Chapitre 13 : Anxieuse




La nuit commence à pointer le bout de son nez alors que je quitte enfin l'amphithéâtre de mon dernier cours de la journée. Une lourde fatigue pèse sur mes épaules, tandis que je suis dans les premières semaines de mon entrée à l'université. Je traverse le campus pour rejoindre ma chambre, je ne veux qu'une chose, m'allonger sur mon lit et oublier toutes les images de ma dispute avec Haine qui viennent envahir mon esprit. Mais quand j'arrive près du bâtiment des chambres, proche du parking, je le vois. Charmeur est là, debout, les mains dans les poches attendant dans le coin de la porte d'entrée. Je soupire, tout en espérant qu'il n'essaiera pas de me parler. Mais bien sûr, il s'avance vers moi, son sourire agaçant accroché aux lèvres.

— Salut, Anxieuse. Comment tu vas ?

Sa voix est douce, presque comme si rien ne s'était passé. Je détourne les yeux, cherchant une échappatoire. Mais au même moment, j'entends un moteur rugir au loin. Un son qui me glace le sang, car je le connais trop bien. Mon cœur s'emballe, et une panique soudaine me prend à la gorge. Haine. Charmeur continue de me parler en me dévorant du regard, il décide de se rapprocher et me prend la main sans que je m'en rende compte. Mon attention est totalement ailleurs, je fixe du regard, la voiture qui arrive en trombe, se gare brutalement, le moteur hurlant. Pour quelle raison Haine est là ? La portière s'ouvre avec fracas et Haine en sort, visiblement fou de rage.

— Haine, mais que fais-tu là ?

Je parviens à articuler, ma voix tremblante. Mais il ne m'écoute pas, j'ai l'impression qu'il ne voit rien d'autre que Charmeur, et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, il le frappe violemment. Tout se passe en un éclair. Je le vois frapper encore et encore, la rage déformant son visage. Sans que je puisse contrôler quoi que ce soit, je sens mes larmes couler sans que je puisse les arrêter. Je veux hurler, le supplier d'arrêter, mais ma voix reste coincée dans ma gorge. Je suis en pleine crise d'angoisse, mon souffle devient court, je tremble de tout mon corps. Sous les coups, Charmer au lieu de se taire, nargue Haine. Ces mots déclenchent une nouvelle vague de violence chez Haine.

— HAINE ! ARRÊTE ! TU VAS LE TUER ! JE T'EN SUPPLIE ! ARRÊTE-TOI !

Je hurle, le suppliant d'arrêter, mais il ne m'entend pas. La panique monte, ma respiration devient chaotique, je n'arrive plus à respirer. Quand Haine se tourne enfin vers moi, il me fixe avec une colère si intense que j'en perds le souffle. Il me demande si c'est vrai, si j'ai vraiment embrassé Charmeur. J'essaie de répondre, de lui expliquer, mais je suis incapable de sortir un seul mot. Et puis il se met à me hurler dessus, exigeant de savoir la vérité, mais tout ce que je peux faire, c'est hocher la tête en pleurant. Je suis détruite, anéantie. Ses mots sont comme des coups de couteau, me coupant en morceaux. Il se retourne vers Charmeur et se met à le frapper encore plus violemment. Soudain Curieux arrive de nulle part, juste à temps pour l'arrêter et le tirer loin de Charmeur. Je me sens mourir à l'intérieur, voyant Haine, l'homme que j'aime, me rejeter si violemment. Quand il crie qu'il ne veut plus jamais me revoir, que je peux l'oublier pour toujours, c'est comme si tout mon monde venait de disparaitre en un claquement de doigts.

Je suis dévastée, incapable de croire que c'est réel. Quand Haine monte dans sa voiture et part sans se retourner, je comprends que c'est fini. Tout est fini. Je me rapproche du portail de l'université pour me placer milieu de la route. S'il me voit là, il s'arrêtera, il reviendra et il m'écoutera. Mais la voiture ne ralentit pas. Le moteur rugit toujours, et je reste figée, incapable de bouger, paralysée par la peur. Au dernier moment, Curieux me tire de la route, nous tombons ensemble sur le bitume de la route. Je pleure dans ses bras, incapable de m'arrêter, mes cris se perdant dans la nuit. Curieux me serre contre lui, essayant de me calmer, mais c'est impossible. La douleur est trop grande, je me sens comme si mon cœur avait été arraché. Il me ramène dans ma chambre, je suis tellement épuisée, vidée de toute énergie que je m'effondre sur le lit, les yeux rouges et gonflés de larmes. Curieux, inquiet, reste et veille sur moi, mais je suis trop fatiguée pour parler, trop détruite pour trouver les mots. Je l'entends discuter avec Rêveuse qui rentre dans la chambre que maintenant, mais leurs voix semblent si lointaines. Leurs mots s'effacent peu à peu alors que je m'endors, des larmes silencieuses coulant encore sur mes joues et tombent sur mon oreiller. Je m'endors en espérant que ce soit un cauchemar, mais au fond de moi, je sais que c'est la réalité. Une réalité qui me détruit.

