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Un puits sombre et sans fond s'étendait à perte de vue, pas un bruit, pas un murmure. Malia laissait son esprit vagabonder à travers cette étendue abyssale depuis des heures ou peut-être même des jours. Elle n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé. Sa conscience était bloquée ici dans ce lieu inconnu qu'elle qualifiait de néant, ou peut-être était-ce l'enfer ? Son enfer. 

Malia ne le savait pas encore, mais son heure n'était pas tout à fait arrivée. Ni morte ni vivante, la vampire était enfermée dans les profondeurs de son esprit où seule deux issues étaient possibles, mais cette fois-ci, elle n'était pas seule maîtresse de son destin. Sa vie dépendait d'une seule personne, ce n'était pas un loup ni même un vampire, mais d'une jeune sorcière.

À la voir ainsi agenouillée près du corps de son amie, il était difficile à croire que Daé descendait de la plus ancienne et plus puissante lignée des sorcières. 

Son passif douloureux l'empêchait de se servir de son plein pouvoir, la rouquine se l'interdisait. Bien qu'elle n'était pas totalement responsable au vu de son jeune âge et de l'influence nocive que sa partenaire avait sur elle, Daé n'était pas parvenue à éviter la mort d'un innocent. Les images de son impuissance la hantaient encore aujourd'hui même si depuis son rapprochement avec Jessy, ses cauchemars s'étaient évaporés. 

— Combien de fois vais-je devoir te dire que tu n'es pas responsable de ce qu'il s'est passé ? Crois-tu sincèrement que je t'aurais acceptée dans ma meute si cela avait été le cas ? 

— Ma mère sait se montrer très convaincante, répondit Daé avec mépris. 

Lenzo n'avait plus la patience pour rassurer la sorcière, la vie de son âme sœur tenait entre ses mains et il était hors de question qu'elle périsse à cause d'une culpabilité qu'elle n'avait pas lieu de ressentir. Les nerfs à vifs, l'Alpha la prise par les bras afin qu'elle se tienne sur ses deux jambes. 

— Ton amie est sur le point de mourir tout ça parce que tu es trop bornée pour voir la réalité en face ! Bon sang Daé, réveille-toi ! 

Aucune réaction, seulement des larmes silencieuses. La sorcière ne savait pas comment retrouver ses pouvoirs, ils étaient pourtant prêts à jaillir du plus profond de son âme, ils suffisaient qu'elle le veuille, qu'elle les laisse l'envahir de nouveau, mais là était sa plus grande peur. 

Allait-elle réussir à les contrôler ? N'allait-elle pas sombrer de nouveau dans le côté obscur de la magie ? 

Lenzo la relâcha vivement sous les regards désolés des personnes qui l'entouraient. L'Alpha ne pouvait pas se montrer si désemparé en temps de guerre, mais il pouvait compter sur le soutien des siens. Aucun des loups ne pouvait le blâmer, ils savaient tous combien il était douloureux de perdre la moitié de son âme et bien qu'elle ne soit pas tout à fait morte, ses heures étaient comptées. 

Jamais il n'aurait dû l'écouter, pourquoi avait-il céder une fois plus à ses folles idées ! Elle s'était montrée si sûre d'elle, lui promettant que tout se passerait pour le mieux ! Mensonge ! pesta-t-il contre lui-même. Malia s'était trompée, rien ne s'était passé comme prévu. Les images de cette funeste soirée tournaient encore en boucle dans son esprit. 

 Il voyait encore son corps tendu à l'extrême, ses veines se teinter de noir et son regard figé dans le sien, luttant contre le venin qu'il lui avait infligé par sa morsure. Ses paupières devinrent subitement lourdes et c'est sous son impuissance que son regard se ferma pour ne plus s'ouvrir. Son souffle se coupa et c'est le cœur brisé qu'il là sera contre lui espérant qu'elle se réveille au plus vite, mais lorsqu'il vit Daé arriver en courant, il comprit qu'il venait de faire une grave erreur. 

Les remords et la culpabilité l'assaillit le plongeant dans une profonde tristesse. Pas une larme dévala de ses yeux, mais son cœur lui en revanche saignait de douleur. 

L'effervescence au sein de la meute était à son comble, tous les regards étaient rivés sur la rouquine voyant en elle un nouvel espoir de guérison. 

— Felesia, avait-elle subitement articulé, nous devons tous nous rendre à Felesia. 

