Chapitre 20 : Haine




La soirée d'hier a été catastrophique. Entre la colère qui m'a submergé et Joviale qui est venue m'aider, j'ai perdu tout contrôle. Mais aujourd'hui, c'est différent. C'est le jour pour me reprendre, pour apprendre à maîtriser mes émotions, ma rage, tout ce chaos en moi. Je dois absolument me concentrer, garder la tête froide. La seule chose à laquelle je dois penser, c'est retrouver Brave. Tout le reste, même Anxieuse, doit passer au second plan.

Je suis en route avec Blessée. Elle est venue tôt ce matin, attendant devant chez moi alors que j'étais encore en train de me préparer. Le silence entre nous est pesant, et à plusieurs reprises, j'entends ses longs soupirs qui trahissent son état. On arrive enfin au point de rendez-vous, à la sortie de la ville. Je me gare sur le côté de la route en coupant le contact et m'apprête à sortir, mais je vois Blessée, immobile, les yeux fixés sur son téléphone. Quand je me penche un peu, je réalise qu'elle regarde des photos d'elle et de Brave. Mon cœur se serre un peu à cette vue.

Je tends la main et la pose doucement sur son épaule. Elle tourne la tête vers moi, ses yeux tristes, et je lui dis, d'une voix aussi calme que possible.

— Ne t'en fais pas, on va le retrouver.

Blessée hoche la tête en silence, visiblement émue, mais essaie de ne pas le montrer. Elle range son téléphone et prend une profonde inspiration avant de sortir de la voiture.

En sortant de la voiture, je réalise qu'il n'y a personne. Ni Joviale, ni Protecteur ou encore Rage à l'horizon. Je fronce les sourcils et regarde l'heure sur mon téléphone. Ils ne savent vraiment pas être ponctuels. Aucune voiture en vue, rien. Je me retourne en entendant un bruit de coffre qui se ferme. Blessée prend son sac à dos en le posant sur le bitume, et je ne peux m'empêcher de remarquer que ce sac semble plus gros qu'elle.

— Tu as mis quoi à l'intérieur pour que le sac soit plus grand que toi ? Je lui demande un peu moqueur.

— Il n'est pas aussi grand que moi, et en plus, il n'est pas si lourd.

Elle essaie de le mettre sur son dos, mais manque de tomber en arrière, perdant l'équilibre. Je la tire en avant juste à temps.

— Oh que si il est lourd, je réplique en haussant un sourcil.

Blessée rit un peu nerveusement et ouvre son sac.

— À vrai dire, j'ai pris plusieurs encas que j'ai préparés tard, hier soir... pour la bande. Vu qu'on ne sait pas combien de temps, on va rester.

Je la regarde, surpris.

— Attends, tu as fait tout ça hier soir ?

Elle acquiesce, refermant son sac soigneusement. Je secoue légèrement la tête, encore plus étonné par elle.

— Je n'ai rien ramené, j'ai complètement oublié la nourriture, heureusement que tu es là, Blessée.

— Je me suis dit qu'on trouverait plus facilement Brave le ventre plein.

Je la regarde avec un sourire amusé.

— Tu es pleine de surprises, petite rouquine.

Elle plisse les yeux en me souriant, et je me détourne pour scruter à nouveau la route. Toujours aucune voiture. Mon impatience grandit et je serre les poings, je me demande où sont le reste de la bande. Ils ne sont pas capables de respecter l'heure, murmuré-je à moi-même. L'impatience monte en moi, mais je me force à ne pas exploser tout de suite. Blessée, toujours à mes côtés, essaie de me rassurer d'une voix douce.

— Haine, ne t'inquiète pas, ils vont venir.

Je détourne le regard vers elle. Ses grands yeux vairons me fixent avec cette sérénité qui semble toujours la suivre, peu importe la situation. Je prends une grande inspiration, essayant de contenir ma colère qui mijote sous la surface. Puis, enfin, je vois des voitures au loin. Je plisse les yeux, reconnaissant immédiatement celle de Joviale, suivie par celle d'Anxieuse. Mon cœur rate un battement en voyant cette dernière, mais je serre les dents. Il ne faut pas que je pense à elle. Pas maintenant. Je fronce les sourcils, l'air déjà irrité. Sans attendre qu'ils arrivent, je me dirige vers le coffre de ma voiture. D'un geste brusque, je l'ouvre et en sors un gilet pare-balles ainsi qu'une arme à décharge électrique. Blessée, derrière moi, sursaute en voyant l'arme. Ses yeux s'écarquillent, choquée.

