Chapitre 14 : Haine
La colère me brûle encore, même après avoir quitté le campus. Le volant tremble sous mes mains, mais c'est peut-être juste moi. Je roule sans vraiment savoir où je vais, les rues défilant sous mes yeux, mais je ne fais pas vraiment attention à ce qui m'entoure. En tournant à un coin de rue, j'aperçois un bar à l'éclairage tamisé. À travers les grandes vitres, je vois qu'il y a à peine une poignée de clients à l'intérieur. C'est exactement ce dont j'ai besoin : un endroit calme, où personne ne viendra me trouver et me déranger. Je me gare rapidement, coupe le moteur et me dirige vers l'entrée du bar. À l'intérieur, la lumière est douce, la musique de fond est discrète. Le barman avec une serviette jetée négligemment sur l'épaule, s'approche de moi. Ses yeux fatigués, mais bienveillants, me scrutent comme s'il pouvait deviner les tourments que je cache.
— Bonsoir, qu'est-ce que je vous sers ?
— Ce que vous avez de plus fort.
Il se tourne vers les étagères derrière lui, où sont alignées plusieurs bouteilles de liqueur. Il en saisit une, remplit un verre qu'il dépose devant moi.
— Voilà, dit-il simplement avant de s'éloigner pour me laisser dans mon coin.
Je fixe le liquide dans mon verre, puis je le prends. Je marque une courte pause, comme si j'espérais que l'alcool puisse dissiper toutes les pensées sombres qui m'envahissent. Puis, d'un geste décidé, je porte le verre à mes lèvres et en bois une grande gorgée. L'alcool brûle en descendant, mais cette sensation m'apporte un certain soulagement. C'est exactement ce que je cherchais pour apaiser mes tensions même si je sais que ce ne sera que temporaire. Je prends une autre gorgée quand une odeur attire mon attention. Une odeur familière qu'autrefois, j'aimais tant. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit. Ce parfum, je le reconnaîtrai entre mille. Malice.
— Eh bien, on dirait que Le Grand Haine n'a pas le moral ?
Sans bouger, je tourne légèrement la tête, suffisamment pour confirmer ce que je redoutais. C'est bien elle. Son regard se pose sur moi avec cette même provocation dans ses yeux. Je soupire intérieurement, ma main se resserrant autour de mon verre. C'est la dernière personne que je veux voir ce soir, surtout dans un endroit comme celui-ci, où je cherche simplement à me perdre un instant.
— Ferme-là, Malice.
— Quelle surprise de te voir ici, tout seul, en train de te noyer dans un verre, commence-t-elle avec un sourire en coin. Tu sais, je ne t'imaginais pas du genre à t'apitoyer sur ton sort... Ça ne te ressemble pas. Qu'est-ce qui t'amène ? Un coup dur ? Ou peut-être... une déception amoureuse avec Anxieuse ?
Elle rit doucement, mais ce son est tout sauf amusant. Il est plus cruel qu'autre chose, et ça me fait serrer encore plus les dents. Mais je ne réagis pas, je suis tellement épuisé et en colère que je préfère continuer de l'ignorer tout en buvant mon verre.
— Tu ne dis rien ? Pas même un petit mot ? Tu dois vraiment être touché pour rester aussi silencieux. Ça ne te ressemble pas, Haine. Où est passé celui pour qui j'ai craqué autrefois ? Le beau et ténébreux Haine qui me dévorait du regard ?
— Il a disparu...
— À ce que je vois, tu es devenu faible.
Je le regarde avec une haine brûlante, mais je sais qu'elle a raison, et c'est bien ça qui me ronge. En payant après la dernière gorgée de mon verre, je me redresse en la fixant du regard et d'un ton arrogant, je lui lance.
— Je n'en ai rien à faire de ton avis, d'ailleurs pourquoi, toi, tu es ici ? Depuis quand ce bar laisse entrer des déchets comme toi ?
Mon ton est sec, tranchant, mais ça ne fait que l'amuser. Malice rit doucement, elle se penche vers moi et je sens son regard peser sur moi, mais je refuse de croiser ses yeux. Je ne veux pas lui donner ce plaisir.
