Chapitre 36




Nous tombâmes nez à nez face à Brave. Il nous dévisagea du regard, un peu étonné de nous voir tous réunis. Il était vêtu de la même tenue que les élèves ayant rejoint les force de l'ordre pour traquer les changements d'émotions. Un gilet par balle, des protections aux coudes et genoux. Il avait une lampe torche et un taser. Il tenait à la main une arme à décharge électrique. Elle était similaire à celle des agents de traque contre les changements d'émotions. En nous regardant un par un, il concentra son attention tout particulièrement sur Blessée et s'exclama par la suite :

— Mais que faites-vous tous ici ? Et toi, Blessée, que fais-tu ici ?!

— Brave, comment tu as fait pour nous trouver ? Interrogea Curieux en s'adressant à ce dernier.

— J'ai suivi la localisation de Blessée. Je dois comprendre que c'est le groupe dont tu m'avais parlé Anxieuse ? Me lança Brave en me fixant du regard.

— Oui, tout à fait, murmurai-je.

Blessée s'avança alors vers Brave en lui expliquant :

— Brave, s'il te plaît, il faut que tu comprennes que...

— Comprendre quoi Blessée ?! Que tu manigances un plan avec Curieux depuis quelques temps ? On est en couple, je pensais qu'on devait tout se dire ! Il faut croire que non, je ne veux rien savoir de toi.

— Brave s'il te plaît, je tiens à présenter mes excuses. Je t'en prie pardonne-moi, supplia Blessée en se tenant près de Brave.

Je me rapprochai de la table afin de laisser les deux tourtereaux s'expliquer. Je me fis rejoindre par Curieux, Joviale et Rancunière. Brave esquiva Blessée en s'installant également à la table du centre de la pièce et en accordant aucun regard vers sa copine qui venait de rejoindre la table. Curieux s'exclama alors en direction de Brave :

— J'imagine qu'Anxieuse t'as mis au courant ? Mais je vois que tu as rejoint le mauvais côté ?

— À contre cœur, je l'ai rejoint car c'est mon père qui tient les rennes et qui a décidé à ma place. Mais je suis avec vous et avoir quelqu'un de l'autre côté, c'est avantageux.

— Pas faux, bienvenue dans l'équipe ! Je pense que nous sommes enfin au complet ! Merci de nous avoir rejoint ! Je me sentais un peu seul comme gars.

— Il n'y a pas de quoi.

Curieux se leva afin d'avoir l'attention de l'ensemble. Il alla ensuite ouvrir l'armoire pour récupérer son affiche. En la posant sur l'étendue de la table, il s'exclama :

— Bon, je pense que si vous êtes ici, c'est parce que vous vous êtes rendu compte que la vie à Feelings était vraiment toxique. Si vous êtes ici, c'est que vous avez peut-être déjà ressenti une autre émotion que la vôtre ou alors que vous trouvez cette loi vachement stupide. Je laisse donc la place au leader du groupe.

Curieux s'installa à nouveau en me jetant un regard avec insistance. Tous les autres regards se posèrent ainsi sur moi. Je me levai ensuite en esquivant ces regards insistants :

— Je ne suis pas une leader, je ne me considère pas comme une cheffe. Ne me voyez pas comme ça. Je pense que ce rôle doit te revenir Curieux. Après tout, c'est toi qui as conçu cette affiche.

— Je pense que ça devrait être toi Anxieuse, s'exclama Brave. C'est toi qui as trouvé le livre, les pages. Tu m'as parlé tant de fois des changements d'émotions. Tu as été confronté à de nombreuses situations de changements. Et puis c'est grâce à toi qu'on a pu voir ces choses horribles ce matin. Tu as les allures d'une cheffe. Ne laisse pas la peur te persuader du contraire.

— Tu le penses vraiment ?

— Oui, je suis certain et je pense qu'on est tous d'accord ici, pas vrai ? Lança Brave au reste de la team.

