100 ans plus tard
100 ans plus tard…
Vêtue d'une longue robe noire, Malia courait à vitesse vampirique à travers la barrière magique tout en esquivant les hauts conifères de Felesia. Ce lieu n'avait plus de secret pour la jeune hybride qui l'avait parcouru un bon nombre de fois.
Son regard strié de filaments dorés observait le ciel où en son sommet brillait la sphère d'une teinte écarlate. Sa conscience la projeta un siècle en arrière, à cette fameuse nuit où sa vie et celle des surnaturels avaient pris un nouveau tournant.
Il aurait été si plaisant de pouvoir dire qu'aujourd'hui tout n'était que paix et amour entre les deux espèces, mais il fallait être naïf pour croire à une telle absurdité. Certes, les violences avaient nettement diminué, ce qui représentait déjà une grande victoire, mais tous ne partageaient pas son envie de paix et d'égalité.
Quoi qu'il en soit, les dirigeants des différentes espèces communiquaient avec bien plus de facilité et le monde des chimères écoulait à présent des jours meilleurs.
Pour en arriver à cette entente, Malia avait dû faire face durant près d'un siècle à de nombreuses critiques lorsque cette dernière eut pour idée d'abolir la monarchie. Elle opta pour une assemblée composée de ses fidèles amis afin d'établir les décrets ainsi que les nouvelles lois applicables à son espèce.
Chacun apportait sa pierre à l'édifice et si tout n'était pas parfait, Malia était fière du chemin qu'ensemble ils avaient parcouru.
— Tu cours bien trop vite !
Malia sortit de sa rêverie et pouffa de rire en voyant Messone et Lenzo la rejoindre.
— Je vous ai dit que je n'avais pas besoin de …
— Je ne t'écoute pas, ça rentre dans une oreille et ressort par l'autre aussi vite, la sermonna Messone en esquissant un sourire.
Il n'avait pas tort. Si une chose n'avait pas changé durant ces cent dernières années, c'était bien l'amitié qui les unissait les uns aux autres. Toujours plus puissant au fil des ans, leur groupe était infaillible, paré à toutes les guerres. Rien ne pouvait les séparer.
Messone dirigeait l'école Felesia d'une main de maître. Les vampires, mais aussi les hybrides en difficultés, avaient retrouvé foi en cette école. Le nom de Messone n'y était pas pour rien, il suffisait d'une parole pour se rendre compte qu'il était un homme d'honneur et de confiance. Nina reprit ses études de psychologie, c'était selon elle un point fondamental qui manquait à cette école. L'aspect psychologique des vampires étant plutôt complexe, la blonde était certaine de pouvoir aider les élèves à sa façon et elle ne s'était pas trompée. Son agenda était criblé de rendez-vous.
Méline vivait un parfait amour avec Jacke, et la jolie blonde avait repris le chemin de l'enseignement pour son plus grand plaisir.
Jacke quant à lui apprenait l'art du combat aux loups de la meute Suprême. Lorsqu'ils en avaient l'occasion, les deux tourtereaux s'éclipsaient dans leur manoir afin de jardiner, bouquiner et bricoler dans leur antre qu'ils affectionnaient particulièrement.
Jessy et sa belle sorcière voyagèrent durant de longues années à travers le monde afin d'explorer et connaître de nouvelles cultures. Jessy ne manquait pas de se mettre dans des situations délicates au plus grand dam de la rouquine. Quelques mois après la lune rouge, Daé avait récupéré l'intégralité de sa force. Jamais elle n'aurait imaginé détenir une telle puissance et depuis elle s'affairait à créer de nouvelles potions sous les regards attendris et ébahis de sa mère. Depuis qu'elle avait retrouvé son plein pouvoir, la sorcière avait renoué les liens avec les siens, donnant des cours aux plus jeunes afin d'éviter qu'elles ne se perdent avec leur faculté magique.
Jason, quant à lui, dirigeait d'une poigne de fer les soldats de la garde royale. Lorsque Messone le nomma pour ce poste, le vampire sentit son cœur se gonfler de fierté. Il mit un poing d'honneur pour assurer sa mission pour lui, mais aussi pour son frère qui avait péri quelques années plutôt lors d'une mission suicide. Bien sûr il n'avait pas pour autant cessé d'être taquin et de s'amuser pour autant, mais le vampire recouvrait son sérieux chaque fois qu'il se devait d'entraîner les soldats.
Une personne manquait à l'appel pour le plus grand bonheur de tous, Mégan. La vampire avait disparu de la circulation, plus aucun signe de vie, comme si cette dernière s'était évaporée à la mort du roi. La jeune femme espérait sans nul doute se faire oublier pour les quelques siècles à venir, et tôt ou tard elle réapparaîtrait comme si rien ne s'était passé. C'était un art qu'elle maîtrisait à la perfection.