Je me réveille tard, mes paupières lourdes avec en tête des nombreux souvenirs de la veille. Le soleil filtre à travers les rideaux, m'indiquant qu'il est déjà bien avancé dans la matinée. Je jette un coup d'œil à mon téléphone : Onze heures. Un soupir m'échappe. Je n'ai jamais dormi aussi tard, mais aujourd'hui, je n'ai aucune motivation pour faire autrement. En me retournant dans mon lit, je remarque une silhouette familière assise sur le bord. C'est Rêveuse, un sourire doux sur les lèvres, qui me tend un verre de jus d'orange et une briochette.

— Bien dormi ? Me demande-t-elle d'une voix calme.

Je hoche la tête, même si la vérité est bien différente.

— Je me sens détruite... J'aimerais tellement pouvoir revenir en arrière.

— Curieux m'a raconté ce qui s'est passé.

Elle marque une pause, comme pour s'assurer que je suis prête à entendre ce qu'elle a à dire.

— Je comprends ton erreur, Anxieuse. Et je ne t'en veux pas. Mais pourquoi tu ne m'as pas parlé de ce baiser entre toi et Charmeur ?

Je baisse les yeux, honteuse.

Sachant que tu l'apprécies, si tu l'avais su, tu m'en aurais voulu.

Rêveuse me regarde, sa main se posant doucement sur la mienne.

— Au contraire, Anxieuse. J'aurais voulu que tu me le dises pour qu'on puisse en parler. Je ne suis pas là pour te juger, tu sais. Je suis là pour toi, peu importe ce que tu traverses. J'aimerais pouvoir te compter dans mes amies sans que l'on ait des mensonges pour chacune.

Ces mots me réconfortent un peu, mais la douleur reste ancrée en moi. Pourtant, je suis reconnaissante de l'avoir à mes côtés. Rêveuse se redresse et me sourit d'un sourire qui semble vouloir balayer tous mes soucis.

— Allez, viens. Tu vas prendre ton petit-déjeuner, te doucher, te débarbouiller, et ensuite, tu viens avec moi. Je ne te laisse pas dans cet état. On va passer une journée où tu ne penseras à rien. Après tout, c'est le week-end, et le week-end, on s'amuse ! Je t'emmène faire une balade à cheval ! Je t'attends, dit-elle, enjouée, sa blondeur éclatante sous la lumière du jour.

Je prends une profonde inspiration. Peut-être que, juste pour aujourd'hui, je pourrais essayer de tout oublier, même si ce n'est que pour quelques heures. La journée est lumineuse lorsque Rêveuse et moi arrivons près du ranch de la famille de Drôle. Le revoir me rappelle des moments que je préfèrerai oublier, mais je fais de mon mieux pour rester concentrée sur le présent. Rêveuse s'approche de Drôle avec un sourire.

— Bonjour, on pourrait avoir deux montures pour une balade ?

Drôle m'aperçoit, mais fais mine de ne pas me reconnaitre puis hoche la tête sans dire un mot et part préparer les chevaux. Lorsqu'il revient, il tient deux superbes chevaux : un brun solide pour Rêveuse et un blanc élancé pour moi. Rêveuse monte d'un geste rapide, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Quant à moi, je me retrouve face à Drôle, le malaise bien présent entre nous. Il commence à m'expliquer comment monter. Ses instructions sont précises, mais je sens cette tension entre nous. Alors que je monte enfin sur le cheval, je ne peux m'empêcher de lui demander.

— Tu n'es pas censé retrouver ta sœur ?

Il me regarde, un peu surpris, avant de rétorquer.

— Tu t'inquiètes pour ma sœur maintenant ?

— Non, ce n'est pas ça, mais...

Il me coupe presque agacé.

