Chapitre 34
Ce que nous apercevions allait au-delà de mes pensées. Jamais je n'aurais pu imaginer de telles choses dans ce centre. Nous étions face à une allée de cellules assez modernes, les unes collées aux autres. J'ignorais de quelle matière étaient faites les vitres, sûrement en polycarbonate. J'avais lu dans un manuel de physique que cette matière plastique, très souvent utilisée comme vitrage de sécurité, avait une excellente résistance contre les chocs. Dans les cellules, il y avait un lit avec un plateau repas. Elles s'ouvraient uniquement avec un badge. Dans cet endroit gardé secret, se trouvaient des personnes de tout âge. Des adolescents, des adultes, des personnes âgées. Des centaines de scientifiques étaient à proximité de ces cellules en train d'analyser les moindres faits et gestes de ces personnes enfermées. Des agents de sécurité accompagnés de leurs chiens allaient et venaient dans les allées. Cela n'avait rien à voir avec les séances de thérapie que le chef de service, Épaté, nous avait montrés un peu plus tôt. Brave et moi étions agenouillés afin de ne pas se faire voir. Il me chuchota :
— Anxieuse, nous... nous devons y aller maintenant ! Il ne faut pas qu'on traîne ici !
— Non, je ne partirai pas sans preuve ! Passe-moi ton téléphone Brave, je t'en prie.
— Je n'ai plus beaucoup de batterie ! Mais tiens, le voici, chuchota Brave en me tendant son téléphone.
— Merci, le mien a plus de batterie.
— Prends une photo ! Mais dépêche-toi !
En appuyant sur l'application appareil photo du téléphone de Brave, un appel de Protecteur apparut sur la façade de l'écran. La sonnerie retentit subitement. Les scientifiques ainsi que quelques agents de sécurité avaient entendu le son du téléphone. Les regards étaient alors braqués sur l'ensemble de la salle, dans les moindres recoins afin de déterminer d'où provenait cette sonnerie. En regagnant le long couloir, on entendit un bruit de pas résonner nous donnant l'impression d'être suivis. Sans réfléchir, nous nous mettions à courir le long du couloir étroit. Brave atteignit le hall lumineux en premier, je courrai alors jusqu'à atteindre cette pièce dont la porte était en train de se fermer malgré la force de Brave. En une fraction de seconde, je gagnai la pièce avant que la porte se ferme définitivement. J'essayais tant bien que mal de calmer ma respiration saccadée. Brave s'était posé dos au mur tout en reprenant son souffle. Le regard braqué sur moi, il s'exclama :
— Tu vas bien ?
— Je n'ai pas les mots, lançai-je entre deux respirations.
— Je n'en reviens pas ! Il faut que l'on montre la photo que tu as prise.
— Je n'ai pas pu la prendre Brave ! Tu as reçu un appel de Protecteur au même moment.
— Comment on va faire sans cette preuve ? Notre parole ne tiendra jamais la route !
— Il faut qu'on y retourne !
— T'es malade ou quoi ? On a failli se faire attraper et tu veux y retourner ? Anxieuse, tu es suicidaire ?
— Non, j'ai des montées d'adrénaline parfois.
— On ne peut pas le montrer, alors il faut en parler. Tu n'es pas toute seule. Il faut juste trouver les personnes à qui se confier
— J'ai déjà ma petite idée.
— Tu penses à qui ?
— Curieux.
— Pourquoi Curieux ? M'interrogea Brave en fronçant les sourcils sous l'incompréhension.
— Car depuis le début, il s'intéresse à cette loi, aux changements d'émotions. Il essaye tout comme nous de percer le mystère à tout prix. Et puis, j'ai appris récemment qu'il n'était pas tout seul...
— Qui est avec lui ?
— Je ne peux pas te le dire. Il faut que ça vienne de cette personne.
— J'ignore de qui ça peut être. Mais de toute évidence, je pense que je vais vite le savoir. Tu fais réellement confiance à Curieux ?
— Je n'ai pas vraiment de lien avec lui mais il a cherché à me parler de ce sujet plusieurs fois et je ne l'ai jamais écouté. Jusqu'au jour où j'ai découvert ses recherches. Il a tout notifié, il a même remarqué plusieurs changements chez certains d'entre nous. Je pense qu'on peut lui faire confiance. Il veut monter une sorte d'équipe secrète afin de percer le mystère de Feelings. Je trouve l'idée bonne. Il aimerait un groupe avec uniquement des personnes sur lesquelles on peut faire confiance. Pour le moment, nous sommes trois : Moi, lui et...
— Et la dernière personne qui est censée me le dire. Oui, j'ai compris. Il faudra dire à Curieux que désormais, on est quatre. Je me joins à vous.
— Je vais en parler à Joviale. Plus on est nombreux, plus on est fort.
