Chapitre 26



Il s'agissait du casier de Protecteur ! Mais pourquoi avait-il ces pages en sa possession ? Ça n'avait pas de sens ! Je savais qu'il était crétin mais pourquoi avait-il arraché ces pages ? Je devais absolument me confronter à lui pour en avoir le cœur net. En refermant le casier, je sentis une présence derrière mon dos. En s'approchant d'un pas rapide vers moi, il s'exclama :

— Qu'est-ce que tu fais devant mon casier la timbrée ? Et qu'est-ce que tu fais avec ces feuilles ? Elles étaient dans mon casier ! Qui t'a donné le droit de les prendre ? Et comment as-tu ouvert mon casier ?!!

— Ton casier n'était pas bien fermé et ma robe s'est coincée dedans si tu veux tout savoir ! Mais là n'est pas la question ! Pourquoi tu as ça ?!

— Ça ne te regarde pas ! Rends-les moi !

— C'est hors de question ! J'ai trouvé le livre aux archives ! Pourquoi tu les as arrachées Protecteur ?!

— Pour pas que des gens qui se mêlent de tout comme toi tombent dessus ! Je veux protéger la ville des changements d'émotions ! Rends-moi ces pages tout de suite !

— Non ! Il faut que tout le monde sache la vérité ! Je suis sûre que tu n'as même pas pris le temps de les lire.

— Je me suis arrêté au sommaire mais dans tous les cas ça concerne notre ville et avec le nombre de changements d'émotions qui s'accroît de jour en jour, il faut que personne ne sache la vérité. Et surtout pas toi !

— Je vais me gêner ! Lançai-je à Protecteur en lui souriant insolemment.

Tout en pliant les pages, je sentis une pression forte sur mon cou, comme un étranglement. Je me retrouvai en l'espace de quelques secondes collée à la rangée de casiers du couloir. Ma tête se heurta aux portes métalliques des casiers. Protecteur me fixa du regard. Et tout en serrant ma gorge, il se mit à me chuchoter à mon oreille :

— Ne fais pas la maline, tu vas le payer ! Rends-moi ces pages !

— Je ne savais pas que tu étais si méchant ! Ferais-tu un changement ? Chuchotai-je, du peu de voix que je pouvais sortir.

— Ferme-la, je peux serrer encore plus fort, n'essaie pas de parler avec le peu de souffle qu'il te reste !

— Tu n'oserais pas !

— Me sous-estime pas, la timbrée !

Soudain, on entendit un cri. Protecteur tourna alors sa tête vers la droite lorsqu'il se fit éjecter au sol par Inquiet. Ce dernier me prit dans ses bras tout en me demandant si j'allais bien. Je répondis en hochant la tête et repris mon souffle. Il me lâcha alors pour aller s'en prendre à Protecteur qui essayait de se relever. Inquiet le bouscula en arrière. Tout en marchant devant lui, il s'exclama alors :

— Quel est ton problème à toi ?! Tu t'ennuies trop ici ? Tu préfères t'en prendre aux filles ?

— Ferme-la ! J'ai réglé un compte avec ta sœur ! Je lui ai juste mis un coup de pression, je n'allais rien lui faire.

— Ose la toucher à nouveau et je m'en prendrai à toi.

— Je veux bien voir ça ! Lança Protecteur en collant son poing contre le nez de mon frère.

Inquiet se rapprocha alors de Protecteur en le tenant par le col de sa chemise blanche pour le plaquer assez violemment contre les casiers. Soudain, une personne apparut pour s'intercaler entre les deux garçons. Jamais je n'aurais imaginé cette personne agir ainsi. C'était vraiment inattendu. Elle s'adressa à Protecteur et Inquiet :

— Arrêtez de vous battre ! Bordel, mais qu'est-ce qui vous prend ?! Il y avait un excitant dans le punch ou quoi ?! Inquiet, lâche-le ! S'exclama Rancunière en jetant des regards de chaque côté.

— Pourquoi tu prends sa défense ?!

— Protecteur, arrête tes délires et retourne dans le gymnase !

