Chapitre 4 : Haine
Allongé sur mon lit en début d'après-midi, je fixe le plafond, mon téléphone silencieux à côté de moi. Aucun message d'Anxieuse. Je m'assois, songeant à ce que je pourrais bien faire de ma journée. Ma sœur Rage travaille à la mairie, Brave est en service, et le reste de la bande a des occupations. Je dois reconnaitre que je me sens laissé pour compte, seul. Un bruit au rez-de-chaussée interrompt mes pensées. Je descends rapidement et aperçois mon père, tenant une valise.
— Tu comptes partir où ?
— Oh, Haine, je ne savais pas que tu étais à la maison, je pars faire du golf avec Méfiant. On a réservé dans un hôtel qui vient d'ouvrir près de la plage, répond-il.
Depuis la lutte de l'an dernier, lui et le père d'Anxieuse, autrefois ennemis jurés, sont désormais inséparables. Mon père lève les yeux vers moi en me questionnant.
— Et toi, tu comptes faire quoi aujourd'hui ?
— Trouver un truc pour m'occuper, dis-je sarcastiquement.
Mon père, pressé est indifférent à ma réponse, entendant les klaxons impatients de la voiture de Méfiant, il se précipite vers la porte puis se retourne vers moi.
— Écoute, fils, dit-il en se dirigeant vers la porte, je suis sûr que tu vas trouver de quoi t'occuper. Sinon, va voir ta sœur à la mairie, elle pourra te trouver quelque chose à faire.
Je fronce les sourcils, toujours d'un air sarcastique, alors qu'il franchit le seuil. Méfiant me salue d'un signe de la main depuis la voiture. Je réponds par un léger sourire avant de refermer la porte derrière moi. Me retrouvant à nouveau seul dans la maison, je me dirige vers le salon, cherchant désespérément quelque chose pour occuper mon esprit. La solitude pèse lourd, et sans Anxieuse à mes côtés, chaque minute semble interminable. Pourtant, je sais qu'il faut que je trouve un moyen de m'occuper, de ne pas me laisser sombrer dans l'ennui. Je remonte dans ma chambre et décide d'aller faire du sport à la salle. Ce sera l'occasion de m'occuper et de reprendre l'entraînement que j'avais délaissé depuis l'an dernier. J'opte pour un tee-shirt noir et un short de la même couleur. Je prends une bouteille d'eau, puis quitte la maison en refermant derrière moi.
En montant dans ma voiture, je conduis vers le centre-ville, allumant la radio en chemin. Les musiques qui passent sont toutes d'un rythme lent et les paroles sont toutes remplies de mélancolies. Je me demande si l'animateur radio ne fait pas partie de la famille de la Tristesse pour mettre des sons aussi déprimants. Je décide d'éteindre la radio et de continuer ma route après le feu rouge. Je me dirige vers l'une des salles de sport tenu par Inquiet, le frère d'Anxieuse. En me garant à proximité, je me sens déjà un peu mieux. La salle de sport me donne un sentiment familier, presque comme à la maison. En entrant, je retrouve mes habitudes : les haltères, le tapis de course, les barres de musculation, et les autres machines de renforcement musculaire. Je m'échauffe rapidement et commence à soulever des poids. Ici, je peux libérer toute l'énergie et la frustration accumulées. Arrivé en début d'après-midi, la salle est à peine remplie, seuls les coachs défilent sous mes yeux.
Deux heures plus tard, je me dirige vers la sortie, mais je me fais arrêter par Rancunière qui me stoppe dans ma lancée.
— Salut Haine, comment ça va ?
— Ça va.
Elle me regarde en fronçant légèrement les sourcils tout en croisant les bras sur sa poitrine.
— Et moi, tu ne me demandes pas comment je vais ?
— Comment tu vas, Rancunière ? Je soupire.
Satisfaite, elle répond, d'un sourire en coin.
