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Alban n'avait que faire d'observer la scène qui se jouait devant lui, il connaissait le scénario par cœur, puisqu'il en était à l'origine. L'écrire ne lui avait pas demandé beaucoup d'efforts, sa mémoire d'immortel se souvenait de chaque moment passé en compagnie de Malia. Son passage préféré restait celui où il l'avait rencontrée seule et blessée, perdue dans les bois. Les images de cette journée étaient encore parfaitement claires dans son esprit.
Alban était confortablement installé à l'arrière d'un véhicule lorsqu'il vit à quelques mètres plus loin, une jolie jeune femme seule s'enfoncer dans la forêt. Le vampire qui était à la recherche d'une nouvelle source de vie ne se fit pas prier pour la prendre en chasse et très vite, l'effluve de son sang ne tarda pas à venir chatouiller ses narines si sensibles à ce nectar. Tel un félin observant sa proie, Alban s'approcha d'elle sans jamais la quitter du regard, Malia était totalement affolée, son cœur battait à un rythme effréné et sa peur ne faisait qu'accroître son envie de chasser.
Lorsqu'enfin il se décida à se montrer, le vampire fut immédiatement conquis par sa beauté, mais ce qui le frappa d'autant plus, était son regard. Elle avait peur et pourtant, Malia semblait déterminée à l'affronter, peine perdue pour une simple humaine d'échapper à ses capacités surnaturelles et lorsqu'enfin il planta ses crocs dans sa chair, le goût si particulier de son sang enivra chacun de ses sens. Jamais il n'avait goûté à un tel nectar, à tel point que s'en détacher lui paraissait inacceptable, la vider de son sang était tout ce qu'il lui importait, bien qu'il n'en éprouvait pas la moindre envie, mais résister à un tel breuvage ne semblait pas envisageable non plus.
Malheureusement, le destin en décida autrement et Alban dut l'abandonner au risque de se faire remarquer par ces saletés de chiens-loups. Sans eux, Malia serait morte aujourd'hui - peut-être pour elle aurait-il mieux valu qu'elle le soit - à moins qu'elle ne décide de se ranger une bonne fois pour toute de son côté, un choix qu'il peinait à croire.
Malgré son irrésistible attirance pour cette femme, Malia était bien trop différente de lui, trop sage, trop innoncente, tout simplement trop humaine pour faire d'elle une alliée ou bien même sa promise. Lui la convoitait corps et âme faisant abstraction de cette animosité mortelle qui sommeillait en lui chaque fois qu'elle laissait ses pupilles se teinter de noir. Son côté obscur l'implorait d'en finir avec elle afin de prouver à tous qu'il était le seul Ultime sur cette terre, mais durant tout ce temps il avait lutté contre lui-même. Alban s'était abstenu car il pouvait ressentir l'attraction charnelle qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Malia n'était pas insensible à son charme et la façon qu'elle avait de détourner les yeux lorsqu'il l'observait avec insistance ainsi que les rougeurs de ses pommettes en étaient la preuve. Cependant, le temps passait et son cœur lui semblait inaccessible. Et malgré son immortalité, Alban n'avait plus le temps d'attendre ou du moins, ne le voulait plus.
Il voulait conquérir le monde des surnaturels et cela devait se faire sans elle à ses côtés. Si Stanley était présent il lui susurrerait qu'il avait eu raison depuis le départ, d'ailleurs ce dernier avait disparu depuis plusieurs jours voire des semaines. Il n'était pas rare que son conseiller s'éclipse de la sorte et avec Malia au château, ce n'était pas étonnant qu'il ait préféré prendre du temps loin de la vampire. Pourtant, Stanley se serait délecté de voir Malia aussi démunie face à la scène qui se jouait devant elle. Son regard était embué de larmes qu'elle s'interdisait de verser, sa gorge semblait nouée d'émotion et sa poitrine se relevait difficilement à chaque inspiration.
Avec l'aide de Mégan, Alban s'était entêté à réécrire quelques passages de la vie de Malia mais surtout ses projets futurs, comme l'asservissement de ceux qu'elle chérissait tant, les loups. Il était temps à présent qu'elle comprenne qui il était réellement et que ni elle, ni quiconque ne pourrait se mettre en travers de son chemin. Le compte à rebours était lancé, sa soif de pouvoir était à son apogée et seul le roi Ultime était destiné à régner.
