Chapitre 7


Depuis l'arrestation de Haine, beaucoup de questions me trottaient en tête. Par exemple pourquoi lui ? Sachant que je n'avais aucune preuve. Qui a pu en donner à la police ? Qui l'a dénoncé ? Elles allaient rester sans doute sans réponse. La plupart des élèves étaient satisfaits de pouvoir reprendre une vie normale sans les regards suspects et les doutes que beaucoup portaient sur certains. Je rejoignis Joviale au réfectoire. Je n'osais pas y retourner depuis l'autre jour où Rancunière m'avait humiliée. Joviale me prit le bras et me rassura. Une fois assise à une table du réfectoire, elle se mit en face de moi. Je soufflai en baissant la tête ce que Joviale remarqua :

— En effet, tu peux souffler tranquillement. Maintenant que le coupable est arrêté, plus personne aura des soupçons sur toi et enfin on te laissera tranquille.

— Tu n'imagines pas comment c'était lourd ces derniers jours, j'en pouvais plus, mais j'ai tellement de questions. Comment ça se fait qu'il se soit fait arrêter ? Personne le soupçonnait. Pourquoi il aurait détruit une voiture ? Dans quel but ?

— Tu t'en poses des questions dis donc. Il s'appelle Haine. Pour moi, ça me suffit pour dire que c'est quelqu'un de mauvais et ça ne me choque pas plus que ça.

— Mais Joviale, tu ne peux pas dire ça. Donc si je m'appelais Haineuse, tu m'aurais rejeté la faute ?

— Non je ne dis pas ça, toi je te connais. Je sais que tu ne ferais jamais ça mais je dis que Haine, connaissant son caractère vu ce que tu me racontes et ce qu'il nous a fait ce matin, il est susceptible d'avoir commis cette action.

— Mouais, j'aurais voulu avoir plus d'informations à ce sujet.

— T'as qu'à demander à Brave. Son père est commissaire après tout, il peut t'aider.

— Oh non, ne me parle pas de lui. Je me suis disputée avec lui car il a protégé Protecteur sans même savoir ce qu'il m'a fait.

— Fais attention à ce que tu dis à propos de Protecteur.

— Oh excuse-moi, je ne veux pas vexer la petite amie de cet enfoiré.

— Je vais faire comme si je n'avais rien entendu. D'ailleurs pas de chance pour toi, ils viennent tous les deux vers nous.

— Attends, quoi ?!!

Je me retournai et aperçus Brave et Protecteur se diriger vers notre table. Je détournai mon regard des garçons pour le reconcentrer sur Joviale qui me fit un grand sourire. Protecteur s'approcha de Joviale et s'assit près d'elle. Quant à Brave que j'ignorais, il resta debout attendant mon attention. Il mit son plateau sur la table et s'exclama ensuite :

— Anxieuse, je prends mon courage à deux mains et je tiens à m'excuser pour la façon dont je t'ai parlé. Je n'aurais pas dû, j'ai préféré protéger mon ami plutôt que d'écouter ce que tu avais à dire.

— D'accord.

— Et je voulais savoir si tu acceptais mes excuses en allant te balader avec moi cet après-midi ?

— Que je sache, j'ai eu uniquement tes excuses et non les siennes tout en pointant mon doigt vers Protecteur.

Brave s'installa à mes côtés. Il donna un coup de pied sous la table à son ami qui s'étouffa tout en le regardant. Il se reprit, me lança un regard méfiant. Il soupira et s'exclama :

— Je suis désolé, je voulais juste protéger ma sœur.

— Mouais, ce ne sont pas les meilleures excuses que j'ai entendues, mais c'est déjà ça.

Protecteur passa un bras autour du cou de Joviale tout en l'embrassant sur les cheveux. Brave lui redonna un coup de pied sous la table ce qui fit réagir Protecteur encore une fois. Brave lui fit un geste de la tête afin de lui demander d'aller ailleurs. Protecteur se leva et demanda à Joviale de le suivre. Joviale exécuta tout en me souriant. Je lui fis un léger sourire en la regardant partir. Brave commença à manger lorsque je l'interrogeai :

— J'imagine que tu as assisté à l'arrestation de Haine ?

— En effet, mon père m'a informé de la situation. Il m'a dit comme quoi lui et son équipe avaient interrogé Rancunière. Elle a désigné deux coupables potentiels, Haine et ...

— Et ?

— Et toi Anxieuse.

— Ah, d'accord, donc elle pense encore que c'est moi.

— J'ai convaincu mon père en lui disant que tu n'y étais pour rien, que je te connaissais depuis toujours et que tu n'es pas une fille comme ça.

— As-tu vraiment fait ça ?

— Bien sûr, tu comptes beaucoup pour moi Anxieuse. Je ne laisserai personne te faire du mal ou te mettre dans des situations inquiétantes.

