Fe Skov, Chapitre VI
Mais que fait-elle ici ? A-t-elle tout vu ? Je ne sais pas...
- « Jordun, va la voir, je désactive la barrière. Faut à tout prix savoir jusqu'où elle sait avant de la laisser sortir d'ici ! » enchaine Pat.
Celui-ci part donc à la rencontre de ma camarade blonde qui continue de réclamer quelqu'un. Ils reviennent bras dessus bras dessous et il fait un signe de tête négatif. Elle ne semble avoir rien vu de ce qui s'est passé. Quel soulagement.
Après cet évènement, la population commence à se disperser et fais de même. Je dis au revoir à Jordun en lui faisant un signe de la main et aperçois Ask. Je le fusille du regard. J'ai eu beau faire semblant d'accepter son baiser, j'ai juste voulu en finir. On obtient rien par la force. Il faut ruser pour parvenir à ses fins surtout avec les personnes plus puissante que nous.
Je passe l'encadrement de la porte et commence à marcher. Ma journée a été mouvementée. Si je résume bien... j'ai été virée de cours de biologie par M.Roland, j'ai vu une forêt à travers une vitre que j'ai voulu enjamber mais Ask m'a retenue. Je me suis pendue par les pieds au portail puis ai été de corvées de travail. Je me suis réveillée dans une infirmerie, la cuisse bandée. Ma cuisse, j'ai oublié ! Je n'ai pas senti de douleur depuis le départ de l'établissement scolaire. Je me stoppe et regarde ma jambe. Je la bouge de droite à gauche, de haut en bas. Je fais des rotations interne et externe. Rien. Pas de sensibilité. Je tente de sautiller sur place d'un pied à l'autre et observe l'horizon noir. Je décide donc de courir comme dans une course effrénée jusqu'à chez moi. J'arrive au pied de mon immeuble et monte les marches. J'arrive dans mon appartement il est 23h, je bois un bon verre d'eau et me dirige vers mon lit douillet et chaud pour mieux reprendre des forces et me lever plus facilement demain matin pour aller à l'école.
Je suis dans la pénombre. L'odeur qui se trouve autour moi est typique des salles sentant le renfermé. D'autres molécules se font sentir. Se mélange est très fort et désagréable en nez. Pourquoi suis-je enfermée ici ? Ah... je me rappelle. Je fuie. Qui ? Ça ne me vient pas. Des halètements venant de derrière moi et chatouillant mes cheveux se font entendre. Je me retourne et vois des billes iridescentes me fixer. Je me sens mal à l'aise et tremblante. Soudain, un meuglement féroce et puissant est perçu suivit d'un tremblement dont l'épicentre se trouve clairement près d'ici. Très près. Je me liquéfie sur place. Ce bruit vient de derrière moi. Quoi que ce soit, il est grand, très grand. Je pose ma main droite sur la poignée, l'abaisse et me faufile rapidement à l'extérieur, terrifiée.
Je commence à sprinter mais devant moi, se trouve un pavé surélevé que je prends rapidement dans le pied me mettant à terre. Je me fige regardant l'ouverture laissée par la porte collée contre le mur. Ce « quoi » se révèle être une énorme créature mythologique mi-homme, mi-vache. Je n'en reviens pas, c'est un Minotaure. Son regard s'attarde sur moi et je vois bien qu'il compte s'amuser avec moi, étant donné que pour lui, je ne suis qu'une proie facile. Un second cri sort de sa gueule grande ouverte. C'est parti, le match commence. Je me remets sur mes pieds en vitesse et commence à fuir aussi loin que je peux de cette bête hideuse semblant venir tout droit de l'Enfer lui même. Une lumière se dessine sur ma gauche et la suit mais regrette vite mon geste. C'est une impasse. Malgré mon prédateur, je fais demi-tour esquivant in extremis son attaque manquant de peu un étranglement par mon écharpe maintenant épinglée sur le mur par ses cornes.
- « Mon écharpe ! » dis-je en la regardant pendre.
