Chapitre 23 : Anxieuse
L'après-midi pointe enfin dans le ciel, et on commence à sentir la lumière plus douce à travers les branches des arbres. Tout autour de nous, la forêt semble infinie, et je crois bien qu'on n'en verra jamais la fin. Soudain, une sensation étrange me parcourt, comme un frisson. J'ai l'impression qu'on nous suit. Je perçois des bruits légers, comme des pas, juste derrière moi. Je me retourne plusieurs fois, mais rien. Personne. Mes pensées s'embrouillent, et je commence à douter. "Je deviens parano," je me dis. C'est sûrement dans ma tête, mais c'est plus fort que moi. J'accélère le pas et rejoins la tête du groupe, essayant de me concentrer sur la route. Pourtant, les bruits persistent. Cette fois, je ne rêve pas. Je fais signe aux autres de se taire. Ils me regardent sans comprendre, mais obéissent. Le silence règne. Puis, un son. Une sonnerie. On se regarde tous, un peu perdus. Chacun vérifie son téléphone, mais il n'y a pas de réseau ici. Comment est-ce possible ?
C'est alors que Rêveuse pousse un petit cri. Elle se penche vers un tas de feuilles mortes et en sort... un téléphone. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je reconnais immédiatement la coque bleue éraflée. C'est celui de Brave. Sans réfléchir, je me précipite vers elle et prends le téléphone dans mes mains. Mes doigts tremblent tellement que j'ai du mal à le tenir. L'écran est allumé, une vidéo tourne en boucle. Mon souffle devient court, ma poitrine se serre. Mon esprit se brouille, je n'entends plus rien autour de moi. Si son téléphone est ici, seul, sans lui... C'est que quelque chose est arrivé à Brave. Les larmes me montent aux yeux. Je sens ma gorge se nouer, et un flot d'émotions me submerge. Je tente de calmer la panique qui monte en moi, mais c'est trop tard. Je perds pied. Je me fais des films, des scénarios horribles, et je n'arrive pas à les stopper. Curieux s'approche, me prend doucement le téléphone des mains, jetant un regard inquiet sur l'écran.
— Anxieuse, c'est bien celui de Brave ! Je le reconnais, dit-il d'un ton grave, en levant les yeux vers moi.
Je le regarde, mais je n'arrive pas à dire un mot. Mon corps ne réagit plus, mes jambes me lâchent presque. Tout tourne autour de moi. Je n'arrive plus à respirer correctement. Je tente de m'asseoir sur un rondin de bois, en tremblant.
— Que fait-on maintenant ? Demande Curieux, incertain. On contacte l'autre groupe pour les prévenir ?
Mais je ne l'entends même pas. Ma peur m'enveloppe complètement. Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Je sens mes mains devenir moites, ma tête lourde. C'est alors que Charmeur s'approche, posant une main rassurante sur mon épaule.
— Hé, calme-toi, me dit-il d'une voix douce, complètement différente de son ton habituel. Il s'agenouille près de moi, me prend la main avec délicatesse. Anxieuse, respire, ça va aller. Bois un peu d'eau, me lance Charmeur en me donnant une gourde de son sac. Le fait qu'on ait un indice désormais, va nous aider à retrouver ton ami.
Je ferme les yeux et tente de suivre ses conseils. Je respire profondément, une fois, deux fois. Son geste me ramène un peu à la réalité. Il est là, ils sont tous là. Je ne suis pas seule. Lentement, je hoche la tête, acceptant son aide. Charmeur serre ma main un peu plus fort. Après un moment, je me lève, encore un peu secouée.
— Tu as raison, on va le retrouver, il ne faut pas que je pense au pire, je murmure plus pour moi-même que pour les autres.
Ils acquiescent, prêts à continuer à mes côtés. Alors qu'on avance dans cette forêt étouffante, Curieux se rapproche de moi, toujours avec ce regard concentré. Il tient le téléphone de Brave dans sa main, le regard fixé sur moi.
— Anxieuse, il faut prévenir l'autre groupe, dit-il, déterminé. On a trouvé un indice important. Le téléphone de Brave, ce n'est pas rien. Haine et les autres doivent être au courant.
Je serre la mâchoire, les souvenirs de cette fichue Malice envahissant mon esprit. L'idée qu'elle soit avec eux me rend malade, mais surtout avec Haine. Pourquoi a-t-il permis ça ? Je secoue la tête avec agacement.
— Non, on leur dit rien. Pas maintenant.
Curieux me regarde, visiblement confus, ses sourcils se fronçant de plus en plus.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
Je ne lui réponds pas tout de suite. Je suis encore trop en colère, trop embrouillée. Le simple fait de savoir que l'ex de Haine est là me donne la nausée. Je ne peux pas me concentrer avec ça dans la tête. Alors, sans un mot de plus, je me détourne de Curieux et rejoins Rêveuse, préférant m'éloigner de cette discussion.