— Merci, c'est gentil à toi.

— Je t'en prie me lança Brave, tout en me souriant.

Je me levai pour débarrasser mon plateau. Il se porta volontaire pour emmener nos plateaux lorsque j'aperçus Blessée au loin sortir du réfectoire. Je lui fis signe et allai jusqu'à elle :

— Salut, comment ça va ?

— Et bien, je reviens de la cour où j'ai pris mon repas afin d'éviter les gens.

— Mais tu n'as pas d'amis ici ?

— Pas vraiment, c'est uniquement des connaissances et toi ?

— Je n'en ai pas des masses, j'en ai deux y compris toi.

— Tu me considères comme une amie ?

— Bien sûr.

— Ça me touche, je te remercie. Oh il y a un garçon qui vient vers nous.

Je me retournai, Brave s'avança vers nous en passant sa main dans ses cheveux blonds. Il se mit à mes côtés, me jeta un regard puis le posa sur Blessée avant de le reposer sur le mien. Il me lança :

— Tu ne me présentes pas Anxieuse ?

— Je te présente Blessée. Elle est en deuxième année et elle n'a pas vraiment d'amies. Du coup, elle passe ses journées seule.

— Je m'appelle Brave. Enchanté, je suis le capitaine de l'équipe de football et du coup ça te fait deux amis d'un coup, lui lança Brave en serrant la main de Blessée.

— Le capitaine ? C'est un honneur pour moi.

— Mais, tu as deux yeux de différentes couleurs, un cadeau du ciel incroyable. J'avais jamais vu ça.

— Ma mère pense pareil mais c'est affreux. J'ai l'impression d'être un monstre. Tout le monde m'appelle caméléon. J'aurais voulu être normal, s'exclama Blessée en cachant ses yeux de ses mains.

Brave mit ses mains sur celles de Blessée en les lui baissant. Il la fixa tout en lui souriant. Il fit une pression sur son menton afin de lui remonter la tête et lui lança :

— La vie t'as offert un cadeau. Regarde ici, tout le monde se ressemble. La plupart ont des yeux de couleurs différentes certes. Mais toi tu as deux couleurs différentes. Tu es unique, doublement unique. Ne laisse personne te dire ce que tu n'es pas. Je te trouve magnifique telle que tu es.

J'assistai à la scène en tant que spectatrice. Brave avait toujours les mots pour réconforter, pour donner le sourire, pour ne jamais baisser les bras. En le voyant auprès de Blessée, je ressentis une nouvelle émotion que je n'avais jamais ressentie auparavant, la jalousie. Les mots qu'avaient employés Brave pour Blessée, jamais quelqu'un ne m'avait dit ça. Je me pinçai l'intérieur de ma joue lorsque je me pressai vers la sortie du réfectoire. Brave fit un signe d'au revoir à Blessée, qu'il regarda partir au loin. Je me précipitai à mon casier pour prendre des affaires pour mon prochain cours. Brave me rejoignit en me disant tout en s'appuyant aux casiers :

— Elle est sympathique ta copine. J'aimerais bien la connaître davantage.

— Oui.

— Je l'avais jamais vue à Feel.

— Cool.

— Donc on se voit à la sortie ? Je vais aller à la salle de sport. Bon cours de musique.

— Merci.

Il m'embrassa sur la joue ce qui me surprit. La jalousie qui était montée en moi commençait à disparaître. Je lui souris en lui faisant un signe d'au revoir. Joviale avait assisté à la scène. Elle me rejoignit en courant vers moi :

— Incroyable, c'est rare de te voir sourire ! Il faut que Brave t'embrasse souvent alors !

— Oh ferme-la !

— De mon côté, Protecteur organise une soirée ce dimanche.

— Mais tu ne devais pas aller t'occuper d'animaux.

— Si, mais tu vois c'est Protecteur, ce n'est pas n'importe qui. Je peux déplacer mes bêtes pour une autre fois.

— Pourquoi tu n'irais pas t'occuper de tes bêtes avec lui tout simplement ?

— Il n'aime pas vraiment les animaux. Il aime le sport, les voitures... Enfin, c'est un garçon quoi.

— Mouais, je vais aller me balader avec Brave cet après-midi. Je ne sais pas où on va aller et où il compte m'amener.

— Ce sera l'occasion de lui déclarer ta flamme.

— Je ne sais pas. Je trouve que c'est trop tôt.

— Mais Anxieuse, tu le connais depuis si longtemps maintenant. Il faut que tu te lances !

— Certes, bon allez viens on a cours de musique.

