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Roulant à une vitesse peu recommandable, la jeune sorcière fixait la route avec une certaine appréhension  voire même, un mauvais pressentiment. Dae n'était pas certaine que l'entrevue avec sa mère se passe aussi bien qu'elle le voulait, le monde des sorcières étant le plus complexe, rien n'était jamais gagné à l'avance même lorsque tout semblait l'être. 

Elle s'engagea avec sa moto sur un chemin de terre, rapidement remplacé par un paysage de fleurs aux mille couleurs. La rouquine enleva son casque et huma l'air afin d'abreuver ses poumons de leurs parfums délicats. Un sourire s'épanouit sur son visage lorsque des souvenirs d'enfance lui revinrent en mémoire, mais sa rêverie s'évanouit soudainement lorsqu'elle croisa le visage impassible de sa mère.

Dae ne s'attendait pas à un sourire radieux ou autre débordement d'affection venant de sa mère : un simple sourire ou un regard tendre étaient tout ce qu'elle avait su lui offrir depuis sa naissance. Pas que cela ne la gêne, la rousse s'y était habituée. Sa mère tenait un rôle des plus importants au sein de leur communauté, Sandrea s'était forgée un caractère de feu comme toutes les femmes de sa lignée, et Dae n'échappait pas à la règle. 

— Mère, dit-elle en ôtant son casque. Si je t'ai fait venir jusqu'ici, c'est au sujet d'Alban. Il a commis une erreur impardonnable en transformant contre leur gré un nombre non négligeable d'êtres humains innocents. Il les retenait prisonniers à Lazar et… 

Dae stoppa son monologue en voyant  son air impassible. Elle était tout bonnement stoïque, nullement surprise par cette annonce des plus glaçantes. 

— Je ne t'apprends rien, n'est-ce pas ? 

Sandrea inspira profondément. Ce qu'elle s'apprêtait à lui dire n'allait pas lui plaire, une énième querelle allait saisir les deux femmes, mais n'étant pas habituée à tourner autour du pot, Sandrea se lança à son tour.

— Effectivement, tu ne m'apprends rien. La question que tu te poses maintenant c'est pourquoi je n'ai pas réagi ? Et bien parce que je tiens un accord avec Alban. 

Dae écarquilla les yeux face à de tels propos. 

— Un accord que je ne pouvais pas refuser. 

— Tu pactise avec l'ennemi ! Depuis quand crains-tu le roi des vampires mère ? dit-elle d'un ton acerbe.

— Depuis qu'il a fait entourer la ville et qu'au moindre de mes faits et gestes, il lancera l'assaut. 

Dae ferma les poings, agacée par tant de mesquinerie de la part de ce vampire assoiffé de sang. Pour autant, sa mère n'était pas du genre à se laisser si facilement mener, cela ne lui ressemblait en rien.

— Tu as abdiqué sans un mot ? Sans te battre ? Je n'y crois pas. 

Sandrea lui avoua qu'il était préférable de laisser les loups ainsi que les vampires mener cette guerre et s'entretuer. Une fois de plus, les deux espèces étaient au centre de conflits ancestraux, durant lesquels les sorcières avaient plus d'une fois perdu des êtres chers, cela était terminé. 

— Malia a toutes ses chances de gagner cette guerre, mais aussi de la perdre. Le destin parlera et nous aviserons en fonction du vainqueur. 

Cette phrase sonna comme une alarme, Dae sentit son ventre se tordre à nouveau, c'était un avertissement. Sandrea s'approcha et prit son visage en coupe.

— Cette guerre te concerne Dae, je ne peux pas me battre, mais toi en revanche tu le peux. Tu représentes la puissance de notre lignée, à toi de t'en montrer digne. 

Sandrea tourna les talons sous le regard incertain de sa fille. 

— Mère attends, je ne comprend pas. 

— Malia détient une puissante essence vitale magique, le venin qu'elle s'apprête à recevoir la tuera avant même que le soleil ne se couche. Un Ultime n'est pas censé recevoir le venin d'un loup garou, c'est contre nature. 

Une transformation, la mort, était-ce donc cela cette boule au ventre qui tiraillait ses entrailles ?  Comment pourrait-elle la sauver, elle qui était seule ? Il lui fallait l'aide de sa mère, seule, c'était impossible. 

— La lune rouge se déroulera cette nuit, à toi de retrouver ta magie, celle que tu as enfouie au plus profond de toi. Sans elle, Malia est perdue. 

La rouquine observa sa mère s'en aller sans se retourner. Son corps se mit à trembler, secoué par des spasmes de crainte. Son état lui rappelait cette époque qu'elle tentait depuis de longues années d'oublier, celle où elle détenait son plein pouvoir. Une époque qu'elle s'était promise d'effacer en éclipsant avec elle, sa puissance. 

Retrouver sa force se résumait à prendre le risque de se laisser consumer une nouvelle fois par la force de sa magie, ce qui était tout bonnement impossible. 

Dae devait à tout prix retrouver Malia avant que cette dernière ne mette sa vie en danger. Si seulement ce maudit roi n'existait pas ! Pesta la jeune sorcière. Il devait certainement préparer ses troupes ou qui sait… un énième mauvais coup. Impossible de savoir, le mot imprévisible prenait tout son sens avec cet homme. 

