Chapitre 22
Il s'agissait de Haine. Mais pourquoi avoir fait ça ? Je descendis pour me diriger vers la maison voisine afin de récupérer le livre. Au moment où je m'orientai vers la maison de la famille colère, Haine était déjà sorti et s'était assis sur le capot de sa voiture en tenant le livre à la main. J'élançai mon bras vers ce dernier dans le but de lui prendre le livre des mains. Haine leva alors son bras en l'air tout en me disant :
— Non, la politesse avant.
— Quelle politesse ? Tu es venu dans mon garage pour le prendre.
— Étrange endroit pour ranger un livre et pas n'importe quel livre. Surtout si ce bouquin raconte l'histoire de notre ville.
— Haine ! Donne-le-moi.
— Tu connais le mot magique.
— S'il te plaît.
— Redis-le encore une fois, j'ai mal entendu.
— Donne-moi le livre Haine s'il te plaît.
Il descendit son bras suite à mes paroles. Je lui pris le livre des mains en tournant les talons vers mon allée. Haine s'exclama alors en serrant ses bras sur son torse et sur un ton de la réflexion, il s'exclamait :
— Qu'est-ce qui t'a pris de le ranger ici ?
— C'est mon père qui l'a rangé ici après avoir découvert que j'étais en possession de ce livre, lui répondis-je en me retournant.
— Et il a réagi comment ?
— Il ne s'attendait pas à que je détienne ce livre. Mais en quoi ça t'intéresse toi ?
— Ça m'intéresse de savoir comment tu vas faire pour résoudre ce mystère vu que tu n'as pas su résoudre le dernier.
— Détrompe-toi, celui-ci, je saurai le résoudre.
—J'ai hâte de voir cela dans ce cas.
Je repris le chemin pour rentrer à la maison. En ouvrant la porte, j'aperçus mon père en pleine discussion téléphonique. Chance pour moi, il était de dos. Je me faufilai à toute vitesse dans ma chambre pour cacher le livre dans un endroit sûr, là où personne irait chercher. Une fois dans ma chambre, je jetai des regards dans ses moindres recoins afin de trouver une bonne cachette. Soudain, j'eus l'idée de le cacher dans mon casier au lycée. Je glissai le livre dans mon sac en mettant par-dessus mes livres de cours. Après l'avoir rangé, je pris mon ordinateur portable afin de faire mes devoirs telle une élève modèle et m'installai sur mon lit. Quelques secondes plus tard, mon téléphone se mit à vibrer. Il s'agissait d'un message provenant de Joviale :
Joviale : Coucou, devine qui est devant moi ?
Anxieuse : Ta robe pour le bal ?
Joviale : Non, je suis allée me balader avec ma mère et devant moi il y a Rancunière avec Gaffe.
Anxieuse : Oui, elles sont meilleures amies désormais.
Joviale : Tu penses que Rancunière va venir avec ton frère demain au bal ?
Anxieuse : Il y a des chances oui. Mais d'ailleurs j'y pense Protecteur est au courant pour cette relation ?
Joviale : Pas que je sache.
Anxieuse : Elle n'a peut-être rien dit à son frère pour qu'il ne soit pas derrière son dos.
Joviale : Sûrement, mais tu comptes lui dire ? Sachant que tu n'as pas une super affinité avec mon ex.
Anxieuse : Non pas lui dire mais lui montrer. Tu as toujours son numéro ?
Joviale : Oui, je l'ai toujours. Bonne idée, tu vas envoyer une photo de ton frère et Rancunière à Protecteur. Anxieuse. Je ne te pensais pas aussi machiavélique.
Anxieuse : Je sais, je sais.
Joviale : Mais du coup en faisant ça, tu risques de faire du mal à Inquiet sachant qu'il aime Rancunière.
Anxieuse : Je ne peux pas la laisser lui faire du mal comme elle le fait. Il faut que quelqu'un mette un point final à cette relation.
Joviale : Attention Anxieuse rentre dans l'action et ça ne te fait pas peur ?