— Fais donc ça !
Nous sortions du hall en regardant partout. Nous avancions vers les escaliers menant au premier étage lorsqu'une voix nous surprit. En se retournant, un agent de sécurité s'adressa à nous en nous dévisageant du regard :
— Eh vous deux ! Que faites-vous dans ce coin du bâtiment ?
— On allait rejoindre nos bureaux et vous que faites-vous ? S'exprima Brave en réajustant le col de sa blouse blanche qu'il portait.
— Les bureaux sont de l'autre côté, lança l'agent en désignant le côté opposé du bâtiment.
—Nous le savions ! Nous voulons juste nous balader afin de faire connaissance avec les locaux, m'exclamai-je.
— Je vous invite à faire connaissance avec vos locaux de l'autre côté. Au premier étage se trouve des accès réservés à la sécurité. Rien d'intéressant pour des scientifiques comme vous.
— Merci bien, nous allons y aller de ce pas ! S'exclama Brave en me poussant de l'autre côté.
Après avoir avancé un peu plus loin de l'agent de sécurité, nous empruntions un couloir qui menait à l'extérieur du bâtiment. Brave ferma la porte derrière moi en me disant :
— Faire connaissance avec les locaux ?
— Je ne savais pas quoi dire mais il nous a vraiment pris pour des scientifiques, c'est tout ce que je retiens.
— Je confirme.
— Si le football ne marche pas, tu pourras toujours faire carrière dans la science ! Pouffai-je de rire silencieusement.
Brave me lança un sourire en regardant autour de lui. Nous étions sur le côté du parking. Il se pencha légèrement sur le côté puis me lança en me regardant :
— Je ne sais pas où est la classe mais le car est toujours là.
— Ils ne seraient jamais partis sans nous de toute façon.
— Je me demande ce que nous allons inventer comme excuse car l'histoire d'aller fumer ne peut pas être valable. Vu le temps d'absence qu'on a eu, c'est tout le paquet de cigarette que j'aurais pu entamer.
— Nous allons trouver, ne t'en fais pas !
— Anxieuse ?
— Oui ?
— Tu ne parleras à personne de ce qui s'est passé pour moi dans le couloir ?
— Du fait que t'aies ressenti de la peur ?
— Oui.
— Ne t'en fais pas, je ne dirai rien. C'est promis.
—Merci.
Je pris les devant en m'élançant la première vers le car, suivie de Brave qui me rattrapa. En atteignant le bus, personne n'était à bord. Pas même le chauffeur. C'était assez étrange. Soudain, on entendit une voix assez familière derrière nos épaules. Elle s'exprima d'une voix assez forte tout en restant dans son émotion qu'était l'épanouissement :
— BON SANG ! Mais où étiez-vous ?! On vous a cherchés partout ! Vous n'étiez même pas sur les caméras du bâtiment ! J'ai demandé au chauffeur de bus de chercher sur l'étendue du site ! J'ai pris un plaisir pour venir dans ce si beau centre. C'est si gentil à eux de nous recevoir. J'étais si épanouie de pouvoir réaliser une sortie scolaire et vous vous permettez de vous éloigner du groupe ? J'attends de solides excuses de votre part !
J'allais m'exprimer lorsque Brave me coupa et expliqua alors à la professeure de gestion d'émotions :
— Madame, je tiens à vous dire que nos explications sont justifiées. En effet, ma camarade Anxieuse, a eu une grande crise d'angoisse. J'ai donc décidé moi-même de l'emmener un peu à l'écart du groupe afin qu'elle reprenne ses esprits. Je suis le seul responsable madame. N'en voulez pas à Anxieuse.
— Je vois. Et que faites-vous habillés en scientifique ?
— J'ai trouvé ces tenues et je me suis dit que ça pourrait aider Anxieuse à penser à autre chose. Et puis vous ne trouvez pas qu'on a un super style ainsi ?
— Retirez ces tenues tout de suite Brave ! Elles appartiennent à des personnes qui doivent sans doute les chercher à l'heure où on parle.
La professeure tourna alors les talons afin de retrouver le reste de la classe resté à l'intérieur du centre. En enlevant les blouses, je fis un léger sourire à mon ami en guise de remerciement. En suivant la professeure, nous avions retrouvé la classe qui était restée près des tables où nous avions déjeuné. Je retrouvai alors Joviale qui était seule près d'une table à l'extérieur. En m'apercevant au loin, elle s'avança vers moi en s'exclamant :
— Mais où étais-tu ?
— Il ne fallait pas partir vers Protecteur ! Tu aurais su où j'allais aller.
— Ne m'en veux pas ! Je n'ai fait seulement ce que tu m'as dit de faire.
— Reconnais que tu en avais envie aussi ! D'ailleurs, comment ça va entre vous deux ?
