Messone resta interdit quelques secondes avant de se reprendre. Il ne pouvait pas la laisser faire, tout leur plan risquait de tomber à l'eau si quelqu'un la voyait comme ça. 

- Rappelle-toi notre conversation, pense à ce qui est en jeu. Ne te laisse pas submerger par la colère qui t'habite, contrôle-toi. Fais-le pour les personnes que tu aimes, mais aussi pour toi. 

Elle ferma les yeux, le combat qu'elle menait était difficile, plus difficile que dans ses souvenirs. Il était hors de question que la jeune vampire abandonne aussi facilement, elle était plus forte que ça. Elle avait appris à vivre avec son côté Ultime et il était hors de question qu'il la contrôle ce soir. Elle rouvrit les yeux à présent noisette, au plus grand soulagement de Messone.

Il s'approcha d'elle et posa une main sur sa joue en affichant un sourire réconfortant. Malia avait le souffle court par l'effort mental qu'elle venait de fournir, il l'observa quelques secondes fasciné par sa détermination et son courage. Revoir son créateur venait de lui rappeler des souvenir douloureux et pourtant, elle se tenait devant lui, prête à retourner dans la fosse aux lions. 

Messone lui fit un sourire en coin  pour la rassurer auquel Malia répondit par un signe de tête mais le vampire n'était pas dupe, le reflet de ses pupilles noisettes dévoilaient son incertitude et sa peur.

Elle prit son bras et inspira pour se donner du courage et avancèrent ensemble dans cette grande salle qui à présent était aussi froide que l'hiver. Meline soupira en les voyant entrer, Malia lui fit un signe pour la rassurer et sa tutrice vint les rejoindre. 

Malia se déplaçait entre les invités, toujours accompagnée de ses amis, elle fit abstraction des regards que les hommes posaient sur elle. Ce soir il n'y avait qu'un homme qui occupait ses pensées, et celui-ci tourna son regard vers elle. Ses iris se plongèrent dans les siens et celle-ci soutînt son regard comme captivée, Messone lui comprima le bras le plus discrètement possible pour qu'elle détourne le regard car il savait qu'il était mal perçu de soutenir le regard du roi, celui-ci mit fin à sa conversation et s'approcha d'eux.

Méline s'inclina respectueusement même si cela lui en coûtait, Messone en fit de même.

- Meline, Messone je suis ravi de vous compter parmi mes invités, répondit le roi.

- Nous étions très surpris de recevoir une invitation aussi... inattendue, avoua Messone. Mais c'est un honneur pour nous. 

Messone lui avait répondu du mieux qu'il pouvait mais n'importe qui verrait qu'il était crispé et faisait de son mieux pour ne pas lui arracher le cœur. Le roi inclina la tête pour seule réponse et posa son regard sur Malia qui s'inclina. Lorsqu'elle releva la tête, il lui tendit la main. Étonnée, elle ne comprit pas tout de suite ce qu'il voulait.

- Votre main, très chère.

Rouge de honte, elle la lui tendit et celui-ci y déposa un baiser. Elle tourna son regard en direction de Messone qui faisait de son mieux pour ne pas sourire. 

- Qui est cette charmante créature ? 

- Elle est notre meilleure élève, dit Messone.

- J'ai l'impression que nous nous sommes déjà vu, non ? 

Elle afficha son plus beau sourire.

- Je ne pense pas mon roi, si tel avait été le cas, je m'en souviendrai. 

- Oui j'en suis sûr, dit-il en affichant un sourire en coin.

Un couple arriva et fit signe au roi, celui-ci s'excusa et commença à partir avant d'ajouter : 

- Ne quittez pas ce manoir sans m'avoir accordé une danse, mademoiselle. 

Elle fit de grands yeux et rougit de plus belle. Danser avec le roi? Encore une chose qu'elle n'avait pas prévu. 

- Il est au courant.

Meline et Malia se retournèrent en même temps vers Messone qui leur demanda de le suivre dans le jardin. Étonnamment celui-ci semblait connaître cet endroit par coeur.

- Ici personne ne peut nous entendre, nous avons été négligents une fois, ne recommençons pas la même erreur deux fois. Megan Hall est derrière tout ça.

À l'entente de ce nom, Malia commençait déjà à perdre patience. 

- Elle s'est entretenue avec le roi et lui a tout dit. Cette fois il n’y a plus aucun doute, il sait que tu es l'Ultime, il voulait le voir de ses propres yeux.

Malia était persuadée qu'il l'avait reconnue, ce n'était pas le genre d'homme à oublier un visage et le regard de prédateur qu'il avait posé sur elle ne laissait aucun doute. Anxieuse, Meline demanda à Messone ce qu'ils devaient faire.

- On continue, on joue le jeu, répondit Malia sûre d'elle.

Meline voulut contester cette décision mais Messone posa une main sur l'épaule de son amie pour la faire taire. Ils n'avaient pas le choix, ils devaient retourner dans cette salle et leur faire face, qu'ils le veuillent ou non.

Le bal continuait et les conversations battaient son plein, la plupart des vampires de cette salle étaient d'une grande arrogance. Ils parlaient de leur argent, leurs propriétés, leurs nouvelles voitures. Fort heureusement, tous n'étaient pas comme ça. Une voix que Malia ne connaissait que trop bien l'appela :

- Joins-toi à notre conversation, fit Megan alors qu'elle était en compagnie de nobles et du roi. Nous parlons de tes amis les chiens.

Les autres se mirent à rire et posèrent un regard réprobateur sur Malia.