Anxieuse : Non, je n'ai pas peur. Je ne supporte pas Gaffe et c'est pour cela que je ne peux pas vraiment me confier à Drôle. Ils sont très proches tous les deux. Je n'aimerais pas qu'il parle de moi à sa sœur pour que finalement elle aille le répéter à Rancunière.
Joviale : C'est vrai que vu sous cet angle, c'est compréhensible.
Anxieuse : Je te le laisse si tu le souhaites.
Joviale : Je fais une pause niveau garçons.
Anxieuse : J'ai vraiment du mal à te croire sachant que tu m'as dit il y a quelques heures que tu souhaitais être avec Haine.
Joviale : Oui, bon, ce n'est qu'un détail.
Je rangeais mon téléphone, ainsi que mon ordinateur portable, je me levais ensuite de mon lit pour prendre mon carnet de notes. Comme à mon habitude, j'y inscris les moindres pensées du jour, les non-dits, les émotions ressenties, les regards que j'ai croisés, les angoisses que j'ai vécues. J'avais réservé une page pour mon voisin insolent. Haine représentait à mes yeux le plus gros mystère de ma vie. Il était intriguant malgré son côté détestable.
Lorsque quelqu'un toqua à la porte, cela me faisait sortir de ma bulle d'écriture. Je me levais pour aller ouvrir. Il s'agissait de ma mère qui venait prendre de mes nouvelles. Elle me fit une bise avant de s'exclamer :
— Comment tu vas ma chérie ? Je viens de rentrer du boulot et je suis un peu fatiguée mais je vais aller acheter quelques bricoles au supermarché. Tu veux m'accompagner ?
— Bien sûr.
— Super, on y va dans ce cas.
J'aimais passer des moments avec ma mère malgré le fait qu'elle s'inquiétait un peu trop pour moi. Mais j'avais beaucoup de moments complices avec elle, même si elle ne me comprenait pas souvent sur mes ressentis. Une fois dans la voiture, je m'installai au côté passager. Ma mère rentrait aussitôt dans la voiture. Elle me proposa de prendre le volant. J'avais mon permis depuis un an et je n'avais jamais vraiment conduit devant un de mes parents. Je sortis de la voiture pour m'installer au côté conducteur. Quant à ma mère, elle s'installa au côté passager. Une fois prête, ma mère était tellement angoissée à l'idée de me voir conduire pour la première fois qu'elle me diffusait son stress en s'exclamant :
— Anxieuse, tu as pris ton permis avec toi ?
— Non, il est dans ma voiture. Mais ne t'en fais pas, il ne va rien nous arriver.
— Ne bouge pas, je vais te le chercher. File-moi tes clés de voiture.
Ma mère s'empressa alors de quitter la voiture pour aller rejoindre la mienne afin de récupérer mon permis. Je patientai quelques secondes avant qu'elle soit de retour à bord. De retour, cette dernière rangea mon permis dans la boîte à gants de la voiture, ceintures mises, je démarrai alors le véhicule. Durant tout le trajet, ma mère m'angoissait tellement. J'avais l'habitude de conduire seule depuis l'obtention de mon permis mais sa présence me faisait perdre mes moyens. Elle s'exclama alors :
— Anxieuse, fais attention, il y a un carrefour prochainement.
— Oui, je l'ai aperçu. Ne t'en fais pas.
— Anxieuse, il y a un passage piéton. Ensuite, tu feras attention à bien laisser passer les gens qui traversent.
— Oui, ne t'en fais pas.
Tant d'indications... Conduire en présence de ma mère était réellement un calvaire. Elle redoublait mon anxiété qui était déjà au max. Une fois le supermarché localisé grâce au GPS, je slalomais dans les allées du parking afin de trouver une place, si possible sans qu'il n'y ait de voiture à proximité. Ce que je n'appréciais pas, hormis conduire avec ma mère, c'était de faire un créneau. Ma mère m'indiqua plusieurs places vides qu'elle aperçut au loin, j'ignorai ses propos lorsque j'aperçus une place, proche d'une zone handicapée. Je me rapprochai alors de celle-ci et garai la voiture de ma mère. En arrêtant le véhicule, je soupirai un instant avant d'écouter ma mère :
— Mais pourquoi tu t'es garée aussi loin de l'entrée alors qu'il y avait des dizaines de places devant. On va devoir faire une trotte maintenant.
