Chapitre 22 : Haine





Anxieuse et son groupe s'enfoncent dans la forêt de leur côté. Je les observe un instant, puis je détourne le regard, le cœur encore lourd. Je me tourne vers mon propre groupe en leur annonçant d'une voix ferme.

— On y va.

Nous prenons une direction opposée, plongeant dans les ombres des arbres qui se dressent devant nous. La forêt est dense, silencieuse et humide. Protecteur, derrière moi, toujours vigilant, les yeux scrutant les alentours. Malice, quant à elle, traîne derrière à sa juste place. Rage et Blessée avancent avec précaution. Quant à Joviale, elle marche à mes côtés, son regard scrutant la forêt comme le mien. Elle reste silencieuse un moment, probablement en train de réfléchir à la situation ou bien à ma décision de séparer Anxieuse du reste du groupe. Finalement, elle rompt le silence.

— Haine, qui est cette fille ? Elle est arrivée de nulle part, avec cette moto... qui semble être la tienne, je me trompe ? Et puis, elle n'a pas vraiment l'air d'être là pour Brave.

Je soupire longuement, sachant que j'allais lui devoir des explications.

— C'est Malice. Mon ex.

Joviale se fige un instant, les yeux écarquillés de surprise.

— Ton... quoi ?

— Ça peut surprendre, mais oui, c'est mon ex.

— Mais pourquoi est-elle là ? Lance Joviale, encore plus perplexe.

— Je me pose la même question, mais savoir la vraie raison de sa venue va pas être facile à deviner.

Joviale garde le silence un moment, puis elle tourne la tête vers Malice, toujours quelques pas derrière nous, l'air nonchalant, mais attentive.

— Et tu lui fais confiance ?

— Absolument pas. Apparemment, elle serait au courant pour ma rupture avec Anxieuse. Elle est peut-être venue avec l'intention de... je ne sais pas, de se venger ou de me récupérer, maintenant que je suis de nouveau célibataire.

Joviale me fixe un moment, comme si elle pesait mes paroles.

— Ça pourrait devenir un problème, Haine. Si elle est là pour autre chose que retrouver Brave, tu devrais peut-être lui demander de partir.

Je hoche la tête.

— Je sais. Mais pour l'instant, on a besoin de toutes les mains possibles. Même si c'est compliqué.

Joviale soupire encore, regardant Malice une dernière fois avant de reporter son attention sur la forêt devant nous.

— J'espère juste qu'elle ne va pas créer plus de problèmes qu'elle ne va en résoudre.

Je reste silencieux, sachant très bien que Joviale a probablement raison. Alors que nous avançons dans la forêt, je remarque de nombreux papiers froissés qui dépassent du sac à dos de Joviale. Je lève un sourcil, intrigué.

— C'est quoi tout ça ?

Elle hésite un instant, avant de me répondre, l'air un peu peiné.

— C'est pour Bingo... le chien dont je m'occupe. Il a disparu depuis deux jours, et son maître le cherche partout.

Je fronce les sourcils, surpris.

— Bingo a disparu ? Je laisse échapper un soupir. Un de plus qui s'est volatilisé... Ils ont tous eu la même idée, on dirait.

Joviale hoche la tête, un sourire triste aux lèvres.

— Oui... Mais je suis sûre qu'il finira par réapparaître, comme les autres. C'est toujours comme ça. En attendant, j'ai fait des affiches pour aider à le retrouver.

Elle sort un des papiers de son sac, une affiche simple avec une photo de Bingo et les coordonnées de son maître en bas. Je la regarde un instant, admirant son dévouement pour une cause aussi simple au milieu de tout ce chaos.

— C'est bien, ce que tu fais. Tu as pris le temps de faire ces affiches alors qu'on a déjà tellement de choses sur les bras.

Elle hausse les épaules.

— Ce n'est rien. Juste... il est comme une famille pour son maître, tu sais ? Donc si on peut faire quelque chose pour les gens, même un tout petit truc comme ça...