— Toujours aussi charmant, à ce que je vois. Tu devrais vraiment faire attention à ce que tu dis, tu es déjà assez mal en point, tu ne voudrais pas que ça empire, n'est-ce pas ?
Je serre les dents, mon poing libre se contracte, mais je n'ai pas la force de me lancer dans une autre confrontation. Pas ce soir. Pas après tout ce qui s'est passé. Mais Malice, elle, n'en a rien à faire. Elle est là pour enfoncer le couteau dans la plaie, et elle est douée pour ça.
— Je ne suis pas faible, tu m'entends ? Dis-je en me levant pour quitter le bar.
Lorsque je sors du bar, l'air froid me frappe en pleine face. En avançant près d'une ruelle, j'entends les talons de Malice qui résonnent sur le trottoir, se rapprochant de moi. Elle est toujours là, comme une ombre, prête à me rappeler à quel point je suis tombé bas.
— Tu dis que tu n'es pas faible, mais te voilà dans cet état ? Et tout ça, à cause d'Anxieuse. L'amour, les sentiments... c'est pour les perdants et ça, c'est que tu me disais autrefois. Je n'invente rien. Regarde ce que ça t'a coûté, Haine. Tu es pathétique.
— Pathétique, vraiment ? C'est marrant venant de toi, Malice. Rappelle-moi qui depuis son retour en ville, rampe autour de moi, espérant retrouver une miette de ce qu'on avait avant. C'est toi la pathétique ici.
— Mais oui, quand tu auras fini de te morfondre, viens me voir. On aura sûrement des choses à se dire et surtout beaucoup de temps à rattraper, si tu vois ce que je veux dire.
Sentant ma rage prendre le contrôle, je la saisis par les épaules et la plaque brutalement contre le mur de la ruelle. Elle pousse un petit gémissement, mais ce n'est pas de la peur. Au contraire, ses yeux brillent d'excitation, son souffle s'accélère. C'est cette violence qu'elle a toujours recherchée chez moi, ce côté bestial que je m'efforce de contenir.
— Oh, deux fois que tu me plaques ainsi, je vois que tu as toujours cette brutalité que j'ai toujours aimée chez toi. Je me suis peut-être trompée, il reste encore quelque chose de l'ancien toi.
Elle me dévore des yeux, et je sens sa faim, cette envie malsaine qu'elle n'a jamais pu réprimer. Je rapproche mon visage du sien, sentant son souffle. Plongeant son regard dans le mien, elle baisse les yeux sur mes lèvres pour les fermer ensuite. Puis, au dernier moment, je m'arrête, mes lèvres à quelques millimètres des siennes. Elle ouvre les yeux, surprise, attendant ce qu'elle croit inévitable. Mais je la fixe avec un regard glacial, un sourire cruel étirant mes lèvres.
— Tu pensais vraiment que j'allais te donner ce plaisir ?
Je la relâche brusquement et reprends.
— Je préférerais crever plutôt que de t'embrasser à nouveau.
Un instant, elle reste figée, son sourire s'effaçant pour la première fois, remplacé par une expression de choc et de blessure. C'est un coup qu'elle n'avait pas vu venir. Elle a toujours joué avec le feu, mais cette fois, elle s'est brûlée. Je prends un plaisir à la regarder réagir ainsi puis reprend avec enthousiasme.
— Eh oui, moi aussi, je sais où appuyer pour faire mal et tu sais quoi ? Je m'en fous de toi et de tes piques, tes paroles glissent sur moi. Parce que, au fond, tu restes exactement ce que tu as toujours été, du vent.
Elle se tait un instant, me dévisageant avec une haine contenue. Je sais que je l'ai frappée là où ça fait mal, mais elle ne lâche pas si facilement.
— Tu sais, tu as toujours été doué pour blesser avec tes mots, mais finalement, tu es juste un lâche. Parce que c'est plus facile d'insulter que d'admettre que tu as foiré ta vie. Tu te caches derrière le masque de ta colère, mais sans elle, tu n'es rien. Et je maintiens ce que je dis. Tu es devenu faible, Haine. C'est ça que l'amour t'a fait ? Un lâche qui ne sait plus quoi faire de lui-même ? C'est pour ça qu'Anxieuse t'a laissé tomber, n'est-ce pas ? Parce que tu n'es plus rien !
