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Le ciel, dépourvu de tout nuages, étincelait par sa clarté la verdure sur laquelle il veillait. Les rayons du soleil venaient se déposer délicatement sur de magnifiques rosiers, afin de les réchauffer avec douceur. C'était un temps idéal pour se promener au travers des jardins royaux entretenus avec minutie, et où la moindre mauvaise herbe était aussitôt arrachée, afin de ne pas entacher les plus belles pousses.
S'attardant sur l'une de ses fleurs favorites, Alban vit que l'une d'entre elles s'imposait par sa perfection, mais aussi car elle était différente de toutes celles qui l'entouraient. Alors que ses congénères étincelaient d'une belle couleur rouge, cette dernière avait hérité d'une blancheur éclatante. Ses pétales frôlaient l'excellence et son parfum fruité enivrait quiconque s'en approchait. Le monarque posa sa main dessus et sans crier gare, l'arracha d'un geste sec, car aussi belle soit-elle, la rose blanche n'avait pas sa place parmi les rouges.
En ouvrant son poing, il vit qu'une épine s'était nichée dans son doigt, déversant quelques gouttes d'hémoglobine sur les pétales écarlates.
La laissant tomber sur le sol, Alban laissa le cours de ses pensées l'envahir et ces derniers temps, elles étaient nombreuses. Bien qu'il s'était préparé à cette guerre depuis de longues années déjà, Malia était un problème auquel il ne s'était pas préparé, une adversaire de taille dont il se serait bien passé. Les souvenirs de sa première apparition au château étaient encore clairs comme de l'eau de roche et à cette pensée, un léger sourire naquit au coin de ses lèvres. Il avait suffi d'un regard pour lui remémorer le jour où il lui avait ôté la vie, son sang si exquis agissait encore comme une drogue dans ses veines et il ne savait par quel miracle, l'humaine était revenue d'entre les morts non seulement en tant que vampire, mais plus étonnant encore, en Ultime.
Si pour certains son arrivée dans ce monde était le signe d'une nouvelle ère, pour lui, elle représentait la revanche qu'il attendait depuis de nombreuses années. Le moment était enfin venu de se débarrasser du nom d'usurpateur ou de régicide qui lui collait à la peau et de prouver à tous qu'il était capable de grandes choses pour son peuple.
Le règne de Darius était encore trop présent dans l'esprit de ses congénères. Certes, il était un grand roi, mais sa vision du monde n'était pas celle qu'elle aurait dû être. Une espèce comme celle des vampires était faite pour régner sur le monde :elle possède l'immortalité, la puissance, aucune autre espèce ne pourrait égaler cette force alors pourquoi se contenter de si peu, lorsqu'il était possible de tout avoir ? Cette discussion, il l'avait eu à plusieurs reprises avec son mentor, mais il ne voulait rien écouter. De plus, Alban ressentait cette noirceur grandissante, chaque fois qu'il voyait Darius. Il était impensable pour lui de se satisfaire de la seconde place, comme tout Ultime, alors sans qu'il ne s'y attende et de la manière la plus fourbe, Alban l'avait tué d'un pieu en plein cœur. Dire qu'il n'avait rien ressenti serait mentir, mais à peine avait-il frôlé le trône que toute sa culpabilité s'était envolée pour faire place à un monarque avide de pouvoir.
C'était exactement pour toutes ces raisons qu'il lui était impossible de la laisser en vie. Pourtant il avait essayé. Combien de fois son esprit avait orchestré un stratagème afin de la conquérir, afin qu'elle règne à ses côtés, avoir enfin trouvé la femme digne de lui. Il se rappelait encore les jours où ses sentiments s'étaient ligués contre lui, le rendant complètement fou, mais l'évidence était frappante, Malia était une arme née pour le détruire, rien de plus.
L'attirance qu'ils ressentaient l'un pour l'autre n'avait rien d'idyllique, ni même de passionnel, c'était un appel à l'affrontement, une envie irrémédiable de se mesurer l'un à l'autre, de se détruire, un besoin d'assouvir leur puissance. Peut-être que les choses auraient pu être différentes si Malia ne s'était pas laissée emportée par Messone et son groupe d'amis pathétiques aux idées obsolètes.
— Quel idiotie, pesta le monarque en passant ses mains dans l'une des fontaines du jardin.