Que ce soit Curieux, Joviale, Blessée et même Rancunière. Ces derniers acquiescèrent tous d'un signe de tête. Je m'aperçus alors que j'étais devenue la cheffe de la rébellion. Un énorme enjeu était entre mes mains. Mon stress était à son comble. Curieux s'exclama ainsi en me jetant un regard des plus sérieux :

— Alors Anxieuse, de quoi parle le livre de Feelings ?

— Un livre de Feelings ? S'exclama Rancunière, étonnée de cette nouvelle.

— Oui, en effet, j'ai trouvé un livre racontant l'histoire de la ville dans les archives à la bibliothèque du lycée. D'ailleurs, c'était ton frère qui avait arraché les pages. Avec Brave, on a pu lire ce livre. Il parle des émotions à Feelings. Rien de nouveau. Puis Brave a trouvé une page dans la tranchefile du livre. Une page repliée sur elle-même, comme si quelqu'un l'avait mis ici pour qu'on la trouve.

— Oui et donc, ça parlait de quoi ce bouquin ? M'interrogea Rancunière en claquant ses doigts sur la table en guise d'agacement.

— Et bien...

— Je vais continuer, me coupa Brave en me souriant. Il y a très longtemps, Feelings était une ville dans laquelle la liberté et l'égalité régnaient. Chaque personne avait certes une émotion mais pouvait également ressentir celle qu'elle souhaitait en toute liberté. Mais un jour, de nombreuses personnes se sont mises à faire un trop-plein d'émotions. Ils ont utilisé le terme d'éponge émotionnelle. C'est-à-dire que ces personnes étaient vite dépassées, en surcharge émotionnelle. Jour après jour, le nombre de personnes se multipliait. L'état de ces personnes se dégrada. Elles ressentaient des tensions extrêmes et un stress constant, n'arrivant plus à gérer leur quotidien. En voyant cela, les membres fondateurs comparaient cela à des volcans en éruption impossible à gérer. Ils ont donc décidé qu'à ce jour les émotions attribuées à la naissance devraient être respectées.

— Je n'aurais jamais imaginé ça. Mais ils n'ont pas pensé à des mesures afin de gérer ces personnes-là, par exemple la médecine ?

— C'est exactement ce que je me suis dit Curieux. Ils auraient pu faire des thérapies, des séances de psychologie, de la médecine dans le but de soigner ces personnes. Malheureusement si ce n'était que ça...

— Comment ça ? Je n'arrive pas à te suivre ? Me demanda Curieux.

— Avec Brave, ce matin, on a vu des choses effroyables. J'en tremble encore.

— Tu veux que je prenne la parole Anxieuse ?

— Non, je vais le faire. Merci à toi, lançai-je à Brave.

— À te voir, on dirait que tu as vu un monstre, s'exclama Rancunière en me fixant du regard.

— Et bien, c'est comparable à ça oui. Durant la sortie, le chef de service du centre nous a montré un de ces patients. Il nous a informés que ces patients étaient bien traités et qu'ils réalisaient des séances de thérapie.

— Et donc ? Lança Rancunière.

— Et donc, c'est un mensonge. Ce patient nous a répondu de façon forcée. C'est comme si on l'avait vidé de toutes émotions, comme si on le contrôlait. Brave et moi avons découvert un couloir caché, un couloir sombre et étroit qui en révélait beaucoup. Plus on avançait à l'intérieur de celui-ci, plus on ressentait une boule au ventre. Durant la traversée de ce couloir, des hurlements se faisaient entendre lorsque soudain, nous sommes arrivés à une porte. En l'ouvrant, on est tombés sur des choses si horribles. Des dizaines de personnes enfermées dans des cellules aux vitres résistantes. Alors au toucher, je n'ose imaginer. Des adolescents comme nous, des personnes âgés, des adultes se trouvaient à l'intérieur. Ils étaient tous apeurés, en pleurs et ne comprenaient pas ce qui se passait. Cet espace était surveillé par des dizaines d'agents. Certains avaient des chiens avec des muselières. Des scientifiques étaient présents également à scruter leurs moindres faits et gestes. J'ignore ce qu'ils font à ces pauvres gens sans défense. J'ignore les expérimentations qu'on leur inflige. Il faut qu'on aille les sauver. Il faut qu'on agisse. La situation est très inquiétante. Il faut agir immédiatement !

