Chapitre 29


La nuit fut agitée. Impossible de dormir. Je ne faisais que penser aux propos que j'avais tenus à Haine et sa réaction. Pendant quelques secondes, je me rendis compte que j'avais pris la place de la méchante, la place de la personne remplie de haine. J'avais pris la place de mon voisin insolent. Je ressentis dans ma poitrine cette même douleur ressentie un peu plus tôt lors de mon rapprochement avec Haine devant chez moi. En me détendant, je parvins à trouver le sommeil.

Au matin, je fus réveillée par le chant des oiseaux et la lumière du jour et par Joviale qui me réveilla. Elle se mit à me secouer dans mon lit en prenant mon oreiller et me tapotant avec en pleine figure. Je remontai alors ma couette pour me cacher mais elle se mit debout en croisant les bras sur sa poitrine et me lança tout en plissant les yeux en ma direction :

— Impossible que tu restes au lit si longtemps ! Tu es soit malade, ce qui est très étrange car hier tu allais si bien, soit tu me caches quelque chose ?

— Je veux juste rester au lit ! Joviale, tu peux dire à ma mère que je ne peux pas aller au lycée aujourd'hui. Rétorquai-je en fermant les yeux et me tournant vers le mur.

— Oh non, tu ne vas pas te retourner ! S'exclama Joviale en se rapprochant vers moi.

Cette dernière s'empara de ma couette pour la poser sur le parquet de ma chambre. Elle se dirigea ensuite vers mon placard pour choisir des vêtements. Un air frais se posa sur mes jambes. Je le levai pour récupérer ma couette au sol. Une fois debout, Joviale me donna les vêtements choisis par ses soins : Un pantalon déchiré au niveau des genoux de couleur noir ainsi qu'une chemise longue de couleur kaki. Je passai à la salle de bain pour me débarbouiller le visage et m'habiller malgré une immense flemmardise. En retournant dans ma chambre, je m'installai à nouveau sur mon lit qui à ma grande surprise avait été fait. Joviale se rapprocha de moi en posant une main sur ma joue. Elle pencha sa tête vers mon épaule droite en murmurant :

— Dis-moi ce que tu caches Anxieuse, c'est par rapport à Haine ?

— Je ne veux pas retourner au lycée. J'ai appris que c'était Haine le responsable de l'incendie. C'est pour ça qu'il est venu veiller sur moi à l'hôpital. Il a sans doute payé encore une fois les frais d'hôpitaux. Il devait se sentir coupable.

— Je sais ce que ça fait quand tu es attirée par une personne qui est mauvaise mais tomber amoureuse d'une personne qui veut te tuer, je t'avoue que je n'ai pas connu. Mais oublie Haine, il mérite la situation dans laquelle il est. De toute évidence, tu as Drôle, qui est un gars bien et très amusant. En plus il t'apprécie, c'est lui qu'il faut garder.

— J'ai oublié de te dire quelque chose. Hier, je me suis souvenue d'une chose. Le soir du bal, j'ai entendu Gaffe discuter avec Rancunière d'un plan. Je me suis dit que c'était peut-être Gaffe la responsable et non Haine. Je suis donc partie voir Drôle en lui disant que c'était sa sœur la possible responsable. Il n'a pas apprécié du tout et il m'a demandé pourquoi je défendais encore Haine sachant qu'il était arrêté et là...

— Et là, il a compris, c'est bien ça ?

— Oui, il a compris que j'étais attirée par Haine. Je te le laisse pour toi Drôle.

— Bon, c'est bon à savoir, mais je t'avoue qu'être célibataire, c'est vraiment bien. Anxieuse, je t'aime beaucoup tu sais mais il faut qu'on aille en cours. Sinon ce sont tes parents et les miens qui vont nous tuer.

— Je doute que tes parents si joyeux voudraient tuer leur fille et celle de leurs amis.

— Façon de parler. Allez viens, on y va !

Je fermai la porte de ma chambre et descendis les escaliers en direction de l'entrée. Je fis un geste de la main à mes parents en guise d'au revoir. En marchant vers le lycée, Joviale se tourna vers moi en me demandant subtilement :

— J'imagine qu'avec tes parents c'est toujours aussi tendu ?