On se rendit en salle de musique. À l'intérieur de nombreux instruments s'y trouvaient tels que des violons, des saxophones, des guitares, des trompettes, des contrebasses, une batterie et un piano. Je faisais du piano depuis toute petite. Quand je jouais, je me sentais dans une bulle à part. Cela canalisait mon anxiété. Le professeur nous préparait depuis des mois pour un concours de talent. Dans la salle chacun avait un instrument attitré. Je faisais du piano et Joviale faisait partie des guitaristes. Il nous manquait un batteur. Le professeur en recherchait un désespérément. Celui-ci me sollicitait souvent afin que je participe au concours mais ces derniers jours m'ont bien fait comprendre que je n'étais pas faite pour être au devant de la scène. Après une heure, la sonnerie retentit ce qui marqua la fin de la journée. Je sortis du bâtiment pour rejoindre Brave qui m'attendait sur les escaliers devant le lycée. Je me précipitai vers lui, il me lança un sourire en me disant :

— Alors ça a été ?

— Oui, nickel, tu as prévu quoi ?

— Suis-moi.

— Dis comme ça, c'est suspect.

— Non, ne t'en fais pas.

On marcha le long de grandes maisons. Après quelques instants, un café se trouvait sur notre chemin. Il m'invita à y rentrer et me fit passer en première tout en me tenant la porte. L'intérieur de ce café était tout en brique. Brave s'avança à une table où il s'installa. Un serveur arriva pour prendre les commandes. Je pris un café vanille, Brave prit la même chose. Il enleva la veste en cuir marron qu'il portait pour la mettre autour de la chaise. Je pris le temps d'admirer les formes de ses pectoraux qui ressortaient à travers son t-shirt blanc. Il passa une main dans ses cheveux et tout en posant son regard sur le mien, il s'exclama :

— C'est un café où ma mère m'emmenait souvent quand j'étais petit.

— Ah bon ?

— Oui, elle et mon père se sont rencontrés ici.

— J'avais jamais vu ce café avant aujourd'hui. En dix-huit ans d'existence, tu me fais découvrir un truc au moins.

— Et bien tant mieux dans ce cas. Ces derniers jours, ça a été éprouvant pour toi, je me suis dit qu'une pause détente pouvait que te faire du bien.

— Tu as vu juste.

— Dis, j'ai une question à te poser ?

— Euh... oui dis-moi ?

— Tu sais tu feras quoi après le lycée ?

— Je ne sais pas. Mes parents voudraient que je sois quelque chose et moi je souhaiterais être autre chose. Je suis perdue et le fait d'y penser me stresse, m'angoisse.

— Moi aussi. Mes parents ont des attentes qui ne correspondent pas aux miennes. Mon père aimerait que je passe le concours pour être dans la police comme lui et ma mère aimerait que je fasse des études dans l'immobilier. Moi j'aimerais être footballeur mais mes parents disent que c'est une passion et non un métier.

— Je vois, je te comprends. Mes parents aimeraient me voir continuer les études à l'université afin que je devienne quelqu'un mais je suis déjà quelqu'un. C'est juste qu'ils ne le voient pas.

— Et tu aimerais faire quoi toi ?

— J'hésite entre être psychologue pour aider les gens afin d'y voir plus clair dans leurs vies ou bien être écrivaine, pouvoir écrire tout plein d'histoires, faire voyager les lecteurs sans même qu'ils aient à bouger.

— Tu ferais une bonne psychologue. Justement j'aime bien te parler. Je sais que tu ne me jugeras pas et que tu me tendras toujours la main pour m'aider. C'est ça que j'aime chez toi Anxieuse. En ce qui concerne l'écriture, je n'ai jamais vraiment lu ce que tu écrivais mais ça serait un plaisir pour moi.

— Merci, mais je t'avoue que je pensais que tu voudrais être prof de mathématiques.

— Non, ça ira, j'ai la logique mais c'est vraiment de la torture cette matière, me lança Brave en rigolant.

Après des heures à se raconter nos vies, j'informai Brave que je devais rentrer. Il me raccompagna jusqu'à chez moi, monta les escaliers jusqu'au palier de ma porte. Je le remerciai pour la balade et pour le café. Je détestais ces moments remplis de gêne ou personne ne sait quoi faire après un premier rendez-vous. Il me sourit tout en me disant :

— Bon, je vais te laisser, je dois rentrer. J'ai apprécié ce moment Anxieuse, on se voit demain ?

— Mais demain on est samedi ?

— Non, on est vendredi demain. On a pas cours l'après midi mais on a cours le matin.

— Ah oui, c'est vrai.

— Allez bye à demain.

Il descendit les escaliers de ma maison en reprenant le chemin inverse. Je restai à le regarder au loin tout en m'appuyant contre ma porte d'entrée à l'admirer, ses beaux cheveux soyeux, sa façon de s'habiller, ses beaux yeux bleus et ses muscles. Quand d'un coup la porte s'ouvrit de l'intérieur ce qui me fit tomber en arrière. Ma tête toucha le sol. En me levant, je fis face à la personne en question qui avait pris l'initiative de me sortir de ma bulle. Toujours au sol, je réalisai que c'était Inquiet qui avait assisté à la scène :

— Dis donc, tu m'avais caché que tu sortais avec le fils du commissaire ?