— Je me porte bien, Haine, merci de t'en soucier.
Je m'apprête à continuer à marcher, mais elle me stoppe de nouveau, ce qui me fait rager.
— Je peux savoir ce qu'il te prend ?! Tu as quelque chose à me dire ?
Elle sourit malicieusement en posant une main sur le haut de mon épaule.
— Eh bien oui, je voulais te faire part que tu as une admiratrice.
Je fronce les sourcils.
— Que veux-tu dire ?
Rancunière fait un signe de tête en direction du fond de la salle.
— Cette fille là-bas est arrivée il y a une heure, et depuis que tu es entré, elle n'a pas cessé de te regarder. J'ignore qui c'est, mais elle te dévore du regard.
Je regarde dans la direction indiquée et reconnais immédiatement la fille. Il s'agit d'une ancienne connaissance de mon ancien lycée, avant que je ne rencontre Anxieuse. Instantanément, une vague de colère m'envahit. L'an dernier, cette fille m'avait causé d'énormes soucis. Elle avait fait de ma vie un enfer, répandant des rumeurs et insinuant que j'avais changé d'émotion parce que j'avais des sentiments amoureux pour elle. Ces insinuations m'avaient obligé à quitter mon lycée pour éviter les accusations infondées et pire encore, le risque de me faire arrêter par les agents de traques. En revenant à la réalité, Rancunière me regarde avec curiosité.
— Ton regard montre qu'elle ne t'ait pas inconnue. Tu la connais, pas vrai ?
Je hausse les épaules, essayant de masquer ma colère.
— Absolument pas.
Rancunière me donne un petit coup sur l'épaule, un sourire en coin.
— Je n'y crois pas vraiment, tout ce que je sais, c'est que ça ne plaira pas à ma belle-sœur, ça.
Je fronce les sourcils, surpris par ses paroles.
— Attend ? Qu'as-tu dit ? Belle-sœur ?
Rancunière, visiblement ravie de pouvoir se vanter, lève la main pour me montrer une bague de fiançailles étincelante.
— Oui, Inquiet m'a fait sa demande. Mais ne le dis à personne, on souhaite l'annoncer plus tard.
Je reste bouche bée un instant, éberlué par la nouvelle.
— Eh bien, c'est cool pour vous deux. J'irai voir Inquiet prochainement pour lui souhaiter un bon courage.
— Comment ça ?
— Eh bien pour te supporter toute une vie, il en faut du courage.
— Toi, je te méprise, rétorque Rancunière en me fusillant du regard.
Un sourire arrogant et je continue d'avancer vers la sortie. Une fois sur le parking, je me dirige vers ma voiture. Au même moment, je sens une présence derrière moi, en fronçant les sourcils, serrant les poings, je m'exclame avant de me retourner.
— Je n'aurais jamais pensé te revoir un jour, Malice.
Je tombe nez à nez avec elle, depuis l'an dernier, elle n'a pas réellement changé. Des formes en avant comme une arme de séduction. Ses cheveux couleur caramel, courts au niveau des épaules et lisses avec des reflets roux. Un visage qui pourrait presque sembler innocent s'il n'était pas marqué par ce regard espiègle qu'elle aimait tant afficher. Ses yeux noisette, perçants, sont soulignés par un rouge à lèvres rouge vif. Un rouge qui crie attention, qui attire et piège.
En jetant un coup d'œil sur le haut de ses épaules, j'aperçois des tatouages de soleil et de lune, ce qui me fait bien rire, j'ignore la raison absurde qui l'a poussé à choisir ces symboles. Une part de lumière et une part d'obscurité ? Malice était un mélange de Gaffe et de Rancunière à elle toute seule, derrière ce masque séduisant se cache un serpent, prêt à attaquer à la moindre opportunité. Malice est un danger ambulant qui attend le moment parfait pour frapper. Elle peut jouer son jeu, mais cette fois, c'est moi qui vais m'assurer que les règles soient bien différentes, pensé-je en la jugeant du regard.
