Chapitre 23 (partie II)

Plus personne ne parle.

La pièce est devenue silencieuse, mais personne n'y prête attention. Nous sommes tous plongés dans nos pensées, cherchant à démêler le vrai du faux, sans trop savoir à quels souvenirs se fier. Le seul problème, c'est que je n'ai rien à quoi me rattacher.

Je ne sais pas qui j'étais, avant d'être dans le coma. Et pourtant, je suis certaine que les réponses que je cherche, celles qui donneront un sens à tout cela, se trouvent dans mes souvenirs manquants.

Mais je sais aussi que si j'avoue à Ethel être totalement amnésique, elle n'hésitera pas une seconde avant de me ramener à l'hôpital aussi sec, même si cela la mettait potentiellement en danger.

Ou peut-être choisira-t-elle de me tuer et laisser mon cadavre à un endroit où les robots me trouveront, histoire de leur envoyer un message, ou quelque chose du genre. Je ne vois aucune issue, aucune porte de sortie. Quoi que je puisse dire, je resterai un danger à ses yeux.

— Felidae a seize ans. Elle a passé cinq ans dans le coma. Ces informations sont vraies et tangibles, elles étaient inscrites dans son dossier, celui que les infirmières laissent sur des dossiers papier, glissés dans une pochette plastique attachée à la porte de chaque chambre. C'est aussi comme ça que j'ai su pour le choc émotionnel lié à son mutisme. Il était aussi inscrit qu'elle avait reçu plusieurs doses de C.D.S. Au moins trois, si on regarde les traces de piqûres qu'elle a dans le cou. Et ça explique aussi son amnésie, lâche Benny à voix basse, mais résolue.

Je me fige en l'entendant tout expliquer, mais surtout en écoutant sa réponse. Plusieurs doses ? Pourquoi est-ce que les robots voulaient m'enlever ma mémoire ? Est-ce que je savais quelque chose qu'ils ne voulaient pas que je sache, est-ce qu'ils l'ont fait pour me retirer des souvenirs douloureux ?

Après tout, si on croit ce que dit Ethel, j'ai probablement dû apprendre la mort de mes parents, non ? Ils avaient clairement plus de vingt-cinq ans.

C'est peut-être ça, mon choc émotionnel. La mort de mes parents. Est-ce que j'y ai assisté ? Cela expliquerait mes cauchemars à propos du sang, des coups de feu, de l'enfant qui se prend une balle... Peut-être.

Ou alors, c'était simplement un autre moyen qu'ont utilisé les robots pour me faire croire que j'avais une famille, alors qu'en réalité je suis peut-être moi-même un mensonge, un espion. Ce qui expliquerait aussi pourquoi certains détails changeaient d'un rêve à l'autre : parce qu'au final, rien de tout cela n'était réel, rien de tout cela n'a existé. J

e suis une page blanche trouvée derrière l'une des portes de l'hôpital sans que personne ne sache à quel dossier me rattacher. Une feuille volante, qui n'aurait jamais dû toucher le sol.

— Tu te rends compte que tu aggraves son cas ? se moque Ethel.

Je peux lire la colère s'enflammer dans le regard de Benny et je me vois obligée de bondir pour me placer entre lui et le seul chemin empruntable pour atteindre la jeune femme, à la surprise générale.

C'est plus fort que moi, mais je refuse que Benny prenne des coups à ma place, surtout lorsque l'insulte est dirigée contre moi. Ethel ne me fait pas confiance, tant pis. J'ai le soutien de Benny est c'est tout ce qui compte.

Le jeune homme me sonde, cherchant probablement à savoir pourquoi je me suis interposée entre lui et la seule personne qui a été incapable de prononcer plus d'un mot gentil dans ma direction.

Je peux facilement comprendre ce qu'il doit ressentir et j'avoue que je me pose encore la question. J'ai plus agi sur le moment par instinct qu'autre chose, sinon j'aurai volontiers laissé Benny ajouter une autre cicatrice à la « dirigeante » Ethel.

« Je n'ai pas besoin de leur confiance. J'ai la tienne et ça me suffit largement », je signe dans sa direction, lui offrant un petit sourire se voulant rassurant.

Benny ouvre les mains, son visage prenant une expression plus douce, puis un sourire en retour. Il hoche la tête et recule, retournant s'asseoir sur la chaise à côté de la mienne. Je le suis juste après avoir envoyé un regard aussi noir que possible à Ethel, qui reste impassible.

Cette fois, pour la première fois depuis que nous sommes entrés dans la pièce, Calliste daigne enfin sortir de son mutisme pour poser un bras sur celui d'Ethel. La jeune femme se tourne alors vers lui et Calliste approche son visage du sien pour lui murmurer quelque chose à l'oreille.