- Ah oui ? répliqua la jeune Ultime. Mais dis-moi, tu m'as l'air d'être très intéressée, tu parles d'eux sans cesse, aurais-tu des vues sur l'un d'entre eux ? 

Plus personnes n'osa rire, elle lui lança un regard noir. Megan bredouilla quelques paroles sans oublier de mentionner que Malia s'était battue aux côtés des loups, ce qui ne manqua pas de provoquer l'indignation des nobles.

- Megan, Megan, voyons as-tu la mémoire courte ? Si mes souvenirs sont bons, il me semble que je me suis mise devant cette femme en sang pour ne pas que tu la tues. Car tu sais aussi bien que moi que la vue du sang te fait perdre tes moyens. 

Elle lui fit un clin d'œil et reprit : 

- Ensuite, mon meilleur ami m'a aidée à garder en vie cette femme. 

Un noble prit la parole et quant au roi, il la fixait de ses yeux bleus. 

- Votre meilleur ami est donc un loup ? 

- Est-ce donc la seule chose que vous avez retenu de mon histoire ? 

Messone qui n'avait rien loupé de cet échange décida d'intervenir en l'invitant à danser une valse. 

- C'était très bien, dit-il souriant.

- Mais tu es quand même intervenu.

Le vampire esquissa un sourire en coin, Malia était jeune et ne connaissait rien à la royauté contrairement à Messone qui connaissait les règles. Malia ne pouvait pas s'adresser à un noble comme elle le voulait car même si les temps avaient changé, certains n'avaient malheureusement pas évolués.

La brune se rapprocha de son professeur et le remercia d'être aussi présent pour elle, elle ne le connaissait que depuis peu de temps mais Malia avait rapidement compris qu'il était un homme de confiance comme il en existait peu. 

Soudain la musique s'arrêta au plus grand agacement de Malia qui se demandait encore ce que cette soirée réservait.

Des femmes vêtues de robes rouges firent leur entrée, marchant l'une derrière l'autre sans se défaire de leurs sourires. Ces femmes n'étaient pas les seules à sourire puisque la plupart des vampires étaient eux aussi heureux de leur arrivée. Messone se crispa en voyant Alban se saisir de l'une d'entre elles, il déplaça ses cheveux avec douceur et s'approcha de son cou. Un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'il croisa le regard de Malia, qui elle avait les sourcils froncés. À cette vue qui la répugna, Malia ferma les yeux pour ne pas assister à cette scène.

- Cela vous gêne-t-il ? 

Lorsque ses paupières s'ouvrirent de nouveau, le roi se tenait devant elle, ce qui la perturba quelques secondes.

- C'est pourtant notre nature, ajouta-t-il en essuyant le coin de sa bouche.

Une phrase cinglante lui vint à l'esprit mais elle se ravisa au risque de s'attirer ses foudres.

- Ne vous en faites pas votre altesse, cela ne me dérange en rien. 

Il fit signe à l'une d'entre elles et lui saisit le poignet.

- Alors servez-vous, dit-il en lui montrant le poignet.

Elle regarda tour à tour cette femme et le roi. N'ayant jamais mordu un humain, Malia sentit le stress la gagner ce qui n'échappa pas au roi. Alban planta ses crocs dans le poignet de la jeune femme laissant l'odeur du sang flotter dans l'air.

La vampire sentit une sensation nouvelle la recouvrir, celle de vouloir mordre un humain. Alban laissa la femme repartir ayant compris que Malia ne s'était pas prêtée à cette activité et l'a saisi ensuite par la taille pour la coller à lui, ce qui la fit hoqueter de surprise.

- N'oubliez pas ma danse.

“Comment pourrais-je l'oublier”, pensa-t-elle. Ils commencèrent à danser et Malia étudia cet homme si spécial. Elle ne put s'empêcher de remarquer qu'il avait du charme, mais néanmoins elle le savait dangereux. La vampire secoua légèrement la tête pour remettre ses pensées en place, ce n'était pas le moment ni la bonne personne à admirer ce soir.

- Vous êtes surprenante et d'une rare beauté.

Elle se sentit rougir mais ne voulait rien laisser paraître.

- Merci, et pourquoi surprenante ? 

- Pour commencer, vous assumez le fait d'être amie avec des loups, ce qui est plutôt rare. Et enfin, lorsque vous m'avez vue, vous êtes sortie rapidement, comme si je vous rappelais quelqu'un.

Il cherchait à la déstabiliser mais elle décida qu'il en serait autrement. 

- Alors premièrement oui, je suis amie avec des loups et oui je les considère en tant qu'espèce à part entière. Ensuite, je suis sûre que je ne suis pas la seule femme à perdre ses moyens face au roi.

- Je vous fais perdre vos moyens ? 

- Cela vous surprend-il tant que ça ? 

Il plongea son regard dans le sien, voulant la déstabiliser. C'était la fin de la valse et il resserra son emprise.

- Je sais ce que tu caches... 

Elle resta figée et Alban, sûr de lui, affichait un sourire. Messone choisit ce moment pour intervenir et signaler au roi qu'il était temps pour eux de quitter les lieux.

Ils s'avancèrent vers la sortie et descendirent les escaliers qui les menaient au carrosse. Messone et Meline y entrèrent et avant qu'elle n’y entre à son tour, elle se retourna et vit le roi qui la fixait bras croisés sur le torse. 

Elle effectua une courte révérence mais plutôt que de baisser la tête, elle l'observa une dernière fois sans pouvoir contrôler les battements de son cœur et monta à son tour dans le carrosse.

- À très bientôt ma belle, lança-t-il, sans lâcher de vue le carrosse qui s'éloignait.