Joviale range l'affiche dans son sac, mais je peux voir dans son regard qu'elle est préoccupée. On continue de marcher, mais je sens que cette petite histoire de chien disparu résonne avec autre chose. Peut-être un écho de tout ce qu'on a déjà perdu. Nous avançons en silence, le vent sifflant légèrement à travers les arbres de la forêt. Seul en tête du groupe, je me fais rejoindre par Rage, ma grande sœur, qui a pris la tête du groupe à mes côtés. Elle finit par rompre le silence.

— Tu n'aurais pas dû choisir Anxieuse pour former un second groupe, Haine. On a besoin d'elle autant que toi, dit-elle, la voix pleine de reproches. Brave n'aurait jamais accepté ça.

Je m'arrête net, les sourcils froncés, mes yeux verts la fixant durement. Les autres membres du groupe, qui nous précédaient, ralentissent et se retournent, curieux de comprendre pourquoi nous avons soudainement stoppé la marche. La tension monte entre nous.

— Brave n'est pas là, je dis fermement. En attendant, c'est moi qui donne les ordres. Si toi ou quiconque ne veut pas me suivre, libre à vous. J'irai trouver Brave seul, s'il le faut.

Je fais une pause, laissant les mots peser dans l'air. Rage me regarde, ses yeux pleins de frustration et de tristesse. Mais je ne flanche pas.

— Si tu veux rejoindre Anxieuse, libre à toi de faire demi-tour et de la rattraper. T'es peut-être ma grande sœur, mais tu n'es pas ma mère. Tu n'as pas à me dire ce que je dois faire ou non. Maintenant, si tu veux continuer avec nous, cesse de parler d'Anxieuse et des choix qu'elle aurait faits si elle était avec nous.

Je m'apprête à reprendre ma marche, mais je sens la main de Rage attraper mon bras, m'immobilisant. Son regard, aussi perçant que le mien, me transperce.

— Haine, murmure-t-elle doucement, comme si elle cherchait à briser cette armure que je porte.

— Je sais que ce n'est qu'une façade. Derrière ce masque que tu portes, je vois bien que tu t'inquiètes pour elle. Autrement, tu aurais fait comme la carte que tu as confiée à Blessée et tu aurais donné le talkie-walkie à l'un d'entre nous. Mais tu l'as gardé pour toi.

Je serre la mâchoire, sentant une vague d'émotions monter en moi, mais je ne laisse rien paraître. Mon regard se détourne, se perd dans les arbres alentours. Elle a raison, bien sûr. Rage me connaît trop bien. Mais je ne peux pas laisser ça m'affaiblir, je dois rester fort, pour Brave, pour ce groupe, et pour moi. Je finis par tourner à nouveau mes yeux vers elle, admettant silencieusement qu'elle a vu juste.

— Ne traînons pas, dis-je simplement, ma voix basse, mais ferme.

Je retire mon bras de son emprise et la laisse passer devant moi. Elle me dépasse, avançant sans dire un mot, tandis que moi, je reste planté là une seconde de plus. Mon regard se porte instinctivement en arrière, vers la direction à laquelle est partie Anxieuse avec son groupe. Un poids s'installe dans ma poitrine, un sentiment de regret, peut-être... mais c'est trop tard pour revenir en arrière. Je ferme les yeux un instant, reprenant le contrôle de mes pensées, puis je me remets en marche, prenant place à l'arrière du groupe. Les autres ont déjà continué leur chemin, ne réalisant sûrement pas le poids de cette séparation.

Alors que je détourne mon regard vers les arbres, je perçois une présence à mes côtés. Un léger frisson me parcourt avant que je ne comprenne de qui il s'agit. Malice. Elle s'est rapprochée de moi, un bouquet de feuilles mortes dans les mains, ramassées au gré de notre marche. Je soupire intérieurement, tout en la scrutant du coin de l'œil. Elle arbore son habituel sourire en coin, celui qui me met instantanément sur la défensive. Elle semble bien trop à l'aise, marchant à mes côtés comme si de rien n'était. L'automne commence à s'installer dans la forêt, et avec cette ambiance, Malice parait presque dans son élément, à jouer les esprits malins au milieu de ce décor changeant. Je décide de rompre le silence.