— Je confirme ce qu'elle a dit. Ce qu'on a vu m'a fait ressentir de la peur pour la première fois de ma vie. Une sensation désagréable. Mon cœur s'est mis à s'accélérer en seulement quelques secondes. Il faut qu'on mette un plan d'action très vite.

— Attends, il y a une chose que je ne comprends pas, avoua Curieux. Comment tu as fait pour trouver cette pièce ? Ce genre d'endroit n'est pas ouvert au public.

— Grâce à ça, lançai-je tout en sortant le badge d'accès que j'avais gardé.

— Tu ne l'as pas rendu ?! S'exclama Brave, les yeux grand ouverts.

— À qui tu voulais que je le rende ? Je te rappelle qu'on est la panne du système. Ce genre de badge ne se perd pas.

— À ce que je vois, tu ne rigoles pas quand tu fais les choses Anxieuse. Tu es la reine de l'action, s'étonna Curieux.

— Je reconnais que j'ai quelques pulsions d'adrénaline.

— Bon, la meilleure chose qu'on puisse faire, c'est de passer inaperçu. Le temps qu'on s'organise pour savoir comment on pourrait retourner dans ce centre, s'exclama Brave en jetant un coup d'œil à l'ensemble des membres du groupe. Anxieuse, tu approuves ça ?

— Oui, je ne vois pas comment on pourrait directement passer à l'action autrement.

— Il faut réfléchir à comment on pourrait dans un premier temps sortir les personnes de ce centre. Ensuite, faire comprendre aux membres fondateurs que changer d'émotions n'est pas une mauvaise chose. Pour l'instant, reprenez votre petite vie. On se retrouvera demain à la même heure pour organiser les rôles que vous aurez dans cette mission assez périlleuse.

Je me levai alors pour sortir de la salle en première. Je me fis rattraper dans le couloir par Joviale qui m'attrapa le bras en s'exclamant :

— Attends moi ! Je ne sais pas toi mais j'ai le sens pas trop ce plan.

— J'ai la sensation qu'une chose horrible va arriver prochainement. Joviale, s'il te plaît, reste sur tes gardes.

— Depuis que l'on parle de ce plan et avoir vu ces dizaines d'élèves en tenue de traque. J'ai une sensation de boule au ventre dans l'estomac, la gorge nouée. Je ne sais pas d'où ça vient, c'est normal ? Tu ressens ça également ?

— C'est du stress que tu ressens. Tu as peur, n'est-ce pas ?

— Sûrement, c'est vraiment désagréable.

— Je te promets que tout va bien se passer. On sera toujours ensemble quoi qu'il arrive, m'exclamai-je en serrant la main de ma meilleure amie.

Elle me fit un léger sourire en remettant une mèche de ses cheveux qui lui tombaient sur le milieu du visage, elle la rangeait alors derrière l'oreille. En atteignant la porte de sortie du sous-sol, des dizaines d'élèves défilaient devant nous, ils étaient tous vêtus de tenues d'agent de traque. Tous s'avançaient tels des soldats dans le couloir, je sentis une montée de stress s'installer dans mon estomac remontant vers le haut de mon corps. Joviale me serra alors la main de plus en plus fort. Elle m'emmena ensuite vers les escaliers menant au premier étage. Une fois avoir monté les escaliers, elle décida de me lâcher la main. En hauteur, j'aperçus que la plupart des élèves avaient rejoint ces agents de traque. J'ignorais si c'était un effet de groupe ou bien une pression sociale. Joviale s'exclama en me regardant avec insistance :

— Je dois aller à mon cours. Anxieuse, je t'en prie, fais bien attention à toi, me lança ma meilleure amie en terminant ses propos d'un grand sourire.

— Ne t'en fais pas. Ce n'est pas comme si j'allais me faire attraper par des élèves qui ont le même âge que moi.

— Tu m'envoies un message dès que tu sors des cours. Promis ?

