Chapitre 24 : Haine




Le talkie-walkie dans ma main, je repense aux mots de ma sœur. Elle a peut-être raison... Si je l'ai gardé, c'est bien parce qu'une part de moi s'inquiète pour Anxieuse, même si je refuse de l'admettre. Je soupire, prêt à le ranger, quand la voix de Curieux grésille soudain dans le haut-parleur. Je me fige, hésitant à répondre, mais je préfère écouter en silence. Puis, j'entends la voix d'Anxieuse, claire et familière. Elle parle de moi, me mentionne dans sa discussion avec Curieux... Je tends l'oreille, suspendu à chaque mot, mais quand Joviale me jette un regard en arrière, je baisse rapidement le volume et glisse le talkie-walkie dans mon sac. Nous arrivons devant une montée, et des bruits d'eau se font entendre. En avançant, je découvre une rivière sans pont pour la traverser, seulement des rochers humides et irréguliers. Malice et Rancunière grognent en voyant ce passage, et je lève les yeux au ciel.

— Ce n'est pas compliqué, je passe en premier, dis-je pour leur montrer.

Rage et Blessée m'observent avec inquiétude.

— S'il te plaît, fais attention, Haine, sois prudent, dit Rage.

Je lui adresse un sourire en coin.

— Ce ne sont pas quelques rochers qui vont me faire tomber.

D'un saut assuré, j'atteins le premier rocher, puis un deuxième. Mon pied glisse légèrement, mais je me rétablis. À chaque saut, les autres me fixent, certains sursautant quand je manque de perdre l'équilibre. Finalement, j'atteins la rive opposée et fais signe à Rage de me rejoindre.

— Allez, viens, Rage.

Les autres commencent à me suivre, un par un, jusqu'à ce que seule, Malice reste derrière. Elle avance avec précaution, mais au moment où elle pose le pied sur le troisième rocher, son pied glisse et elle bascule dans l'eau froide. La rivière est agitée, et elle disparaît sous la surface. Rage, Joviale et Blessée crient de panique, leurs regards désespérés se tournant vers moi.

— Allez, on continue, dis-je, mon ton sec.

Ils me fixent, choqués par mon indifférence. Personne ne bouge. Protecteur prend les devants, suivant Malice en longeant la rivière, et il plonge pour la rattraper. À bout de force, elle lutte pour garder la tête hors de l'eau et Protecteur parvient à l'atteindre, s'accrochant à un rondin. Joviale et Rage, leur tendent la main pour les aider à revenir sur la rive. Je les observe, irrité par toute cette agitation, quand Rancunière rompt le silence.

— Je savais que tu étais en colère, mais la laisser mourir... même moi, je ne suis pas aussi cruelle.

Elle se retourne et va les aider, me laissant seul, à quelques pas en arrière. Malice sort de l'eau, tremblante, et Joviale lui tend une serviette. Elle tousse, encore sous le choc, mais relève les yeux quand je m'approche, le regard glacial.

— Moi qui pensais que tu savais nager. Tu n'es pas morte... dommage.

Je lance ces mots, un sourire narquois aux lèvres. Les autres, choqués, m'observent sans un mot. Puis, d'un ton sec, je lâche :

— Allez, on reprend la route.

Malice me dévisage avec dédain et se tourne vers Protecteur pour le remercier, ignorant complètement mes ordres. On reprend la route, mais l'ambiance est lourde. Les autres s'agitent autour de Malice, l'entourant d'attentions. Rage, surtout, ne la quitte pas des yeux, l'épaulant au moindre faux pas. Protecteur reste à ses côtés, prêt à l'aider si elle chancelle encore. Blessée et Joviale lui parlent doucement, comme pour lui changer les idées après l'incident. Je serre les dents en avançant devant mes poings se crispant à chaque éclat de rire ou de murmure compatissant. Personne ne m'a adressé un mot, et je sens leur regard accusateur peser sur mon dos. Je garde mes yeux rivés au sol, préférant ignorer leurs chuchotements, quand Rage accélère et se met à mon niveau, me regardant droit dans les yeux.

— Ça te tuerait d'avoir un peu de cœur, Haine ? Tu étais prêt à la laisser mourir !

Je l'ignore, mais elle continue, la voix plus basse.

— Elle a peut-être ses torts, mais ça, c'était bas.

Blessée s'approche aussi, me lançant un regard désapprobateur.

— Personne ne mérite ça, Haine. Personne.

Je ne réponds rien, serrant mon talkie-walkie pour contenir mon irritation. Mes yeux se posent sur mon téléphone, affichant bientôt quatorze heures. La faim commence à se faire sentir, et mon ventre me rappelle que j'aurais mieux fait de prévoir un moment pour manger. Je lève les yeux et, au loin, aperçois les hautes montagnes se dessiner à l'horizon, leur silhouette sombre se rapprochant. Mais avant d'y arriver, une immense plaine s'étend encore entre nous et les reliefs. Je m'arrête brusquement, laissant échapper un soupir pour capter l'attention des autres.

— On s'arrête ici pour manger, dis-je, la voix tendue.

Tout le monde s'installe sur l'herbe sèche, sans dire un mot, concentrés sur leurs sacs et leurs provisions. De mon côté, je m'assois en retrait, mon regard rivé vers la montagne, la mâchoire serrée. Malice est entourée comme une reine déchue, ils prennent soin d'elle, lui offrant à boire et la couvrant d'attention. Un rire étouffé parvient jusqu'à moi, et je serre les dents. Voir cette scène me dégoute. Alors que je replie la carte avec soin, Joviale vient s'asseoir à mes côtés. Elle reste silencieuse un moment, contemplant le paysage, avant de me jeter un regard.

— Dis, tu allais réellement la laisser mourir ?

Je lui lance un regard froid, puis réponds sans détours.

— Au début, oui. Mais au fond, je suis bien content que Protecteur y soit allé. Je ne suis pas un monstre comme elle.

Elle incline légèrement la tête, sans cesser de m'observer, comme si elle cherchait à percer quelque chose au-delà de mes mots.

— Je ne sais pas ce qu'elle t'a fait exactement, mais ç'a dû être sacrément douloureux pour que tu réagisses comme ça.

Je la regarde droit dans les yeux, laissant un soupir s'échapper avant de murmurer.

— Tu n'as pas idée. La revoir, c'est devoir affronter un passé que j'ai enterré depuis longtemps, un passé auquel je ne veux plus faire face.

— Parfois, c'est en affrontant ce qu'on fuit qu'on trouve un peu de paix, tu sais. Peut-être qu'elle est ici pour une raison.

— Je n'en ai aucune idée, mais la savoir avec moi, ici, ne me réjouit absolument pas.

— Peut-être que tu devrais lui laisser une seconde chance, elle pourrait t'étonner.

Sur ces paroles, Joviale se lève me laissant dans mon coin.

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