— Je n'ai aucun ordre à recevoir de toi ! Rétorqua Protecteur en remettant sa chemise en place.

Rancunière était devant mon frère. Elle mit alors sa main sur la joue d'Inquiet tout en lui disant de sortir dehors. Soudain, Protecteur se figea face à l'action de sa sœur des plus surprenantes. Il se mit alors à rigoler ironiquement puis lança :

— Tu te fous de moi j'espère ?! Le gars avec qui tu sors, c'est cet imbécile ?! Dis-moi que c'est faux et que tu as juste de la compassion pour lui !

— Protecteur, je sors avec Inquiet ! C'est la vérité, ose le toucher encore une fois et je te promets que je serai ta sœur uniquement par les liens du sang, je te verrai plus comme mon frère !

En observant la scène, je me rapprochais de Rancunière. Après avoir entendu ces propos, je m'exclamai alors en tenant mon téléphone en main :

— C'est une grosse blague ! Reconnais-le Rancunière, tout est une mascarade ! Arrête de faire souffrir mon frère et avoue !

Elle me méprisa du regard et se tourna vers mon frère qui m'ordonna alors de me taire. J'actionnai l'enregistrement que j'avais pris un peu plus tôt dans la soirée, où on entendait Gaffe et Rancunière parler de leur plan. Inquiet la regarda avec mépris. Il baissa alors son regard vers le sol. Le visage de Rancunière changea subitement. Elle tenta tant bien que mal de le raisonner, mais en vain. Inquiet la repoussa :

— Je ne veux plus jamais te voir ni entendre parler de toi ! Tu aurais dû être de la famille du dégoût ! Tu me dégoûtes ! Je suis si aveugle ! Tu en profitais juste pour toucher ma sœur ! Tu es une psychopathe ! Tel frère, telle sœur ! Après tout ce qu'on a vécu ensemble, je n'ose pas y croire !

— Inquiet, je t'en supplie, écoute-moi ! S'il te plaît je peux tout expliquer ! Laisse-moi le temps de t'expliquer ! Inquiet, je t'aime.

— Je ne crois plus rien venant de toi. Va-t'en avant que je te dénonce pour changement d'émotion !

Inquiet sortit du bâtiment tout en claquant les portes de la sortie si fort qu'elles auraient pu se décrocher du mur. Je me mis à sa poursuite en essayant de marcher au mieux avec ces escarpins qui me faisaient tellement mal. En sortant, j'aperçus Inquiet se diriger vers son pick-up. Je m'efforçai alors de l'appeler, ce qu'il ignora. Au moment où j'arrivais enfin à sa voiture, il démarra et sortit du parking. Je restai alors seule pendant un moment sur le stationnement du lycée. En repensant à ce qui venait de se produire sous mes yeux, je décidai alors de rentrer à nouveau dans le bâtiment en espérant que Rancunière et Protecteur aient quitté les lieux. Le long couloir était vide. Seul un couple était en train de s'embrasser dans un coin. Je me précipitai alors vers mon casier afin de ranger les pages à l'intérieur du livre.

En refermant mon casier, je décidai d'enlever ces foutus escarpins qui me faisaient plus de mal que de bien. En repassant devant la salle de bal, j'aperçus Drôle aux côtés de Joviale en pleine danse. Ma meilleure amie agitait les bras en l'air en dansant de bonne humeur. Quant à Drôle, lui était aussi heureux qu'elle. Peut-être qu'une idylle était en train de se créer entre mes deux amis. Je décidai alors de rentrer à la maison lorsque je sentis une odeur de brûlé près de la salle de musique.