— Mais... je croyais que toutes les armes avaient été détruites l'an dernier ?! Comment ça se fait que tu l'aies encore ?! Et surtout pourquoi tu l'as prise ?

Je lève les yeux au ciel, passant mon gilet pare-balles par-dessus mon sweat noir.

— Parce qu'on ne sait jamais ce qui peut nous arriver, je lui réponds d'un ton sec, en resserrant les sangles.

Elle reste là, subjuguée, et je sens son regard peser sur moi, comme si elle ne me reconnaissait plus. Mais je n'ai pas le temps de lui expliquer, je pose les armes contre la portière de l'autre côté afin qu'elles soient à l'abri des regards. Les voitures se rapprochent, et je fixe la route à nouveau, la colère bouillonnant toujours au fond de moi. Les voitures arrivent enfin et se garent près de la mienne. De la première sortent Joviale, Rage, Rancunière et Protecteur. Je les salue brièvement sans vraiment y prêter attention. Joviale, toujours souriante, commence à sortir les sacs du coffre et m'adresse un petit sourire, auquel je réponds par réflexe, mais mes sourcils se froncent aussitôt. La voiture d'Anxieuse arrive à son tour et se gare juste devant celle de Joviale. Je les vois sortir, l'un après l'autre : Anxieuse, Curieux, une fille blonde que je ne connais pas sûrement une nouvelle, il s'agit peut-être de Rêveuse, la camarade de chambre d'Anxieuse. Mais c'est surtout le dernier à sortir du véhicule qui me fait bouillonner de rage. Ce foutu Charmeur.

Ma colère explose, je déboule d'un coup, les poings serrés, suivi de Joviale qui tente de me retenir. Je n'en ai rien à faire, je l'attrape et le plaque violemment contre la voiture d'Anxieuse.

— Que fais-tu là, toi ?!!

Anxieuse s'interpose aussitôt, me repoussant avec force.

— Laisse-le ! Il m'a proposé son aide pour retrouver Brave. C'est moi qui ai accepté qu'il vienne. Même s'il ne connaît pas Brave, on a besoin de toutes les mains en plus pour le retrouver.

Je la dévisage, incapable de croire ce que j'entends.

— C'est une blague ? Malgré ce qu'il a fait, tu te ramènes avec lui ?! Comment oses-tu ?!

Anxieuse me fixe droit dans les yeux, la mâchoire serrée.

— Il n'est plus rien pour moi, Haine. C'est juste un ami. Il veut se faire pardonner et offrir son aide.

Je recule d'un pas, secoué par ses mots, mais la rage continue de me consumer.

— Pardonner ? Je ricane insolemment. Il n'y a rien à pardonner, Anxieuse. Il a bousillé tout entre nous, et toi, tu n'as rien trouvé de mieux à faire que de venir avec lui ?!

Je repousse Anxieuse sans ménagement, la colère éclatant dans chaque fibre de mon corps.

— Calme-toi, Haine ! Gronde Anxieuse en me lançant un regard suppliant, mais je n'ai pas envie d'entendre ses excuses ni rien d'autre venant d'elle.

— Ne m'adresse même plus la parole, je grogne, m'éloignant d'elle.

Charmeur se met alors entre nous, se plantant devant moi.

— Mec, j'ai fait des erreurs avec Anxieuse. J'ai bousillé votre relation. Si tu dois t'en prendre à quelqu'un, c'est à moi, pas à elle. Elle ne voulait pas que je vienne, mais je suis là pour me faire pardonner. Si je peux vous aider à retrouver votre ami, je le ferai, pour montrer à Anxieuse que je mérite une seconde chance. Mettons nos différends de côté, qu'en dis-tu ?

Je le fixe, les poings serrés, prêt à lui en coller une. Mais je m'éloigne. J'en ai marre de me donner en spectacle, je soupire longuement en ne lui répondant pas volontairement. En revenant sur mes pas, Joviale s'avance à mon niveau et se met devant moi.

— Haine, je sais que c'est difficile à digérer, mais on a besoin de tout le monde pour retrouver Brave. S'il te plaît, laisse-le venir.

Je la dévisage, ramassant mon arme à décharge électrique et sans même réfléchir, je me retourne et pointe l'arme droit sur Charmeur. Anxieuse hurle derrière moi.

— HAINE ! BON SANG ! Qu'est-ce que tu fais avec cette arme ?! Où est-ce que tu l'as eue ?!

Je n'écoute même pas. Mon regard est fixé sur Charmeur, qui commence à reculer. Je me rapproche, mes doigts sur la gâchette.

