Chapitre 5 : Anxieuse
Le lendemain, je suis en retard pour mon premier jour de cours à l'université. En me précipitant à travers les couloirs bondés, je tourne brusquement à un coin et me heurte en pleine face avec une personne. J'ai un peu trop l'habitude de me prendre les personnes, un sentiment de honte me parcourt entièrement lorsque je pose les yeux sur l'individu. Un jeune homme grand et imposant avec un sourire séduisant. Des mèches blondes qui semblent danser sur son front. Je le reconnais tout de suite, il s'agissait de Charmeur.
Il me regarde d'abord avec un froncement de sourcils, puis son visage s'illumine d'un large sourire lorsqu'il me tend un cahier que j'ai fait tomber.
— Rentrer dans les gens, c'est ta façon à toi de leur dire bonjour ? Je ne pensais pas qu'une fille aussi jolie que toi pouvait être aussi brutale, dit-il sarcastiquement.
Honteuse de ma maladresse, je m'empresse de m'excuser.
— Oh, je suis vraiment désolée. Je suis en retard, je suis à la recherche de ma salle, bafouillai-je.
Charmeur éclate de rire.
— Calme-toi, tu dois sûrement être une première année, ce n'est plus le lycée ici. Tu as le temps. Quel est ton premier cours ? demande-t-il en relevant ses mèches de cheveux si soyeuses.
— Psychologie sociale, dis-je.
— C'est dans l'amphithéâtre au bout de ce couloir, dit-il en me montrant du doigt.
Pas le temps de le remercier, je m'avance précipitamment prête à rattraper mon retard. En se retournant vers mon départ, Charmeur visiblement choqué.
— Attend, tu pars déjà ? Je peux savoir ton émotion en guise de remerciement avant que tu t'en ailles ? demanda-t-il d'un ton curieux.
Je réfléchis un instant, puis réponds timidement.
— Anxieuse. Je m'appelle Anxieuse.
Charmeur me regarde m'éloigner, visiblement surpris. Il a peut-être entendu parler de moi en tant que sauveuse de Feelings. Sans attendre de réponse, je me précipite vers la porte de l'amphithéâtre. Après ma rencontre avec Charmeur, j'intègre enfin la salle, où d'autres élèves en retard rejoignent également la salle. Le professeur, Rigide, nous foudroie du regard et me donne un deuxième avertissement pour mon retard. Je ne comprends pas pourquoi je suis la seule réprimandé sachant qu'il y a d'autres élèves aussi. Je sens une montée de colère, impossible de la calmer, je déclare à voix haute en direction du professeur.
— Monsieur, je trouve ça injuste que je sois la seule à recevoir un avertissement alors que d'autres sont aussi en retard.
Le professeur Rigide éclate de rire devant tout le monde, un rire cruel et méprisant.
— Vous savez, il y a beaucoup d'injustices et on fait avec. Mais ça, en tant que sauveuse de Feelings, vous le savez déjà, n'est-ce pas ?
Il prend un malin plaisir à me déstabiliser devant les autres étudiants, son sourire narquois accentuant son autorité. Les chuchotements s'intensifient autour de moi, les regards curieux et critiques se posant sur moi. Je prends une profonde inspiration, essayant de faire abstraction de tout ça. En soupirant, je monte dans les rangées de l'amphithéâtre pour trouver une place. C'est à ce moment que j'aperçois Rêveuse et Curieux de l'autre côté de la salle. Je m'installe en bout de rangée, à côté d'un garçon. Les mots du professeur résonnent encore dans ma tête, mais je suis déterminée à ne pas me laisser abattre. En regardant autour de moi, tout le monde écrit avec des ordinateurs et si peu avec des carnets. Ce n'est pas le même rythme que celui du lycée. Je me rends compte que le niveau est élevé ici, mais je me dis au fond de moi que ce n'est que le début et que je vais leur montrer que malgré la cadence, j'y arriverai même si c'est dur. J'ouvre mon cahier et commence à prendre des notes rapidement, bien décidée à prouver que malgré tout, je peux réussir ici.
***
Deux heures plus tard, je m'installe à une table au réfectoire, lâchant un cri exaspéré.
— Je viens à peine de commencer et j'ai déjà un ennemi !
Curieux s'installe à côté de moi, posant une main réconfortante sur mon épaule.
— Apparemment, Rigide est comme ça avec tout le monde, ici. Mais il s'amuse à te cibler davantage parce que tu es la sauveuse de Feelings.
Rêveuse s'installe en face de moi, posant une main sur la mienne avec une détermination presque dramatique.
— Ne te laisse pas faire, Anxieuse ! Montre-lui que tu es forte !
Elle prononce ces mots comme un discours de guerre, ce qui fait rire Curieux légèrement, un peu gêné. J'acquiesce, souriant à Rêveuse.