— Oui, enfin là, je vais profiter du temps libre que j'ai pour faire quelques révisions. Le diplôme de fin d'année approche et je ne me suis toujours pas préparée.

— Je te rassure, tu n'es pas la seule, je file Anxieuse, à plus tard !

Joviale s'éloigna afin d'emprunter les escaliers du premier dans le but de se rendre au deuxième étage. Quant à moi, je descendis les escaliers pour me rendre à la bibliothèque du lycée dans le but de pouvoir réviser pour préparer mon diplôme qui se rapprochait à grand pas. En me dirigeant vers la bibliothèque, cette dernière était plus ou moins remplie, des élèves étaient installés à la rangée d'ordinateurs qui se trouvai au sein de la pièce, d'autres étaient en pleine lecture sur des fauteuils. Une fois dedans, je me dirigeai vers une rangée de manuels afin de prendre les livres concernant mes révisions, j'en saisis un de science, de mathématiques ainsi qu'un de littérature. La bibliothèque avait un avantage, c'était qu'elle disposait d'un accès extérieur dont la vue donnait sur le terrain de sport. Trois tables se trouvaient à disposition. Je m'installai alors à l'une d'entre elles pour reprendre mon souffle de tout ce que je venais de voir ces dernières heures. En orientant mon regard vers l'intérieur de la bibliothèque, mon regard croisait maladroitement le regard de Blessée qui se dirigea pour me rejoindre à l'extérieur. Cette dernière atteignit ma table tout en murmurant :

— Je peux m'asseoir ?

— Pourquoi faire ? Je suis en pleine révision, je n'ai pas le temps de te parler.

— Je tiens à te parler.

— Je suis occupée, Blessée. Je n'ai pas de temps à t'accorder.

— Je vais faire vite. Je sais que tu m'en veux. Je sais que j'aurais dû t'avouer la vérité pendant tout ce temps. Je t'ai fait du mal, j'en ai fait à mon propre copain. Je n'aurais pas dû vous mentir, je suis allée trop loin, j'espère que tu trouveras la force de me pardonner car j'ai fait ça uniquement pour vous protéger.

— Je m'en fiche. Tu aurais dû m'en parler. Tu as eu tant d'occasions pour m'en parler, tu savais très bien que je m'intéressais à la ville alors pourquoi tu n'as rien dit ? Qu'est-ce qui t'en as empêché ? Chuchotai-je tout en fronçant les sourcils.

— Je ne savais pas si je pouvais faire confiance à une fille d'une des familles des membres fondateurs...

— Et désormais, tu sais que tu peux le faire ?

— Je sais que tu es une bonne personne qui cherche à percer le mystère de cette ville et non celle que je m'imaginais.

— Tu m'imaginais comment ?

— Je t'imaginais comme le genre de fille à tout répéter à ses parents mais j'ai vite compris que tu n'étais pas comme ça. Alors, voilà excuse-moi encore une fois.

— C'est bon.

— Tu me pardonnes ?

— Oui, mais je n'oublie pas

— Très bien. Merci en tout cas de m'accorder une deuxième chance

J'acquiesçai d'un mouvement de tête puis orientai mon regard vers mes livres lorsque cette dernière s'installa assez proche de moi tout en toussant afin que je remarque sa présence à mes côtés. Elle me jeta un regard. En soupirant, je lui lançai en arquant un sourcil :

— Tu n'as pas cours ?

— Non, j'ai une heure de sport mais je n'ai pas vraiment envie d'y aller. Je voulais te parler de quelque chose.

— Je t'écoute ?

— Il ne te manque pas ?

— Qui ça ?

— Haine.

Lorsque Blessée énonça l'émotion de Haine, je me stoppai instinctivement tout en ressentant un pincement assez fort au cœur. Tout en ayant le regard vide, je répondis à Blessée en restant fixée sur mes cahiers :

— Tout le temps...

— Tu penses qu'il reviendra ?

— Pourquoi il devrait revenir ? Il n'a aucune raison de revenir. Il est parti, c'est comme ça. Je me suis faite à son départ.