— Je dirais que ça va. Mais il y a toujours Gaffe pour tout gâcher. Du coup, je n'ai pas vraiment avancé. Et toi alors ?
— J'étais avec Brave. On a découvert quelque chose d'incroyablement atroce.
— Quoi donc ?
— Je ne peux pas te le dire ici mais il faut que tu rejoignes le groupe avec Curieux.
— Tu parles de celui où il y a Blessée ?
— Exact.
— Ah et bien enfin ! J'imagine que l'ambiance ne doit pas être fun sans moi. C'est bien ça ?
— Exact ! Du coup, il faut que tu gardes pour toi tout ce qui sera dit ou vu dans ce groupe. Tu me le promets Joviale ?
— Je sais garder un secret, ne t'en fais pas ! Et du coup ça se passe comment ? Vous avez des noms de codes ?
— Eh bien non, rien de tout ça, dis-je en passant une main sur ma nuque.
— Il faut vite instaurer ça ! Je vais vite m'en occuper !
La professeure nous fit un signe de main afin de regrouper toute la classe devant elle. Elle se fit rejoindre par Épaté qui se trouvait un peu plus loin. Il semblait dépassé par la situation. En pleine conversation avec un agent de sécurité, il le regardait avec tant de sérieux. Il fit des signes de main assez exécutifs. Cet homme ainsi que tous les employés de ce centre étaient si monstrueux. J'avais en tête ces pauvres personnes apeurées, prisonnières dans ces cellules. Pourquoi nous montrer une façade de vie saine alors que c'est tout le contraire ? Cela paraissait si irréel. Il fallait que j'en parle, que plus de gens soient au courant de ces conditions barbares, que les médias soient au courant. Quelque chose était sûr, je n'allais pas en rester là. Je comptais bien libérer ces personnes au péril de ma vie. Épaté se rapprocha de la classe en affichant un grand sourire sur son visage. Il annonça alors :
— Mes chers élèves, je suis désolé mais il va falloir que je mette fin à votre visite. Nous rencontrons actuellement un souci de dernière minute. Rien de grave, une petite panne dans notre système. J'espère toutefois que cette matinée vous a été bénéfique. Rappelez-vous que le changement d'émotions est vu comme un crime ! Si vous êtes victime d'une personne changeante, il faut prévenir immédiatement les autorités. Il ne faut pas prendre cela comme un sujet banal ! Faites bien attention à vous ! Le danger est partout ! Je vous souhaite un bon retour en classe !
Épaté s'en alla suite à ses propos vers l'enceinte du bâtiment suivi d'une dizaine d'agents de sécurité. Quant à nous, la professeure nous invita à retrouver le car sur le parking. En montant à l'intérieur, je me fis doubler par Gaffe qui s'empressa de monter la première ce qui m'insupporta. Je repris mon calme et allai m'installer vers le milieu du bus. Brave s'installa alors à mes côtés. Joviale m'aperçut près de Brave et décida ensuite de s'installer à un siège vide dans le fond du car. Les élèves avaient trouvé place dans le bus lorsque soudain Protecteur apparut au milieu du flux d'élèves, Gaffe lui fit un signe de main qu'il esquiva pour aller s'asseoir près de Joviale. Cette dernière lui sourit puis orienta ce même sourire vers Gaffe en guise de vengeance. Le bus démarra enfin. La professeure avait refait l'appel au moins quatre fois. Quelques minutes plus tard, le véhicule avait quitté le centre et était à présent sur la route. En appuyant sa tête contre le siège, Brave me guetta d'un air enjoué puis s'exclama :
— Nous sommes une panne dans le système, ça te fait quoi d'être une panne ?
— Et bien, je n'aurais jamais pensé être une panne un jour. Je t'avoue que c'est tout nouveau pour moi et vous mon cher ?
— Je suis si chanceux d'être une panne, je vous avoue mademoiselle, ricana Brave.
— Il y a un truc que je n'ai pas compris. La professeure nous a dit que nous ne sommes pas passés sur les caméras du système de visionnage du centre.
— Oui, d'où la panne.
— C'est une coïncidence quand même pour que dès notre découverte, les caméras aient une panne. Tu ne trouves pas ?
— Pas vraiment. Je pense que ce n'est qu'un hasard.
— Mmh, sûrement. Je me pose trop de questions, soupirai-je, le regard vide de sens.
Je concentrai alors mon regard vers le paysage qui défilait sous mes yeux lorsque je sentis une sensation désagréable dans ma poche. En mettant la main dans celle-ci , je remarquai que j'étais toujours en possession du badge d'accès de la scientifique. Il était trop tard pour que je le lui rende. Je sortis ensuite ma main d'un air naturel. J'espérais au fond de moi que ce badge ne m'assure aucun problème pour la suite.
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