— Ne prononce plus jamais son émotion, dis-je avec une menace dans la voix. Elle existe plus pour moi et toi, tu n'es qu'un déchet que je n'aurais jamais dû ramasser.
Malice tourne les talons et s'éloigne de ma portée. Je pousse un soupir, enfin seul. Mais le silence qu'elle laisse derrière elle est lourd. Elle m'a fait mal. Pas parce qu'elle avait raison, mais puisqu'elle a touché juste là où je suis le plus vulnérable. Et je déteste ça. Je la déteste, elle mais surtout, je me déteste moi-même. Je ne comprends pas vraiment quel est son but. Est-ce qu'elle cherche à me provoquer ? Peu importe ses intentions, je réalise une chose : elle a raison sur toute la ligne, et c'est précisément ce qui me fait enrager. Je déteste l'admettre, mais elle a touché un point sensible. Mais je ne lui donnerai pas cette satisfaction. Je refuse de la laisser voir qu'elle a percé ma carapace. Alors, je fais ce que je sais faire de mieux. Je remets mon masque de haine. Ce masque, c'est ma meilleure défense, mon refuge. Avec lui, je peux cacher la vérité, ignorer ce qui me ronge de l'intérieur.
Le lendemain, je me réveille avec une énorme fatigue physique, mais plutôt une fatigue émotionnelle. Mon téléphone commence à sonner sur la table de chevet. C'est Joviale, puis Protecteur, et Curieux. Je soupire, en pleine indifférence, et décide de l'éteindre avant de le balancer sur le lit. Une rupture amoureuse, c'est ressentir cette drôle de sensation dans l'estomac. Ressentir de la tristesse est encore nouveau pour moi. Moi, qui vient d'une famille où la colère est presque une seconde nature, où la rage est ce qui nous définit, cette tristesse me prend au dépourvu. Depuis que la loi qui nous imposait de ne ressentir qu'une seule émotion a été abolie, c'est comme si j'étais perdu. Je ne sais pas comment gérer ça, comment laisser cette tristesse exister sans qu'elle me consume, ne plus afficher cette colère. C'est bizarre, quasiment contre-nature pour moi. J'ai l'impression de trahir ce que je suis censé être, mais en même temps, je ne peux pas ignorer ce que je ressens. C'est comme si cette tristesse me faisait vaciller, me forçant à affronter une partie de moi-même que je n'avais jamais connue.
En me levant, j'entends mon ventre gargouiller, et je me dis que j'ai au moins besoin de manger, même si je me sens vide à l'intérieur. Je me traîne jusqu'à la salle de bain pour prendre une douche. Je suis peut-être pas au meilleur de ma forme mais ça ne veut pas dire que je dois complètement me laisser aller. Sous l'eau chaude, je tente de me ressaisir, mais les pensées de tout ce qui s'est passé avec Anxieuse continuent de me hanter. En sortant, j'enfile un bas de jogging gris, sans prendre la peine de mettre un haut. J'ai juste envie de m'isoler dans mon coin, de ne voir personne. Je descends pour me cuisiner un truc quand on commence à frapper à la porte, plusieurs fois. Ignorant volontairement les coups, j'allume la radio et mets la musique à fond, espérant noyer le bruit et mes pensées. Mais même avec la musique, j'entends quelqu'un crier à travers la porte.
— Haine ! S'il te plaît, ouvre-moi, c'est Blessée.
Je m'arrête, la main sur la poignée. Joviale et Blessée sont probablement les deux seules personnes à qui je pourrais ouvrir dans cet état. Mais j'hésite. Je ne sais pas ce que Blessée va me dire, et tout ce que je veux, c'est oublier Anxieuse, au moins pour un moment. Elle insiste, sa voix plus douce.
— Haine, je sais que tu n'as envie de voir personne. Je sais que c'est dur, mais tu ne peux pas vivre ça tout seul. Tu as besoin de soutien. Et puis, je suis venu avec le déjeuner.