— C'est la place qui me plaît. Elle est facile d'accès. Et puis ce n'est pas grave, ça te fera faire un peu de sport.
— Je ne suis pas comme toi et ton frère, des passionnés de sport. Je ne sais pas de qui vous tenez cette passion. Je sors d'une journée de travail et je n'avais pas besoin de plus de marche que ça.
Nous sortîmes de la voiture, prîmes un caddie et nous nous dirigeâmes vers l'entrée du supermarché. Ma mère tenait le caddie et je la suivais. Une fois dans les rayons de la grande surface, je pris quelques bricoles que ma mère avait notées sur un bout de papier. Ma mère quant à elle est allée pour peser des fruits. Je pris le caddie pour me diriger vers elle quand au même moment, j'aperçus des agents de police. Ils possédaient des armes d'assaut sans doute chargées. L'un d'eux passa devant moi. Il avait le visage fermé et me dévisageait du regard puis reconcentra son attention sur son collègue. Des agents similaires à ceux qui avaient tenté de m'arrêter à la mairie. Je restai alors figée quand je les aperçus. Des flash-back m'apparurent en tête. J'avais des sueurs froides, les mains moites. Mon cœur se mit à battre à mille à l'heure. J'entendis au loin une voix m'appeler à plusieurs reprises dans un flou lointain. Je sentis ensuite une secousse au niveau de mon épaule qui me réveilla alors de cet instant d'absence. Ma mère, inquiète, me fixait avec de gros yeux tout en me disant :
— Anxieuse ?! Tu es avec moi ? Qu'est ce qui t'a pris de réagir de la sorte !
— Désolée, j'ai eu un moment d'absence en voyant les agents de police.
— Il faudra t'y faire. Il y en a désormais partout dans chaque lieu public. Ce n'est pas une raison pour agir ainsi. On va rentrer, j'ai fini.
Au moment où j'aperçus ces agents, je m'étais imaginée un court instant ce que Feelings allait devenir. Et si des personnes comme moi changeaient d'émotions, ces agents de police tireraient sur ces pauvres gens tels des animaux, telles des proies à abattre. Feelings allait devenir un endroit où règne la destruction et le chaos. Si je ne fais pas quelque chose, personne d'autre ne le fera, il fallait que je prenne le risque.
Après être passées à la caisse, ma mère et moi sortîmes du supermarché pour nous diriger vers la voiture. Au moment où ma mère ferma le coffre, après avoir rangé les courses, elle aperçut Déçue, l'épouse de Dégoût. Ma mère lui fit un signe de la main mais cette dernière ne lui répondit pas. Ma mère décida alors de se rapprocher d'elle en me demandant de l'accompagner. Elle marcha de pas assez rapide et put rattraper Déçue. Elle s'exclama alors :
— Bonjour Déçue. Alors cette journée de boulot, je ne vous ai pas vue à la mairie aujourd'hui.
— Bonjour Stress, je n'ai fait qu'un simple saut avec Dégoût. Nous sommes allés gérer la paperasse au centre.
— Oh d'accord. Vous vous souvenez de ma fille Anxieuse ?
— Oui, comment l'oublier. Tout le monde pensait qu'elle changeait d'émotions. Ce genre de chose ne s'oublie pas. Vous êtes de la famille de la peur, ça a dû vraiment vous traumatiser.
— Personne nous a oublié à ce que je vois.
— À votre place, j'éviterais de me faire voir en présence de votre fille si vous souhaitez garder votre réputation. Cet incident a tourné à travers tout Feelings.
Ma mère serra alors le poing tout en acquiesçant après ce que son amie a osé lui dire. Je ne sais pas comment on peut toujours caractériser cette personne d'amie. Les propos qu'a tenu Déçue m'ont touchée telle une balle en plein cœur. Je baissai la tête tout en retournant près de la voiture. Ces paroles étaient si blessantes, si dures envers ma personne, mais le pire était que ma mère ne réagissait pas, comme si elle confirmait. Ma génitrice remonta alors en voiture après avoir terminé sa conversation avec Déçue.