— Je suis sincèrement navrée pour toi. Je vois bien que malgré ce qu'il te faisait vivre, quelque chose s'était créé entre vous.

— Comment tu peux être sûre de ça ? Je ne t'ai jamais parlé de la relation, enfin des moments partagés avec Haine.

— Je sais reconnaître une personne amoureuse. Lorsque j'ai énoncé son émotion, tu t'es arrêtée subitement dans ta lecture, comme si je venais d'énoncer ton émotion.

— Malgré le fait qu'il soit parti, je ne cesse de penser à lui. Enfin bon, je vais continuer mes révisions si tu veux bien Blessée.

— Oui, bien sûr. Je suis contente de notre réconciliation, ça me réjouit de te savoir dans le groupe avec nous.

— Fais attention à pas déverser ta joie devant tous les autres élèves. Maintenant que la plupart ont rejoint les agents de traque, le lycée n'est plus un endroit sûr.

— C'est compris, je ferai attention.

Je repris mes révisions, après plus d'une heure, je quittai la bibliothèque en prenant le soin de déposer les livres à leurs justes places. En accédant au couloir principal du bâtiment, personne ne se trouvait au sein de ce dernier, c'était agréable de marcher en entendant seulement le bruit de mes pas résonner dans l'enceinte du lycée. Soudain, j'entendis un bruit de pas assez fort se rapprocher de ma présence, un rire assez sournois se fit entendre. En me retournant pour m'apercevoir à qui appartenait ce drôle de rire, j'aperçus Gaffe me suivre tout en tenant à la main un taser. Cette dernière avait également rejoint les agents de traque. Elle portait un gilet par balles ainsi que tous les accessoires d'une parfaite traqueuse. Elle me lâcha d'un ton sournois :

— Que fais-tu ici toute seule ? Tu n'es pas censée être en cours ?

— Ça ne te regarde pas si je vais en cours ou pas ! Je n'ai pas besoin de toi.

— Fais gaffe comment tu te comportes ma petite ! J'ai un joli jouet entre les mains, ce serait bête de te faire mal pour si peu.

— Laisse-moi tranquille, tu veux bien ?

— Non, c'est mort ! Je ne te laisse pas tranquille, Haine faisait de ta vie un enfer. Rancunière n'a pas voulu continuer à te faire souffrir alors la mission me revient. Et puis je tiens bien à venger mon frère de ce que tu lui as fait. Ce ne serait pas drôle, tu ne penses pas ?

— Je pense que tu m'as assez fait de mal comme ça !

— Non, pas assez. Je veux te voir souffrir comme jamais. Tu n'as pas assez ressenti cette douleur !

— Gaffe, moi qui pensais que tu faisais partie de la famille de la surprise. Ce n'est pas du tout ce que tu montres ! Je ne te savais pas aussi perfide qu'une vipère. D'ailleurs cet animal t'irait à merveille.

— N'essaye pas de me déstabiliser ! En un coup, je peux te mettre à terre et te voir te tortiller de douleurs. Ça va tellement te faire mal que tu ne pourras pas en hurler et je peux prendre plaisir à te faire mal sans que personne vienne à ton secours.

— Ose le faire, t'attends quoi ?!

— Tu ne me le diras pas deux fois la timbrée !

En une fraction de seconde, je me mis à courir dans le sens inverse, une jambe après l'autre avec une respiration saccadée. Une vague de stress me submergeait. Savoir que Gaffe était à mes trousses me rajouta une énorme pression. Ce que je voulais éviter à tout prix était en train de se produire. En passant devant le chariot de la femme de ménage qui trainait en plein milieu du couloir, je le pris afin de le pousser vers Gaffe mais elle l'esquiva. J'ignorai l'entraînement qu'elle avait suivi comme agent de traque mais elle courait assez vite et faisait preuve d'agilité. Elle se rapprochait de plus en plus. J'étais en sueurs. Gaffe se mit à ralentir, je jetai alors un léger coup d'œil en arrière. Elle avait disparu. Je ne savais pas par quel chemin elle était passée. L'angoisse fut plus forte que jamais, Gaffe était assoiffée de vengeance. Rancunière à côté paraissait si gentille. En me posant contre un casier pour reprendre mon souffle je sortis mon téléphone pour envoyer un message à Brave :