La tuer allait être le meurtre le plus difficile de son existence et le plongerait encore un peu plus dans l'obscurité, mais sa décision était prise, Malia devait mourir.
▪▪️◾
Sur scène à l'écart de la troupe se trouvait une chanteuse d'opéra accompagnée par un groupe d'orchestre. Les comédiens jouaient la pièce de théâtre sans émettre le moindre son car seule la voix de la cantatrice résonnait dans la pièce. Sa voix mélodieuse transperçait d'émotions chaque spectateur et Malia d'autant plus.
Sourcils froncés, la jeune vampire examinait avec intérêt les scènes qui se succédaient devant elle. Cette pièce de théâtre et les personnages lui semblaient si familiers qu'elle pouvait sentir une effervescence envahir son corps sans réellement comprendre pourquoi il réagissait ainsi. En particulier la scène où l'actrice se faisait transformer en vampire de manière brutale. Impossible pour elle de ne pas se rappeler sa propre expérience et comme si cela n'était pas suffisant, d'autres scènes vinrent s'ajouter les unes après les autres la poussant constamment à se rappeler des brides de sa vie passée, ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle comprit. Sa vie se jouait devant elle mais aussi face à des dizaines de spectateurs, instinctivement Malia s'entoura de ses bras pour se protéger. Son histoire était personnelle et la voir ainsi exposée aux yeux de tous la mettait mal à l'aise. La vampire comprenait à présent pourquoi Megan était aussi réjouissante, il était clair qu'Alban n'était pas le seul auteur de cette pièce puisque contrairement à cette peste, lui était absent. Elle avait tout mis en œuvre sans émettre le moindre détail et les acteurs jouaient la comédie à la perfection, sauf le vampire qui interprétait Messone, il n'avait rien du charisme de son mentor. Se remémorer sa perte lui fit affreusement mal et comme elle en avait l'habitude, Malia releva la tête et fit taire sa peine, se concentrant à nouveau sur la scène.
La lumière des grands lustres se mirent à scintiller vivement, faisant sursauter la vampire qui ferma les paupières éblouies par cette soudaine clarté. Peu à peu l'éclairage diminua apaisant ses pupilles, malheureusement, Malia aurait préféré que ses derniers restent embrumés plutôt que d'assister à cette comédie. Alban et elle, du moins son personnage, partageaient en ce moment même un baiser passionné. Une main sur la bouche, Malia n'arrivait plus à se détacher de ses deux personnes, son cœur tambourinait dans sa poitrine, mais ce dernier battait d'incompréhension. Pourquoi mentir ? Pourquoi inventer un passage de sa vie qui n'avait jamais existé ? Si Malia aurait ne serait-ce qu'une seule fois posé ses lèvres sur celles de son roi, elle s'en souviendrait. Elle tourna son visage en direction d'Alban, son visage n'exprimait aucune émotion si ce n'était la satisfaction de la voir aussi abasourdie. Un léger sourire apparut à la commissure de ses lèvres mais Malia n'était pas d'humeur à sourire. Tout ceci était faux et l'envie de lui faire ravaler son mensonge lui traversa l'esprit, mais avant qu'elle ne puisse émettre le moindre mouvement, un grognement retentit.
La brune s'empressa de regarder la scène, des bruits de chaînes s'entrechoquaient et des grondements encore plus puissants retentirent. L'orchestre se mit à jouer de plus en plus fort un air de musique des plus angoissantes, quelque chose se cachait dans l'ombre, une espèce que Malia ne connaissait que trop bien. Pourtant, elle refusait d'y croire ce n'était pas possible, il… il n'oserait pas faire ça.
Alors qu'elle priait intérieurement de se tromper, le personnage d'Alban sortit de l'ombre avec une chaîne entre les mains. D'un geste sec, il tira sur le fer et un homme, ou plutôt un loup-garou, tomba à ses pieds. Son tee-shirt n'était plus qu'une guenille tachée de sang, laissant entrevoir des ecchymoses et des entailles profondes dégoulinantes d'hémoglobine. L'odeur du plasma se faufila jusqu'à ses narines mais cela ne réveilla en rien son appétit, bien au contraire, Malia ne ressentait que du dégoût. Le loup se releva avec difficulté sous les grondements silencieux des vampires, le visage du pauvre homme était en piteux état.
— Tu comprends maintenant ? Ne te retourne pas.