— Tout juste, il n'y a plus de discussion, de complicité. Tout est froid entre nous. Ils se sont inquiétés par rapport à l'incendie mais je pense que mon père ne reviendra pas sur sa décision.

— Tant de problème à notre âge, ce n'est pas juste !

— Si tu savais ce qui n'est pas juste ! Commençons déjà par cette loi ! D'ailleurs je n'ai toujours pas lu les pages trouvées dans le casier de Protecteur.

— Toujours pas ? Après, je me dis avec ce qui s'est passé dernièrement, c'est justifié.

— Exactement, je pense les lire dès aujourd'hui.

Nous atteignîmes le parking du lycée et j'aperçus au loin la voiture de Haine. Sous l'incompréhension, je m'exclamai en la coupant :

— Pourquoi la voiture de Haine est ici ?

— Peut-être parce qu'on a cours ?

— Non, il ne vient jamais en voiture. Ce n'est pas normal.

— Ne t'en fais pas, c'est un garçon ! Il a voulu montrer à tout le monde à quel point sa voiture est si belle.

— Je me pose tant de questions pour un gars que je devrais ignorer.

— T'es si amoureuse de lui que tu remarques les moindres détails. C'est vraiment impressionnant !

Je pris le chemin de l'entrée du lycée en compagnie de Joviale. En arrivant dans le couloir du bâtiment principal, je suivai Joviale qui se précipitait vers une de ses amies en gardant une certaine distance. La sonnerie retentit et je sentis une personne se rapprocher un peu trop près. En tournant mon regard vers cette dernière, je sentis une douleur se faire sentir sur ma joue gauche puis dans la seconde d'après, une deuxième douleur, cette fois sur ma joue droite. Gaffe s'était précipité vers moi pour me gifler. Elle me hurla dessus :

— Ça, c'est pour avoir brisé le cœur de Rancunière et ça, c'est pour avoir brisé celui de mon frère ! Hurla Gaffe. Et puis celle-ci, c'est pour m'avoir accusée de l'incendie !

— Qui t'a permis de poser la main sur moi ! Rétorquai-je en lui attrapant le bras afin de la stopper dans son élan.

— Tu oses venir jusqu'à notre maison dans le but de nous faire souffrir !

— Il fallait que je parle à ton frère! Et puis personne ne t'as obligée à mettre le feu au lycée !

— Tu délires pauvre timbrée !

Sur un élan de colère, je rendis les claques à Gaffe. Soudain cette dernière m'éjecta assez violemment contre un casier me faisant tomber. Joviale qui se trouvait à proximité, me porta secours. Comme à chaque querelle bruyante, la foule n'était pas loin. Malgré la sonnerie qui avait retenti, des dizaines d'élèves étaient devant nous. Joviale attrapa alors Gaffe par les cheveux. Quand tout d'un coup, la proviseure fit son apparition parmi la foule d'élèves. Elle nous ordonna de la suivre dans son bureau. Gaffe s'avança devant elle. Joviale et moi la suivions derrière au pas de course. En marchant vers le bureau de la principale, je posai mon regard vers ma meilleure amie qui se mit à rigoler en silence. Elle mit sa main sur sa bouche afin de masquer son rire. En arrivant dans son bureau, elle positionna alors trois chaises pour nous y asseoir. Elle s'exclama alors :

— Mais qu'est-ce qui vous prend ?! Est-ce une façon d'agir en tant que jeune femme ? Anxieuse ! Ce sont vos excès de colère qui vous rendent violente ? Et vous Joviale ? Est-ce une manière de faire ? Quant à vous Gaffe, qu'est-ce que vous avez à dire contre cette bagarre sauvage ?

— Que je n'ai pas fait gaffe.

— Ce n'est pas parce que vous faites partie des six grandes familles fondatrices que cela vous donne le droit de faire comme bon vous semble ! Vous êtes dans un lycée, pas sur un ring de boxe ! Serait-ce un changement d'émotion de votre part Joviale ?

— Non, madame. En plus, cela m'a bien fait rire, lança Joviale en affichant à nouveau son sourire.

— Je vous donne un avertissement ! La prochaine fois, la sentence sera plus lourde ! Allez en classe, maintenant !