Cela dure plusieurs minutes, pendant lesquelles le visage d'Ethel passe de la surprise à la colère, puis à l'acceptation, non sans avoir levé les yeux au ciel au moins trois fois et jeté ses mains en l'air deux fois.

Satisfait, il recule sans lâcher le regard de sa comparse et cette dernière hoche la tête sans daigner nous adresser un regard. Calliste émet un petit rire et j'admire pour la première fois un véritable sourire fleurir sur les lèvres d'Ethel.

C'est peut-être le moment le plus choquant de ma journée, malgré tout ce que je viens d'apprendre. Calliste se tourne alors vers nous, l'air grave.

— Je vous avais mentionné une guerre avant d'entrer ici, vous avez les informations de base maintenant. La guerre est entre les androïdes et les humains, si on veut. Notre rôle est d'aider les adolescents qui parviennent à s'enfuir et protéger ceux qui vivent ici. Nous n'attaquons pas les hôpitaux, cela serait un suicide. Ils ont les armes et la technologie de leur côté. Si vous voulez rester et survivre parmi nous, il vous faudra faire ce qu'on appelle La Cure. C'est notre meilleur moyen de chasser le sérum hors de votre corps et vous aider à accepter les remontées de souvenirs qui vont en résulter. Nous avons tous plus ou moins vécu la même chose à des âges différents, vous ne serez pas les seuls à entreprendre cette démarche. Cependant..., Calliste s'interrompt, humidifiant ses lèvres.

Il croise le regard d'Ethel une nouvelle fois avant de continuer et cette dernière lui offre un signe de tête l'encourageant à reprendre, ce qu'il fait en posant ses yeux cette fois sur moi :

— Ton cas est rare, pour ne pas dire unique. Nous avons déjà eu des ados sans aucun souvenir, mais ils sont en général revenus après la cure. Pas forcément intégralement, mais suffisamment pour les aider à combler les trous. Aucun d'eux n'était muet pour autant. Et aucun d'eux n'a eu trois piqûres de sérum. Cela ne veut pas dire, contrairement à ce qu'Ethel assume, que tu es forcément à la solde des robots. Mais ne t'attends pas à un traitement particulier de notre part non plus. Nous aurons toujours un œil sur toi, jusqu'à ce que tes souvenirs reviennent et que l'on puisse discuter de ta situation avec toutes les informations pour compléter les blancs, termine-t-il.

De façon assez surprenante, c'est vers Ethel que je me tourne pour chercher son approbation. Ses yeux évitent les miens avec brio et mon cerveau a du mal à accepter que cette femme, avec ses répliques acerbes et son regard froid et vide, accepte que je reste et suive cette fameuse Cure.

Tout à l'heure en apprenant mon âge, elle était prête à me cribler de balles pour réparer une injustice provoquée par les robots et maintenant, elle n'a aucun problème à me voir rester et évoluer dans son « QG », au simple prix de « garder un œil sur moi » ?

La solution me paraît trop simple, trop facile. Comment est-ce qu'une simple conversation avec Calliste a pu la faire changer d'avis à ce point ?

Quel est le rôle du jeune homme dans cette Organisation, au final ? Je me tourne vers Calliste, qui a probablement intercepté mon regard puisqu'il m'adresse un léger sourire et ouvre la bouche pour s'expliquer lorsqu'Ethel le coupe :

— Si cela ne vous dérange pas, certaines personnes ont plus important à faire que de la charité. Emmènent-les à Madigan pour commencer leurs cures, vérifie avec elle l'état des patrouilleurs de ce matin et remonte ensuite faire ton rapport, déclare-t-elle.

Si sa première phrase n'a pratiquement été qu'un grondement sourd, le reste de son discours a été dit avec douceur et non comme un ordre. Je hausse un sourcil devant cette distinction, trouvant étrange qu'Ethel semble devenir amicale, voire même douce avec le jeune homme.

Pourtant « douce » n'est en aucun cas un adjectif que j'accolerai au nom « Ethel ». Loin de là. Je ne fais aucune remarque, me contentant de me remettre debout pour suivre Calliste hors de la salle, plus qu'heureuse de quitter cette ambiance oh combien chaleureuse pour retrouver le confort des murs métalliques de l'étage de Madigan.

Benny semble suivre mon exemple puisque le silence reprend sa place légitime de roi et trône dans la pièce, accompagnant notre sortie jusqu'au claquement sonore de la porte dans notre dos. Le premier à élever la voix se trouve être Calliste, qui se met à rire sans aucune raison, me poussant à me retourner vers lui.