— Mes parents veulent que je reste ici pour m'occuper du ranch et des balades à cheval pendant qu'ils s'activent dans leurs recherches.

Je hoche la tête, incapable de trouver quoi dire. Mais alors qu'il ajuste la selle, je murmure.

— Drôle, j'espère que tu la retrouveras.

Il me lance un petit sourire puis s'éloigne pour s'occuper d'autres clients. Je le regarde partir, un peu soulagée, avant que Rêveuse ne revienne vers moi à cheval.

— Donc, prête à galoper ? Me demande-t-elle avec un sourire taquin.

— Il faut déjà que je maîtrise le trot, dis-je en essayant de rester calme.

Rêveuse rigole et commence à accélérer sur une grande plaine d'herbe baignée de soleil. Je prends une profonde inspiration et décide de la suivre. D'un coup léger, j'incite mon cheval à trotter, puis à galoper à travers cette vaste étendue. L'air frais me frappe le visage, et je sens un sourire naître malgré moi. Ce moment de liberté, avec le vent qui siffle à mes oreilles, me fait un bien fou. Rêveuse me regarde et éclate de rire en voyant mon enthousiasme. Je tends les bras en l'air, comme si je pouvais voler avec le vent. C'est libérateur. Pour un instant, j'oublie tout, juste le bruit des sabots sur l'herbe et la sensation de vitesse. Soudain, un autre hennissement attire notre attention. En me retournant, j'aperçois Curieux qui arrive à cheval, sur un magnifique étalon marron. Il fait une entrée impressionnante, son cheval se cabrant légèrement.

Étonnée, je lui demande.

— Depuis quand tu maîtrises l'équitation ?

Curieux sourit, amusé.

— J'en faisais quand j'étais petit. J'étais tellement curieux de tout que j'ai essayé plein de sports.

Rêveuse éclate de rire.

— Hum, je t'imagine bien en ballerine, plaisante-t-elle.

— Ça, par contre, je n'en ferais jamais.

Je rigole en galopant entre eux, sentant une légèreté que je n'avais pas ressentie depuis longtemps. La balade à cheval se révèle être un véritable remède. Je me sens libre, légère, et pour la première fois depuis des jours, j'oublie mes tracas. Rêveuse et Curieux ont vraiment eu une bonne idée. Après quelques heures de chevauchée, nous retournons enfin vers le campus. En passant devant le parking, Curieux propose de prolonger cette journée parfaite.

— On pourrait regarder un film dans ma chambre. Ça vous dit ?

Je suis sur le point d'accepter lorsque j'entends quelqu'un prononcer mon émotion. Je me retourne et, à ma surprise, je vois Inquiet, vêtu d'un de ses beaux costumes bleu marine avec un sourire chaleureux. Il marche tranquillement vers nous, et à sa vue, une vague de réconfort m'envahit.Rêveuse jette un regard curieux à Curieux et lui chuchote amusée.

— Elle connaît combien de garçons, en fait ?

Curieux rigole et répond.

— Celui-ci, elle le connaît par cœur. Il s'agit de son frère.

Rêveuse me regarde un peu surprise.

— Oh, j'ignorais que tu avais un frère, Anxieuse.

— Je te présente mon frère, Inquiet.

Inquiet arrive enfin à ma hauteur, me serre dans ses bras avec affection, puis serre la main de Curieux, un sourire complice sur les lèvres. Il se tourne ensuite vers Rêveuse et se présente poliment. Je l'observe avec curiosité.

— Mais que fais-tu là à une heure tardive ?

— Pour tout te dire, je suis ici depuis une heure. J'attendais de te voir. Je t'ai téléphoné, mais je n'ai pas eu de retour, alors je suis venu.

Curieux intervient ensuite avec son sourire habituel.

— On va vous laisser.

Je le remercie pourun regard avant de me reconcentrer sur Inquiet. Il me regarde avec un sourire réconfortant avant de me proposer.

— Ça te dirait qu'on aille manger quelque part ? Il y a un restaurant sympa pas loin d'ici.

J'accepte avec plaisir, et nous nous dirigeons vers le restaurant. Une fois à table, installés sur la terrasse qui offre unes superbe vue sur Feelings illuminée, Inquiet me regarde sérieusement.

— J'ai appris pour toi et Haine...

Il laisse sa phrase en suspens, mais je comprends tout de suite. Son ton est calme, mais je peux lire la déception dans ses yeux.

— Je suis déçu, Anxieuse. Ce n'est pas toi, ce comportement.