En m'approchant devant la porte de la salle, j'aperçus des nuages de fumée sortir de sous la porte. Je l'ouvris et j'aperçus les flammes se propager dans toute la salle pour atteindre mon piano. Sans vraiment réfléchir, je mis mon bras contre mon visage et fonçai afin d'éteindre le feu. Les flammes étaient réellement grandes, je n'avais jamais vraiment pris de cours de secourisme. Je regardai à travers cette dernière qui me recouvrait les yeux dans le but d'apercevoir le moindre extincteur. Sur les quatre coins de la pièce, pas un seul extincteur en vue. La toxicité de la fumée atteignit mes voies respiratoires, ce qui me fit tousser de plus en plus. J'aperçus au loin une veste en cuir. Je décidais alors de recouvrir mon piano afin d'étouffer le feu. Soudain ma vue se brouilla, le flou apparut et l'alarme incendie retentit. Je tentai tant bien que mal d'éteindre le feu. Malheureusement il était plus fort que je ne l'étais. Je me mis alors à genoux tout en toussant. J'essayai d'appuyer sur mon téléphone dans le but d'appeler de l'aide. Après quelques instants, je tombai de tout mon poids sur le sol, envahie par les flammes. Je n'entendis plus aucun son, je ne sentis plus aucune odeur, je ne voyais plus rien. Seulement le noir le plus complet qui m'avait rejoint. Mon corps allait être consumé par les flammes. Qui aurait pu me voir ? Sachant que personne n'était autour, le temps que les pompiers viennent me récupérer, il aurait été trop tard. Était-ce le jour de ma mort ? Je l'ignorais, je me laissais partir à travers ces flammes...

Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé. Une heure ? Un jour ? Peut-être un mois ? Je sentis des tonalités autour de moi qui devenaient de plus en plus fortes en fonction des secondes. Un battement de cils après l'autre, j'ouvris délicatement les yeux pour apercevoir une chambre d'hôpital. J'essayai alors de bouger mes doigts, un doigt après l'autre. En observant mes mains, je vis qu'elles étaient rougeâtres à cause du feu. Je sentis une respiration se faire entendre, je tournai alors ma tête vers le côté gauche pour apercevoir Haine, assis sur le bord de la fenêtre en baissant les yeux au sol. Il avait un regard des plus vides. Il était habillé d'un sweat-shirt gris et d'un jeans noir troué au niveau des genoux. Je ne savais pas ce qu'il faisait ici et depuis combien de temps était-il ici à m'observer ? Qui l'a laissé entrer ? Je l'observai alors dans l'espoir qu'il ne ressente pas mon regard posé sur sa personne. Il paraissait différent, il était calme. Était-ce lui qui aurait encore une fois agi noblement ? Je m'exclamai alors d'une voix douce :

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

Il orienta alors son regard sur moi et s'avança alors vers mon lit. Son visage était inexpressif. Peut-être un stratagème pour ne pas montrer ce qu'il ressentait vraiment ? Des cernes assez creusés, grisâtres et bleuâtres étaient présents sous ses yeux, donnant l'impression que cela faisait quelques jours qu'il ne dormait plus. Haine s'exclama alors tout en mettant ses mains dans les poches de son sweat-shirt :

— T'es encore en vie, c'est ce qui compte ! J'y vais la parano ! me lança le ténébreux en pressant le pas vers la sortie de la chambre.

" T'es encore en vie" Mais qui dit ça à une personne se réveillant à l'hôpital ? Personne ne l'a obligé à se pointer ici ! Même sur un lit d'hôpital, il m'envoie des pics ! Dommage que ce ne soit pas l'inverse. La chevelure blonde de ma meilleure amie apparut. Elle ferma alors la porte derrière elle puis se rapprocha de moi en posant sa main sur la mienne :

— Anxieuse, tu m'as tellement fait peur ! Tu as réussi à me transmettre ton émotion ! Je suis officiellement un changement ! C'est dur de le dire, mais je connais cette sensation désormais. Je me suis tant fait du souci pour toi. J'en ai même versé des larmes. J'ai ressentie de la tristesse pour la première fois. Si seulement j'étais restée avec toi durant tout le bal. Je suis vraiment désolée. Pendant ces deux jours qui se sont écoulés, j'ai perdu ma meilleure amie, celle qui compte plus que n'importe qui ! S'exclama Joviale en se mettant à pleurer.

— Joviale, je t'en prie ! Ne sois pas triste ! Il ne faut pas que l'on te voie ainsi. Surtout pas ici, il y a des agents qui doivent sûrement traîner. Deux jours ? Je suis restée deux jours ici ?