Malia sortit de sa rêverie lorsque le ciel se teinta totalement de rouge. Les souvenirs de cette nuit de guerre les envahirent et l'envie de quitter l'école leur traversa l'esprit. Cependant, Malia avait attendu un siècle complet afin de découvrir ce que renfermait la rose.
Ses amis et particulièrement Lenzo redoutaient ce moment, craignant qu'il ravive de douloureux souvenirs et la perturbe durant des mois à venir, mais Malia se devait de surpasser cette crainte afin de pouvoir clore ce chapitre de sa vie.
— Et bien ma douce, nous sommes là prêts à arracher cette maudite plante si cela s'avère nécessaire, s'exclama Jason sous les rires amusés.
— “Ma douce” ? répéta Lenzo avec un sourcil arqué, prêt à en découdre avec lui.
Jason, amusé par la jalousie excessive de l'Alpha, leva néanmoins ses mains en signe de paix.
— Personne ne va arracher cette fleur et tout va bien se passer, n'oubliez pas que j'ai une puissante sorcière à mes côtés.
La rouquine quitta les bras de son loup et rejoignit Malia qui avait déjà tourné les talons en direction de la rose.
Lenzo observa sa belle s'éloigner non sans crainte. Bien qu'elle était puissante, il ne pouvait s'empêcher de la surprotéger lorsqu'elle se trouvait en mauvaise posture. Pourtant Malia lui avait montré à plusieurs reprises qu'elle pouvait s'en sortir seule, mais rien à faire, c'était au-delà de ses forces.
— Détends-toi, s'exclama Jessy. Elle sait très bien ce qu'elle fait.
Jason pouffa de rire.
— J'entends au timbre de ta voix que tu ne crois même pas en tes propres paroles mon ami.
Jessy haussa son majeur et Jason fit mine d'être offusqué. Lenzo ne rétorqua pas, trop concentré sur sa belle, s'apprêtant à intervenir à la moindre alerte.
Agenouillée sur l'herbe, Malia observait avec intérêt la fleur devant elle. Comment était-il possible qu'une simple rose puisse détenir les pensées d'un homme, se dit-elle sourcils froncés.
— Sache que tu ne pourras pas modifier son souvenir, ni lui parler, tout se passera exactement comme il l'a vécu.
Elle hocha la tête, mais son regard restait confus.
— La magie est complexe, il ne sert à rien d'essayer de la comprendre. Il faut la vivre.
La sorcière prit sa main et s'empara de son index.
— Tu es prête ?
Malia ferma les yeux et inspira profondément.
— Oui.
La pointe de son doigt rencontra l'aiguilleuse épine, ce qui la fit ouvrir les yeux. Dae versa quelques gouttes de sang sur les pétales de la rose qui s'épanouit de toute sa beauté. D'un noir profond et sans égal, ses larges corolles étaient tapissées de paillettes dorées scintillantes. Elle paraissait si douce et si dangereuse à la fois, tout comme toi, pensa Malia éblouie par cette splendeur.
Soudain, les minuscules particules de poussière dorée se mirent à léviter au-dessus de la rose. Elles poursuivirent leur danse jusqu'à se déposer délicatement sur le visage de Malia, dont les paupières se firent soudainement plus lourdes au point de les fermer.
Un léger nuage de fumée rouge s'évapora de la fleur magique, la jeune femme huma l'air et l'effluve qu'elle ressentit fit battre son cœur à tout rompre. Cette odeur n'appartenait qu'à un seul homme, Alban.
Sans qu'elle ne puisse se contrôler, sa tête bascula en arrière suivi de son corps à présent étendu sur le sol. Endormie telle la belle au bois dormant, son esprit était envahi par l'ancien roi des vampires.
La jeune femme se trouvait dans la grande salle de bal à l'endroit même où son regard avait croisé celui du roi la toute première fois.
Son élégante tenue la projeta des années en arrière, durant cette fameuse nuit étoilée si parfaite, ou presque.
Vêtue d'une longue robe émeraude, Malia esquissa un sourire lorsque ce dernier franchit les grandes portes du château afin de s'approcher d'elle. Sa démarche, son élégance, il était si sûr de lui, si… si invincible, pensa-t-elle la gorge nouée.
— Dansez avec moi.
La vampire leva les yeux au ciel.
— Est-ce une question ou un ordre ?
— D'après vous ?
Malia porta sa main à la sienne et se laissa guider par son hôte qui se révélait être un magnifique danseur. Il n'y avait qu'eux, et les musiciens témoins de cette scène inoubliable.