Hermès, pensa Malia. L'homme était caché derrière le rideau rouge. Comme il lui avait demandé, la vampire ne bougea pas de son siège trop occupée à observer le pauvre malheureux.
— Le message est clair Malia, il te montre ce qu'il attend de toi. Il veut que tu le suives dans sa quête de pouvoir en asservissant les loups dans un premier temps et ensuite ce seront toutes les espèces qu'il voudra contrôler. Sa soif de pouvoir va au-delà de tout ce que tu peux imaginer Malia et il te veut à ses côtés, non pas pour régner car Alban ne partagera jamais son trône, mais parce que deux Ultimes valent mieux qu'un. Vos deux forces réunies pourraient l'amener au sommet, mais pour y arriver il devra déclencher une guerre inter-espèces et avec toi à ses côtés, ainsi qu'une majorité des vampires, Alban est sûr de remporter la bataille.
Malia ne pouvait pas répondre, Alban l'observait en ce moment même mais si elle avait eu la possibilité de dire quelque chose, elle aurait hurlé. Hurler sa peine, crier sa rage et faire comprendre à tous que jamais, au grand jamais elle ne servirait la cause de son roi.
— Tu nous retrouveras dans la salle royale, ne fais rien de stupide. Notre avenir à tous dépend de toi Malia.
Une larme silencieuse perla le long de sa joue, la vampire ne fit rien pour l'empêcher de terminer sa course sur sa magnifique robe, seul le sort de ce loup lui importait. Malia aurait voulu bondir sur l'estrade et le délivrer de ses chaînes, mais une force invisible l'en empêcha, elle était comme figée, son corps ne répondait plus.
Lorsque l'homme releva enfin son visage, son regard se dirigea sur la loge de Malia, la seule pièce faiblement éclairée d'une petite lanterne. L'animosité qu'elle put y lire lui glaça le sang, dépourvues d'étincelles, ses pupilles réclamaient néanmoins vengeance. Il aurait voulu se battre, mais à quoi bon, le loup était réduit au rôle d'agneau, pris au piège par une horde de vampires.
Le double d'Alban sortit une lame en argent de sa veste de façon théâtrale et tendit l'arme au personnage de Malia, cette dernière s'en saisit et toucha le poignard du bout des doigts, semblant réfléchir à la décision qu'elle allait prendre. Alban quant à lui tira sur la chaîne et le loup tomba à genou, le jeune femme s'approcha de lui et se mit à lui tourner autour.
Le silence était à son comble, l'atmosphère étouffante, tous étaient concentrés sur la scène finale, celle qui sonnerait le début de la nouvelle guerre. La comédienne leva son bras en l'air armé de la lame tranchante, les spectateurs retinrent leurs respirations, les secondes parurent si longues que le temps semblait avoir cessé d'avancer. Le silence était à son comble, seule la voix de la cantatrice résonnait entre les murs, apportant un climat encore plus angoissant.
D'un geste maîtrisé, la vampire lui planta le couteau en plein cœur. Elle retira la lame et le loup tomba lourdement sur le plancher, son corps vidé de tout âme. La vampire s'approcha d'Alban et lui déposa une couronne d'or sur la tête, ce dernier étira un long sourire et enfin le rideau se ferma sur cette dernière scène.
Sans s'en rendre compte, Malia s'était relevée de son siège et rapprochée du balcon, une main sur le cœur, les yeux rivés sur la scène. Elle l'avait fait, cette femme venait de tuer cet homme enchaîné de la façon la plus lâche et tout ceci sous l'ordre d'un seul homme, Alban.
La clarté revint de nouveau dans la pièce, les spectateurs ainsi que les comédiens avaient tous le regard rivé sur Malia, ces derniers avaient le regard sombre, certains montraient leurs canines tranchantes. Les vampires semblaient déjà connaître de quel côté se trouvait la vampire et une chose était sûre, ce n'était pas du leur.
Malia sentait son sang bouillir dans ses veines, tout son être semblait se réchauffer à mesure que sa colère grandissait, la haine, la colère, la peine ce trop-plein d'émotions étaient sur le point de jaillir et si Hermès ne lui avait pas rappeler son destin quelques minutes plus tôt, l'Ultime aurait bondit de sa loge et déversé sa colère sur tous ces monstres. C'était exactement ce qu'il voulait, Alban voulait la pousser dans ses retranchements les plus sombres et ça aux yeux de tous. Le public serait son témoin et enfin le nom de régicide ne lui collerait plus à la peau. Mais il en était hors de question, s'il pensait la faire tomber si facilement c'est qu'il ne la connaissait pas.
