Chapitre 23 (partie I)

— La chambre est confortable ? demande Ethel, brisant le silence une bonne fois pour toutes.

Sa voix est toujours aussi grave, mais cette fois teintée de sarcasme. Je plisse les yeux, cherchant à comprendre pourquoi elle est aussi froide vis-à-vis de nous, sans succès. Je ne sais pas ce que nous aurions pu faire pour la mettre en colère ou la rendre méfiante. 

Est-ce qu'elle a vu quelque chose en moi, à force de m'observer ? Je me contente de lever un pouce vers elle, lui offrant un sourire faisant écho au sien. Un sourire faux et rempli du même sarcasme dont elle vient de faire preuve. 

Cette fois, c'est à elle de plisser les yeux dans ma direction, creusant d'autant plus sa cicatrice. Cette action seule est presque suffisante pour me faire effacer mon sourire, mais je refuse de me laisser intimer plus longtemps par son aspect physique. 

Elle tourne les yeux vers Calliste, qui est venu se mettre à ses côtés et semble une nouvelle fois lui partager des informations à travers ce simple contact visuel. Le jeune homme secoue la tête de gauche à droite et Ethel soupire et fermant les yeux, venant plaçant son pouce et son index droit sur ses paupières. 

Puis, elle émet un rictus étranglé avant de rouvrir les yeux et les poser sur moi. Je fais de mon mieux pour contenir la colère qui commence à bouillir dans mes veines.

— C'est ça, le meilleur espion que les robots ont trouvé à nous envoyer ? Un pseudo-humain incapable de parler ? se moque Ethel en tendant son bras dans ma direction, le regard posé sur Calliste, comme si c'était une sorte de blague qu'eux seuls pouvaient comprendre.

Si la jeune femme semble trouver cela drôle, Calliste semble plus réservé. Son regard reste impassible et il se contente de glisser un œil dans ma direction, jaugeant l'effet des paroles de sa compagne sur moi. S'il cherchait de la colère, il n'en est rien. 

La surprise a pris le dessus et je me trouve à regarder la métisse avec des yeux ouverts et un esprit vide de toute pensée. Je m'attendais à presque toutes les réactions face à mon mutisme, mais pas celle-ci. Moi ? Une espionne pour les robots ? Cela n'a aucun sens. 

Comment peut-elle penser ainsi ? Elle doit être au courant pour le sérum qui m'a été injecté. Je ne sais pas ce qu'est un espion, mais quelque chose me dit que ce n'est pas quelqu'un que l'on tente de supprimer, surtout s'il est de notre côté. 

Si les robots se servaient de moi comme espion... Pour tenter de mettre fin à ma vie ? Avant que je ne puisse reprendre mes esprits et le contrôle de mon corps, Benny est entré en action. Frappant la table avec l'un de ses poings, mâchoire contractée, faisant sursauter les deux jeunes qui nous font face, il les fusille du regard, ses yeux devenus deux ronds noirs.

— Felidae n'est pas un espion ! Son mutisme est dû à un choc émotionnel ! Vous en avez déjà entendu parler ou je dois vous faire une leçon ? menace-t-il d'une voix si rauque et tranchante que je ne peux m'empêcher de le dévisager.

La fureur du jeune homme me fait cependant froncer les sourcils. À quel moment lui ai-je partagé l'information au sujet du choc émotionnel ? Je ne me souviens en aucun cas lui en avoir parlé ! 

Il faut que j'aie une sérieuse conversation avec Benny pour savoir ce qu'il sait de moi, parce qu'il semble en savoir plus que je ne le pensais. Calliste semble se décomposer sous ses paroles, tandis qu'Ethel ébauche un sourire presque carnassier, un sourire que je n'ai vu que dans mes hallucinations, sur le visage de Benny-le-mort ou parfois de l'infirmière. 

Autrement dit, le type de sourire à me donner des cauchemars —bien que je n'ai encore jamais souffert de cela —. La jeune femme s'approche de nous et se place derrière moi, me faisant frissonner en anticipation. Elle a un comportement que je ne parviens pas à déchiffrer et ça la rend dangereusement effrayante.

— Quel âge a-t-elle ? demande-t-elle, sur un ton bien plus sérieux que précédemment.

La question me prend par surprise, ce qui semble également être le cas de Benny. Enfin, ce qui me « surprend » le plus, c'est surtout qu'elle pose la question au jeune homme au lieu de me la poser à moi, alors que je suis littéralement devant elle. 