Je baisse les yeux, sentant la culpabilité m'envahir de nouveau.

— Je suis tout autant déçue de moi-même, mais je ne sais pas comment y remédier, avoué-je, la voix tremblante.

Inquiet pose sa main sur la mienne, un geste de soutien qui me réchauffe le cœur.

— On fait tous des erreurs, mais je suis sûr que tu arriveras à réparer celle-ci. Ça ne sera pas facile, mais tu en es capable.

Ses mots me touchent profondément. Pour la première fois depuis longtemps, je sens qu'il y a peut-être une chance de réparer ce qui est brisé. Après le diner, Inquiet et moi quittons le restaurant en silence, profitant de la fraîcheur de la nuit. Nous marchons côte à côte en se taquinant le long du trottoir vers le campus. En arrivant près du parking où Inquiet a laissé sa voiture, il s'arrête et se tourne vers moi.

— Ne t'en fais pas pour Haine, dit-il doucement, avec cette assurance tranquille qui m'a toujours réconfortée. Il lui faut du temps, c'est tout. Il faut que vous vous expliquiez, et je pense que tout rentrera dans l'ordre.

Je murmure presque pour moi-même.

— Si seulement c'était qu'avec Haine que j'avais des soucis... Je me suis aussi pris la tête avec Joviale et Rancunière. J'ai l'impression d'être une ratée...

Inquiet pose une main ferme, mais réconfortante sur mon épaule, me forçant à le regarder dans les yeux.

— Anxieuse, tes amis t'apprécient tous ! On fait tous des erreurs, mais on pardonne aussi. Ne t'en fais pas, ils ne t'en voudront pas pour toujours. Et puis, moi, tu seras toujours ma petite sœur, avec ou sans tes erreurs.

Ses mots me touchent plus que je ne veux l'admettre. Je sens mes yeux se mouiller, mais je refuse de laisser les larmes couler.

— Merci, Inquiet, dis-je d'une voix presque cassée.

Il me sourit, ce sourire chaleureux et rassurant qui a le pouvoir de me faire croire, même un instant, que tout ira bien. Puis, après une étreinte fraternelle, il monte dans sa voiture. Je le regarde s'éloigner avec un sentiment d'espoir naissant doucement en moi. Je regagne ma chambre après avoir dit au revoir à Inquiet. La soirée est calme, mais un sentiment de solitude m'envahit dès que je franchis la porte. Je suis seule, Rêveuse est sûrement encore avec Curieux. Après m'être changée en pyjama, je me glisse sous les couvertures. Je prends mon téléphone, l'espoir qu'il y ait un message de l'un de mes amis, mais rien. En soupirant, j'ouvre la galerie photo. Mes doigts glissent machinalement sur l'écran, et je tombe sur une série de photos et vidéos prises durant l'été avec Haine, Brave, Protecteur, Blessée, Joviale, Rancunière, Curieux, Rage, et bien sûr, Inquiet. Je revois cette vidéo dans laquelle Brave et Protecteur avaient essayer de me faire rire après une journée particulièrement stressante. Puis une autre où Blessée, Joviale, et Rancunière se moquaient gentiment de mon goût pour les films à l'eau de rose pendant une soirée pyjama, toutes les trois essayant de me convaincre que les films d'action sont bien meilleurs. Il y a aussi cette vidéo sur laquelle Curieux, toujours le premier à vouloir tester quelque chose de nouveau, m'avait traînée à une séance de yoga en plein air, et on avait fini par tomber tous les deux en essayant une posture compliquée. Je rigole en revoyant cette scène, le souvenir de nos éclats de rire me réchauffe un peu le cœur. Enfin, je m'arrête sur les photos de Haine et moi. Des sourires complices, des moments de tendresse, et une vidéo sur laquelle il m'emmène à moto pour une escapade surprise, le vent fouettant nos visages, mes bras enroulée autour de lui. Je me souviens combien on avait été heureux, malgré nos différences, malgré les douleurs du passé. Je sais qu'il a déjà été blessé par une fille dans son ancien lycée me hante. Il me faudra du temps et surtout beaucoup de détermination pour regagner son amour et sa confiance. Je souffle doucement, le cœur lourd.

— Je vais réfléchir à tout ça, Haine. Je trouverai les mots pour te parler. Je te promets que je vais essayer de réparer les choses, peu importe combien de temps cela prendra, même si tu me repousses. Je sais que notre amour est toujours là...

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