Chapitre 41
La porte de la chambre s'ouvrit sur Inquiet qui la referma derrière lui. Il s'exclama :
— Anxieuse, comment tu te sens ?
— Mal, je ne peux pas vous aider Inquiet. Je préfère suivre que décider. Surtout avec ce que vous m'avez raconté sur Feelings. Tout ça m'effraie. Si tu savais à quel point ça me fait peur.
— Je comprends. Ne t'en fais pas. Tu sais, quand on a appris ton départ, ce fut très dur. J'étais à bout. Je crois que même ma rupture avec Rancunière ne valait pas la tristesse que j'ai ressentie pour toi. Papa et maman ont été dévastés. Maman est davantage stressée et papa ne préfère pas en parler.
— De toute façon, papa s'est toujours méfié de moi. Sur les caméras, j'ai pu l'apercevoir, travailler sur la voiture avec Drôle. Sa fille a disparu et lui, il traine avec le frère de celle qui m'a mise dans cette situation. Ça blesse tellement. J'ai l'impression que je n'ai jamais compté pour lui.
— Tu sais papa se méfie de tout le monde, même de moi. Il ne faut pas lui en vouloir. Un jour viendra où il sera obligé de ressentir d'autres émotions que la sienne, si c'est pas déja le cas.
— Mmh, c'était comment après mon départ ?
— C'était vraiment dur. Comme je te l'ai dit, quand je suis arrivé à la maison, j'ai vu ces dizaines d'agents fouiller ta chambre. Ils cherchaient des choses mais ni moi ni les parents savaient quoi exactement.
— C'est le livre qu'ils cherchaient.
— Oui, mais ça personne savait que tu l'avais, même les parents étaient étonnés. Ils l'ont brûlé malheureusement. Peu de temps après, j'ai décidé de fermer les salles de sports. Je ne sortais plus. Rancunière est passée me voir et elle a pris soin de moi. Elle m'a soutenu.
— Vous êtes à nouveau ensemble ?
— Je lui ai donné une seconde chance. Tout le monde y a droit.
— Oui, c'est vrai.
— En rejoignant l'équipe, ils m'ont mis au courant de l'histoire de Feelings. J'en ai parlé aux parents et ils n'ont rien voulu savoir. En leur racontant ce que je savais, ils m'ont dit que la situation de la ville et ta disparition m'étaient montés à la tête. Ils ne connaissent pas la vérité. Mais si ce ne sont pas les membres fondateurs qui ont ordonné cette perquisition à la maison, alors qui est-ce ?
— Les parents n'étaient pas au courant de la visite des agents de traques et du commissaire ?
— Non, ils ne le savaient pas. D'ailleurs papa a perdu son boulot à la mairie et maman a été rétrogradée.
— J'en suis désolée. Il vaut mieux que je continue de vivre loin d'eux.
— Non, ne dis pas ça. Tu es ma sœur et tu es celle qui va changer les choses. On a besoin de toi, plus que personne d'autre. Tu nous as tous réuni Anxieuse. On est tous là pour la même chose.
— Mais je ne sais pas quoi vous dire. Je ne sais pas par où commencer.
— Commence par le début. Que veux-tu vraiment faire ?
— Ce que j'aimerais réellement faire pour le moment ? C'est me réconcilier avec Haine.
— Je ne m'attendais pas que tu me sortes ça mais oui, si tu le souhaites. D'ailleurs, une question m'échappe, vous deux ? C'est du sérieux ?
— Bien sûr. Enfin non. Je ne sais plus. J'ai toujours détesté Haine depuis qu'il est arrivé. Il me faisait vivre un enfer. Il était toujours là à se moquer, à me narguer, à augmenter mon anxiété. Mais je me rends compte qu'il a beaucoup fait pour moi alors que je lui ai jamais demandé de faire quoi que ce soit. Il a constamment été là pour me défendre, pour m'aider et pour me protéger. Sans m'en rendre compte, j'ai commencé à m'attacher à lui et lorsqu'il a disparu, je me suis rendue compte que j'en étais amoureuse. En le rejoignant ici, j'ai eu du mal à me rapprocher de lui mais ensuite, on s'est rapprochés petit à petit. Malgré sa haine, c'est un gars en or qui souhaite juste qu'on le voit à sa juste valeur, qu'on l'aime et qu'on soit sincère avec lui. Malheureusement, je lui ai caché le groupe et les plans.
— En soit, ce n'est pas vraiment grave.