— Je vais lui montrer de quoi je suis capable. J'ai affronté Dégout et Épaté l'an dernier, ainsi qu'un tas d'agents de traque. Ce n'est pas un simple professeur qui va me faire peur !
Alors que je dis ça, je me lève brusquement, attirant involontairement l'attention des autres étudiants. Je me sens soudain gênée, mais au même moment, Charmeur passe avec d'autres gars de deuxième année. Ce dernier me regarde en me souriant, avant de se reconcentrer sur ses amis. Je souris timidement et me rassois. Je me lève de nouveau de la table avec Rêveuse, cette fois pour aller commander quelque chose à manger au comptoir de la cafétéria. Un peu plus tard, entre midi et deux, Curieux et moi avons pris la direction du parc se trouvant près du campus. En s'installant sur l'herbe à côté d'un grand chêne. Curieux passe une main dans ses cheveux bouclés, puis me questionne.
— Dis, ça se passe bien avec Haine ?
— Oui, d'ailleurs, je l'ai appelé hier parce qu'il me manquait, ça m'a fait du bien de l'avoir au bout du fil, pourquoi cette question ? avoué-je en le regardant avec suspicion.
— Oh, pour rien, répond Curieux en haussant les épaules.
— Curieux, je sens que tu me caches quelque chose...
Il hésite un instant avant de m'avouer la vérité.
— Eh bien, je t'ai vu sourire à ce mec tout à l'heure. Je ne sais pas qui c'est, mais de la façon dont il t'a regardée, je me dis qu'avec la distance...
— Attends, tu penses que parce qu'il m'a souri, je vais tromper Haine ? Tu rigoles, j'espère ?!
— Anxieuse, je ne voulais pas dire ça, c'est juste que... avec la distance, peut-être que...
Tout en me levant brusquement, je le dévisage.
— Comment tu peux tenir de tels propos ?! C'est complètement faux ! Ça n'arrivera jamais ! J'aime profondément Haine !
Je m'énerve légèrement, trouvant cette idée absurde. Curieux ne voulait sûrement pas me blesser, mais savoir qu'il faisait allusion à de l'infidélité à cause de la distance met hors de moi. Je m'éloigne de Curieux, les pensées en désordre. J'ai été presque agressive avec lui, et je ne voulais pas que ça se passe comme ça. La pression de l'université et le fait que tout le monde me reconnaisse comme la "sauveuse de Feelings", joue énormément sur mes nerfs. Mes émotions sont à fleur de peau, et je ne sais plus comment gérer tout ça. En marchant plus loin, je cherche un endroit tranquille pour me poser. Je trouve un banc dans un coin calme du campus, sous l'ombre d'un grand arbre. Je ferme les yeux un instant, essayant de respirer profondément et de retrouver un peu de sérénité. À peine assise que mon téléphone vibre dans ma poche. Je le sors et vois que c'est un appel de mon frère, Inquiet. Un sourire se dessine sur mon visage à la vue de son émotion sur l'écran. Je réponds rapidement, la voix un peu tremblante.
— Salut Inquiet !
— Salut petite sœur, comment vas-tu ? Alors ce premier jour à l'université ?, dit-il avec une chaleur réconfortante dans sa voix.
— Cava, c'est un peu compliqué, je me sens sous pression, je vois clairement la différence avec le lycée.
— Je comprends, c'est un nouvel environnement, avec des attentes élevées. C'est normal de se sentir dépassée. Mais Anxieuse, je sais que tu es capable d'y arriver ! Prends du temps pour te recentrer sur ce qui est important et surtout repose-toi, l'université ce n'est pas que le travail.
Les mots de mon frère m'ont toujours réconforté. C'est exactement ce que j'avais besoin, un soutien et surtout maintenant.
— Merci, Inquiet.
— Tu sais, je suis bien content de ne pas être allé à l'université. Les études, ce n'était pas pour moi. J'avais déjà en tête d'ouvrir des salles de sport. Et regarde, ça marche plutôt bien pour moi.
— Je suis comblée pour toi Inquiet, j'espère que Rancunière ne fera pas couler ta boite.
— Oh, ne la sous estimes pas ! Elle m'a ramené beaucoup de clients, ces derniers jours ! Elle a la fibre commerciale, j'ai décidé de lui laisser le côté marketing des salles.
— Au moins ça l'occupera ! Dis-je en rigolant
Nous continuons à discuter un moment. Je raccroche, le cœur apaisé, et je me remets en route pour mon prochain cours. Peu de temps après, je gagne le couloir du bâtiment, au même moment, je passe devant un amphithéâtre vide et voit le professeur Rigide écrire au tableau pour son prochain cours. Sentant une montée d'adrénaline et de courage, j'entre pour faire face au professeur.