Gaffe et Joviale étaient passées devant moi pour sortir du bureau de la proviseure. En sortant, j'aperçus Furieux qui, comme à son habitude, fronça les sourcils et serra les poings. Il était vêtu d'une chemise noire sur un pantalon de costume de la même couleur. Il me dévisagea alors de la tête au pied tout en me bousculant afin de rentrer dans le bureau de la principale. En retrouvant mon équilibre, j'aperçus Haine se diriger vers le bureau. Mon cœur se mit à battre si fort, l'impression que ma respiration s'était coupée. Il posa alors son regard sur moi pendant quelques secondes, mon regard était alors figé sur mon voisin insolent. En passant d'un œil à l'autre, je me rapprochais alors de lui. Ma main était à quelques centimètres de la sienne. En repositionnant mon regard sur le sien, ce dernier fit un pas en arrière et serra les poings avant de changer de direction. En me retournant, je réalisais alors que j'aurai uniquement avec Haine des instants volés. Joviale me fit sortir de cette bulle en m'appelant :

— Anxieuse ? Tout va bien ?

— Oui, j'arrive !

— J'ai vu comment vous vous êtes regardés avec Haine.

— Ce n'est rien!

— La puissance de votre regard est si forte que je doute que ce ne soit rien. J'aimerais te dire qu'il faut que tu te battes pour être avec lui mais avec ce qu'il a peut-être fait, je pense que tu devrais essayer de l'oublier.

— Tu as raison, oui...

En s'orientant vers la salle de gestion d'émotion, un cri se fit entendre à l'autre bout du couloir. Il provenait du bureau de la proviseure qu'on venait de quitter. En se retournant, on aperçut Furieux sortir d'un pas rapide vers la sortie en compagnie de son fils. Furieux s'exclama alors en direction de la proviseure :

— Je n'en resterai pas là ! Je vous paie les frais totaux de votre salle de musique qui ne sert à rien et vous osez renvoyer mon fils ! Vous ne savez pas à qui vous vous adressez ! Si je le souhaite, je peux faire renvoyer tout votre personnel enseignant et vous également ! Cette histoire n'en restera pas là ! Je vous le garantis !

Furieux passa alors devant nous et sortit de l'enceinte du lycée en claquant les portes. Haine passa devant nous pareillement sans nous prêter la moindre attention. Je sentis une déchirure se faire sentir au fond de mon cœur. Ce ne pouvait pas être possible, Haine, viré du lycée ? Depuis cette année, ma vie n'a jamais été aussi bien que depuis son arrivée. Je détestais Haine, mais je ne pouvais pas imaginer ma vie sans lui, sans ses regards, sa présence et ses provocations. C'était impossible ! Je me mis alors à courir vers la sortie sous les appels de Joviale qui était restée dans l'enceinte du lycée. Une petite voix en moi me disait qu'il fallait que je rentre chez moi, qu'il fallait que je voie Haine absolument. En me précipitant vers le parking du lycée, la voiture de Haine n'y était plus. Je pris alors le chemin vers la maison en courant. Après avoir couru quelques minutes, une chance d'habiter près du lycée, j'aperçus le coffre de la voiture de Haine ouvert. Il le remplissait de sacs et de cartons. Sous l'incompréhension, je me rapprochai de sa maison tout en gardant une certaine distance afin d'observer la scène lorsque j'aperçus Furieux sortir de sa maison pour se diriger vers son fils en lui gueulant :

— Tu as vu ce que tu me fais ?! Tout ça, c'est ta faute ! Qu'est ce qui t'a pris de brûler ce lycée ! Tu n'imagines pas tout ce que je dois faire pour toi, tu n'es qu'un sale gosse ! Je suis si énervé contre toi que rien ne pourrait m'enlever cette colère !

— Et bien, je m'en vais ! Je m'en vais loin de toi ! Loin de ta colère ! S'exclama Haine en repoussant son père d'un geste assez brusque.

— Tire-toi et surtout ne reviens pas ! Ne reviens plus ! Je ne veux plus voir ton visage dans cette ville ! Lança Furieux en se relevant et balançant des sacs vers son fils.