Cette femme était une véritable obsession depuis leur première rencontre, il n'avait de cesse de penser à elle, mais pourquoi se mentir à soi-même ? Il ne voulait pas qu'elle vive tout comme elle ne le voulait pas. C'était impossible, lui voulait conquérir le monde, elle ne souhaitait que la paix et un monde juste entre chaque espèce, il était clair qu'il était impossible pour deux êtres si opposés de parvenir à une entente cordiale.
La guerre se déroulait en ce moment même et un seul survivrait à ce massacre, nul doute que ce serait lui. Ils étaient loin d'imaginer le plan qu'il avait mis en route et la puissance de ses gardes allait tous les surprendre.
— Sir ! s'écria la voix de Stanley.
Le vampire s'avança de sa vitesse vampirique et tendit une lettre à son roi. L'air grave qu'il affichait fit froncer les sourcils d'Alban qui s'empara du courrier. Lorsqu'il la retourna, Alban vit que cette dernière était scellée par un sceau royal, et pas n'importe lequel.
— Le sceau de Darius, dit Stanley, les poings serrés.
Alban inspira et commença sa lecture.
Cher Alban,
Je vous écris cette présente lettre suite à la mutinerie à laquelle vous avez survécu. Je ne vous cache pas que la perte de mon tendre ami Hermès me brise le cœur, mais suis-je bête, vous ne pouvez pas comprendre l'effet d'une telle perte puisque vous ne ressentez rien. Votre cœur est vide de tout sentiment, votre avidité vous conduit à commettre des actes immondes, à tuer des innocents et même à transformer des humains en vampires pour agrandir vos rangs.
Oui Sir, vous ne rêvez pas, je sais ce que vous manigancez et croyez-moi, je ne vous laisserai pas faire ! Sandrea ne laissera pas cet acte impuni, et je vous en remercie car grâce à votre stupidité, les sorcières viendront agrandir nos rangs et nous savons vous et moi, que leur puissance n'est plus à démontrer.
Une dernière chose, cette soirée d'opéra ou vous avez étalé une partie de ma vie sans mon consentement ; ce soir même ou vous aviez prédit de me tuer sous les feux des projecteurs et que de toute évidence, vous avez échoué : il y a un passage que vous avez oublié. Pourtant, cette scène est la plus belle de toute mon existence. Vous ne voyez toujours pas ? Laissez- moi éclairer votre lanterne. Le passage manquant est le suivant :
《 Le roi quitte la fête en l'honneur de Felesia. Brusquement, une bagarre éclate et dans toute cette agitation un lien incroyable se forme. Mon regard croise celui de l'Alpha Suprême, ses yeux d'une rare beauté, me transportent dans un tourbillon de sentiments et de bien-être, je me sens enfin complète. Mon ouïe fine capte un mot faisant vibrer tout mon être “Mienne”.》
À présent, vous connaissez toute l'histoire de celle que le peuple appelle, la nouvelle reine. Le reste, j’ai encore l’éternité pour l’écrire.
Nous nous retrouverons très prochainement.
Malia
Le regard d'Alban vira au noir, et son visage se transforma, animé par une sombre colère. Stanley, pris de peur, recula de plusieurs pas, surpris par ce soudain changement d'humeur. Le roi serra son poing et l'envoya dans la statue qui se brisa sous le choc de l'impact. Décrire ce qu'il ressentait actuellement était à peine envisageable car tous ses sentiments s'entremêlaient, passant de la colère à la haine, de la tristesse à la déception, pour revenir à la colère. Comment était-il possible qu'il n'avait rien vu ? Pourtant il aurait dû s'en rendre compte ! Voilà pourquoi elle aimait tant ces chiens ! s'écria sa conscience.
— Je vais tous les tuer ! hurla le roi en rage.
Stanley saisit la lettre ne comprenant pas pourquoi son altesse réagissait si violemment. À mesure qu'il lisait, son regard s'écarquillait, surpris par de telles révélations. Etant friand de tous les ragots, le vampire resta sans voix.
— Je ne crains pas cette meute de chiens enragés et je vais leur prouver qu'il n'existe qu'un seul souverain sur cette terre.
Stanley l'observa s'éloigner le sourire aux lèvres. Cette petite sotte venait de déchaîner les enfers, car contrairement à ce qu'ils s'étaient imaginés, le roi n'avait pas abattu toutes ses cartes et cette révélation venait de leur faire gagner cette guerre.
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