Ces derniers mots me font céder. Je déverrouille la porte et l'ouvre lentement, tendant la main pour attraper le sac qu'elle me tend. Blessée me regarde, ses yeux se posant brièvement sur mon torse avant qu'elle se ressaisisse et me donne le sac. Je prends le déjeuner sans un mot, fronçant les sourcils. J'ouvre finalement la porte en grand pour qu'elle puisse entrer. Elle me remercie par un regard avant que je referme derrière elle. J'éteins la musique, puis me dirige vers le jardin auquel je pose le déjeuner sur une table. Blessée s'installe à la chaise près de moi pendant que je vais chercher un t-shirt à enfiler. De retour, je m'assieds en silence. Blessée m'observe, et je peux presque sentir ses pensées, se demandant ce qui se passe dans ma tête, ce que je garde au fond de moi. Je m'installe à table, en face de Blessée, et un silence lourd s'installe entre nous. Elle prend le sac et sort deux sandwichs ainsi que deux bouteilles de sodas. Je prends l'un des sandwichs sans un mot, le déballant distraitement, tandis que Blessée me fixe, hésitant à prendre la parole. Après une bouchée, c'est elle qui brise le silence.
— Haine, je sais que ce n'est pas facile en ce moment, et je ne vais pas te forcer à parler si tu n'as pas envie. Mais... tu peux compter sur moi.
Je reste silencieux un moment. Ses mots sont doux, mais ils glissent sur moi sans vraiment s'infiltrer. J'ai l'impression d'être englué dans une bulle où rien ne peut réellement m'atteindre.
— Merci Blessée pour le déjeuner.
— Haine, tu ne peux pas rester enfermé ici à tout ressasser. Je sais que t'es en colère, que t'es blessé... mais tu n'es pas tout seul.
— Et alors quoi ? Que veux-tu que je fasse, hein ? Que je me lève et que j'aille lui pardonner comme si de rien n'était ? Comme si elle n'avait pas piétiné tout ce qu'on avait construit ?
— Non. Personne ne te demande de lui pardonner tout de suite. Mais te laisser bouffer par cette rage, ça te détruira.
Je serre les poings sur la table, mes ongles s'enfonçant dans la paume de ma main.
— Je n'ai pas besoin de ses excuses. Je n'ai pas besoin de comprendre. J'ai juste... besoin qu'elle disparaisse de ma vie, que tout ça s'efface.
— Haine... tu as le droit d'être en colère. Tu as le droit de vouloir qu'elle disparaisse. Mais au fond, tu sais que ce n'est pas ce que tu veux vraiment. Sinon, tu ne serais pas dans cet état.
— Et tu crois savoir ce que je veux, toi ?
Elle soupire, mais persiste.
— Je sais juste que tu as le droit d'être blessé. Mais t'as aussi le droit de vouloir guérir, même si ça prend du temps. Et t'as le droit d'être entouré, on est tes amis et on est là pour toi.
— C'est facile à dire...
Elle tend la main, frôlant brièvement la mienne avant de la retirer, respectant mes limites.
— On est tous là pour toi, ne nous oublie pas, Haine. Pas seulement moi, mais aussi Joviale, Curieux, Protecteur. Tu n'as pas à porter ça tout seul.
— Pourquoi tu fais tout ça ? Pourquoi tu t'embêtes avec moi alors que je veux juste qu'on me foute la paix ?
— Parce que tu es mon ami, Haine. Et même si tu as l'impression que tout est foutu, moi, je vois encore de l'espoir pour toi. Et je ne suis pas prête à te laisser tomber.
Je détourne le regard, ne sachant pas quoi dire. Une partie de moi est touchée par sa persistance, mais l'autre, celle qui hurle de douleur et de haine, veut juste tout repousser.
— T'es têtue, dis-je finalement.
Elle sourit en me lançant.
— On me l'a souvent dit.
Je finis par baisser la garde, même si ce n'est qu'un peu. Blessée est l'une des rares personnes avec qui je me sens assez en sécurité pour le faire.