D'un geste calme, Malia ôta l'élastique et libéra ses longs cheveux bruns, elle s'approcha ensuite de la balustrade et posa ses mains le long de cette dernière. La vampire baissa la tête et ferma mes yeux, elle devait trouver au plus profond d'elle, le contrôle que lui avait enseigné Méline, Messone et Hermès. Ils avaient tant donné pour elle, qu'il était temps à présent qu'elle prouve à son tour qu'ils n'avaient pas perdu leur temps, qu'elle était enfin prête. L'Ultime releva la tête et montra son regard abyssal, ce regard que tous craignaient qui révélait sa puissance, sa supériorité. Elle parcourut l'assemblée et ce qu'elle put lire ne fit qu'augmenter sa colère, elle lisait de la peur, les doutes, l’arrogance, le dégoût mais un regard en particulier attira son attention, celui du monarque où l'étincelle de la réussite luisait dans ses pupilles.
Malia sortit ses canines et se recula sans jamais le quitter des yeux, Alban fronça légèrement les sourcils ne comprenant pas pourquoi elle agissait ainsi et ce geste suffit à la faire sourire intérieurement. Il pensait qu'elle n'aurait pas suffisamment de contrôle pour éviter une esclandre publique, mais il s'était trompé et sans qu'il ne s'y attende, Malia disparut derrière l'épais rideau rouge.
La vampire se mit à marcher rapidement en faisant de son mieux pour ne pas balancer tout ce qui se trouvait autour d'elle. Malia se sentait humiliée d'avoir été exposée ainsi aux yeux de toutes ses personnes, Alban cet homme qu'elle pensait détenir un cœur, n'était en fait qu'assoiffé de pouvoir. Il s'était servi d'elle dans l'espoir qu'elle serve sa cause, tout était faux, ses... ses sentiments à son égard l'étaient aussi. Cela aurait dû lui passer au-dessus de la tête, mais dire que cela ne lui faisait rien serait mentir. Elle n'avait pas été totalement honnête, mais jamais elle ne lui avait fait croire qu'elle avait des sentiments pour lui. Quand elle repensait aux nombreuses fois où elle s'était entêtée auprès de ses amis à leur faire comprendre qu'Alban n'était peut-être pas aussi monstrueux qu'ils se l'imaginaient, l'envie de se gifler lui brûlait les mains.
Malia arriva dans la grande salle royale et observa tout autour d'elle, la brune pensait retrouver Hermès mais il n'y avait personne, il n'y avait qu'elle et son reflet dans l'immense miroir. La vampire s'approcha de ce dernier et mis ses longs cheveux derrière elle, de sa main, elle toucha son visage tristement. De longues secondes s'écoulaient et enfin le voile tomba, ce voile qu'elle s'était imposé pour fuir la réalité. Comment avait-elle pu imaginer échapper à cette guerre ? Elle n'avait fait que retarder l'inévitable et elle l'avait toujours su. Vouloir changer un homme tel qu'Alban était totalement ridicule, pourtant, elle y avait cru mais il était un Ultime tout comme elle et Malia pouvait ressentir cette soif de pouvoir, cette envie de gagner, d'être toujours au sommet. Elle avait beau dire qu'elle ne désirait en rien son trône, ce qui était la pure vérité, son côté obscur n'était pas totalement contre et cette certitude la bouleversa. Tous pensaient qu'elle était la clé pour les sauver de ce roi aux folles envies de pouvoir, mais en quoi était-elle différente ? Elle aussi était une Ultime et tôt ou tard cette envie d'assouvir sa supériorité se réveillerait aussi.
Ses amis, son âme-soeur tous se voilaient la face, ils pensaient qu'elle était différente et ils n'avaient pas tout à fait tort. Malia avait conscience qu'elle était un danger pour son monde, elle était comme une arme nucléaire, créée pour détruire, alors l'évidence la frappa de plein fouet.
Son destin n'était pas d'éradiquer seulement son roi, mais de mettre fin à la lignée des Ultimes.
Elle aussi devait mourir, la vampire ne savait pas encore comment s'y prendre mais une chose était sûre : La dynastie des Ultimes devait disparaître.
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