— Monsieur, est-ce que je peux savoir ce que vous avez contre moi ?
— Tiens, tiens, la sauveuse est de retour.
— Certes, je suis la sauveuse de Feelings, mais en aucun cas, je ne me vante de ce titre. Alors pourquoi agissez-vous ainsi avec moi ?
Le professeur pose sa craie et me regarde avec un sourire sarcastique.
— Je n'ai jamais trouvé de problème auparavant avec cette loi. Tout ce que vous avez entrepris n'est rien pour moi.
— Donc, vous auriez voulu ressentir du dégoût ? Vous faire enfermer vous aussi ? Dans un centre de détention pour le simple fait de ressentir autre chose que votre émotion ?
— Pour moi, ce sont des mensonges. Des sérums de dégoût, un centre de détention, des combats entre des agents de traque et des lycéens, vous voulez réellement me faire avaler ça ? Cela ressemble à des sottises inventées. Je me base sur des faits réels, mademoiselle, réplique Rigide avec dédain.
Sous ces propos, je ne peux me retenir, je sens bouillir une rage en moi, je tape des poings sur le bureau du professeur et répond à vive voix.
— Vous vous basez sur des faits réels ? Alors, laissez-moi vous rappeler que les sentiments et les émotions sont aussi réels que les faits que vous enseignez. Les centres de détention et les souffrances qu'ils ont causées étaient bien réels, tout comme la lutte que nous avons menée pour les abolir. Si vous n'êtes pas capable de comprendre cela, peut-être devriez-vous revoir votre conception de la réalité.
Sans me rendre compte de mes paroles fermes, j'aperçois que le professeur Régide reste sans voix, je décide de m'éloigner sans même répondre. Dos à lui, un immense sourire satisfait se dessine sur mes lèvres. Si Haine était présent, il aurait été si fier de mon altitude envers l'insolence de ce professeur. En quittant, l'amphithéâtre, je marche d'un pas assuré, me sentant étrangement libérée après cette confrontation. Soudain, j'entends des applaudissements. En me retournant, je tombe nez à nez avec Charmeur se trouvant près de l'encadrement de porte de l'amphithéâtre.
— Quel spectacle ! Je passais par hasard pour rejoindre ma salle et j'ai entendu une discussion comparable à un règlement de comptes. Franchement, tu l'as bien envoyé balader ! Pas beaucoup arrivent à tenir tête à Rigide !
J'avance en l'ignorant, traçant vers ma salle de cours, mais Charmeur me rattrape rapidement.
— Eh, attends-moi, la Sauveuse !
Je m'arrête net, me retourne et déclare.
— Déjà, moi, c'est Anxieuse tout court.
Charmeur sourit en s'excusant, se grattant l'arrière du cou d'un air gêné.
— Très bien, Anxieuse tout court, si c'est comme ça que je dois t'appeler, pas de soucis. C'est juste un peu idiot de rejeter ton titre. Ce n'est pas comme si tu avais sauvé Feelings, mais je respecte ton choix, dit ce dernier de façon sarcastique.
Je continue d'avancer, slalomant dans le couloir parmi différents étudiants, toujours avec Charmeur à mes côtés. Je me retourne et rétorque.
— Bon, pourquoi tu me suis ? Dis-moi ce que tu veux ?
— Eh bien, tu es un peu une célébrité, ici. Et je souhaitais t'inviter à une soirée que j'organise, ce soir dans la maison d'un ami de la fac. C'est près du campus.
Je le regarde en plissant les yeux.
— Manque de chance pour toi, je n'apprécie pas trop les soirées.
Charmeur se rapproche de façon à ce que je plonge dans le bleu de ses yeux et me répond suivi d'un sourire confiant.
— Ça, c'est parce que tu ne connais pas mes soirées.
— Tes soirées ? Je ne sais même pas comment tu t'appelles.
— Je m'appelle Charmeur, me lance ce dernier en m'offrant un de ces sourires séducteur. J'ai hâte de te voir ce soir, ce sera pour fêter l'arrivée de la Sauveuse à l'université.
Je lève les yeux au ciel en l'entendant encore une fois mentionner ce titre de sauveuse, avant d'arriver à mon cours suivant. En entrant, la classe est vide et une prof est seule, cette dernière me demande de m'installer en attendant les autres étudiants. Dans l'attente, je sors mon portable et envoie un message à Haine.
Anxieuse : Si tu savais à quel point, tu me manques...
J'attends quelques secondes, mais aucune réponse, Haine doit sans doute être occupé, j'aurai sûrement un retour de sa part plus tard. En rangeant mon téléphone, je sens une présence devant ma portée, en levant les yeux, je tombe face à Drôle, surprise de le voir, je le regarde avec une certaine incompréhension.