— Salut, Haine, dit-elle d'une voix douce, mais assurée.
Je la regarde, essayant de contenir ma colère.
— Que veux-tu, Malice ?
— Ça fait un an que l'on ne sait pas vu et tu m'agresses déjà ?
— Tu mérites que je te roule dessus avec ma voiture !
— Oh, tu ne disais pas ça avant, tu sais quand tu étais encore amoureux de moi.
— Que me veux-tu ?
— Te parler et t'expliquer certaines choses.
Je secoue la tête, la colère montant en moi.
— Expliquer quoi ? Comment tu as ruiné ma vie l'an dernier ? Comment tu as répandu des rumeurs et m'as forcé à quitter le lycée ?
Malice semble désarçonnée, mais ne recule pas.
— Je sais que j'ai fait des erreurs, Haine. Je voulais juste m'excuser, te dire que je suis désolée pour tout.
Je la fixe, hésitant entre la colère et l'envie de tourner la page.
— Tes excuses ne changeront pas ce que tu as fait.
— Tant pis, je n'ai plus rien à me reprocher, sourit Malice d'un air satisfait.
Je tourne les talons en ouvrant ma portière, lorsque j'entends de nouveau sa stupide voix.
— La sauveuse de Feelings, hein ? Je ne savais pas que ton genre de fille c'étaient les héroïnes.
Je me retourne brusquement sous ses propos.
— Comment tu sais que je suis avec elle ?
Malice, d'un sourire narquois, s'exclame en se rapprochant lentement.
— Oh, mais tout se sait, tu sais. Moi aussi, avant, j'étais comme elle. Et aujourd'hui, tu me rejettes, elle devrait faire attention avec toi, car c'est surement ce qu'il va lui arriver à la pauvre Anxieuse.
Sans perdre une seconde, je l'attrape par le haut de ses épaules et la plaque violemment contre ma voiture. Malgré le choc de sa tête contre la portière, elle continue de me dévorer du regard en rigolant.
— Hum, j'aime quand t'es brutal, mais pas ici, Haine. Voyons, tu ferais ça devant la salle de sport du frère de ta copine ? Tu n'irais pas jusqu'à là ? Allons plutôt dans ma chambre.
Plus Malice continue de me parler, plus ma rage s'affiche sur l'étendu de mon visage. Je la relâche en la foudroyant du regard.
— Tu me fais perdre mon temps. J'espère ne plus te revoir.
Avec ces mots, je monte dans ma voiture, laissant Malice sur le parking. En regardant dans mon rétroviseur, cette dernière me regarde d'un sourire perfide. J'ignore la raison de sa venue, mais je sens que ce n'est pas que pour me présenter des excuses. Toutefois, l'idée de lui rendre la monnaie de sa pièce, de lui faire vivre un enfer comme elle l'a fait avec moi, me traverse l'esprit. Je sais que c'est exactement ce qu'elle mérite, avec son retour, je suis déterminé à me venger. Malice pense peut-être qu'elle peut simplement se glisser dans ma vie sans conséquence, mais je la ferai regretter d'être revenue. Chaque fois qu'elle croisera mon chemin, je ferai en sorte qu'elle se souvienne de ce que je lui ai réservé. Je vais lui offrir un retour de bâton bien mérité.
Je démarre ma voiture en accélérant à toute vitesse en sortant du parking, mon esprit est maintenant occupé par un plan pour rendre la vie de Malice aussi infernale que possible. De retour chez moi après une bonne douche, je m'allonge sur le lit en essayant de me reposer un instant. J'essaie de me détendre en regardant le plafond, mais mon esprit est toujours tourné vers Malice. Juste au moment où je commence à me perdre dans mes pensées, mon téléphone sonne. Le numéro qui s'affiche est celui d'Anxieuse. Mon cœur s'emballe légèrement, bien que j'essaie de garder une attitude décontractée. Je me fais passer pour occuper en attendant la troisième tonalité avant de décrocher. C'est une petite technique pour paraître moins pressé, même si, en réalité, j'attends son appel avec impatience. Je prends une grande inspiration, puis réponds avec un ton de nonchalance.