Haine rentra dans la voiture en claquant la porte. Il fit marche arrière puis accéléra. je ne pouvais pas le laisser partir, je me postai alors en plein milieu de la route. Sa voiture fonça vers moi. Je fixai alors sa voiture qui se rapprochait dangereusement. La peur me fit fermer les yeux subitement. La voiture freina et en ouvrant à nouveau les yeux, je remarquai à travers la fumée causée par les pneus, qu'Haine se mit à froncer les sourcils en ma direction et me klaxonna une dizaine de fois. Je n'y prêtai pas attention, mon regard était figé sur sa personne, je ne voulais pas le poser sur autre chose que lui. En le regardant, je souhaitais qu'il comprenne mon désaccord pour son départ. Il baissa alors son regard quand soudain, il fit demi-tour et s'en alla dans la direction opposée. Je restais figée. Je ne savais plus quoi dire ou quoi faire. Mes jambes étaient comme enfoncées dans le sol telles des racines dans la terre. Mon cœur était comme détruit. Des larmes se mirent à couler le long de mes joues. Je ne sentais plus rien, je n'arrivais plus à respirer. Je marchai alors jusqu'à mon entrée tout en essuyant mes larmes. En rentrant à la maison, j'aperçus un camion blanc se garer devant mon allée. Un homme d'une trentaine d'années en sortit avec une feuille et un stylo. Il s'exclama en me le tendant :

— Bonjour, je suis bien chez la famille de la peur ?

— Oui, monsieur.

— J'ai un colis pour une certaine Anxieuse.

En essuyant mes yeux, je restai sous l'incompréhension la plus totale. Je répondis alors au livreur :

— Je pense que vous vous êtes trompé. Je n'attends aucun colis.

— Non, non, c'est bien vous Anxieuse ?

— Oui, mais...

— Alors ce colis est bien pour vous. Je vous le mets à l'intérieur. Je doute que vous puissiez le porter.

Le livreur retourna alors vers son camion quand soudain un autre homme sortit du côté passager du véhicule. Tous deux s'orientèrent vers l'arrière du camion afin d'y décharger un assez gros carton. Je leur ouvris la porte d'entrée pour le mettre dans le salon. L'un d'eux me salua avec un sourire puis s'en alla. Quant à l'autre, il me tendit le stylo afin que je signe la bonne réception. Une fois partis, j'étais devant le carton. Aucun expéditeur mentionné. Je pris un ciseau et décidai de percer le mystère en l'ouvrant. Une fois ouvert, j'étais surprise. J'aperçus un piano numérique de couleur noir, presque similaire à celui de mes grands-parents qui avait pris feu lors de l'incendie. Au même moment, quelqu'un toqua à la porte. Je fus étonnée de tomber face à Inquiet. Il me questionna :

— Anxieuse ? Tu n'es pas censée être au lycée ?

— Si, j'y étais mais j'ai eu un léger souci et en rentrant à la maison, des livreurs m'ont amené ce piano.

Inquiet s'avança vers le salon afin de voir le piano en question tout en posant une main sur l'instrument, il m'adressa un regard en s'exclamant :

— Et j'imagine que tu n'as aucune idée de qui ça peut provenir ?

— Tout juste.

— Je pense avoir ma petite idée, me lança Inquiet en montrant la maison voisine de la tête.

— Tu penses que c'est Haine ?

— Exactement.

— Impossible, il ne ferait jamais ça. En plus il est le présumé coupable. De toute évidence, il est parti et il a été renvoyé du lycée également.

— Parti ? Mais pourquoi ?

— Je les ai observés lui et son père. Ils se sont disputés et Haine est parti.

— J'espère qu'il reviendra, ne serait-ce que pour toi.

— Le connaissant depuis peu, je doute qu'il revienne pour moi ou pour quiconque.

— Et sinon pour ce piano ? Tu sais que si les parents le voient, ils le mettront à nouveau au lycée.

— Je ne sais pas dans quel coin de la maison je vais l'installer. Il est si imposant et le savoir au lycée à nouveau ne m'enchante pas.

— J'ai une idée mais il va falloir que tu m'aides. On va le prendre et le mettre à l'arrière de la remorque de mon pick-up.

— Tu ferais ça vraiment ? Ça ne va pas te déranger ?

