Un an après
Voilà maintenant un an que je travaille sans relâche avec Karl. Après une installation rapide, nous nous sommes partagé l'exploration. Nous avons cartographié, prélevé et analysé inlassablement. Nous nous retrouvons souvent en même temps au laboratoire, où nous échangeons nos résultats.
Jusqu'à maintenant, tout confirme ce que l'on pouvait rêver d'Elpis : une composition et une atmosphère proche de celle notre terre, une eau potable. Nos premiers essais de culture d'espèces végétales terrestres sur la planète sont concluants. Si elles se multiplient il faudra encore quelques centaines de millions d'années avant que l'air se charge assez en dioxygène pour permettre à notre espèce de la respirer. En attendant, notre campement est isolé et respirable, même s'il faut le partager avec un couple de poules - à des fins à la fois alimentaires et scientifiques - et lorsqu'il faut en sortir, nous avons nos combinaisons. Nous sommes en très bonne santé. Vu comme ça se présente bien, des colons terriens viendront sans doute nous tenir compagnie, ici, pour nos vieux jours.
J'ai toujours rêvé d'être astronaute et d'explorer l'univers. Enfant, lorsqu'Elpis a été découverte, j'ai été fascinée par cette magnifique exoplanète à l'allure d'une bille d'agate aux filaments bronze et or. Elle est bleue, composée d'un immense océan traversé par un unique continent : une courbe rocheuse de couleur ocre. A l'époque, on prospectait déjà pour y aller. J'ai suivi toutes mes études avec acharnement dans cet objectif : avoir le privilège de fouler son sol. J'étais bien consciente que la probabilité était infime, mais il fallait le tenter.
La sélection a été drastique, un savant équilibre entre compétences et psychologie. Si mes connaissances et ma capacité d'adaptation sont indéniables, je sais que mes émotions sont mon point faible. Néanmoins, j'ai atteint un contrôle qui m'a permis de passer tous les tests avec succès. Et qui peut se vanter d'avoir pu réaliser son rêve d'enfant, surtout aussi ambitieux et extraordinaire ? Rien ne devrait pouvoir entamer mon bonheur d'être devenue la première habitante de cette planète vierge de tous maux terriens : pollution, guerre, famine...
Cependant, ces derniers jours, il faut bien avouer que je commence à déprimer sévèrement. Surmontant mes réticences, je me suis sentie obligée d'en parler à Karl. Echanger sur nos ressentis fait partie de notre mission. J'ai atténué la vérité, bien sûr ; je lui ai juste parlé d'une légère baisse de moral, sans doute passagère. Il m'a aussitôt rassuré en m'expliquant qu'il ressentait la même chose. Très pragmatique, il m'a expliqué qu'il s'agit sans doute une sorte de mal de Terre, après toutes ces années dans l'espace. Il a certes raison, mais j'ai beau essayer de m'auto-convaincre de son explication, me concernant, le problème est bien plus profond qu'une perte de repères. Jusqu'à maintenant, les résultats de nos analyses sont tous parfaits, mais sans saveur. Je vois nos études toucher à leur fin et Elpis est vide. Je n'ai trouvé aucune autre trace organique que les nôtres.
Je sais, j'aurais dû m'y attendre : aucun robot expédié ici, aussi intelligent et maniable soit-il, n'a jamais réussi à prouver l'existence d'une quelconque forme de vie extraterrestre. Et notre mission consiste à déterminer si une colonisation de la planète est possible, rien de plus. Trouver une forme de vie endémique a été abordé lors de notre préparation, mais, sans aucune conviction. Contrairement à moi, Karl a toujours fait totalement confiance aux comptes-rendus des multiples explorations mécaniques qui nous ont précédés. Mais, j'ai gardé la conviction profonde que les machines sont trop limitées. Malgré leur intelligence artificielle, elles peuvent passer à côté de certaines subtilités, non ? J'avais donc nourri l'espoir secret de trouver un soupçon de vie sur Elpis. Mais je crois que je vais devoir me résigner.
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