désormais. La personne que mon amnésie m'a fait devenir. Au final, ne suis-je pas simplement une autre version de moi-même, libérée de toute contrainte émotionnelle venue du passé ?
Contrairement à Benny, qui retrouve ses souvenirs et le poids des émotions qui vont avec, je suis libre d'être et de faire ce que je veux, sans en craindre des conséquences. Du moins, c'était le cas avant que je n'arrive ici et que j'apprenne à vivre avec les règles imposées par Ethel.
Et le fait qu'Aksel apprécie qui je suis sans essayer de deviner qui j'étais... Je ne sais pas pourquoi, mais ça semble faire grossir mon cœur jusqu'à ce qu'il soit trop gros pour ma poitrine et que mon regard devienne flou, obstrué par des larmes de joie.
Je sens le jeune homme me donner un petit coup de poing dans l'épaule, probablement pour faire passer le moment un peu plus vite et j'essuie mes yeux sur mes manches, sans pouvoir me départir de mon sourire.
S
alut les Survivants 🤗🍀
Comment allez-vous ?
Quoi de neuf à me raconter ?
De mon côté, MON DIEU.
Déjà, on a passé le cap des 660 abonnés sur Instagram, what. Ensuite, on est presque 2.000 abonnés sur Wattpad ?! MAIS QUOI ?! À 110 abonnés près ? 😱😭😍💜 Mais milles merci !
Au-delà de ça, que dire, que dire. Merci pour vos retours sur mon article sur ma transformation physique, votre bonté et bienveillance sont juste tellement adorable 💜🧡 Et vos retours sur ma dernière vidéo YouTube, mai merci milles fois !!!
En dehors de ça, qu'avez-vous pensé de ce petit chapitre ? 👀🧡 Pas trop d'action, j'avais prévenu qu'il y aurait des chapitres de calme.
La relation Aksel/Felidae ?
On en pense quoi ?
On approuve cette amitié ?
Vous êtes plus #TeamBenny ou #TeamAksel du coup ?
Que va-t-il se passer ensuite ? 🤔
Dites-moi tout !
J'ai hâte de lire vos théories pendant que j'écris le chapitre 36 😉😜 !
A mardi prochain 🧡🍀😘
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