— Je ne sors pas avec lui. Du moins pas encore, il m'a proposé d'aller se balader afin de me changer les idées depuis qu'il y a eu cette histoire de voiture.

— Ah oui, la fameuse voiture de Rancunière. Cette histoire a fait le tour de la ville mais je ne vois pas le rapport avec toi ? En quoi cette histoire t'affecte ?

— Tout le monde pensait que c'était moi comme entre Rancunière et moi ce n'est pas l'amour fou depuis ce qu'elle m'a fait subir, lui répondis-je en soupirant.

— Comment ça ? Elle a fait quoi ? Dis-moi tout !

— Ce n'est rien, juste elle m'a fait tomber au réfectoire, ce n'est rien de méchant.

— Es-tu sûre ? Ou tu me caches quelque chose. Tu sais comment je suis, je m'inquiète pour tout. Si j'apprends qu'elle t'a fait du mal, ça va mal aller pour elle.

— Inquiet, ce n'est rien, je t'assure, il n'y a pas de quoi en faire tout un drame. La police a arrêté Haine. Du coup, tout le monde a repris une vie normale, c'est cool.

— Haine ? Le voisin ?

— Oui, tu le connais ?

— Il vient souvent à une de mes salles de sport.

— Je ne savais pas. Et bien oui, c'est lui. Enfin bon, je vais dans ma chambre, tu restes ce soir ?

— Non je dois repartir, je suis passé prendre des affaires. Je repars de ce pas. En plus les parents ne vont pas tarder et je ne veux pas les croiser.

— Dommage, à plus Inquiet.

Inquiet s'en alla en prenant plusieurs cartons dans ses bras. Je filai dans ma chambre. Après avoir pris une douche, mis mon pyjama et fait mes devoirs, je descendis pour accueillir mes parents. Après le repas, je regagnai ma chambre, m'installai sur mon lit, pris mon portable et fis un tour sur les réseaux sociaux. Une nouvelle photo de Brave apparut sur le haut de mon fil d'actualité. Il était assis, torse-nu sur la plage, le regard évasif au loin. Sur cette photo, Brave me donnait l'impression qu'il ressentait différentes émotions que la sienne. Un peu plus tôt, il m'a informée de son inquiétude face à l'avenir et qu'il ne savait pas quoi faire plus tard. Je sais qu'au fond de lui, il aimerait montrer différentes émotions. J'espère qu'un jour, cette règle disparaitra, que l'on puisse vivre en ressentant les émotions que l'on souhaite ressentir. Je me levai du lit et allai ouvrir un tiroir de mon bureau où à l'intérieur se trouvait mon carnet. Dans ce carnet se trouvait tout ce que je ressentais. Je ne pouvais pas le montrer physiquement alors j'écrivais le ressenti de chacune de mes journées. Personne ne savait que je détenais ce carnet, ni ma mère, ni mon père et encore moins mon frère. Si un jour ce carnet arrivait aux mains d'une personne mal intentionnée, je serais sûrement envoyée en centre afin de me faire comprendre qu'il ne faut pas ressentir différentes émotions. C'est pour cela que je le cachais sous une tonne de nœuds de vieux écouteurs. Ce fameux tiroir qu'on possède tous chez soi.

Le lendemain matin, au lycée, je gagnai mon casier comme chaque matin. Les couloirs étaient remplis de groupes d'élèves. Parmi eux, Rancunière et son frère étaient en pleine engueulade. Je claquai la porte de mon casier lorsque Brave me fit une tape sur l'épaule. Je me retournai aussitôt :

— Bonjour Anxieuse.

— Coucou, comment tu vas ?

— Je vais bien merci et toi ?

— Un peu fatiguée, mais ça va. Il me tarde d'être cet après-midi et ce week-end surtout.

— Je te comprends. Dis, tu vas à la soirée de Protecteur, ce dimanche ?

— Oui sûrement, je ne sais pas encore.

— Nickel, on se retrouvera là-bas.

— Oui.

Il se rapprocha de moi pour me faire une bise lorsque les portes de l'entrée du bâtiment s'ouvrirent d'un coup sec. Tous les regards étaient portés sur la personne qui avait ouvert les portes. Sous le choc, je restai figée. Elle s'avança dans le couloir. L'ensemble des élèves avaient créé un silence des plus absolus. Elle s'avança vers moi en gardant une certaine distance, me lança un sourire arrogant comme j'avais l'habitude de recevoir de sa part tout en levant un sourcil :

— Je t'ai manqué, la parano ?

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