2 🍂 Rentrée des peurs...

°  La motivation à faire des ragots sur un drame a tendance à s'affaiblir lorsque nous sommes les coupables de la situation et non les victimes. °

Taehyung

Le réveil n'a jamais été une mince affaire avec moi. Il faut en général une cinquantaine de sonneries aux tonalités différentes pour me tirer du lit. Ce matin c'est encore plus étrange car je me réveille sans me souvenir d'avoir dormi. Le matelas trop dur à mon goût me paraît collant à cause de mes sueurs froides nocturnes. J'aurais dû prendre mes médicaments pour faire redescendre le stress.

Mon après-midi de la veille s'est résumée à attendre. Oui. J'ai attendu avec patience que Jungkook explose. Assis sur le matelas, je me suis persuadé qu'il viendrait m'insulter et ou me taper. Il est toujours celui qui entame le conflit. Rarement avec ses poings mais sait-on jamais comment il peut réagir à ma présence. Ainsi, j'aurais rendu les coups une bonne fois pour toute et on aurait crevé l'abcès. Manque de peau pour moi, c'est tout le contraire. Au dîner, il ne m'a pas accordé un regard.

Il n'est jamais revenu. Pas même pour défaire ses bagages que je perçois dans ma vision périphérique. Il a dû passer cette lune dans la chambre de Jamal et Liam. Si tel est nôtre accord, il me va. Il me va très bien car je ne supporterais pas de m'endormir avec lui à deux centimètres. L'un de nous ne se réveillerait pas.

À ma gauche, la sonnerie de mon portable persiste. Bien obligé d'assumer cette demie nuit blanche, je me redresse, non sans une plainte audible et je l'éteins. 07h30 du matin. Selon la brochure, le petit-déjeuner est servi de 07h30 à 08h30, après quoi il faut se rendre en classe. Je peux donc prendre ma douche puis manger ou faire l'inverse. Si je suis honnête, aucune des deux options ne me fait envie.

Comme rentrée de terminale, j'ai imaginé mieux. Désabusé, je fais basculer ma couverture de laquelle s'échappe une chaleur conservée dans mon sommeil. Tout est chaud aux alentours. Il me faut une douche à tout prix et au pire des cas, je ne mangerai rien.

Après un soupir, je joins mes mains entre elles et clos les paupières. Je n'aime pas prier quand j'éprouve autant de colère. Je me sens hypocrite envers Dieu. Mais avant une rentrée à l'école et face à l'épreuve que représente Jungkook, j'ai plutôt intérêt à garder ma routine.

— Seigneur, je te remercie de m'avoir permis de voir le jour ce matin. Une nouvelle année scolaire s'apprête à commencer et en vrai, je crois que je stresse un peu. Je vise la IVY leagues. N'importe laquelle des universités m'ira mais je ne crois pas vouloir faire mes études ici au Canada. Je crois avoir fait le tour, tu vois ? Je m'égare. Tout ce que je voulais dire c'est que je remets ça entre tes mains. Toi seul seigneur peut alors sans crainte, je remets tout ça entre tes mains. Je voulais aussi te demander mon Dieu de me pardonner pour-

— Te fatigue pas. Même si Dieu était dans l'internat, tu serais la dernière personne qu'il pardonnerait.

La bulle dans laquelle je me pensais enfermé éclate. La lumière du couloir filtre par l'entrebâillement de la porte. Jungkook est là, près de son matelas. Il me balance sa pique sans même m'accorder un regard. Il farfouille dans son sac à la recherche d'une serviette à balancer sur son torse nu.

— Dieu pardonne tout le monde. Y compris les gens simples d'esprit comme toi. Si ça c'est pas de la générosité ! Tu devrais tenter d'en faire autant.

Moi je ne me bats pas en retraite comparé à lui. Je le fixe sans vergogne, fâché qu'il se soit permis d'interrompre ma prière. En refermant son sac, il soupire. C'est l'une des raisons pour lesquelles je refusais d'être placé en internat. J'ai besoin d'une intimité avec Dieu sinon j'implose. Et si monsieur est dans les parages à chaque fois, mon aise va s'en trouver menacée.