— J'aime bien quand tu fais de la musique. Enfin lorsque tu en pratiquais avec grand-père.

— Merci Inquiet.

Inquiet s'installa alors devant moi en saisissant les deux extrémités du piano ce que je fis également du côté opposé. Je guidai alors Inquiet vers la sortie pour qu'il ne se prenne pas les marches d'entrées. En arrivant devant son pick-up, Inquiet me demanda de faire preuve de force afin de lever du mieux que puisse faire le piano. De toutes mes forces, je soulevai alors l'instrument pour qu'il le pose à l'intérieur de la remorque. Mon frère la referma puis s'adressa à moi en posant une main sur mon épaule :

— Tu viens de faire l'effort de la journée !

— Mais je dois venir avec toi pour le porter à ton appartement.

— Non, ta mission est de retourner en cours. Je demanderai à mes employés à la salle de sport de m'aider à le porter jusqu'à mon duplex.

— Très bien. Je vais manger, tu restes ?

— Bien sûr, mais je dois faire vite car j'ai des tonnes de choses à faire à la salle.

— Je comprends.

En rentrant à nouveau à la maison, Inquiet se pressa vers la cuisine afin de regarder ce que le frigidaire contenait. Après m'être lavé les mains, je fis à mon tour mon entrée dans la cuisine. J'était devant l'encadrement de porte en regardant mon frère attacher son tablier. Un tablier noir avec comme inscription en blanc, l'émotion de mon frère et pour symbole une toque de chef cuisinier. J'interpellai Inquiet soudainement :

— Pas mal, ce tablier. C'est où que tu as pu le dénicher ?

— À vrai dire, c'est Rancunière qui me l'avait offert.

— Pourquoi tu ne t'en es pas débarrassé ?

— Car il est vraiment top ce tablier. Et puis même si je l'ai oubliée je veux quand même le garder.

— C'est vrai ? Tu l'as oubliée ?

— Pour de bon, je te le promets petite sœur. Bon, ce n'est pas tout mais mon estomac crie famine.

J'ouvris le frigidaire pour concocter une salade fraicheur. Je n'avais pas réellement envie de manger quelque chose de consistant et chaud. Une légère salade me convenait. Quant à Inquiet, il se fit une poêlée de légumes. Durant le repas, Inquiet me lança tout en pointant son index vers moi :

— J'aime vraiment ta nouvelle coupe de cheveux. Je trouve ça te donne un style vraiment classe.

— Merci, j'avais vraiment besoin de changement.

— Dis pas ça aux parents. D'ailleurs ils en ont pensé quoi ?

— Maman était choquée et puis papa reste papa...

— Il s'est passé quelque chose entre toi et lui ?

— Lors d'une dispute, il m'a avoué qu'il se méfie énormément de moi. Depuis, je l'ai toujours en travers de la gorge.

— Tu connais papa, il se méfie de tout ce qui bouge, il a sûrement dit ça par peur. Tu sais cette histoire de changement d'émotion fait monter la tête à tout le monde et voir que tu peux faire partie de ce qu'ils appellent changement lui fait peur. Mais tu sais que les parents nous aiment et nous aimeront toujours.

— Comment tu peux dire ça alors que tu es la première personne qui ne s'entend pas avec papa.

— Il n'a pas accepté ma passion du sport mais ce n'est pas pour autant que je ne l'aime pas et que lui ne m'aime pas.

— Enfin tu as quand même quitté la maison suite à ça.

— Il fallait que je parte pour vivre de mes propres ailes. Concentre-toi sur ta salade, tu verras ça plus tard !

En finissant ma salade, j'en profitai pour débarrasser et mettre les assiettes dans le lave-vaisselle. Inquiet prit ses clés et décida alors de me raccompagner au lycée. En arrivant devant le parking de l'établissement, je descendis du pick-up de mon frère, il était treize heures et les cours allaient reprendre. Au moment où je claquai la porte du véhicule de mon frère, ce dernier croisa le regard de Rancunière au loin qui venait de sortir de sa voiture à quelques mètres de nous. Elle lui fit un léger sourire qu'il ne rendit pas. Il fit marche arrière puis démarra afin de quitter le parking du lycée. J'étais sur le point de rentrer dans l'établissement avant de me faire interpeller :

— Anxieuse, je peux te parler ? Lança Curieux en appuyant sa main afin de bloquer la porte.