Calliste ne réagit pas, c'est à se demander pourquoi il est dans la pièce. Depuis tout à l'heure, il n'a pas bougé, parlé, ni même esquissé un demi-sourire, donc je me demande vraiment quel est son rôle dans cette « organisation ». 

Écouter la chef accuser les nouveaux arrivants ? Je me retourne pour faire face à la jeune femme, les sourcils froncés, mais elle est entièrement focalisée sur Benny, qui se décolle de la table pour la dévisager avec une expression faciale similaire à la mienne.

— Pardon ? questionne-t-il.

Je devine aisément la confusion de Benny dans sa question. Il n'a aucune idée de comment répondre à cette question, bien qu'il en ait la réponse. 

Je ne sais pas, cependant, ce qui le rend si surpris : la question en elle-même, le ton qu'a employé la jeune femme ou le fait qu'elle pose une question me concernant au jeune homme, comme s'il était mon intermédiaire ? 

Levant les yeux au ciel face au ridicule de la situation, je claque des doigts, attirant l'attention des deux vers moi et lève seize doigts vers la jeune femme, soutenant son regard posé sur mes mains. Je vois quelque chose passer dans son regard — de la tristesse ? – et elle hausse les sourcils, sa bouche se tordant en une moue étrange, sur laquelle je ne saurais placer de description. 

Elle attend quelques secondes avant de poser sa seconde question, comme pour digérer l'information.

— Et tu as passé combien de temps dans le coma ?

Je feins un sourire, remerciant le fait que la question me soit enfin adressée, puis soupire. Je ne sais pas où elle veut en venir. Je me souviens vaguement que Benny m'avait parlé de mon âge anormal, comme quoi j'étais la plus jeune patiente qu'il est vu, mais c'était dans notre hôpital. 

Et d'après ce que j'ai compris grâce à Madigan, il y en a d'autres. Donc je ne vois pas en quoi mon âge et le temps que j'ai passé dans le coma peuvent prouver que je suis un espion à la solde des robots. 

Et s'ils veulent des preuves, qu'ils demandent à Madigan comment Benny et moi avons réagi en entendant leur fabuleux robot de plafond ou encore ma réaction face à la machine qui calculait mes signes vitaux.

« Cinq ans », je signe, laissant le soin à Benny de traduire pour moi.

Ethel s'éloigne enfin de moi, ce qui me permet de retrouver une respiration plus calme et apaisée —je n'avais même pas remarqué jusqu'ici à quel point je retenais mon souffle par instant —. 

Le silence reprend, uniquement interrompu par moment lorsque la jeune femme se met à faire les cent pas face à nous, de l'autre côté de la table. Elle finit par s'immobiliser, posant deux mains sur le dossier des deux seules chaises qui sont de son côté, son regard planté dans le mien, avant de regarder Benny. 

Ses muscles bougent de manière fluide et gracieuse sous ses épaules, me rappelant un animal dont je ne retrouve plus le nom, mais que j'ai vu plusieurs fois à la télévision : un animal à l'épaisse fourrure orangée, striée de noir, qui regarde ses proies avec le même regard qu'Ethel.

— Donc, si je comprends bien, tu as été mise dans le coma à onze ans, déclare Ethel.

Bien que la réponse ne soit qu'un simple fait que n'importe qui puisse déduire face aux réponses données, je ne peux m'empêcher d'y voir une sorte de menace, ou d'accusation. Je m'enfonce dans mon siège et mime un applaudissement avec un petit sourire tout aussi sarcastique que le sien il y a quelques minutes. 

Ethel contracte la mâchoire et ses mains se resserrent sur les dossiers, à tel point que je peux voir ses phalanges commencer à perdre leurs couleurs. Ses yeux ne sont plus que deux fentes noires. Je devrais avoir peur. Tu as peur, souffles la petite voix, que je tais immédiatement. Ethel finit par détendre tous les muscles de son corps d'un seul coup, puis reprend la parole :