— C'est une arme à décharge électrique ?! Elles existent encore ?! Mec, stp, ne me fait pas de mal ! implore Charmeur

Un sourire arrogant se dessine sur mon visage. Je suis à deux doigts d'appuyer quand Protecteur arrive à la rescousse. Il pose une main sur mon épaule.

— Haine, ne fais pas ça. Joviale a raison. On a besoin de tout le monde pour retrouver Brave. Je sais qu'avec ce qu'il a fait, il mérite une décharge ou deux, mais on est en train de perdre du temps.

Je reste silencieux, le souffle court, avant d'acquiescer, résigné. Je dois le reconnaitre, mais Protecteur a raison, il est temps que je mette de côté ce différend avec ce crétin, car chaque secondes comptes pour retrouver Brave. Je me retire et me tourne vers Protecteur.

— Très bien, on va faire deux groupes. Et il est hors de question qu'il soit dans le nôtre.

Je dévisage Anxieuse et Charmeur puis je leur tourne le dos, avançant sans un mot. Je sors le plan de Feelings de ma poche et prends mon sac à dos, le hissant sur mes épaules avec une autre arme sortie du coffre. Je confie une deuxième arme à Protecteur, verrouille ma voiture et reprend la mienne en main, avançant sans hésitation vers le début de la forêt. Les arbres se dressent devant moi, imposants et silencieux, alors que derrière, les voix de la bande résonnent, discutant encore. Je soupire et me retourne enfin pour leur faire face.

— Bon, on va partir par là, je commence d'un ton sec, j'ignore combien de temps cela va nous prendre, mais plus vite on avancera, plus vite, on retrouvera Brave et plus vite, on rentrera.

Je pose mon sac à dos au sol, en sort deux talkies-walkies et en confie un à Joviale, puis l'autre à Curieux, que je dévisage sans dire un mot. Depuis qu'il sort avec ma sœur, je ne lui fais pas confiance, pas encore, mais il pourra être plus utile que ce Charmeur. Reprenant ma place, je continue.

— On va faire deux groupes. La forêt est immense ainsi que les montagnes, je marque une pause, jetant un regard vers l'horizon boisé. Si on se sépare, on aura plus de chances de retrouver Brave ou ce groupe de résistants, s'ils sont toujours là, dis-je en adressant un regard à Rage.

Je me tourne vers Anxieuse. Mon cœur se serre malgré moi. J'ai tant de choses à lui dire, tant de questions, tant de colère accumulée... Mais la voir près de Charmeur m'irrite profondément. Je décide donc de garder mon masque de haineux. Sans réfléchir, sentant ma colère me monter tel un volcan, je prends une décision que je n'aurais jamais envisagée avant.

— On va faire deux groupes, déclares-je à voix haute. Le mien et le sien, dis-je en pointant Anxieuse.

Un murmure de surprise et d'indignation parcourt le groupe. Ils sont choqués, et je les comprends. Choisir entre Anxieuse, leur amie de toujours, la sauveuse qui a souvent été là pour eux. Et moi, celui qui n'est dans leur vie que depuis l'an dernier. Je vois leurs hésitations dans leurs yeux.

— Je vous laisse choisir avec qui vous voulez vous mettre, ajouté-je, le ton glacial.

Je range mon talkie-walkie sur le côté de mon sac à dos et tends la carte à Blessée. Je vois la confusion dans le groupe, certains froncent les sourcils. La tension monte, et les protestations commencent à fuser. Rage s'approche de moi, l'air furieux.

— Haine, mais tu es complètement fou ! On ne va pas choisir entre toi et Anxieuse, tout ça, car vous n'êtes plus ensemble ?! C'est absurde, tu sais qu'on ne peut pas choisir !

— Eh bien, vous allez devoir y être confrontés. Libre à vous de ne pas choisir et de rentrer au centre-ville. Le choix vous revient.

Je commence à avancer vers la forêt, mais en jetant un regard en arrière, je vois que ma décision a semé plus de chaos que prévu. Ça déclenche des disputes entre eux. Les cris montent, les esprits s'échauffent, et je sens l'agacement me ronger encore plus. Je regarde l'heure sur mon téléphone. On perd un temps précieux. Si seulement Brave était là, il aurait su comment faire et sûrement mieux que moi. Je fais demi-tour, revenant vers eux, dans l'espoir de calmer cette pagaille. Mais à ma grande surprise, c'est Anxieuse qui prend la parole la première. Sa voix tremble légèrement, mais elle reste ferme.

— Haine veut faire des groupes, très bien. On fera deux groupes différents, dit-elle, à contrecœur.