Son regard rivé au sien, Malia se laissa emporter par la mélodie sans jamais baisser les yeux au risque qu'il ne disparaisse à nouveau.
Le bleu de ses yeux si particulier, cette façon qu'il avait bien à lui de la regarder, tant de choses qui malgré elle, lui manquaient aujourd'hui.
Si seulement il avait su entendre raison, pensa-t-elle sans que son visage ne trahisse la moindre émotion. Elle aurait voulu le sermonner, lui hurler dessus, mais Dae était claire : Tu ne peux pas modifier son souvenir.
Alors elle se laissa aller dans ses bras et lui sourit lorsqu'il la fit tourner sur elle-même. Une danse après l'autre, Alban la fit valser durant de longues minutes pour son plus grand plaisir.
Les deux vampires se laissaient transporter par la musique sans jamais se quitter du regard. Rien n'existait, seulement cette passion dévorante et destructrice. Ce soir-là, aucune animosité ne les avait traversé, il n'existait pas de mot pour décrire ce qu'il se passait. C'était seulement elle et lui.
Alban la fit tourner encore tout en retenant sa main, la musique cessa et le monarque s'inclina tout en saisissant délicatement sa main afin de la porter jusqu'à ses lèvres.
— Princesse…
L'image devint de plus en plus floue, jusqu'à disparaître, et enfin Malia ouvrit les yeux, le ciel à présent bleu.
Elle porta sa main devant son visage, et contempla l'endroit même où Alban avait déposer son dernier baiser.
Une larme, puis une seconde, vinrent dévaler le long de ses joues. Ce n'était pas de la peine, bien au contraire. Il ne pouvait pas choisir meilleur souvenir que celui-ci.
Malia se releva lentement sous le regard interrogateur de la sorcière. Un long sourire suffit à l'apaiser, Daé s'éclipsa lorsque Malia s'accroupit devant la rose afin de la laisser seule.
Sa main se posa sur la rose noire et tout en souriant, elle dit :
— Je ne suis pas votre princesse.
Les pétales se fermaient une à une et Malia se releva le sourire aux lèvres.
Ce rêve venait de la libérer d'un poids si lourd, qu'elle se mit à inspirer l'air comme si ce dernier lui avait manqué durant ce dernier siècle.
Elle avait craint ce souvenir durant cent ans et aujourd'hui toutes ses peurs s'envolèrent pour disparaître à jamais.
Malia se sentait enfin prête à tourner la page et clôturer ce chapitre de sa vie. Alban faisait partie de son histoire et bien que ce dernier comportait de son sombre chapitre, jamais elle ne l'effacerait.
— Nous nous retrouverons dans cent ans, dit-elle en jetant un dernier regard sur la fleur abyssale.
Plus légère que jamais, Malia rejoint son groupe d'amis, mais seul Lenzo était encore présent.
Cet homme qui durant toutes ses années ne l'avait jamais abandonné malgré les épreuves qu'ils avaient endurer. Il aurait pu tout perdre par amour, pourtant il était là, prêt à bondir devant elle afin de la protéger du moindre mal, quitte à souffrir à sa place.
Il avait été d’un soutien sans faille lorsqu’elle dû s'adapter à sa nouvelle condition d’hybride. S’adapter à son côté animal n’avait pas été compliqué puisqu’elle était déjà habituée à vivre avec une double personnalité. Son Ultime n’était jamais très loin, mais grâce à la transformation, la contrôler était bien moins difficile.
Se faire accepter au sein de la meute n’avait pas été chose aisée puisque nombreuses étaient les personnes qui craignaient cette nouvelle espèce. Malia était la toute première hybride Ultime, et cette différence faisait peur.
Il lui avait fallu du temps afin de gagner leur confiance et grâce à ses multiples efforts, elle y était parvenue. Sans Lenzo, rien de tout cela n’aurait pu être possible. Lui qui à chaque minute lui avait apporté son plus grand soutien, s’était montré des plus patients et des plus attentionnés, sans jamais abandonner.
Il était son âme sœur, son repère, son tout.
Relevant son visage, ses pupilles émeraudes la scrutaient afin d'y déceler la moindre souffrance. Malia ressentit une envie folle d'apaiser ses craintes et courut jusqu'à se jeter dans ses bras.
— Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il inquiet.
— Et pourquoi ça n'irait pas ? Je suis blottie dans les bras de l'homme que j'aime.
Lenzo prit son visage en coupe et l'embrassa tendrement. Il la serra contre lui, visiblement soulagé de la retrouver si souriante.
Les yeux dans les yeux, plus rien n'avait d'importance. Rien ni personne ne pouvait les séparer, ils étaient deux âmes que la lune avait décidé de sceller, pour à jamais s'aimer.
C'était lui et pas un autre.
Fin
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