— Oui, tu es ici depuis deux jours. Ils ont pu te sauver de justesse ! Ils ont dit que tu avais inhalé beaucoup de fumée toxique. C'est un miracle que tu sois encore ici !

— Au moins tu en es heureuse ! Haine était là et m'a dit que c'était cool que je sois encore en vie. Décidément, il sait comment remonter le moral.

— Tu devrais le remercier ! Le lycée a été évacué lors de l'incendie. Tout le monde était présent sur le parking. Les pompiers n'étaient pas encore arrivés et j'ai essayé de te chercher parmi la foule d'élèves devant le lycée. J'en ai informé la proviseure qui m'a dit que les pompiers allaient arriver. Drôle qui était présent a dit qu'il serait sûrement trop tard. Lorsqu'ils sont arrivés, le feu s'est propagé dans le fond du couloir. Un périmètre de sécurité a été installé devant le lycée par la police qui est arrivée rapidement. Haine a poussé une barrière et s'est précipité vers l'entrée du lycée. Il s'est jeté la tête la première dans le feu pour te sauver, encore une fois.

— Je ne sais pas à quoi il joue à me sauver. Son jeu sert à rien, il veut juste se faire bien voir. Il souhaite juste attirer les regards sur lui, qu'on le voit comme un héros.

— Anxieuse, es-tu si aveugle que ça ? Il t'aime ! Regarde la vérité en face. Compte le nombre de fois où il t'a sauvée ou défendue. Il a veillé sur toi, le jour comme la nuit.

— Mais ce n'est pas uniquement la famille ?

— Figure-toi qu'il s'est fait passé pour ton frère.

— Décidément, mais est-ce que mes parents ou Inquiet sont venus ?

— Tes parents oui, mais Inquiet n'est pas sur le registre des visiteurs. Enfin si, mais c'est Haine qui a pris l'émotion de ton frère en écrivant son émotion plutôt que la sienne. C'est étrange qu'il ne vienne pas, il s'est passé quelque chose ?

— Il a appris la vérité sur sa relation avec Rancunière, du coup je pense qu'il va lui falloir du temps, beaucoup de temps, mais j'aurais espéré qu'il vienne me voir. C'est quand même moi qui lui ai montré la vérité en face.

— J'imagine, oui, il lui faut du temps. Mais ne t'en fais pas, il reviendra vers toi, tu restes sa sœur. J'espère bien qu'il raisonnera comme toi, Anxieuse. Il faut que tu saches que tu as des brûlures sur quelques parties de ton corps, le derrière de tes bras, tes épaules ainsi que sur la nuque et un peu sur tes mains. Ne t'en fais pas, ça va partir. Il faut que tu te laisses du temps.

— Quand est-ce que je peux sortir ?

— Le médecin attend ton réveil. Je vais appeler tes parents.

— Non, je ne veux pas qu'ils viennent, je les évite en ce moment car je les dégoûte. Ils se méfient de moi. C'est comme si à leurs yeux, je ne représente qu'un danger.

— Ne dis pas ça, ils t'aiment.

— Je ne sais plus, je suis juste fatiguée. D'ailleurs j'ai trouvé les pages du livre sur Feelings.

— Ah bon ? Tu t'en souviens ?

— Oui, je n'ai pas perdu la mémoire, c'est Protecteur qui les a.

— Quoi ?! Tu en es vraiment sûre ?!

— Oui, d'ailleurs lorsqu'il m'a vue en les tenant à la main, il s'est approché de moi en me tenant à la gorge tellement fort que j'ai bien cru qu'il allait m'étrangler.

— Attends, il a réellement fait ça ?! Je vais m'en prendre à lui, je te le promets !

— Non, ne fait rien ! Inquiet est venu à ce moment et s'en était pris à lui. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'il a appris la vérité sur Rancunière.

— Je n'y crois pas. Pourquoi Protecteur voudrait le livre ?

— Parce qu'il souhaite protéger la ville de la vérité.