Daé était ensuite remontée sur sa moto, quittant la meute et ses amis dans la plus totale incompréhension. 

Lenzo savait qu'en allant à Felesia il déclencherait la guerre, mais peu importait. L'affrontement devait avoir lieu avec ou sans Malia et toute cette tension avait assez durée. Il était temps à présent d'y mettre un terme. 

L'Alpha donna l'ordre à tous ses soldats de se rendre à l'école le plus rapidement possible et c'est ainsi que les loups avaient envahi une partie de l'école. La meute avait de nouveau monté l'estrade afin d'y déposer leur Luna, cette femme qui par son geste avait gagné tout leur respect. 

Toujours vêtue de sa longue robe blanche, Malia était étendue telle la belle au bois dormant. Seulement l'histoire était différente, il n'était pas question d'un baiser et d'amour cela aurait été trop facile, mais de pouvoir magique enfoui dans le corps d'une puissante sorcière. 

La rouquine s'était isolée une fois de plus dans la grande forêt de l'école là où elle pouvait se ressourcer. La nuit s'était écoulée sous ses efforts surhumains afin de sauver la vampire, en vain. Échec après échec, son corps et son esprit étaient épuisés par tant d'efforts sans résultats. 

Il lui fallait puiser au plus profond de son âme, afin de faire renaître ses pouvoirs à nouveau. Mais comment y arriver ?

— C'est impossible ! s'écria-t-elle. 

— Tu en es capable, mais tu as peur. 

La sorcière fit face à son loup. 

— Tu ne sais pas de quoi tu parles Jessy, alors pars ! 

Les nerfs à vif, Daé posa ses mains sur un grand conifère afin de ressourcer sa magie. 

— Ce n'est pas suffisant et tu le sais aussi bien que moi. Tu es épuisée et tes forces te quittent à chaque nouvelle tentative, alors maintenant tu vas arrêter et me regarder.

Jessy n'était pas en colère, seulement il voyait à quelle point elle était fatiguée. Son entêtement et sa crainte allaient finir par la tuer, et Malia aussi. 

— Je sens du plus profond de mes tripes que le roi attaquera dès ce soir. Comme tu le sais, cette nuit est celle de la lune rouge. Cette dernière agit sur toutes les espèces, encore bien plus sur les sorcières, alors sers-toi d'elle pour retrouver tes pouvoirs. Ils sont là, ils ne t'ont jamais quittée. 

Jessy pointait son cœur du doigt, il souleva ensuite son menton et l'embrassa tendrement. 

— Tu n'es plus sous mauvaise influence et si un jour tu te sens dépassée par tes pouvoirs, je serai là ainsi que tous nos amis pour te remettre sur le droit chemin comme on l'a fait avec Malia. Tu es si forte, ne gâche pas ton talent pour une erreur commise il y a longtemps, nous en avons tous faits. 

Jessy soupira et déposa un baiser sur son front. L'angoisse le gagnait à mesure que Lenzo perdait patience, les traits tirés de son Alpha trahissaient sa peine et sa colère. Il savait que Daé détenait la clé pour éveiller son âme sœur et très bientôt, sa patience atteindrait ses limites. 

Jessy s'éloigna en jetant un dernier regard au-dessus de son épaule et la vit poser ses mains sur l'arbre. Un soupir las s'échappa de ses lèvres et c'est le cœur lourd qu'il rejoignit ses amis. 
 Messone se tenait debout près de l'estrade, le vampire n'avait pas dit un mot depuis ce fameux soir. Méline s'était enfermée dans sa chambre, se nourrissant à peine, sous le regard impuissant de Jacke. 

D'un pas déterminé, Jessy vit Lenzo le regard sombre venir jusqu'à lui. Le métisse allait devoir trouver les mots juste afin qu'il ne commette pas de gestes regrettables, bien qu'il était son Alpha, Jessy ne permettrait pas qu'il s'en prenne à Daé. 

— Alors ? Demanda t'il d'une voix ferme.

— Elle va puiser sa force ce soir, lorsque la lune rouge sera à son apogée. 

Jessy n'aimait pas mentir, d'ailleurs ce n'était pas réellement un mensonge, il croyait réellement en ses paroles seulement … il n'était sûr de rien. 