— Je ne pardonne que ce qui est pardonnable, lâche-t-il avec plus de calme que je ne l'aurais imaginé.

Il n'attend pas de réponses de ma part et sort de la pièce pour, j'imagine, rejoindre la salle de bain. Jungkook a pris la décision pour moi, je vais descendre manger un bout. J'attrape le sweat à capuches que j'ai jeté au sol pendant la nuit et l'enfile. Sur la brochure rien ne dit si l'on est autorisé à descendre en pyjama ou non. Je le prends pour une autorisation.

C'est étrange pour moi de me balader pieds nus dans un endroit où mes camarades de classe se trouvent. Je remets donc au moins mes chaussettes avant de descendre. Je croise peu de garçons dans les couloirs et au réfectoire, c'est aussi vide. Nous devons être dix à peine. Une queue de pas plus de trois élèves est dressée devant les cantiniers. En m'y rangeant, j'aperçois Arthur. Il est en pleine conversation avec l'homme qui le sert. Je rougis ne m'étant même pas brossé les dents. Avec toute la discrétion dont je peux faire preuve, je retire les poussières de mon visage et tente en vain de me donner un air moins fatigué.

— Oh, Taehyung ? Merci Larry.

Plateau à la main, il revient sur ses pas. Arthur se glisse entre les plateaux et les élèves pour me rejoindre. Il a meilleure mine que moi. Lui aussi arbore un sweat mais sans capuche et un pantalon de pyjama. On dirait simplement qu'il s'est donné la peine de se brosser les dents et de se laver le visage.

— Toi aussi t'es du genre à manger avant de te préparer ? Ici quasi tout le monde préfère faire l'inverse.

Je peux d'ores et déjà constaté les avantages. J'ai deux choix pour le petit-déjeuner. Je lui rétorque rapidement qu'en général, je ne mange rien le matin donc ça m'importe peu. Je me présente pour respecter le programme de la brochure mais d'ici une semaine, je privilégierai le sommeil tardif. Mon tour arrive en vitesse. Je salue le cantinier qui est seul à gérer pour l'instant et choisis les toasts avec les saucisses de porc et le jus d'orange. Avec Arthur, on repère une table vide. On s'y assied. Hier il n'a pas mangé à mes côtés, choisissant deux personnes de son entourage. Ce matin, ces mêmes personnes sont présentes mais il ne me quitte pas. J'apprécie l'intention.

En face de moi, il garde son téléphone en main et me fait signe d'attendre. J'entends le bruit d'une vidéo, puis d'une autre et encore une.

— Ah tiens, regarde ! Ce Tik Tok m'a grave fait penser à toi.

Il me tend l'appareil. Je relâche donc ma fourchette pour tomber sur la vidéo d'un mec qui sous alcool parvient à tenir en équilibre sur une poutre. Pour ma part, j'ai chuté au sol. Ce souvenir est assez flou mais il me semble avoir ri longtemps après ça. Je ne savais pas qu'Arthur était dans le coin à ce moment. On a passé du temps ensemble à cette soirée, cependant il a aussi beaucoup exploré la piste de danse et ce n'est pas mon style. Les fêtes en général ne le sont pas mais ce n'est qu'un détail.

En souriant de gêne, je lui rends son portable. Arthur le pose sur la table sans couper la vidéo. Il la laisse tourner en boucle tout en se concentrant sur l'ouverture de son ketchup en sachet. Je récupère ma fourchette et attrape un morceau de bacon. Décevant. Il est quelque peu mal cuit et dur sous la dent. Je le préfère tendre.

— Euh sinon, on voulait te demander avec les gars. Hier, Jungkook a demandé à l'intendance de te retirer de la chambre. Le mec a presque fait un scandale. Il y a embrouille entre vous deux ?

Embrouille ? Le mot est faible. Parler de guerre me semble plus approprié. 

— Ah ouais, il a fait ça ? Il n'y a pas de conflits entre lui et moi à proprement parler. En vrai, c'est juste qu'on ne s'entend pas. Des broutilles quoi.

