Chapitre 23 (partie III)
Quelque part, je suis touchée de voir à quel point Benny m'a pris sous son aile, au point d'en vouloir à une jeune femme qui n'a fait que m'insulter moi. Je peux voir à l'expression facile de Calliste que ce commentaire semble l'avoir blessé d'une certaine manière et mon cœur se serre.
Jusqu'ici, le jeune homme n'a rien fait de mal et il semble prendre chaque critique d'Ethel pour lui, de façon bien plus personnelle que Benny le fait pour moi. J'aimerais lui dire que nous resterons après la cure, mais... malgré la bonne humeur et l'humour de Madigan, l'accueil d'Ethel a mis un frein à mon envie d'intégrer cette organisation.
Je ne saurais me prononcer sur Calliste, qui jusqu'ici a été plutôt mis dans l'ombre. Ce dernier finit par nous offrir un sourire tandis qu'un voile de tristesse passe sur ses yeux.
— Ethel ne fait que protéger les autres Survivants des dangers venant de l'extérieur. Il nous faut être méfiants et brutaux pour nous assurer de la sécurité du plus grand nombre. Vous comprendrez lorsque vos souvenirs vous reviendront, souffle-t-il.
Une nouvelle grimace déforme mon visage tandis que je tourne la tête à ma droite, me détournant du regard des deux hommes. L'optimisme de Calliste face à « La Cure » me met mal à l'aise.
Non pas que je refuse de croire en leur procédé, mais je suis simplement dubitative à l'idée qu'elle puisse réussir sur moi. J'ai déjà essayé de vider mon corps de tout sérum et le seul résultat que j'ai obtenu, c'est que je pouvais me souvenir de mes « rêves », s'il s'agissait réellement des miens.
Je ne vois pas en quoi une nouvelle cure de plusieurs mois changerait quoi que ce soit à ma situation. D'un autre côté, il reste un espoir que cela fonctionne et que mes souvenirs me reviennent et avec eux, ma voix.
Dans tous les cas, cette Cure fera forcément des merveilles pour Benny, qui pourra se souvenir de ses parents, de sa famille. Et en même temps... Qui aurait envie de se souvenir de la douleur de perdre un être aimé ?
Le retour de mes souvenirs est un instant que j'appréhende autant que je le redoute. Je veux me souvenir de qui j'étais, sans pour autant retrouver la peine ressentie lorsque ma vie d'enfant a pris fin. Je n'ai cependant pas le temps d'y songer plus longtemps, car Calliste reprend le chemin de la plateforme et je suis obligée de me mettre presque à courir pour le rattraper.
La porte s'ouvre avant même que Calliste puisse poser sa main sur le mur, ce qui me fait hausser un sourcil, mais personne ne fait le moindre commentaire. Les escaliers nous font face et nous les empruntons en silence, chacun plongé dans ses pensées.
Des bruits diffus nous parviennent à chaque fois que nous passons un palier, que ce soit des bruits de voix, des rires ou des bruits d'objets manipulés. À chaque fois, j'essaye d'imaginer ce qui peut se trouver derrière chaque porte, chaque numéro.
Par exemple, le numéro « -1 » serait le dortoir, ou en tout cas l'endroit où dorment les « Survivants ». C'est l'endroit où j'ai entendu le plus de bruit de voix et surtout l'endroit logique pour aller dormir, puisque c'est très proche de l'extérieur.
Ensuite, le niveau « -2 » reste un mystère, parce que je n'ai pas entendu beaucoup de bruit. Le niveau « -3 » semble tout aussi désert, donc il m'est difficile de donner une explication, bien que j'ai entendu de nombreux bruits ressemblant à ceux entendus à la cantine, du moins au sujet des couverts.
Peut-être que c'est là qu'ils mangent ? Finalement, nous nous arrêtons devant le numéro « -4 » et je remarque que les escaliers semblent descendre encore... Qu'est-ce qui peut bien se trouver en dessous ? Peut-être aurons-nous le droit à une visite, maintenant que nous faisons La Cure.
La porte grince et je retrouve l'obscurité familière de cet étage, ainsi que les bruits de toux, les faibles gémissements et le « bip » aigu des machines que l'on entend même à travers la porte des chambres.
De façon assez surprenante, je semble mieux accepter cette noirceur que lorsque nous avons quitté la chambre quelques heures plus tôt. Quittant la plateforme, je m'engage dans le couloir derrière Benny et Calliste, observant mon entourage pour commencer à tracer un plan mental de cet endroit.