— Non, ce n'est pas grave mais je l'ai trahi. Je lui ai dit que je n'arrivais pas à décider d'un moindre plan pour qu'ensuite, il apprenne que j'ai rejoint un groupe avec d'autres personnes pour justement élaborer un plan pour la ville.
— Tu sais, s'il t'aime, il reviendra. D'ailleurs vu comment tu me décris votre histoire. Je doute qu'elle s'arrête là.
— Je sais pas.
— En tout cas, ce n'est pas en restant dans cette chambre que tout s'arrangera.
— Les autres sont encore en bas ?
— Je ne sais pas. Je suis monté à l'étage et Rage leur a attribué des lits. Laisse un peu de temps à Haine. Tu y verras plus clair. Allez viens, je ne veux pas que ma petite sœur que je viens de retrouver se sente mal.
— Je te suis.
En sortant de la chambre, je suivis Inquiet pour accéder à la cuisine. En gagnant la salle à manger, Rage était en pleine discussion avec Curieux. Elle m'aperçut et me lança :
— Comment tu vas ?
— Un peu mieux et lui ?
— Haine ? J'ai pu le calmer alors pas autant que tu aurais pu le faire, mais il est plus calme, par contre sacré gifle !
— Je ne voulais pas, c'est parti tout seul.
— Ne t'en fais pas. Il est dehors si tu veux lui parler.
— Merci Rage.
Cette dernière me fit un sourire avant de proposer à boire à mon frère. Je profitai pour sortir du chalet pour rejoindre Haine à l'extérieur. Il était assis sur les galets devant le lac, le regard posé sur l'horizon et les mains posées sur le haut de ses genoux. En m'installant à ses côtés, il ignora ma présence et continua de fixer le lac avec un regard lointain. Je murmurai :
— Haine, je suis désolée de ne pas t'avoir dit pour le groupe. En arrivant ici, j'ai réellement trouvé un havre de paix. Durant le temps de quelques semaines, j'ai réellement eu l'impression que ma vie était sur pause. Je me sentais si bien à tes côtés. Je ne voulais pas parler de sujet qui fâche ou repenser à notre vie à Feelings.
Haine ne répondit pas. Pas une réaction. Tel un sourd, il continua de fixer le bout du lac en m'ignorant. Je penchai alors ma tête vers sa direction en chuchotant :
— S'il te plaît, dis-moi quelque chose...
— J'ai dit ce que j'avais à dire, lança Haine avant de s'en aller pour rejoindre le chalet.
Je détournai le regard vers Haine qui marcha d'un pas décidé vers le chalet. Je pris une longue expiration en fixant à nouveau le lac. Je sentis une présence derrière mon épaule. C'était Joviale. Elle s'exclamai :
— Comment tu te sens Anxieuse après tout ça ?
— J'ai le moral à plat et l'esprit perturbé.
— Je veux bien te comprendre. Oh Anxieuse, si tu savais comment ça me fait drôle de te parler à nouveau. J'ai vraiment cru que tu avais été enfermée. Vivre sans toi était tellement dur.
— Je suis là désormais ! Lançai-je en serrant Joviale près de moi.
— Il faut que tu saches que je n'avais plus personne vers qui me tourner. J'étais au plus bas et c'était si dur de paraître heureuse. Protecteur a été un vrai soutien pour moi. C'est grâce à lui que j'ai pu essayer d'aller mieux.
— Je suis contente Joviale. Si tu es attirée par lui, vas-y. Quand j'ai dû m'enfuir, il m'a aidée. Enfin, il m'a demandé de fuir.
— Oui, il m'en a parlé. Il n'aurait jamais pensé que Gaffe irait jusque là. Il l'a quittée immédiatement suite à cet acte. Mais comment ça se fait que tu réagisses ainsi envers Protecteur ? Je pensais que le courant ne passait pas entre vous.
— Tu sais, après avoir vécu ici et avoir fui Feelings, en vouloir à Protecteur ou bien à Rancunière, c'est futile.
— Dis-moi, il se passe quoi entre Haine et toi ?
— Ce qu'il devait se passer.
— Donc vous êtes ensemble ?
— On l'était, il vient de mettre un stop. On s'est disputés car je ne lui ai rien révélé pour le groupe avec Curieux. Il s'est senti trahi.
— Je suis certaine que tout va aller mieux.
— Je vivais le parfait amour avec lui ces dernières semaines. Comme quoi l'amour est vraiment éphémère. Un jour, on représente tout pour quelqu'un et puis le lendemain il vous renie.