Elle me dévisage. Nos regards se croisent, et je sens quelque chose d'étrange. Derrière sa façade de froideur, je perçois de la tristesse. Je détourne les yeux un instant. Le chaos se calme légèrement, mais une tension lourde reste suspendue entre nous. Malgré tout, nous allons devoir avancer séparément. Anxieuse s'avance légèrement devant le groupe, en gardant une certaine distance avec moi. Elle prend une inspiration et demande.

— Qui veut venir avec moi pour retrouver Brave ?

Sans hésiter, Joviale s'avance vers elle, mais pas sans me jeter un regard désolé. Je comprends son choix. C'est sa meilleure amie, après tout. Même si Joviale a été mon soutien inestimable ces derniers jours, je respecte ce geste. Curieux la rejoint également, puis Charmeur et Rêveuse suivent. Le groupe d'Anxieuse commence à se former.

Rancunière et Protecteur s'approchent de moi, tout en s'excusant auprès d'Anxieuse. Je la vois sourire doucement, elle ne leur en veut pas. Même si ça blesse Anxieuse, elle ne le montrera pas, elle est comme ça, toujours à pardonner si facilement. Pendant ce temps, Rage et Blessée restent encore indécises, pesant leur choix. Finalement, Blessée se dirige vers Anxieuse, s'expliquant. Cette dernière la serre dans ses bras, comprenant parfaitement les raisons qui la poussent à choisir mon groupe. Puis Rage, furieuse contre moi pour avoir provoqué cette situation, finit par rester à mes côtés aussi, expliquant sa décision à Curieux et à Anxieuse. Je regarde le groupe d'Anxieuse se former et je laisse échapper un soupir.

— Très bien, maintenant, on peut y aller, dis-je, essayant de recentrer l'attention sur notre mission.

Alors que nous sommes sur le point de partir, Anxieuse s'approche de Joviale, lui prenant la main et s'exclame à voix basse, me trouvant à côté, il m'est ainsi possible d'entendre leurs conversations.

— Joviale, j'aimerais que tu ailles avec eux... avec lui. S'il te plaît, je sais qu'il t'écoute, que tu représentes beaucoup pour lui. Je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Garde un œil sur Haine et empêche sa colère de le dévorer.

Joviale regarde Anxieuse, inquiète.

— Mais Anxieuse, je ne veux pas t'abandonner... Tu es ma meilleure amie.

— Tu ne m'abandonnes pas, au contraire, lui répond Anxieuse avec douceur. Et puis, tu seras avec Protecteur. On se reverra vite, c'est promis.

Curieux intervient, essayant de rassurer Joviale.

— Ne t'en fais pas, je veillerai sur Anxieuse. Ça ira pour elle.

Joviale serre fort Anxieuse dans ses bras.

— Si jamais il t'arrive quoi que ce soit, utilise le talkie-walkie, promets-le.

Anxieuse hoche la tête, promettant de l'utiliser si nécessaire. Joviale, à contrecœur, rejoint mon groupe. Je la regarde s'éloigner d'Anxieuse, et je sens un étrange malaise. Je ne comprends pas pourquoi Joviale a soudainement décidé de changer de camp. Anxieuse représente tellement pour la blondinette, je n'aurai jamais cru qu'elle l'aurait pu agir ainsi même sous ses souhaits. Alors que nous nous apprêtons à nous enfoncer dans la forêt, un bruit de moteur retentit au loin, brisant le silence. Je fronce les sourcils et me tourne vers Joviale.

— C'est moi ou c'est le moteur d'une moto qu'on entend là ?

Je m'avance vers la route, curieux et méfiant à la fois. Quand la moto apparaît, roulant à toute vitesse vers nous, je reconnais immédiatement ce rugissement si familier. Mon cœur se serre. C'est mon ancienne moto. Celle que j'ai vendue il y a des mois. Je la reconnaîtrai entre mille. Je reste figé, choqué, cherchant à comprendre qui pourrait bien être au guidon. La moto s'arrête brusquement devant nous dans un nuage de fumée. La silhouette se découpe dans l'air. Une jeune femme descend, retire son casque, et là, devant moi, se tient... Malice.

Elle affiche un sourire espiègle, les yeux brillants de malice, comme à son habitude.

— Salut, Haine, dit-elle, le ton léger. J'espère que je ne suis pas en retard.

Je reste bouche bée, choqué de la voir ici, de la voir sur ma moto. Mon esprit tourne à mille à l'heure et les questions me viennent par centaines. Comment était-elle au courant de ma position ? Et surtout... pourquoi est-elle sur ma moto ?

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