— Donc il y a pas embrouille mais il demande à te faire changer de chambre ?

— Ouais. Je reviens, je vais chercher de l'eau.

Je me lève de ma chaise à la recherche d'une échappatoire. Je garde les raisons de mes disputes avec Jungkook pour moi. Parfois, je me dis que c'est pour éviter que trop de gens ne s'en mêlent. D'autres fois, je m'avoue que c'est parce que dans cette histoire, je n'ai pas le bon rôle. La motivation à faire des ragots sur un drame a tendance à s'affaiblir lorsque nous sommes les coupables de la situation et non les victimes.

Par chance, quand je reviens avec ma carafe, Arthur ne relance pas le sujet et se contente de me montrer des Tik Tok. C'est amusant car je n'ai qu'un réseau social. Pour le coup, chacune des références qu'il estime que je devrais connaître me sont inconnues. Sur Instagram, ce n'est pas le contenu mis en avant. De plus, je n'utilise cette application que pour suivre le contenu de Jane que je vais enfin revoir aujourd'hui. À miser, ça doit être la seule chose positive de la journée. 

Au bout d'une trentaine de minutes, je remonte. Le réfectoire est plein, signe que beaucoup ont terminé de se préparer. Il ne me reste que quarante minutes pour me rendre potable. J'arrive donc dans notre mini appartement décidé à me faire propre. Ma mâchoire se décroche en croisant Jamal et Liam dans le couloir. Les deux me lancent un regard désespéré.

— Sérieux ? demandé-je dépité.

— Fais la queue, me lance Liam qui est premier dans cette dite queue.

Affalé contre son fauteuil roulant, son agacement ne m'échappe pas. À ce rythme, aucun de nous ne sortira à l'heure. De là où nous sommes, les chantonnements de Jungkook sous l'eau nous parviennent. Quarante minutes pour trois garçons ? Il se fout de la gueule du monde ?

— Personne peut lui dire de sortir là ? maugrée-je en me rangeant derrière Jamal dans le couloir étroit pour ne pas dire étouffant.

— Parce que tu crois que c'est pas déjà fait ?

Jamal à son tour, s'appuie sur le mur, serviette et trousse de toilette à la main.

— Les retrouvailles avec ta meuf en sentant le bouc, ça va être marrant, le charrie Liam.

— Alors toi !

Jamal riposte en ébouriffant ses cheveux et en l'accablant de chatouille. Les deux entament des chamailleries et je reste là avec comme seule accompagnatrice, ma mauvaise haleine parsemée de bacon.

🍂

— Vite, on se dépêche.

Tête baissée, je dépasse le surveillant près de la porte de l'internat et sors enfin du bâtiment. Ça relève de la victoire à ce stade. Liam a eu la décence d'être rapide. En dix minutes il était sorti de la salle de bain. Je n'ai pas eu la même chance avec Jamal qui a pris exemple sur son meilleur ami. Je suis le dernier à sortir. Heureusement, l'école est à quelques mètres. Il suffit de traverser les tables de pique-nique, les arbres et de monter les escaliers en pierre. Sac à dos à peine bien attaché, je trottine pour réduire mon retard.

Mon uniforme ne m'avait pas manqué. J'ai dû prendre des cuisses car le pantalon me gêne. En entrant dans l'établissement, je referme mon gilet noir sur le polo qui contient le blason de l'école. Un lion rugissant et piétinant un sablier. Mettre la veste aurait été plus judicieux pour le froid mais en cette rentrée compliquée, je tiens à porter un vêtement que ma mère m'a acheté. Ainsi, c'est comme si elle était avec moi.