— Curieux, laisse-moi ouvrir la porte! Tu pourras me parler de ce que tu souhaites me dire à l'intérieur.

— Très bien.

Curieux fit un pas en arrière et débloqua alors la porte d'entrée. En entrant dans l'enceinte du lycée en compagnie de ce dernier, je m'exclamai :

— Bon, alors tu veux quoi ?

— Il faut que je te montre quelque chose, mais pas ici.

— Et où ça ?

— Suis-moi.

Je poursuivis Curieux le long du couloir. Il emprunta alors les escaliers menant au sous-sol du lycée ce qui était vraiment très étrange. Cela ressemblait à un début de film d'horreur. Une fois au sous-sol, il faisait noir. Curieux appuya alors sur un interrupteur qui illumina le couloir à moitié. L'ampoule ne fonctionnait pas bien. Je ne savais pas dans quoi je m'embarquais. Je me rapprochai alors de Curieux en lui ordonnant :

— Curieux ! Dis-moi où est ce que tu m'emmènes, je n'aime pas du tout ça !

— Détends toi, on y est!

Curieux se stoppa subitement et ouvrit une porte. Il alluma la lumière de la pièce. Elle était remplie de clichés, de photographies, d'appareils photos. Je ne comprenais pas ma présence ici :

— Et donc ? Pourquoi tu m'as emmenée ici ? Si c'était juste pour qu'on se retrouve seul, je trouve ça vraiment très louche de ta part.

— Non, tu sais, tu n'es pas vraiment mon style, je suis navré. Mais je tenais à te montrer quelque chose. Depuis quelque temps, j'ai appris que tu te renseignais sur Feelings.

— C'est exact.

— Je dois te montrer quelque chose dans ce cas.

Curieux referma la porte derrière nous puis se précipita vers le fond de la pièce :

— Regarde derrière les vestes, tu comprendras.

J'enlevai alors les dizaines de vestes et j'aperçus une grande affiche blanche où des lignes rouges étaient reliées, des personnes en photo affichées, des évènements inscrits. Des pistes, des questions étaient également notées. Je me retournai alors face à Curieux en le questionnant :

— Depuis combien de temps tu possèdes cette affiche ?

— Depuis un certain temps. Depuis la fête où Haine est arrivé.

— Mais pourquoi tu as établi cette affiche ? Dans quel but ?

— Tu sais, je suis curieux ! Cette ville m'intrigue ! Je me demande pourquoi on doit obéir à cette loi. Pourquoi changer d'émotion c'est mal ? Alors que c'est ce qui nous rend humain et vivant. Dans un premier temps, je n'ai pas vraiment prêté attention à ce qui était en train de se créer entre toi et Haine. Ensuite, j'ai compris que Haine était intriguant. Pour moi, c'est le premier à avoir changé d'émotions. Notamment lorsqu'il t'a emmenée à l'hôpital au lieu d'attendre les pompiers ou encore quand il t'a sauvée des flammes. Ensuite de nombreuses personnes ont commencé à changer. Il y a eu toi et tes multiples excès de colère.

— Mais...

— Ne me coupe pas, je t'en prie. Ensuite, il y a eu Joviale qui a eu un changement d'émotions durant la fête sur la plage lorsqu'elle s'est battue avec Gaffe. Protecteur a été l'un des premiers également. Au lieu de protéger son entourage, il préférai faire preuve de rancœur et de méchanceté. Il n'est pas le frère de Rancunière pour rien. D'ailleurs elle aussi a fait un changement d'émotion en sortant avec ton frère. Si des gens tombent sur cette affiche, la plupart des jeunes ici se feraient arrêter. Tout le monde a déjà changé d'émotion au moins une fois et personne nous a donné la moindre explication.

— Je suis bouche bée. Mais tu n'as pas peur que je te dénonce à la police ?

— Oh non, tu le feras pas.

— Je te trouve bien confiant mais tu as raison. Mais pourquoi me le dire maintenant ?