— Je n'arrive pas à croire qu'il t'ait fait ça ! Et dire que c'est mon ex, il me dégoûte.

— Joviale, j'ai l'impression que Protecteur est en train de changer d'émotions sans qu'il s'en rende compte. Il court lui-même un danger. Il ne devrait pas agir ainsi. Tu devrais peut-être lui parler non ?

— Après ce qu'il a osé te faire, tu penses encore à l'aider ? Même si c'est mon ex, franchement je souhaite qu'il se fasse arrêter.

— Mmh. D'ailleurs j'y pense, qui a déclenché le feu ?

— Figure-toi que personne ne sait. Les agents de police ont barré l'accès au bâtiment au lycée, ils cherchent la moindre preuve. J'espère qu'on connaîtra vite la personne qui a déclenché ce feu. En tout cas ce qui est sûr, c'est que c'est un incendie criminel.

Soudain le médecin fit irruption dans notre conversation, en m'annonçant :

— Bonjour Anxieuse, comment tu te sens ?

— Bien merci docteur. Je voudrais savoir quand est-ce que je pourrai sortir ?

— Seulement après quelques tests pour s'assurer que tu ailles bien. Avant il faut que je t'avertisse, le post-traitement est un élément essentiel de l'ensemble des soins de tes brûlures. On va mettre un suivi adapté et d'ailleurs je vais te donner une crème à appliquer sur tes brûlures. Le traitement s'est bien réalisé, tes désagréments diminuent. Durant les jours à venir cela permettra une guérison optimale des plaies. Mais malgré tout, il est important d'envisager un éventuel soutien psychologique. Du coup je vais te donner rendez-vous dans un premier temps, une fois par semaine et ensuite, ce sera une fois par mois d'accord ? Habille-toi et viens me rejoindre pour quelques tests.

— Très bien docteur.

— Ah oui et il faudra te protéger contre le soleil pour éviter les effets nocifs des rayons UV ou des changements de pigmentation de la peau brûlée.

— Ce sera fait, merci.

Le médecin prit congé pour s'en aller dans le couloir. J'essayai alors de me lever du lit pour m'habiller. Après m'être vêtue d'un sweat-shirt noir, d'un pantalon ample de couleur noir et d'une casquette grise que ma meilleure amie avait ramenée. Cette dernière me tenait alors par le bras. Après avoir passé des tests, ma mère était devant le parking en train de faire les cents pas devant la voiture. Elle nous aperçut au loin et s'avança alors rapidement. Elle me prit dans ses bras en me serrant vraiment fort. Elle s'exclama alors aussitôt :

— Anxieuse ! Comment tu vas ma chérie ? Tu nous as fait une peur bleue à moi et ton père ! Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ?

— Je vais un peu mieux, je sors d'un coma de deux jours donc j'ai toujours les traumatismes en tête. Mais si je vous ai fait une peur bleue, où est papa ?

— Tu sais, il n'a pas pu venir, il a été retenu par le boulot.

— Il prefere son travail à moi ? C'est pas comme si j'avais juste failli y laisser ma vie mais à part ça tout va bien ! Répondis-je sur le ton de l'insolence.

— Anxieuse ! Ne dis pas ça ! Tu es en vie et c'est ce qui compte désormais. Ton père a beaucoup de travail à la mairie tout comme moi. Durant ces deux jours, nous sommes venus tous les deux ! Tu n'imagines pas le sang d'encre que l'on s'est fait ! Et c'est comme ça que tu nous remercies ?!

— Passons à autre chose, tu peux nous ramener ! J'ai besoin de me reposer.

— Très bien, rentrons. Joviale, je te raccompagne ?

— Non, madame, je vais rentrer en bus. Mais merci quand même, lança ma meilleure amie en s'en allant du côté opposé.

Je rentrai alors dans la voiture citadine de ma mère. Je m'installai au côté passager où j'en profitai pour mettre mes écouteurs et fixer la vitre afin d'éviter tout contact avec ma génitrice. Le voyage s'est fait en silence du côté de ma mère. Durant le trajet, elle m'avait jeté des dizaines de regards mais sans démarrer la moindre discussion. Comme si le lien, la complicité que j'avais avec ma mère, s'était rompu depuis quelques jours.