Je remarque que certains membres de l'équipe de ce matin se tiennent debout vers le fond du couloir, discutant à voix basse entre eux. Il y a un des garçons, un petit blond aux yeux verts qui parle en gesticulant, ainsi que deux filles complètement silencieuses qui sont appuyées contre un mur.
Enfin, un autre garçon ferme le cercle, arborant un sourire presque narquois dirigé vers petit blond. C'est l'une des filles qui remarque Calliste en premier, frappant son amie dans l'épaule et les trois autres se taisent, leurs têtes toutes tournées vers le jeune homme, que je devine enfin être probablement le chef d'équipe.
Ce qui expliquerait pourquoi tout le monde semble regarder Calliste avec respect. Il leur adresse un bref signe de tête avant de se tourner vers nous, faisant signe à une jeune femme qui vient de quitter l'une des chambres de s'approcher.
— Felidae, Benny, voici Eloeiz. Elle et Madigan sont en charge de La Cure et comme elle est actuellement occupée avec les patrouilleurs, c'est Eloeiz qui se chargera de vous pour le moment. Je vais vous laisser, ma journée est loin d'être finie et il faut que je sois moi-même soigné. El », tu peux leur expliquer ce qu'ils vont devoir faire et leur donner une chambre pour cette nuit ? Je suis attendu par Madigan, puis par Ethel et elle n'est pas vraiment de bonne humeur en ce moment, commente Calliste à voix basse.
La jeune femme —une jeune brune aux grands yeux marron — acquiesce et le jeune homme s'éloigne sans un regard en arrière, retrouvant ses « patrouilleurs » quelques mètres plus loin. Je le suis du regard jusqu'à ce que la porte la plus proche d'eux ne s'ouvre et qu'il s'engouffre à l'intérieur, invité probablement par Madigan.
Reportant alors mon attention sur la nouvelle arrivée, je lui rends également le sourire qu'elle nous adresse. Elle semble plus accueillante qu'Ethel, ce qui est déjà un très bon signe. Ses cheveux sont attachés en un chignon rapidement effectué, ce qui explique les quelques mèches folles qui s'en échappent.
Contrairement à Madigan, les vêtements qu'elle porte sont à sa taille et assez sobres, alternant entre le gris de son haut et le noir de son pantalon et de ses chaussures. Sur son nez, elle arbore une paire de lunettes noires sur laquelle je distingue plusieurs fissures, recollées avec une sorte de bout de tissu gris foncé.
Justement, je la regarde réajuster lesdites lunettes sur son nez avant de replonger ses mains dans une petite sacoche qu'elle porte en bandoulière, pour en sortir deux bracelets violets, qu'elle nous tend.
— Ces bracelets signifient que vous êtes en cure. C'est simplement pour que les autres évitent de vous poser trop de questions et que nous sachions qu'il faut garder un œil sur vous, en cas de problème. Ils calculent vos signes vitaux et les transmettent sur des machines que seules Madigan et moi connaissons et utilisons. Il y a également une petite caméra incrustée à l'intérieur afin de suivre vos moindres mouvements. Question de sécurité, avec la remontée des souvenirs certaines personnes peuvent devenir violentes. Comme l'a dit Calliste, je m'appelle Eloeiz, j'ai vingt-trois ans et je suis arrivée quelques mois après Madigan. J'effectuais des études de médecine avant que les androïdes ne débarquent et maintenant j'aide en tant qu'infirmière, même si on ne se nomme pas ainsi. Je suis une sorte de conseillère de santé, si vous préférez. Je suis chez les Survivants depuis trois ans et demi, se présente la jeune femme.
J'enfile le bracelet pendant sa présentation, absorbant les informations comme je le fais depuis le début de la journée. Je crois sentir le début d'une migraine pointer. Je vais très certainement oublier la moitié de toutes ces informations avant la nuit, c'est presque certain.
Mes yeux se posent sur le bracelet, qui n'est qu'une fine bande de tissu violette qui s'adapte parfaitement à mon poignet et s'y attache fermement. Je tente de passer un doigt entre ma peau et le tissu pour le détacher, sans succès.
Il dégage une légère chaleur, probablement les circuits informatiques qui y sont intégrés. Benny nous présente à son tour, commençant par lui-même avant d'expliquer ma situation, ce que la jeune femme accepte avec un sourire et une brève poignée de main, sans aucune réaction particulière quant à mon mutisme ou mon amnésie.