— Je suis allé à la salle des archives avec Protecteur. C'est lui qui m'a pris le livre des mains. Il a arraché les pages sans même que je les lise. J'ai appris récemment que c'est toi qui avais les pages en question. Ce n'est pas un hasard. Si tu les as, cela veut dire que tu t'intéresses autant que moi.

— Je suis si bête ! Si quelqu'un pouvait s'intéresser autant sur cette affaire, ce n'était que toi !

— Ça arrive ! Ne t'en fais pas ! En plus, ce n'est pas comme si on était de bons amis, je suis plus proche de Rancunière que de toi.

— Oui, j'ai bien compris ça ! Tu as été son ami lorsqu'elle m'a lâchée avant de rentrer au lycée.

— Il se peut.

— Mais du coup, tu ne veux pas être uniquement une émotion ?

— Je ne compte pas rester curieux toute ma vie. La curiosité est un vilain défaut. Je souhaiterais être brave, triste, en colère, protecteur. Je voudrais montrer mes blessures lorsque je vais mal. Je souhaiterais être heureux. J'aimerais montrer lorsque je suis fier, lorsque je suis mélancolique. Pas toi ?

— Si, si, mais je suis étrangement surprise et choquée de ta part. Si j'avais su ça, je ne t'aurais pas esquivé ces derniers jours.

— Je ne t'en veux pas ! J'ai appris pour Haine, j'imagine que ça doit t'affecter.

— Je n'ai pas envie d'en parler. Concernant le livre, je t'avoue que je ne l'ai toujours pas lu.

— Dès que tu le lis, dis-le-moi s'il te plaît.

— Ce sera fait ! Je vais retourner en cours. Enfin, au prochain puisque je viens de rater le cours de maths.

En quittant le sous-sol, Curieux m'attrapa par le bras en me chuchotant à l'oreille :

— J'aimerais que ça reste entre nous, tu veux bien ?

— C'est promis et moi j'aimerais que tu gardes pour toi le fait que je ressente différentes émotions, rétorquai-je à Curieux tout en le fixant droit dans les yeux.

Ce dernier acquiesça d'un signe de tête puis s'en alla dans ma direction opposée. Je m'avançai vers le cours de littérature. Je vis Joviale souriante mais avec une mine remplie d'inquiétude. Elle s'exprima alors :

— Anxieuse ! Enfin te voilà ! Tu peux me dire pourquoi tu as suivi Haine en me laissant seule avec Gaffe ? J'ai dû prétexter à la prof que tu étais malade.

— Il le fallait Joviale, Haine est parti. Il est parti, murmurai-je accompagner d'un regard si vide.

— Je suis sûre qu'il reviendra, qu'il est juste parti se changer les idées. Ne t'en fais pas!

— Je l'espère, tu n'imagines pas comment ça m'embête de tomber amoureuse deux fois de la mauvaise personne.

— Qui te dit que ce n'est pas la bonne personne mais au mauvais moment ?

— Haine ? Tu es sérieuse ? Il est si détestable dans tous les sens du terme.

— Oui, mais il faut croire que c'est ça qui te rend si accro à lui.

La sonnerie retentit interrompant notre discussion. La prof de littérature fit son apparition avec le reste de la classe. Au même moment, Curieux traversa le couloir en compagnie de Rancunière, qui le tenait par le bras. Il me fit un clin d'œil avant de s'en aller. Joviale remarqua alors ce geste surprenant et s'exclama aussitôt :

— On est d'accord que Curieux vient de te faire un clin d'œil ? Je n'ai pas halluciné là ?

— Tu as tout juste, avouai-je à ma meilleure amie avec un sourire malicieux.

— Non, Anxieuse, je pense que tu as eu assez de gars comme ça ! Après Brave, Drôle, Haine, tu veux te mettre dans la poche Curieux aussi ?

— Non, pas du tout ! Je t'expliquerai plus tard. Viens sinon on va nous voler nos places.

Une fois entrée en cours, je me plaçai au premier rang près du mur. Joviale fit de même et s'installa à mes côtés. Le cours démarra après l'appel. Il y avait un seul absent, Haine. J'avais le pressentiment qu'il ne reviendrait pas d'aussitôt, qu'il avait totalement disparu, que ce soit au lycée, chez lui, dans la ville et dans ma vie...

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