Après quelques minutes, ma mère gara sa voiture dans notre allée. Elle coupa le moteur et sortit de son côté. Arrivée devant ma porte, elle l'ouvrit. Je lui fis un léger sourire en guise de remerciement que j'enlevai de mon visage en quelques secondes. En franchissant la porte d'entrée, je fonçai directement dans ma chambre. J'enlevai ma casquette pour la poser sur mon lit lorsque je me laissai tomber sur ce dernier tout en fermant les yeux. Je pris une grande bouffée d'air pour ensuite l'expirer. Je me relevai alors en me mettant sur mes coudes dans le but de prendre mon carnet à notes pour y inscrire mes ressentis. J'avais vraiment besoin d'écrire, j'avais tellement de choses à évacuer. En me dirigeant vers le tiroir de mon bureau, j'aperçus que le tiroir était vide. Mon carnet avait disparu avant le bal. Je soupirai un bon coup pour ensuite me lever et prendre une douche tout en évitant de mettre l'eau chaude au contact de mes plaies. Une fois dans la baignoire, je m'assis en prenant le micro de douche pour me laver. Soudain, l'eau coula en direction des bouts de mes pieds, ce qui me rappelait alors la chaleur ressentie durant l'incendie de la salle de musique ainsi que le feu qui m'entourait.

Une boule au ventre se forma instinctivement. La chaleur de l'eau avait formé une buée laissant apparaître un nuage de vapeur. Des flash-back m'apparurent. Je me souvenais de cette fumée noire toxique qui émanait de la salle. J'arrêtai la douche pour essayer de me calmer. Ce n'était pas le moment d'avoir une crise d'angoisse.

Je penchai la tête en arrière et tout en fermant les yeux, je pris une grande inspiration puis expirai. Il y avait un exercice de respiration que je faisais régulièrement afin de calmer mes angoisses. Je saisissais ma main et longeais le long de mes doigts. Et lorsque j'arrivais au bout de mes doigts, je prenais une grande inspiration. Puis lorsque je descendais jusqu'au creux entre chacun de mes doigts, je lâchais tout en expirant. J'appliquai alors cet exercice qui me permettait de me sentir un peu mieux. J'en profitai pour sortir de la douche en attrapant un peignoir. Après l'avoir serré à la taille, je me postai alors devant mon miroir qui reflétait mes brûlures. Ce fut sans doute le pire bal que j'ai connu, entre règlements de comptes, secrets, incendie...

En m'observant, j'aperçus une paire de ciseau sur le côté du meuble sous le lavabo. Le feu avait brûlé quelques mèches de mes cheveux qui m'arrivaient en bas du dos. Je saisis le long de mes cheveux afin de me les couper au niveau du cou, une coupe carré mi-long, gratuite sans avoir besoin d'aide d'un coiffeur. Après les avoirs coupé, j'admirai mon reflet. Je me mis alors à sourire. Mes parents allaient sûrement détester mais pouvoir prendre des initiatives sans demander à qui que ce soit me faisait tellement de bien. En jetant mes cheveux à la poubelle, je jetais également l'ancienne Anxieuse, celle qui se laissait marcher dessus, celle qui n'osait pas s'affirmer, celle qui restait cachée au fond de la classe. Désormais, je ne me laisserai plus marcher sur les pieds. Désormais j'affirmerai qui je suis, qu'importe si je suis un changement aux yeux des autres. Je suis un humain et je suis fière de l'être. Je comptais bien mener cette lutte, quitte à me mettre toute la ville à dos. Je serai celle qui changera les choses, en commençant par ma coiffure.

Je sortis alors de la salle de bain pour me diriger dans ma chambre. J'ouvris mon placard pour choisir des vêtements. Je comptais bien choisir ma tenue pour reprendre les cours cet après-midi. Je pris un pull col roulé noir, sur un jeans bleu marine avec une paire de baskets blanches. Je pris ma trousse de maquillage, sortis mon crayon à sourcil, mon eyeliner ainsi que mon mascara. J'ajoutai alors deux, trois couleurs afin de me donner bonne mine. Je me sentais vraiment bien. En me regardant dans le miroir de ma chambre, une émotion nouvelle apparut, celle de la confiance.