Durant le voyage, ma mère me parlait afin de combler le silence. Je remuais la tête sans vraiment accorder d'importance à ce qu'elle me racontait. Je me concentrais sur la route. Au feu rouge, ma mère s'exclama :
— Anxieuse, je te parle ! Depuis tout à l'heure, tu ne réponds pas. Je peux savoir ce que tu as ?
— Je n'ai rien.
— Dis-moi ce qu'il y a. Tu me stresses à rien dire. Je sais que tu me mens.
— Je n'ai rien putain !
— Jeune fille, tu vas baisser d'un ton. Ce n'est pas une manière de parler à sa mère.
— Ma mère ? Tu oses dire que tu es ma mère après ce que Déçue a osé te dire à propos de moi. Tu n'as rien dit pour me défendre. Dis-moi ce que tu fais en ma compagnie maintenant que toute la ville sait que j'ai fait un changement d'émotion.
— Anxieuse ! Déjà, tu n'as pas fait de changement. C'est dû à tes excès de colère. Cesse de dire n'importe quoi. Déçue est mon amie et celle de ton père également. On se connait depuis longtemps.
— Et alors ! Moi, je suis ta fille ! Tu n'as rien osé lui dire parce que c'est ton amie. Tu sais quoi, l'épouse de Dégoût et moi, avions un point en commun.
— Lequel ?!
— Je suis déçue de toi !
— Anxieuse !
Sans m'en rendre compte, j'avais démarré au feu rouge. J'avais posé d'un coup sec mon pied sur la pédale de l'accélérateur. Ma mère cessa de me gueuler dessus. En accélérant, je ne m'aperçus pas de la vitesse à laquelle j'allais. Je voulais faire en sorte d'évacuer ma colère, ma tristesse, le fait d'avoir été blessée. Ma mère me lança alors aussitôt :
— Anxieuse ! Arrête-toi ! Tu vas tuer quelqu'un ! Ralentis ! C'est un ordre !
— Non, je m'arrêterai seulement quand je serai arrivée à la maison !
— Je t'ordonne de t'arrêter !
— De toute façon, toi et papa, vous me tuez à petit feu. Vous souhaitez à tout prix étouffer ce que je suis vraiment ! Je suis un humain, vous avez saisi ! J'ai le droit de ressentir différentes émotions. J'ai le droit de montrer que je suis heureuse, que je suis en colère, que je suis triste !
— Anxieuse, je t'en supplie, ralentis ! Ce n'est pas un endroit pour en parler !
— Il n'y a pas d'endroit adéquat pour en parler !
— Anxieuse, je suis en pleine crise de stress. Je t'en prie, ralentis ! Lança ma mère tout en tremblant.
Je roulais à cent kilomètres par heure sur une route qui indiquait une vitesse de trente. Je tournai alors ma tête vers ma mère qui était en pleine crise d'angoisse. En roulant, une main posée sur le volant, une autre sur l'épaule de ma mère, je m'excusai alors en lui disant que j'allais ralentir. Je tournai ma tête pour me reconcentrer sur la route. Arrivée dans une rue piétonne, je slalomai entre les voitures lorsqu'une personne de dos se dressa alors sur mon chemin. J'appuyai alors de toute ma force sur la pédale pour ralentir. Je ralentissai quelques mètres avant que je n'arrive jusqu'à cette personne. Cette dernière se retourna suite au bruit des pneus qui ralentissaient sur la route ce qui fit plusieurs traces sur le long du bitume. La voiture s'arrêta à quelques centimètres des jambes de la personne plantée en plein milieu de la route. Le fait d'avoir ralenti avait provoqué une légère fumée blanche. Je sortis alors de la voiture afin d'aller à la rencontre de cette personne dans le but de présenter mes excuses. Au moment où j'arrivais à son niveau, je reconnus immédiatement la personne en question :
— Mais qu'est-ce que tu fiches en plein milieu de la route ! J'aurais pu te tuer !
— J'aurais pensé que c'était ton but. Tu souhaites te débarrasser de moi alors peut-être que tu souhaitais me renverser.
— Certes, j'aimerais bien me débarrasser de toi mais je ne suis pas comme ça.
— Apprend à conduire, sale parano !
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