— Tu sais, je commence, la voix un peu hésitante, j'avais un mauvais pressentiment quand j'ai accompagné Anxieuse à la fac. Un truc qui me disait que... peut-être qu'elle se rapprocherait de quelqu'un d'autre et qu'elle finirait par m'oublier.
— Tu sais, Haine, parfois, il faut laisser partir les gens qu'on aime pour qu'ils réalisent ce qu'ils veulent vraiment. Parfois, c'est ce qui leur permet de comprendre ce qui est réellement important pour eux.
— Ouais, je sais bien. Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir cette crainte. Qu'elle m'oublie, qu'elle trouve quelqu'un de mieux que moi. Je serre les poings, la frustration et la douleur se formant comme un nœud dans ma poitrine. Qu'est-ce qu'elle lui trouve à ce blondinet ? Peut-être que je n'ai jamais réellement été son type, après tout. L'an dernier, elle aimait Brave, et maintenant, c'est un autre blond. Sûrement qu'elle a juste réalisé que je n'étais pas ce qu'elle voulait.
— Haine, tu as peur de l'abandon, c'est ça ? Elle ne me laisse pas répondre, enchaînant aussitôt. Je comprends ta peur, mais tu sais quoi ? Anxieuse a sûrement fait une erreur, mais je suis convaincu qu'elle se rendra vite compte que ç'a toujours été toi. Et que ça le restera toujours.
— Tu dis ça, mais moi, j'ai du mal à y croire, dis-je suivis d'un rire amer.
— Tu n'es pas facile à oublier, Haine. Tu le sais bien. Si c'était le cas, on t'aurait tous déjà oublié depuis longtemps.
— Sûrement...
Un silence s'installe, lourd, mais pas totalement inconfortable. Blessée finit par briser ce calme en me regardant droit dans les yeux.
— Haine, dit-elle doucement, tu voulais faire quoi après le lycée ?
Je relève les yeux vers elle, surpris par la question. Je prends un instant pour y réfléchir.
— Je voulais partir à l'aventure, découvrir au-delà de Feelings, ces montagnes que l'on aperçoit, voir ce qu'elles avaient à offrir. Mais... plus que ça, ce que je voulais vraiment, c'était rester auprès d'Anxieuse, quoi qu'il arrive. Je pensais que tant qu'on était ensemble, tout irait bien. Mais aujourd'hui, je me rends compte que je ne peux pas construire ma vie en dépendant d'une personne... surtout quand cette personne semble s'en foutre de moi.
Ma voix se casse légèrement sur la fin, et je ressens à nouveau de la colère.
— Je sais que ça fait mal, Haine. Mais tu es plus fort que tu ne le penses. Tu n'as pas besoin de dépendre de quelqu'un pour trouver ta voie. Tu trouveras ton chemin, même si ce n'est pas celui que tu avais imaginé.
Un léger sourire se dessine sur mes lèvres en guise de remerciement à ses paroles qui étaient réellement ce que j'avais besoin d'entendre. Après notre déjeuner, je me lève pour la raccompagner jusqu'à la porte. Je la regarde s'éloigner, me sentant un peu plus léger après notre conversation. Juste au moment où je me prépare à fermer la porte, j'aperçois une voiture s'arrêter près de la maison voisine. C'est Inquiet, et je ne peux m'empêcher de penser à Anxieuse. Mon estomac se noue à cette pensée, mais je secoue la tête, refusant de me laisser submerger à nouveau. Je décide de monter à l'étage. En passant devant le miroir, je m'arrête pour m'observer. Mon reflet me renvoie l'image d'un type à la barbe trop longue et aux mèches rebelles qui partent dans tous les sens. D'un geste résolu, je prends la décision d'aller chez le coiffeur. J'attrape ma veste en cuir, mon téléphone, un peu d'argent, et je sors, fermant la porte derrière moi. Arrivé chez le coiffeur, je m'installe sur le fauteuil, demandant une taille de barbe et une restructuration de ma coiffure. Pendant que les ciseaux s'affairent autour de ma tête, je laisse mes pensées dériver, essayant de remettre un peu d'ordre dans ma vie comme dans mes cheveux. Une fois le travail terminé, je me regarde dans le miroir. Le changement est subtil, mais significatif. Ça ne résout pas tout, mais ça aide. En sortant du salon, je prends une grande bouffée d'air frais, prêt à repartir.