— Drôle ?
— Salut Anxieuse..
Depuis l'an dernier, il n'avait pas tant changé, mis à part ses cheveux qui ont davantage pousser. Il possède toujours ce sourire éclatant collé aux lèvres, un sourire qui, autrefois, me réchauffait le cœur, mais qui, aujourd'hui ne fait qu'attiser ma colère.
— Ça fait bizarre de te voir ici et plus au lycée.
Je croise les bras, le regardant en fronçant légèrement les sourcils.
— Il faut bien avancer.
— Oui, c'est sûr. En tout cas, content que tu puisses être ici, tu en as tellement rêvé.
Je lui réponds d'un sourire froid, mais ce dernier poursuit.
— J'espère qu'avec le temps, tu trouveras la force de me pardonner pour ce que j'ai fait.
Je le stoppe d'un signe de main.
— Drôle, c'est bon, ne t'en fais pas. L'eau est passée sous les ponts.
Drôle sourit en plissant les yeux.
— Bon, c'est cool dans ce cas. Je vais y aller, à plus.
Il s'en va, laissant passer Rêveuse qui s'apprête à rentrer dans la salle de cours, cette dernière le regarde s'éloigner. Elle me jette un regard ensuite, essayant de faire un lien, puis s'installe à côté de moi en me questionnant à voix basse.
— Dis-moi, tu connais combien de garçons ici ?
— Je connais uniquement Curieux, lui, c'est une erreur, dis-je en essayant de masquer mon agacement.
Avant que Rêveuse ne puisse continuer, le reste des étudiants commence à entrer dans la salle. La professeure, Mme Sage, se lève et commence à distribuer les documents du cours. Une vibration dans ma poche attire mon attention. Je sors mon portable discrètement et vois une réponse de Haine.
Haine : Toi aussi, tu me manques, la parano.
Je souris légèrement et range mon téléphone, tentant de me concentrer sur la leçon. Pourtant, l'inquiétude de Curieux plus tôt continue de me hanter. Et ce sourire de Charmeur, et si ce dernier a pour but de s'immiscer dans ma vie ? La professeure commence à parler des théories de la psychologie sociale, j'oublie ma pensée et prends des notes. À la fin du cours, je range mes affaires rapidement pour quitter la salle. En route vers le bâtiment où se trouvent les dortoirs, je trouve Curieux assit près des marches arborant la structure. D'un air soucieux, il s'exclame.
— Salut, Anxieuse. Ça va mieux ?
Je prends une profonde inspiration.
— Oui, ça va. Désolée pour tout à l'heure, je me suis laissé emporter.
Il secoue la tête.
— Non, c'est moi qui suis désolé. Je ne voulais pas te blesser. Ta relation avec Haine ne date pas d'hier, votre couple est solide largement plus que le mien avec Rage. C'est idiot d'avoir pensé ainsi.
Je lui souris faiblement.
— Je sais que tu veux juste m'aider. Je ne t'en veux pas.
La mine inquiète de Curieux disparait pour faire apparaitre un sourire sur ses lèvres. Ça me réjouie, car je ne souhaitais pas me disputer avec lui pour si peu. Peu de temps après, je regagne ma chambre en fin de journée. J'insère ma clé dans la serrure de ma chambre et referme doucement la porte derrière moi, me laissant enfin seule avec mes pensées. Je souffle profondément, libérant la tension accumulée, et me rue vers mon lit. Je m'y allonge, les bras étendus sur la couette et un rire léger échappe de mes lèvres. Je fixe le plafond, un sourire se dessinant sur mon visage.
— Je ne reviens pas ! Je suis vraiment à l'université, dis-je à voix haute avant de rigoler pour moi-même.
Les événements de la journée défilent dans mon esprit : Ma confrontation avec le professeur, Régide, ma discussion électrique avec Drôle, la connaissance de Charmeur et surtout cette pression constante d'être reconnue comme la "sauveuse" de Feelings. Malgré tout, être ici, dans cet environnement qui m'a toujours fait rêver depuis petite me fait ressentir une nouvelle émotion. De l'excitation. Une sensation presque électrique qui parcourt mon corps, faisant battre mon cœur plus vite. C'est comme si une nouvelle énergie, pétillante et vive, se répandait en moi. Je sens une bouffée de chaleur m'envahir, mes joues s'embrasent légèrement. L'idée de tout ce qui m'attend à l'université : Les cours, les rencontres, les festivités me provoque une montée d'adrénaline douce. Je me tourne sur le côté, serrant mon oreiller contre moi, le sourire toujours accroché à mes lèvres. Je réalise que l'excitation est vraiment une des meilleures émotions, cela me donne l'impression d'être invincible, prête à affronter tout ce que l'université pourrait me réserver. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens pleinement vivante...
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