Toucher le fond

Notre vaisseau amerrit doucement au point programmé. Karl et moi avons revêtu nos combinaisons spatiales, conçues également pour servir de scaphandre. Elles résistent à la pression incroyable qui s'exerce à 500 mètres de profondeur. La porte s'ouvre. Je contemple l'immensité de l'eau qui s'étend à perte de vue. J'entends la voix de Karl amplifiée à l'intérieur de mon casque : « C'est parti ? » Je saute dans l'Océan.

Nous descendons toujours plus bas. Il fait maintenant complètement noir. C'est étouffant, désagréable. Ce n'est pas notre première plongée à de telles profondeurs, nous avons déjà étudié les fonds marins d'autres zones, mais je ne me souvenais pas que c'était si pénible. J'ai l'impression que les ténèbres m'enserrent et de plus en plus fort. Ca me fait l'effet d'une sorte de gélatine qui se densifie. L'eau est épaisse, compacte. Elle m'oppresse, m'entoure. Mais, paradoxalement, mes capteurs extérieurs indiquent que notre progression est fluide, complètement normale. Il n'y a aucune résistance inattendue. Et pourtant, cette ambiance claustrophobe embrouille ma perception du temps. Il s'allonge, s'étire pour laisser encore plus de place à mes spéculations...

— Ça va ?

Je suis contente d'entendre mon compagnon, je sens immédiatement mon angoisse s'apaiser. Je m'empresse de lui cacher mon trouble.

— Oui oui.

Au début, il badinait, bavardait, mais là, ça fait quelques heures qu'il n'a plus rien à raconter. Ça ne lui ressemble pas vraiment mais je le soupçonne d'exécrer autant que moi cette descente en enfer. J'imagine que nous avons perdu l'habitude de plonger.

L'étau s'est desserré depuis quelques temps. Il n'y a toujours aucune lumière qui filtre à cette profondeur, mais je ne me sens plus oppressée. J'ai même un sentiment d'espace, presque comme si l'eau s'était retirée alors qu'elle est toujours là. Le noir qui m'entoure est lumineux. J'inspire à fond. Tout va bien. Je me sens détendue. La descente est douce. Karl est en train de chantonner un air. Mon esprit semble lui faire écho, je crois entendre un tintement léger en rythme. C'est entrainant. Je souris. On devrait bientôt atteindre le plancher océanique.

Nous sommes arrivés. Je prélève un échantillon de sol. Soudain, je sens un frôlement contre ma jambe.

— Karl ?

— Oui ?

Je me relève pour le regarder. Il est à quelques mètres de moi en train de prélever des échantillons d'eau.

— Rien rien.

Impossible que ce soit lui. C'était sans doute une sorte d'engourdissement, de fourmis... Ou un mal des profondeurs ? Peut-être que ma combinaison a un défaut ?

— Tu me parles pour rien ? Tu as touché le fond ?

— Très drôle.

Je n'ai pas vraiment envie de rire. Je suis un peu perplexe et inquiète. Le silence s'installe à nouveau et je poursuis en m'attaquant aux relevés thermiques. J'ai l'impression de sentir une odeur dérangeante, quand tout à coup, je vois Karl s'agiter et balayer son corps avec sa lampe. L'odeur disparait immédiatement et une pression chaude s'exerce sur mon bras, un contact réconfortant mais qui me donne la chair de poule. Je m'éclaire.


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