— Anxieuse, je ne connais pas l'amour qu'il ressent pour toi mais tu le connais mieux que moi. Il peut nous surprendre à tout moment. Laisse-lui du temps. De toute façon, on est obligés de vivre sous le même toit. Surtout que maintenant, il a de quoi être jaloux avec Curieux.
— Je suis pas intéressée par Curieux.
— Certes, mais Haine ne le sait pas.
— Pas faux. Enfin bon, tu as pris une chambre ou tu souhaites dormir avec moi ?
— Rage a mis Rancunière avec Inquiet, Brave avec Blessée, Curieux avec Protecteur. Et oui, du coup, je te rejoins dans ta chambre. Il y a pas de soucis avec ça ? Pas vrai ?
— Non avec grand plaisir. C'est juste que j'avais l'habitude de dormir avec lui.
— Ah donc, j'ai vraiment raté quelque chose. C'était vraiment sérieux entre vous. Et il s'est passé autre chose entre vous durant ces nuits ?
— Oh non ! Rien de tout ça ! On a juste dormi l'un contre l'autre. Mais du coup ça va faire un peu bizarre désormais.
— Tu sais, je peux toujours le remplacer, ricana ma meilleure amie.
— Non ça ira ! Reste ma meilleure amie et rien de plus !
Joviale prit mon bras. En me levant, nous retournâmes à l'intérieur du chalet. Les nuages dominaient le ciel. Des gouttes d'eau commencèrent à tomber. En rentrant dans la maisonnette, une nouvelle ambiance s'était installée, plus chaleureuse. En jetant un regard dans la cuisine, j'aperçus Rage préparer le dîner de ce soir en compagnie de Curieux et Blessée, le sourire aux lèvres. Il y avait de la joie et de la convivialité. J'aperçus Inquiet discuter avec Rancunière, assis sur le canapé blanc. Joviale se précipita vers la chambre. En m'installant sur les marches des escaliers, je me fis rejoindre par Brave. Il s'exclama :
— Alors, que penses-tu de tout ça ?
— Ça semble irréel mais quand je vous vois ressentir plusieurs émotions, je vous trouve juste normal comme de vrais êtres humains.
— Malheureusement Feelings n'est plus comme ça. On a tout laissé derrière nous afin de trouver de l'aide. Ressentir des émotions, c'est si beau et c'est pour ça qu'on doit y retourner Anxieuse.
— Oui, je sais bien.
— On a besoin de toi. Tu sais tant de choses qu'on ignore.
— Mais Brave, je suis la représentation de la peur. Je doute de moi-même. Je suis sans cesse à me remettre en question. Je fais des crises de stress régulières. Je ne vois pas pourquoi vous voulez que ce soit moi votre leader.
Tout en plongeant ses yeux bleus dans mes yeux noisette, Brave me sourit puis s'exclama :
— Tu sais pourquoi on se tourne vers toi Anxieuse ?
— Non, pas vraiment.
— Car tu es lumineuse et aucun mauvais choix te ferait perdre ta clarté.
— C'est vraiment beau ce que tu dis.
— C'est la vérité. Demande à qui tu veux ici. Ils te diront la même chose. On a besoin de toi et au fond de toi, je sais que tu le sais.
— Oui, tu as raison, mais pitié, ne m'appelez pas chef.
— Ça ne sera pas le cas, je te rassure.
— Laisse passer la soirée. On y pensera demain, m'exclamai-je en me levant de l'escalier.
— Pas de soucis. Tout va bien avec Haine ?
— Des disputes comme d'habitude. Ce n'est rien, ne t'en fais pas.
— Il n'a pas changé. Il est toujours aussi colérique.
— Tu veux toujours être son ami ?
— La proposition tient toujours en effet, lança Brave en passant sa main derrière son cou.
Brave s'en alla pour rejoindre Blessée et les autres membres du groupe. Quant à moi, je m'orientai vers l'étage dans lequel je gagnai ma chambre. En y rentrant, Joviale se trouvait à l'intérieur. Elle avait ouvert le lit. En le regardant, des souvenirs de Haine et moi défilaient sous mes yeux tel un flash-back. Joviale énonça mon émotion maintes fois. Je l'entendis seulement après la troisième fois. Elle s'exclama :
— Anxieuse ? J'ai l'impression, tu es encore dans la lune.
— Tout à fait. Je pensais à autre chose, tu voulais me dire quelque chose ?
— Oui, il y a Rage qui nous a appelés pour le dîner.
— Je vous rejoins. Je vais juste me laver les mains.