Dae ne croyait pas si bien dire. Le royaume tout entier s'affairait à cette guerre. Les guerriers combattaient dans l'espoir de devenir plus forts, afin de tuer du loup, comme ils le disaient si souvent. Quant au roi, lui ne faisait pas grand chose si ce n'est fermer les yeux et savourer sa victoire. Il venait d'évincer le clan des sorcières de manière plutôt diplomate, presque trop facilement, le monarque n'allait pas s'en plaindre, même s'il se doutait que la sorcière aux cheveux d'ébène avait certainement une idée derrière la tête. Était-elle confiante à ce point d'une victoire lupine ? Non, ce n'était pas le genre de Sandrea. Quoi qu'il en était, il valait mieux pour elle qu'elle ne s'agite pas car au moindre faux pas, il lâcherait la bombe et les humains seraient les premiers à souffrir. 

S'entraîner ne faisait pas partie de ses journées, il avait eu la chance de combattre Malia et bien que sa puissance soit remarquable, cette dernière ne dépassait la sienne, mieux encore, la vampire était plus faible. Une aubaine pour sa majesté qui d'une certaine manière, bien qu'il ne l'avouerait jamais, craignait que cette Ultime lui soit fatale. 

Depuis son départ et l'annonce de son lien avec le roi des chiens, son regard n'avait pas retrouvé sa couleur d'origine. Personne n'osait soutenir son regard plus de quelques secondes, bien qu'il n'était pas à l'origine de ce phénomène, le roi aimait la peur qu'il lisait dans les yeux de ses sujets. Maintenir son règne par la peur était sa façon de maintenir l'ordre et éviter toute tentative de rébellions inutiles. 
Seulement il avait engendré lui-même la cause de cette mutinerie et c'était à lui seul de montrer à ces opportunistes qu'il n'existait qu'un seul chef. 

De temps en temps, pour ne pas dire constamment, il pensait à la belle vampire. Comment était-il possible qu'elle se soit liée à cet homme ? Faible, rustre, sans aucune manière, un loup tout simplement. Le sentiment d'avoir été dupé l'avait assailli de nombreuses fois, certes il ne comptait pas faire d'elle sa reine, même si cette idée lui avait plus d'une fois effleuré l'esprit. Ce pourrait-il qu'il soit emprunt de jalousie, comme le lui avait supposé Stanley ? Lui, jaloux de cet homme ? Jamais, Alban était bien plus beau, son charisme faisait perdre la tête à toutes les femmes et si Malia n'avait pas été touchée par cette malédiction, elle aussi aurait succombé à son charme. Sans oublier qu'il ne pouvait pas ressentir de tels sentiments, puisqu'il avait tout orchestré afin de la tuer de ses propres mains.

Cette histoire était d'une complexité à en perdre la raison. D'ailleurs, il l'avait certainement perdue depuis qu'elle était apparue dans sa vie. 

Quoi qu'il en soit, Alban ne pouvait plus écouter ses sentiments qui s'entremêlaient à chaque fois qu'il pensait à Malia, sa priorité était le combat qu'il comptait mener afin de tuer ses opposants et d'assujettir les maudits loups. Cela ne serait pas une tâche aisée, le vampire en avait bien conscience. La meute Suprême avait plus d'une fois fait ses preuves, sans oublier que Messone et bien d'autres vampires allaient se battre à leurs côtés, puisque cet imbécile qui lui servait de conseiller avait échoué à tuer Messone. Cet épisode avait lourdement entaché l'image du vampire, son égo était sévèrement touché. 

— Sir ! 

Le conseiller entra à toute hâte dans les appartements du roi. 

— Je pensais justement à vous et votre échec cuisant contre Messone. 

Stanley se stoppa net, agacé par cette taquinerie mesquine, mais se retint de lui balancer à son tour une blague de mauvais goût. Son altesse n'était pas d'humeur à plaisanter et la nouvelle qu'il s'apprêtait à lui donner n'allait rien arranger. 

— L'infiltré m'a apporté une nouvelle des plus déplaisantes.  

Son regard fuyant ne lui disait rien qui vaille, Alban serra les poings en espérant pouvoir trouver le contrôle nécessaire afin de ne pas lui arracher la tête. 

— Malia a décidé de se transformer en hybride afin de leur prouver sa loyauté. Demain soir, lorsque la lune rouge sera au plus haut dans le ciel, Lenzo la marquera de ses crocs. 

Le monarque inspira puis expira durant de longues secondes. Stanley lui ne bougeait plus, ne parlait plus, telle une statue, il attendait que son roi explose, mais contre toute attente, il n'en fit rien. 

Il mis ses mains sur le rebord de la fenêtre et dit : 

— Demain, lorsque la lune rouge sera au plus haut, nous attaquerons. 

Stanley esquissa un sourire narquois et disparut, sachant qu'il n'obtiendrait rien de plus. 

Alban releva la tête, ses canines acérées frôlaient sa lèvre. Cette annonce finit d'achever le peu de sentiments qu'il lui restait. Son cœur n'était plus qu'un gouffre sans fin où seule la noirceur avait sa place. 

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