Le loup ne croyait pas si bien dire. Les heures défilaient et rien n'avait changé. La sorcière semblait épuisée, la meute était tendue à son extrême et Lenzo n'était plus que l'ombre de lui-même. Le coucher du soleil se fit sous un silence de plombs, emportant avec lui tout espoir de guérison.

Le teint de la belle Malia se faisait de plus en plus gris à chaque heure passante. Lenzo n'y tenant plus se leva envahie d'une lueur sombre, sous le regard craintif des loups qui l'entouraient. En réalité l'Alpha n'était pas en colère, mais son incapacité à pouvoir la sauver le rongeait de l'intérieur. Sa vie sans elle n'avait aucun sens. 

Alors qu'il était sur le point de se confronter à la jeune sorcière afin de lui ouvrir les yeux sur la situation, le hurlement strident d'un loup retentit dans l'enceinte de l'école. Une centaines de loups-garous dressèrent les rangs et se mirent en position d'attaque. 

Une horde de gardes royaux fit son apparition avec à leur tête Alban, roi des vampires, suivi de près par Stanley. Les vampires avaient parcouru des kilomètres à travers la forêt afin de se camoufler au mieux des humains et pas une once de fatigue ne se lisait sur leurs visages. 

Le roi s'avança afin que tous puissent admirer sa supériorité. Son regard se mit à balayer la foule à la recherche de la femme de ses pensées et l'incompréhension se lit sur son visage lorsque sa vue perçante découvrit Malia, allongée sur une estrade. 

Comment est-ce possible ? pensa-t-il stupéfait. La surprise fut rapidement remplacée par la colère et le mépris qu'il ressentait envers ce chien de Lenzo. Cette vision le perturbait plus qu'il ne l'aurait imaginé cependant, il ne pouvait pas se permettre d'afficher ses faiblesses. Impassible, il s'adressa à Lenzo dont le regard trahissait ses émotions. Pitoyable, pensa le monarque. Voilà pourquoi il était fait pour être roi suprême, lui n'avait aucune faiblesse, pas même la belle vampire. 

— Tu l'as tuée parce qu'il est évident qu'un Ultime ne deviendra jamais un loup. Nous sommes une espèce supérieure à toutes celles qui existent et ton obsession a fini par la tuer. Tu es pathétique.

Alban savait parfaitement où appuyer pour lui faire du mal, mais c'était sans compter sur Lenzo qui s'y était préparé. 

— Ne te réjouis pas trop vite, Malia n'est pas morte. Le processus met plus de temps car comme tu le sais, elle est exceptionnelle. 

Un soupir imperceptible de soulagement traversa les lèvres de sa majesté. Aussi étrange que cela puisse paraître, la penser morte l'avait un tant soit peu ébranlé. 

— Avec ou sans elle, mes soldats ne feront qu'une bouchée de ton armée. Je te propose de mettre un terme à toute cette mascarade en te faisant une proposition. 

Lenzo esquissa un sourire en coin avec une sombre envie de lui mettre son poing en plein visage. 

— Si tu poses un genou à terre en me soumettant ton allégeance, je me montrerai clément envers ton espèce et ta mort sera rapide et sans douleur. 

Lenzo partit dans un rire sans joie, décidément cet homme était complètement fou. 

— Je n'ai pas peur de toi, ni de tes soldats, dit Lenzo en se tournant vers les siens. Il croisa le regard de la jeune sorcière et reprit son discours. J'ai confiance en mes Hommes, en ma meute et en chaque personne qui en font partie. Jamais je ne poserai un genou à terre, je préfère mourir au combat plutôt que de prêter allégeance à un roi sans âme comme toi. 

Les loups se mirent à grogner, exprimant toute leur gratitude envers l'homme qui les dirigeait. 

— De vrais tigres tes soldats, s'amusa Alban nullement impressionné. 

— Crois-moi Alban, mieux vaut être un loup qu'un tigre ou un lion. Certes ils sont plus forts, mais le loup, lui, ne joue pas dans un cirque. 

Le regard de Lenzo se mit à luire d'un rouge vif, témoignant sa puissance et sa détermination. 
Alban fit apparaître son Utlime, noir et sans fond. 

Telle une déesse, la lune se leva à son tour majestueuse et solitaire, surplombant l'assemblée de sa hauteur. Une nuance carmin parsemait la sphère à mesure qu'elle gravissait le ciel, mais cette nuit, elle ne serait pas la seule à saigner. 

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