Joviale quitta la pièce. J'accédai à la salle de bain. En allumant la lumière, je plongeai mon regard dans mon reflet du miroir. Je retirai mon tee-shirt afin de me changer. En l'enlevant, j'aperçus mes plaies dues à l'incendie de la salle de musique. En passant mes doigts dessus, celles-ci ne me faisaient plus vraiment mal. Les brûlures qui autrefois étaient d'un rouge agressif étaient désormais d'un rose nacré. Ces blessures commençaient à partir petit à petit de mon corps mais également de ma mémoire. En quittant la salle d'eau, je m'orientai vers l'armoire afin de saisir un tee-shirt unie de couleur gris. En guise de bas, je pris un legging noir. Je me dirigeai vers la sortie lorsque j'aperçus Haine sortir de sa chambre. Il me fixa puis dans un geste inattendu rentra à nouveau en claquant la porte assez fortement. Je m'en allai vers la salle de séjour pour prendre mon dîner parmi mes amis.
Une fois à table, les regards s'échangèrent. Les interactions étaient diverses. Je fis les vas et viens avec ma fourchette sur le tas de pâtes. Rage qui était assise près de moi, me murmura :
— Si tu ne veux pas manger, tu peux remonter hein. Je ne te sens pas trop bien.
— Je ressens la douleur qu'il doit ressentir.
— Je vois ça. Vous êtes liés. Quand l'un ne va pas bien, l'autre ressent la même chose.
— Oui voilà. Je crois bien que je vais aller dormir directement.
— Très bien mais alors dis quelque chose pour pas quitter la table comme une voleuse.
— Ne t'en fais pas.
Sous les conseils de Rage, je me levai de table ce qui attira tous les regards vers moi. En posant le regard sur chacun d'eux, je m'exclamai :
— Je vais monter me reposer. Je n'ai pas vraiment faim mais sachez que je suis vraiment contente de vous voir. Je vais rejoindre ma chambre et puis demain, on réfléchira ensemble au plan. Passez une bonne nuit.
Je montai alors dans ma chambre en jetant un coup d'œil sur l'horloge. Il était vingt-et-une heures. En fermant la porte de ma chambre, j'entendis une porte voisine dans le couloir s'ouvrir et se fermer dans la même seconde. Sûrement Haine qui avait attendu que je rentre dans ma chambre pour pouvoir aller dîner. Joviale me rejoint. Elle avait pris le côté gauche du lit à la place exacte de Haine. J'avais beau tourné dans tous les sens, le sommeil ne venait pas, ne venait plus. Il était minuit. Joviale était endormie depuis longtemps. Je pris mon oreiller et quittai la chambre pour rejoindre la chambre de Haine. J'avais besoin d'être près de lui malgré la colère qu'il ressentait. Près de lui, je me sentais en sécurité. Je me sentais apaisée.
La porte de la chambre de Haine était entrouverte. La pièce était désordonnée. Des dizaines de feuilles, de vêtements, des chaises étaient au sol. J'en déduisai qu'il avait sûrement dû passer sa colère dessus. Haine était allongé sur le côté droit, fixant les baies vitrées. En rentrant, je fermai la porte derrière moi et m'avançai doucement afin de m'installer dans son lit. Une fois dedans, je sentis sa respiration s'accélérer. Je posai l'oreiller sous ma tête tout en soupirant. Soudain, je vis Haine se tourner dans le but de me faire face. Il avait les yeux fermés. Soudain, il se mit à les ouvrir. Je plongeai alors mon regard dans le sien malgré l'obscurité. Je posai délicatement ma main sur sa joue. Il recula ainsi sa tête et la tourna afin de fixer le plafond. À ce moment, je sentis les larmes m'envahir, ces dernières coulèrent le long de mon visage pour ensuite tomber sur l'oreiller. Je remontai mes genoux à mon ventre en essayant de fermer les yeux.
En ouvrant les yeux, j'aperçus le drap de Haine sur moi. Il se retourna et posa délicatement un baiser sur le haut de mon front. Il retrouva sa position initiale face à la baie vitrée. Je ne m'attendais pas à ce baiser. Était-ce un signe de réconciliation ? Je l'ignorais mais malgré la colère que ressentait Haine, il m'avait malgré tout embrassée sur le front. Après quelques minutes, je me redressai afin de le regarder. Je me rendis compte qu'il s'était endormi. Rage avait raison. j'étais connectée à lui. J'étais liée. Dès qu'il se sentait mal, je le ressentais également. Je ne me voyais plus vivre sans Haine à mes côtés. J'avais besoin de lui comme j'avais besoin de mon cœur pour vivre. Je posai alors la joue sur sa poitrine tout en contemplant la lumière de la lune qui passait à travers les rideaux.
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