***
Le lendemain, je suis à la salle de sport, mes poings frappant le sac de boxe suspendu devant moi. Chacun de mes coups résonne dans la pièce. Les images d'Anxieuse et de Charmeur défilent dans ma tête, me rendant fou de colère. Je les imagine ensemble, plus proches que jamais, et cette pensée suffit à faire monter en moi une vague de violence que je peine à contenir. L'idée d'eux, peut-être même dans un lit, me pousse à frapper encore plus fort, jusqu'à ce que le sac se balance violemment, presque arraché de son support. Je continue à frapper, jusqu'à ce que je sois à bout de souffle. Finalement, je m'arrête, le souffle court, et je colle mon front contre le sac, le tenant fermement des deux mains. Mon cœur bat à tout rompre, mais je sens que je commence à me calmer. Je soupire longuement, essayant de reprendre le contrôle de mes émotions. Au même moment, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. Je le sors, espérant que ce ne soit rien d'important, mais je vois que c'est un message de Rage. Elle convoque tout le monde au chalet, comme autrefois. C'est sûrement pour parler de cette histoire de résistant qui a fui Feelings. Je reste là, le téléphone dans la main, mon front toujours appuyé contre le sac de boxe. Je réalise que si je vais à ce rendez-vous, je vais croiser Anxieuse. Je vais devoir la voir, lui faire face, et pour l'instant, je ne suis pas sûr d'être prêt. La colère est encore trop vive en moi, et l'idée de la revoir sans ressentir cette rage brûlante semble impossible. Je ferme les yeux, essayant de me convaincre de ce que je dois faire, mais le dilemme reste. Est-ce que je peux vraiment la revoir sans que cette colère prenne le dessus ?
Alors que je range mon téléphone dans la poche de mon jogging, Rancunière entre dans la pièce, son regard se posant sur moi.
— Haine, j'imagine que tu as reçu le message de ta sœur ? Tu comptes venir à la réunion après ta rupture avec Anxieuse ?
Je la dévisage, à moitié surpris, à moitié agacé.
— À ce que je vois, tout le monde est au courant, dis-je en continuant de frapper, tentant de ne pas prêter attention à sa présence.
— Tu ne réponds pas à ma question. Tu vas y aller ? D'ailleurs, tu penses qu'elle veut quoi pour tous nous réunir ?
Je m'arrête un instant, essuyant la sueur de mon front.
— On le saura cet après-midi. Si elle convoque tout le monde, ce n'est pas sans raison.
Elle roule des yeux, exaspérée.
— J'espère qu'elle ne va pas nous demander de secourir quelqu'un, parce que j'ai déjà donné l'an dernier.
— Secourir qui ?
— Je ne sais pas, peut-être Curieux ? Brave. D'ailleurs, ça fait un bon bout de temps que je ne l'ai pas vu.
En entendant l'émotion de mon ami, un frisson me parcourt. En retirant mes gants de boxe, je réalise que ça fait un moment que je n'ai pas eu de nouvelles de Brave. La réflexion me frappe comme un coup de poing. C'est presque une semaine sans réponse de sa part. L'inquiétude s'insinue lentement en moi. Je tente de passer un appel à Brave, mais il tombe directement sur la messagerie. Mon cœur s'emballe alors que je regarde Rancunière, un regard plein de sens. Elle remarque le changement dans mon expression et s'approche.
— Quoi ? C'est quoi cette tête, Haine ?
— Ça fait bientôt une semaine que je n'ai pas eu de nouvelles de Brave. Il est partit pour retrouver Gaffe et depuis, plus rien.
— Tu penses que quelque chose s'est passé ?
— Je ne sais pas. Peut-être. Mais ça ne me plaît pas du tout de ne pas avoir de nouvelles.
Je regarde Rancunière, inquiet. Je n'ai pas le choix que d'aller à cette réunion et en profiter pour parler au sujet de Brave, peut-être que quelqu'un a des nouvelles de lui.
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