Eloeiz nous fait signe de la suivre et elle ouvre une porte non loin de la plateforme par où nous sommes venus. À ma grande surprise, au lieu d'y trouver une chambre pour un patient, nous entrons dans un autre couloir, plus grand et surtout beaucoup plus éclairé.
Je cligne des yeux et grimace face à la puissance de la lumière, ce qui fait sourire Eloeiz. Elle commence alors ses explications, nous répétant à peu près tout ce que nous a déjà dit Calliste au sujet de la Cure : la purification du sang, la remontée des souvenirs qui peut prendre deux à trois mois, le sérum qui permet d'accélérer cette remontée, mais qui a rarement été utilisé, les bracelets qui seront coupés dans quatre mois, quand nous serons officiellement acceptés comme « Survivants » et suffisamment « guéris » pour nous trouver une occupation.
Puis, elle revient sur les bracelets, expliquant qu'ils sont plus ou moins autonomes, s'adaptant au poignet du porteur grâce à des nanoparticules modulables —quoi que cela veuille dire — et qu'ils se verrouillent automatiquement pour une période de quatre mois.
Je baisse les yeux vers mon poignet gauche sur lequel le bracelet se trouve et grimace, mal à l'aise à l'idée d'avoir un robot attaché à mon corps de cette façon. Je ne peux m'empêcher de me demander si Ethel aura également accès aux machines qui suivent mes mouvements, afin de « garder un œil » sur moi, comme elle l'a promis. Il y a de fortes chances que ça soit le cas.
Je me demande également quel genre d'occupation va nous trouver Ethel lorsque nous aurons fini notre Cure, si nous sommes acceptés évidemment. Je ne sais toujours pas combien de personnes vivent ici, ni même ce qu'elles y font !
Je sais déjà, par contre, que je ne serais pas parmi les patrouilleurs. Je n'ai aucune envie de me promener avec une arme à la main en permanence et de devoir affronter des robots. Nous continuons d'avancer dans le couloir, passant devant plusieurs portes qui ressemblent à toutes celles que nous avons vues jusqu'ici.
Cependant, sur celles-ci se trouvent des étiquettes avec des numéros de chambre, une pratique qui ressemble à celle de l'hôpital. Les chiffres restent plus petits que ceux que j'avais pu lire à l'hôpital, étant donné qu'il y a moins de place et moins de portes, mais je ne peux supprimer le frisson glacé qui parcourt ma colonne vertébrale.
J'entends vaguement Benny demander quand exactement commencera la cure et la réponse d'Eloeiz est inaudible, mes yeux entièrement focalisés sur les nombres qui défilent devant mes yeux. Je sursaute lorsque je sens la main de Benny se poser sur mon épaule et croise alors le regard du jeune homme et d'Eloeiz, posés sur moi. Suivant mon regard, la nouvelle venue grimace à son tour en pointant les numéros :
— Ils étaient déjà là lorsque nous sommes arrivés, alors on fait avec. Je n'en suis pas une grande fan non plus, lâche-t-elle simplement.
Nous continuons de marcher jusqu'à arriver devant le numéro « 13 ». Eloeiz s'arrête, attrape une feuille de papier dans le sac qu'elle porte en bandoulière et griffonne quelque chose dessus. Puis, elle sort de cette même besace un petit carré blanc et collant afin d'attacher sa feuille à la porte. Plissant les yeux, je parviens à déchiffrer nos prénoms, juste avant que la jeune femme se tourne la poignée.
— Bienvenue dans La Cure, annonce fièrement Eloeiz en ouvrant la porte.
Salut tout le monde !
Comment ça va ?
Merci pour les 100 votes, ça me fait tellement plaisir 🤩🧡 ! Je suis ravie de voir que cette partie vous plaît autant que les précédentes (voire peut-être plus, on le saura quand on aura tout fini xD).
Bref, le chapitre 23 est fini.
Qu'en pensez-vous ?
Avez-vous hâte de connaître le reste ?
Vous aimez Eloeïz ?
Vous préférez Madigan ?
Prêt à vous soumettre également à la Cure ? 👀🧡 Je vais probablement faire un truc dans ce style... Mais avant ça, les LETTRES (ou mail) ! Ça devrait partir aujourd'hui ou demain selon mon niveau de fatigue 😂🤗👌
Et vous, quoi de neuf ?
A mardi prochain 🧡
Gros bisous et bonne semaine à tous !
Et n'oubliez pas : si vous appréciez un auteur, dites-lui 💜🧡
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top