Je pris mon sac à main et descendis à la cuisine pour me faire à manger. Ma mère qui était en train de cuisiner, me regardait en étant étonnée. Elle prêta alors toute son attention vers ma direction, ce qui fit monter l'eau qu'elle avait mise dans une casserole. Ma mère s'exclama alors en arrêtant le feu :

— Anxieuse ? Mais qu'est-ce qui t'a pris de couper tes cheveux ?!

— J'avais envie de changement ! Vu que je n'ai pas le droit de changer d'émotions, j'ai changé de coupe, peu importe si tu n'aimes pas.

— Je n'ai rien dit, ça te change en effet. Mais c'est surprenant. Ton père va être aussi étonné que moi.

— Peu importe, je me fais à manger et après je file en cours.

— C'est une bonne chose, il te reste de la lucidité malgré tout.

En sortant de la maison, je pris le chemin du lycée. Je me sentais plus légère. Je ne savais pas si c'était dû à ma coiffure car je sentais davantage l'air passer dans le creux de mon cou. En arrivant au lycée, le bâtiment principal était surveillé d'agents de police comme d'habitude. Cependant, cela n'allait pas m'arrêter, je montai les escaliers pour atteindre la porte d'entrée de l'établissement. En poussant la porte d'entrée, j'aperçus le fond du couloir qui était complètement cramé. La couleur noire avait ravagé plusieurs casiers et portes de salles. Chance pour moi, mon casier se trouvait dans la première rangée. Des dizaines d'élèves s'étaient regroupés devant ces derniers comme chaque jour de semaine. J'atteignis mon casier et l'ouvris. En l'ouvrant je tombai alors sur le livre que j'avais emprunté qui était enfin au complet. Il fallait impérativement que je le lise. Je le pris alors dans mon sac. Mais soudain la proviseure prit la parole à travers le haut-parleur du couloir :

— Chers élèves, je vous invite à vous regrouper dans l'amphithéâtre pour une annonce de la plus haute importance.

Les élèves qui s'étaient orientés vers leurs cours respectifs se mirent à changer de direction pour se diriger vers l'amphithéâtre. Je pris avec moi mes affaires pour le premier cours de la journée. Il ne restait alors plus que moi dans le couloir. Les nombreux élèves avaient disparu. Je refermai mon casier pour me diriger à mon tour vers l'amphithéâtre lorsque je l'aperçus rentrer en un coup de vent dans l'enceinte du bâtiment. Il porta alors son regard vers moi sans vraiment faire attention. Puis me regarda à nouveau, me donnant l'impression qu'il ne m'avait pas reconnue dès le premier coup d'œil. Sans un mot, sans un geste, seulement un échange de regards, il porta son attention sur moi comme il ne l'a jamais porté encore. Brave avait exactement le même regard pour Blessée, un regard rempli d'amour.

Venant de Haine, cela me surprenait. Mais malgré tout, je ne voulais pas arrêter de le regarder, Haine ne me parlait pas. Mais son regard le faisait à la place de ses lèvres. Je me rapprochai alors de lui, il ne réagit pas et me laissa alors m'approcher. Une fois devant lui, je sentis son regard plus proche. Je plongeai alors dans le vert de ses yeux. Il passa délicatement sa main dans mes cheveux. Je jetai alors mon regard sur son geste des plus surprenants. À cet instant, pas la moindre angoisse, pas la moindre respiration saccadée, pas un seul symptôme d'anxiété se manifesta, je me sentais si bien à ses côtés. Son regard était si réconfortant et rassurant. Ce dernier me donnait la sensation qu'il avait besoin de cet instant entre nous. Subitement, il changea son regard, prit une certaine distance et se défila alors sous mes yeux. Et sans se retourner, il prit la direction de l'amphithéâtre. C'était évident désormais, il se passait réellement quelque chose entre nous...

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