Ce n'est pas un rire à gorge déployé, mais un rire poli, contenu et qui évacue la tension qui nous a suivis hors de la pièce. Benny me lance un regard perdu, ne comprenant pas non plus pourquoi le jeune homme vient de se mettre à rire sans aucune raison apparente. Finalement, Calliste se calme de lui-même et nous entraîne à nouveau dans le grand hall, en direction du mur derrière lequel se cache la plateforme « 0 ».

— La Cure dure en général deux à trois mois, entre le temps d'évacuer complètement le sérum de votre système et le moment où votre cerveau est assez fort pour supporter le retour de vos souvenirs. Dans certains cas, nous avons dû injecter un sérum de notre création pour « forcer » les souvenirs à remonter, mais seulement si le délai des trois mois est dépassé. Madigan vous en dira plus, c'est elle qui supervise le département médical. J'espère que vous trouverez la réponse à vos questions après la Cure et que vous accepterez de rester parmi nous. Ce qu'il vous a été dit est vrai, que ça soit au sujet des robots ou des hôpitaux, même en ce qui concerne notre Organisation. Nous nous nommons les « Survivants » pour une raison. Jusqu'ici, nous n'avons jamais pris les armes pour attaquer, seulement par pure défense. Mais je sais que le jour viendra où nous attaquerons et à ce moment, nous aurons besoin de toute l'aide possible, explique Calliste d'un air à la fois résigné et triste, comme si le fait de ne faire que se défendre le peinait.

Une grimace m'échappe à la fin de son discours, lorsqu'il parle de la possibilité d'attaquer à notre tour. Je ne sais pas comment riposter face à des robots, puisque la seule fois où j'ai dû le faire, c'était avec un couteau à peine aiguisé planté dans son cou.

Je doute que tous les robots soient aussi simples à abattre, sinon le tas d'armes entassées à quelques pas de nous ne serait pas nécessaire. Et je suis presque certaine qu'il existe d'autres modèles de robots que je n'ai pas encore pu voir, qui diffèrent des infirmières ou de ces robots étranges et terrifiants qui patrouillaient dans la cantine lorsque j'ai rencontré Benny.

Qui plus est, je ne vois pas en quoi nous pourrions être utiles, étant donné que ni Benny ni moi ne savons manier une arme. Je ne sais même pas comment faire des dégâts avec une arme ! Est-ce qu'elles tirent des balles, ou autres choses ?

Parce que les armes installées sur les robots de la cantine ne semblaient pas tirer des balles... Peut-être est-ce la manière qu'à Calliste de nous dire qu'une fois la cure terminée, nous apprendrons à nous servir d'une arme ? Enfin, pour cela, il faudrait déjà terminer la cure et être autorisés à rester, ce qui est loin d'être gagné vu la réaction d'Ethel à mon encontre...

— Si vous accueillez tout le monde de la même manière, je ne suis pas étonné que vous n'ayez pas assez d'effectifs, souligne Benny avec un soupçon de moquerie dans la voix.

Je ne peux m'empêcher de sourire en remarquant à quel point Benny et moi pensons de la même façon. Visiblement, je ne suis pas la seule à qui Ethel a fait une assez mauvaise impression, bien qu'elle n'ait rien dit de mal à l'encontre du jeune homme.

Salut tout le monde !
Comment allez-vous ?
Quoi de neuf depuis mardi dernier ?

Les cours ont repris pour ma part (pour vous aussi, peut-être ?) et j'avoue ne pas être dans le meilleur mood. Plus le temps avance et moins je me sens à ma place à l'Université, me demandant constamment pourquoi je suis là. Un peu comme Felidae dans ce QG quoi 👀

En parlant de ça, que pensez-vous du QG jusqu'ici ? Je sais que vous n'avez pas encore vu grand-chose, mais ça m'intéresse d'avoir votre ressenti 🤔.
Vous préférez Calliste ou Ethel ?
Que pensez-vous du comportement de Benny et de Felidae ?

Vous avez désormais rencontré quatre personnages principaux sur six (il reste encore Aksel et Risu). Jusqu'ici, lequel vous intrigue/intèresse le plus et pourquoi ?

Si vous deviez en choisir un pour former une équipe et survivre dans ce monde, qui prendriez-vous ? 👀

Oui oui, même toi, petit lecteur fantôme 👻 N'hésite pas à donner ta réponse à ses questions 👀💌😜

Sur ce, je vous souhaite un très bon courage pour le reste de la semaine 🧡 Je vous envoie plein d'amour et de bonnes ondes 🧡 et à mardi prochain !

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