— Pourquoi t'es là, Malice ? Que veux-tu vraiment ? Je serre légèrement les poings dans mes poches, essayant de garder mon calme. Et surtout, comment t'as pu récupérer ma moto ? Je l'ai vendue, et certainement pas à toi.

Malice, toujours aussi provocante, me jette un coup d'œil malicieux, tournant légèrement son bouquet de feuilles dans ses mains avant de répondre.

— Oh, ça... Je l'ai trouvée un jour en vente, et devine quoi ? Je savais que c'était la tienne. Je t'ai tellement vu avec elle au lycée. Alors, je l'ai achetée. Elle sourit, comme si elle était fière de son coup. Maintenant, je me dis que ça pourrait te faire revenir vers moi, sachant que je la détiens...

Je la fixe un instant, essayant de ne pas laisser la colère monter.

— Tu peux la garder, ce n'est pas ça qui me fera revenir vers toi.

Mon ton est froid, coupant, mais elle ne perd rien de son arrogance. Elle continue à marcher à mon niveau, toujours à jouer avec son sarcasme habituel. Je serre les dents, essayant de comprendre ce qui la motive.

— Comment tu savais que je serais ici ?

Elle éclate d'un petit rire suffisant avant de me répondre, toujours avec cette insolence qui lui est propre.

— Oh, rien de plus simple. J'ai demandé à ton père. Après que tu aies humilié gratuitement le mien, ton père a voulu se racheter. Alors, quand je lui ai demandé ton numéro pour te parler, il a gentiment accepté de me le donner. Elle marque une pause, savourant chaque mot. Ensuite, j'ai suivi tes petites aventures, le matin auquel je t'ai aperçu avec ta carte de la ville, à jouer les explorateurs, j'ai vite compris que tu cherchais quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

Ses yeux brillent de malice, et elle continue, le ton sarcastique plus prononcé que jamais.

— Quand j'ai appris que la fille de l'une des familles fondatrices de la ville, avait disparue, j'ai fait le lien. Qui d'autre que le fils du grand Commissaire Courage serait sûr sa piste ? D'ailleurs, ton cher Brave, le bras droit du commissariat, il n'est pas dans son bureau depuis quelques jours, j'ai donc supposé qu'il était en pleine quête pour la retrouver.

Elle s'approche encore un peu plus de moi, son sourire s'élargissant.

— Alors, j'ai simplement fait ce que je fais de mieux, j'ai suivi ta localisation, et voilà. Le tour est joué.

Je sens ma mâchoire se crisper. Ses mots ont beau être masqués par du sarcasme, ils m'énervent au plus haut point. J'aimerais tellement... non, je ne peux pas penser à ça. La violence n'est pas la solution, mais bon sang, qu'elle sait comment pousser les gens à bout. Je m'arrête de marcher et me tourne légèrement vers elle.

— T'es complètement cinglée, Malice. Tu sais ça ? Mais je ne comprends toujours pas ce que tu me veux. Pourquoi tu continues ? Pourquoi tu t'acharnes ?

Elle rit légèrement, levant les yeux au ciel.

— Pauvre Haine... Toujours à se demander pourquoi.

Elle me fixe ensuite, son regard devenant plus intense, presque dangereux.

— Peut-être que j'aime juste voir ce qui se passe quand j'appuie là où ça fait mal. Peut-être que j'ai mes propres raisons. Mais une chose est sûre, Haine. Elle s'approche encore, ses yeux plantés dans les miens. Je ne t'ai pas encore lâché, et tu ferais mieux de t'y habituer.

Je soupire profondément, cherchant à ne pas réagir. Je détourne le regard, me concentrant sur la forêt autour de nous, puis je murmure.

— T'es malade...

Je me remets à marcher, laissant Malice derrière moi, son rire discret résonnant dans mon esprit. Pourtant, ses mots continuent de me hanter. Je ne sais toujours pas ce qu'elle veut, mais une chose est sûre : elle n'est pas ici par hasard, et ça ne présage rien de bon...

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