" Brave, s'il te plaît, il faut que tu m'aides. Gaffe est en train de me courser pour une simple dispute. J'ignore ce qu'elle est en train de faire. Elle vient de disparaître. Je suis prise au piège ! Elle peut surgir à tout moment ! Elle a un taser ! "

En attendant quelques secondes la réponse de Brave, j'entendis des bruits de pas se rapprocher. Je me dirigeai vers la sortie du lycée où j'entendis des dizaines de cris. J'ignorais de quoi cela pouvait s'agir lorsque tout d'un coup, au bout du couloir, j'aperçus Gaffe de retour avec à la main une arme à décharge électrique. Elle était accompagnée d'une dizaine d'agents, mais également d'élèves dont Protecteur. Celui-ci comprit alors que Gaffe comptait m'attraper. Il me fit un signe de la main m'indiquant de m'en aller en vitesse. Je ne compris pas pourquoi Protecteur qui me détestait tant avait décidé de m'aider. En voyant ce groupe d'agents me courir après, je pris la fuite en direction de la sortie du lycée. J'ouvris les portes assez fortement et dévalai les escaliers en sautant certaines marches. Soudain, des décharges furent lâchées en ma direction. J'étais forte en course ce qui me donnait l'avantage, mais courir derrière des décharges électriques, je n'y étais pas habituée. Les dizaines d'agents sortaient de l'enceinte du lycée en courant à vive allure après moi. Je parvins à les semer en empruntant un autre chemin. Au bout de celui-ci, j'étais tombée face à Brave qui me regardait d'un air inquiet tout en me tenant les bras. Il s'exclama alors tout en essayant de me calmer :

— ANXIEUSE ! Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi cours-tu ? J'ai reçu ton message, où est Gaffe ?

Lorsque Brave aperçut au loin Gaffe ainsi qu'une dizaine d'agents courir en ma direction, il ne savait pas comment réagir, il me cria :

— Cours Anxieuse ! Va-t'en ! Ne t'arrête pas de courir ! Je vais les retenir !

Je pris alors mes jambes à mon cou et pris la fuite à toute vitesse. Des dizaines de décharges que j'esquivais arrivaient à mon niveau. Certains agents avaient sûrement dû prévenir d'autres agents qui eux étaient véhiculés et motorisés. Mes jambes ne suffisaient pas face à leurs véhicules. En courant au milieu de la route, les passants observaient la scène tel un spectacle. J'avais peur. Je commençais à ressentir des points de côté sur ma hanche gauche. J'étais fatiguée, apeurée, essoufflée. J'avais tant envie d'arrêter cette course folle. Je voulais juste cesser de courir. J'entendais au loin les agents et Gaffe s'exclamer en criant. Je voulais juste que cela cesse. Je décidai alors de m'arrêter en plein milieu de la route. Fatiguée, je mis un genou à terre laissant l'opportunité aux agents de traques de m'attraper tel un vulgaire gibier.

Soudain, un bruit de moteur se fit entendre au bout de la rue. Un bruit de moteur similaire à un rugissement de lion. Tous les regards étaient alors portés vers ce moteur sauvage qui fit irruption au plein milieu de la route. Une voiture de couleur noire dont la carrosserie était si brillante qu'on pouvait y voir son reflet. Cette dernière fonça tout droit dans le groupe d'agents de traque sans même penser à s'arrêter. Les agents se jetèrent alors sur les bords de la route afin de ne pas se faire renverser par cette voiture qui roulait à toute allure. Elle s'avança jusqu'à mon niveau et se stoppa ensuite. La portière passagère s'ouvrit me laissant voir la personne au volant. Je n'en croyais pas mes yeux. C'était la plus belle de mes illusions, le plus vrai de mes mirages. Il s'exclama en me hurlant :

— MONTE !

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