— Le 3 janvier 3013, un robot nommé « Rob » a éradiqué le Gouvernement pour instaurer le sien. Au début, il n'a pris le contrôle que de tout ce qui touchait au Gouvernement et à la presse. Il a réussi à faire ça dans l'ombre, sans alerter ni ses créateurs ni le reste du monde sur ce qui se tramait. Mais ça n'était pas assez, les adultes luttaient contre lui et le petit groupe d'androïdes qu'il a réussi à créer. Alors il a décidé de mettre en place les « hôpitaux ». Contrôlés par des androïdes, ces structures accueillent des adolescents âgés de quinze à vingt-cinq ans, placés dans le coma afin de favoriser la manipulation de leurs souvenirs par le sérum « Contrôle des Souvenirs », autrement nommé C.D.S dans le but d'en faire de parfait esclave pour les robots. Si le patient n'est pas coopératif après vingt-cinq ans, il est tué. Si le patient a moins de quinze ans lorsque les robots viennent frapper à sa porte, il est tué. Tous les humains de plus de vingt-cinq ans et de moins de quinze ans ont été tués. Des enfants de quatorze ans et trois-cent-soixante-quatre jours ont terminé avec une balle dans le crâne et vous voulez me faire croire qu'une enfant de onze ans aurait été placée dans le coma pendant cinq ans... Par erreur ? Par hasard ?

La jeune femme s'arrête un instant, laissant le poids de ses révélations commencer à se frayer un chemin dans nos cerveaux avant de continuer :

— Ce sont les androïdes qui font la sélection. Ils suivent l'algorithme, les fiches de recensement des naissances, toutes les informations qu'ils peuvent trouver en ligne et qui prouvent notre âge. Il n'y a pas d'erreur, pas de place pour le hasard, pas de traitement de faveur. En tout cas, pas pour les humains. Donc soit vous mentez sur l'âge de Felidae, soit elle n'est pas de notre côté.

Les derniers mots sont crachés avec tant de haine que je ne peux m'empêcher de me tasser dans mon siège, toute volonté de faire bonne figure disparue. Mon cerveau tourne à plein régime, assimilant les informations sans vraiment les comprendre non plus. 

Ma gorge est sèche, à tel point qu'une larme jaillit de mon œil droit lorsque j'avale ma salive. Je ne devrais pas être en vie. C'est ce que je comprends, en tout cas. Si ce qu'Ethel raconte est vrai, alors je ne devrais pas être en vie. 

Je devrais être avec ces enfants de moins de quinze ans, avec une balle dans le crâne. Comme l'enfant que j'ai vu dans mes rêves, à l'hôpital. Alors pourquoi ne le suis-je pas ? Pourquoi les robots m'ont-ils placée dans le coma ? Y a-t-il eu une erreur ?

C'est pourtant le médecin —un androïde donc — qui m'a donné mon âge. Alors pourquoi ? Pourrais-je être un espion pour eux ? Est-ce pour cela que je suis encore en vie ? Est-ce pour cela qu'ils n'ont pas cherché à nous poursuivre, lorsque nous avons quitté l'hôpital ? Est-ce pour cela que je n'ai pas reçu la dose complète du sérum destiné à mettre fin à mes jours ?

Je ferme les yeux, baissant la tête vers le sol afin de ne plus croiser le regard de personne. Je n'y comprends plus rien. J'ai eu des réponses et elles m'embrouillent à tel point que j'aurai préféré rester dans le flou. 


Salut tout le monde !
Comment ça va ?
On commence à rentrer dans les grosses révélations... Ça fait mal !

Que pensez-vous de Felidae ?
Et d'Ethel ? Amie, ennemie ?
Que pensez-vous des révélations ?
Vos théories sont-elles vraies ou fausses ? 👀

Pardon pour le retard 😭
Je suis claquée après une journée de baby-sitting et j'ai oublié de poster le chapitre !!

Dites-moi tout en commentaire 🧡
A mardi prochain ! 😘

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🌲 BOÎTE AUX LETTRES 🌲

Felidae recherche des "pen-pals".
Autrement dit, des gens qui recevront une lettre de la part du héro/de l'héroïne qu'ils préfèrent (Benny, Felidae, Ethel, Calliste ou même Risu, si vous voulez un truc court 👀) et qui, en échange, enverront une lettre à leurs héros :)

[ Une lettre, un mail ou un message Facebook/Instagram etc... Si l'aspect POSTAL vous dérange ]

Je pense que j'essayerai de faire une petite vidéo courte avec la réaction des héros face aux lettres 🧡

Si vous êtes partant, envoyez-moi simplement un message privé 💪🖋️

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