— Anxieuse ? Tu n'as pas l'air bien, murmure Rêveuse en me voyant approcher, un regard compatissant dans ses yeux.
Je ne réponds pas. Curieux reste en arrière, visiblement frustré. Après plusieurs minutes de marche, l'après-midi se fait de plus en plus chaud. Soudain, les arbres s'ouvrent sur une immense clairière couverte d'herbes hautes, jaunies, qui ressemblent à des champs de blé. Je m'arrête, fascinée par l'immensité du paysage. Curieux sort la carte et la consulte rapidement, un sourire se dessinant sur son visage.
— On a vraiment bien avancé. Le champ de blé semblait loin sur la carte, mais on y est déjà. Brave ne doit pas être allé très loin.
Je hoche la tête, l'espoir renaissant en moi.
— Curieux... par rapport à tout à l'heure, je ne veux pas encore leur dire pour le téléphone. Mais je compte bien leur avouer plus tard. Juste... pas maintenant.
Il me fixe un moment, avant d'acquiescer.
— Anxieuse, tu n'as pas à te justifier, je te fais confiance et si tu as décidé ainsi alors, je respecte ton choix.
On se retourne pour continuer à avancer dans cette mer d'herbes dorées. Mais quelque chose cloche. Charmeur n'est plus là. Curieux plisse les yeux, cherchant autour de lui.
— Où est passé Charmeur ? Il était là il y a une minute...
Je me retourne, cherchant du regard, quand, un cri perce l'air. Rêveuse sursaute, et mon cœur s'emballe.
— Qu'est-ce que...? S'exclame-t-elle, terrifiée.
Sans perdre un instant, on se précipite tous vers la source du cri. Là, au milieu des hautes herbes, on trouve Charmeur... en piteux état. Il est couché au sol, couvert de boue, et un sourire gêné se dessine sur son visage.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Demande Curieux, le ton légèrement amusé.
Charmeur, visiblement un peu honteux, se redresse tant bien que mal.
— Je... je marchais et je n'ai pas vu le trou. Un putain de terrier, je crois. Je me suis ramassé la tête la première.
Curieux éclate de rire, suivi rapidement par Rêveuse et moi, même si elle essaie de se contenir.
— Sérieusement ? C'est pour ça que tu as crié comme ça ? Ricane Curieux.
Charmeur secoue la tête, visiblement vexé.
— Eh, vous seriez tombés aussi dans ce trou ! Vous auriez réagi comme moi ! C'est profond et... il y avait un truc qui m'a frôlé en plus. Peut-être un renard ou un truc du genre. Ça m'a fichu une sacrée trouille, d'accord ?
Je ris doucement, malgré moi. Voir Charmeur dans cet état fait baisser la tension, même si, au fond de moi, l'inquiétude est toujours bien présente. Les heures s'étirent alors que nous avançons, fatigués, dans ce champ de blé sans fin. De hautes herbes dorées nous entourent, dansantes sous la légère brise d'automne. Rêveuse, d'un ton un peu pensif, lâche soudain.
— Brave a dû en faire du chemin pour retrouver cette fille...
Curieux lui jette un regard et, en secouant la tête, la corrige doucement.
— Rêveuse, il est parti il y a deux semaines.
Elle plisse les yeux, un peu perdue.
— Mais alors... pourquoi il est parti seul ?
Je serre les dents à cette question.
— C'est aussi ce que je me demande. Surtout qu'il avait demandé à Haine de l'accompagner.
Curieux se redresse légèrement, visiblement mal à l'aise, et me jette un coup d'œil.
— Eh bien... à propos de ça...
Je ralentis mon pas pour marcher à sa hauteur, l'interrogeant du regard.
— Quoi ?
Il prend une profonde inspiration avant de répondre, tout en continuant de marcher.
— Normalement, Haine devait partir avec Brave. Mais il a préféré rester. Il ne voulait pas retrouver Gaffe. Partir avec Brave aurait été trop... compliqué pour lui. Mais plutôt, si Haine l'avait fait, on l'aurait peut-être aussi perdu en route. Et là, ç'aurait été encore plus difficile pour tout le monde.
— En y réfléchissant, je crois bien que même s'il m'avait avoué qu'il partait avec lui pour retrouver Gaffe, je lui en aurais voulu aussi. Des fois, je me demande si ce n'est pas moi qui complique tout pour lui...
Curieux me regarde, compatissant.
— Non, Anxieuse. Ce n'est pas toi qui es compliquée. Tu tiens à lui, et c'est pour ça que tu ne veux pas qu'il fasse n'importe quoi. C'est une preuve que tu l'aimes.
Je souris légèrement, un peu gênée par ses mots.
— Si seulement Haine était conscient de ça...
Ce n'est qu'après quelques secondes que je remarque quelque chose, le talkie-walkie de Curieux est allumé. Mon cœur s'emballe un instant. Est-ce que Haine aurait pu entendre ça ?
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