— Salut la parano, je te manque déjà ?
Je souris en entendant sa voix familière, ce surnom est une vieille habitude que je garde depuis longtemps. C'est ma façon de montrer que je suis content d'entendre sa voix, tout en gardant un air détaché. Et puis, quelque chose me dit qu'Anxieuse a toujours aimer ce surnom, au fond d'elle.
— Salut toi !
Je laisse l'appel résonner quelques secondes avant de laisser échapper un léger rire.
— Alors, comment ça se passe là-bas, la vie universitaire ?
— Oh, je me sens tellement bien ici, Haine, c'est beaucoup mieux que le lycée. Le campus est immense et les gens ont l'air plus matures que le lycée. Je pense que je vais m'y habituer petit à petit. D'ailleurs, j'ai rencontré ma nouvelle camarade de chambre. Elle s'appelle Rêveuse, elle est un peu tête en l'air, mais elle est très sympathique et je sens que je vais créer une belle amitié avec elle.
— Ça me provoque de la joie de te savoir bien là-bas. Au vu de son coin de chambre, j'imagine que ta camarade doit être un arc-en-ciel ambulant, je me trompe ? J'espère que tu n'oublieras pas tes vrais amis tout de même.
— Haine c'est tout à fait ça ! Mais elle est sympathique et c'est ça qui compte. Oh ça ne risque pas d'arriver ! Toi et le reste de la bande, vous comptez énormément. Sinon, tu as fait quoi de ta journée ?
— Eh bien, j'ai fait un peu de sport. J'ai fait quelques séries sur les haltères, couru sur le tapis, j'ai essayé de garder la forme.
Je fais en sorte de ne pas mentionner ma rencontre avec Malice. C'est une histoire que je préfère garder pour moi, surtout parce que je ne veux pas ajouter de préoccupations supplémentaires à celles qu'Anxieuse pourrait déjà avoir. Je l'entends prendre une profonde inspiration avant de me parler à nouveau.
— Ça me rassure, je pensais que tu allais t'ennuyer sans moi. Tu sais, je ne veux pas trop t'en parler, mais c'est difficile ici, sans toi. J'imagine que c'est normal, ce n'est que le début, mais j'aurais vraiment voulu que tu sois là avec moi.
— Tu me verrais en psychologue, sérieusement ? À écouter toute la journée, des gens se plaindre de leurs vies ? Je n'ai aucune patience et puis mon caractère de colérique ne colle pas avec ce type de métier.
— Oh, tu ferais un horrible psychologue ! Avoue Anxieuse en rigolant.
Ça me fait tant de bien d'entendre son rire au bout du fil. Sa voix se fait plus douce, et je peux presque entendre l'émotion qu'elle essaie de cacher. Elle marque une pause, puis continue d'une voix légèrement hésitante.
— Bon, je dois te laisser maintenant. J'ai encore des choses à faire avant la fin de la journée.
— Je comprends, on se parle plus tard.
— Je t'aime Haine, merci d'être présent même si tu es à l'autre bout de la ville.
— Je serai le pire des copains si je n'étais pas présent pour toi. Je crois que je t'aime aussi la parano.
— Tu crois ? Hum permets-moi d'en douter, je sais que tu m'aimes, mais que tu as du mal à me l'avouer.
— Je ne le répèterai pas une seconde fois, alors garde-le précieusement.
— C'est promis, à plus tard.
J'entends le clic du téléphone tandis qu'elle termine l'appel, me laissant seul avec ses mots. Je me permets un léger sourire avant de poser le téléphone et de me replonger dans mes pensées.
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