Au loin, près des casiers, je reconnais la doudoune beige de ma meilleure amie. Elle est dans les bras de Jamal et durant cinq secondes je suis gêné à l'idée d'interrompre cette étreinte. Ma bonne volonté de les laisser à leur idylle s'envole quand je me rappelle qu'il est en partie responsable de mon retard. Le couloir est plein. La honte ne m'empêche pourtant pas de hurler son prénom. Jane se tourne et l'expression sur son visage vaut toutes les autres. Elle chuchote quelque chose à son copain, il s'éloigne et elle me court dans les bras. Notre différence de taille l'oblige à m'enlacer par le bas de la taille et moi à caler une main sur ses multiples tresses brunes. Je retrouve avec joie ce doux mélange de fruit de la passion, de fleurs blanches et de vanille noire. Enfin.

— J'ai un milliard de choses à te raconter !

Elle recule et manque de percuter une fille dans son dos. Je la rapproche donc des casiers afin que nous puissions parler sans être dérangés. Dans la forme, Jane n'a rien à me dire. Elle expose toute sa vie sur les réseaux sociaux depuis son plus jeune âge. Certes, je ne l'ai pas vu des vacances, mais je n'ai rien loupé de son voyage en Croatie ni de ses péripéties avec sa valise perdue. Ça c'est dans la forme car dans le fond, les choses sont différentes. Disons qu'en étant son meilleur ami, je gagne l'accès aux informations exclusives.

— Bon déjà la Croatie.

Jane porte encore les marques de son bronzage. Elle n'a pas la peau très foncée dûes à ses origines camerounaises alors lorsqu'elle bronze, la différence saute aux yeux. Je sais que c'est son teint préféré car il est en parfait harmonie avec son gloss nude. Ici au Canada, la chaleur ne règne pas alors elle ne va pas tarder à le perdre. Étant à Vancouver, nous avons la chance de n'écopper que des pluies et non des neiges mais ça ne rend pas notre soleil plus puissant.

— Et là, le mec me dit qu'il ne sait pas où est ma valise. Je me dis que je rêve, franchement. Mais en gros, l'escale en France a été une catastrophe à cause d'un problème technique à l'aéroport. Une tonne de vols annulés ou suspendus et celui qui contenait ma valise, s'est arrêté je ne sais où et on en a perdu la trace pendant des heures. Je voulais gueuler sur le mec mais il ne faisait que son travail, tu vois ? Donc-

Elle s'interrompt en réalisant que tous les élèves se précipitent vers l'auditorium. Je lui fais signe de se mettre en marche sans pour autant arrêter de me raconter son anecdote. Jane ramasse son sac et s'accroche à mon bras pour rejoindre la salle. Cette dernière est pleine à craquer et surtout, la directrice est déjà à son pupitre. On ne fait donc pas les difficiles et on s'assied sur les premières places vides.

— Bonjour et bienvenue au Vancouver College. Je suis madame Dawson votre directrice. Avant toute chose, je vais laisser la parole à votre CPE.

Jane s'arrête de parler. Je bouillonne à l'idée de lui raconter que Jungkook se retrouve dans ma chambre. J'ignore si Jamal ne m'a pas devancer ce qui serait logique. On accorde notre attention à monsieur Blair qu'on connaît déjà des années précédentes. Pour ma part, c'est de courte durée car mon téléphone vibre contre ma cuisse.

Je n'y aurais pas prêté attention si d'un coup, plusieurs sonneries de portables n'avaient pas retenti. Notre CPE en profite pour tous nous réprimander au micro sans pour autant gâcher l'ambiance de son discours qu'il veut amusant. Je sors l'appareil de ma poche dans l'idée de l'étreindre mais la notification m'empêche de le faire. 

FEARLESS : Joueur Taehyung, ta participation est validée. Dans les prochaines heures, les règles du jeu te parviendront. Je te révèle déjà la première.
FEARLESS : Règle numéro un : N'avoir peur de rien.
FEARLESS : Bonne chance.

🍂

Fin de chapitre !

Que le jeu commence ! Comme déjà précisé, Elijah n'est que le second prénom de Taehyung. Je le remets là pour ceux qui n'auraient pas vu. Mais le perso s'appelle bien Taehyung 🤭.

Je suis heureuse de reprendre les updates !

On se dit à mercredi, pour connaître d'autres règles de FEARLESS ?

Kiss, kiss <3

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