Malgré mon réel attachement pour cette écharpe, je décide d'en profiter et de m'en éloigner à nouveau. Je tourne à chaque virage qui me fait fasse perdant le fil de mon avance sur mon poursuivant ne sachant ni où je me trouve ni où mes jambes m'emmènent. Je suis exténuée. Je me penche, mettant mes mains sur mes genoux, haletante et transpirante. Ne sortirais-je donc jamais ? Je lève la tête comprenant maintenant la véritable nature de l'école. C'est un labyrinthe et pas n'importe lequel... c'est LE labyrinthe de Dédale. Ses sabots martelant le sol et ses cris se rapprochent et finissent par s'arrêter. Je risque un regard en arrière, il est là. Me fixant, tête basse et encore plus impatient. Il fonce dans ma direction. Je veux m'enfuir mais mes jambes n'en peuvent plus et ne bougent pas. Ne voulant pas voir ce qu'il pourrait se passer, je ferme les yeux acceptant les futurs coups. Mais seul un sifflement perce l'air.
J'ouvre un œil et comprends. Jordun vient de se mettre en travers de son chemin lui faisant face. Apparemment, mon assaillant ne l'a pas prévu dans son jeu du chat et la souris et en est offusqué.
- « Tu cours vite on dirait poulette.
- Jordun ! Pousse toi, tu vas te faire tuer ! lui crié-je affolée.
- Tu as fais sortir une bien belle bête de sa cage, je la matte et après je m'occupe de ton cas. »
Je peux y voir un sourire sadique et glaçant se dessiner sur son visage. Je dois rêver... Comment peut-il la battre, c'est un punaise de Minotaure de grande envergure ! C'est pas possible, il n'a plus toute sa tête, je n'aurais peut-être pas du lui crier dans l'oreille, son instinct de survie s'est fait la malle. Ne voulant pas qu'il se blesse à cause de sa témérité et de plus, par ma faute, je me dirige vers lui hâtivement.
- « Arrête, va-t-en ! Je veux pas que tu meures à cause de moi ! »
Mais il ne l'entend pas de la même oreille. À peine me suis-je retrouvée à son contact qu'il me propulse en l'air, à l'aide de son bras, terminant ma course dans le mur que j'affaisse sous mon poids multiplié à cause de l'énergie cinétique emmagasinée. Le coup porté me sonne mais ma lucidité persiste. Je lance un regard dans la direction de Jordun.
Mes yeux s'ouvrent. L'homme qui vient de me jeter au sol commence à enlever ses vêtement. Sa veste, son pull, son pantalon, ses chaussettes et ses chaussures tombent les un après les autres. Son caleçon ne tardant pas à rejoindre ses amis sur les pavés. Il vient de se mettre littéralement à nu devant son adversaire. Quel humain est assez fou pour faire ça ? Jordun l'est. Je continue de l'observer mortifiée ne sachant pas ce qu'il adviendra de lui. Mais... qu'est-ce que ?
Son corps commence à tirer vers le vert émeraude. Il est en train de briller. Non, ce sont des écailles qui se dévoilent. Il courbe son dos, non sans échapper des petits cris refoulés de douleur, laissant apparaître des ébauches de pointes à chaque emplacement de ses vertèbres thoraciques. Une membrane de jade translucide émerge accolant ses bras à son bassin qui se déforme, ainsi que ses jambes entre elles. Celle-ci continue de grandir ne formant qu'une extrémité telle une queue. Ses épaules se haussent pour venir se coller à ses oreilles qui elles, s'aplanissent en longueur et en largeur pour former un collet faisant tout le pourtour de sa nuque. Son crâne finit par s'étaler en avant déterminant un début de gueule où à l'emplacement de son nez, on y trouve un museau. Ses dents ne sont plus désormais qu'aiguilles tranchantes. La couleur de ses yeux se fait plus profonde et sa pupille ovale voire anguleuse. Il n'est décidément pas humain... Et pour me le prouver, un langue bifide sort de sa bouche dans un sifflement aigüe. Je n'ai pas un homme devant moi, mais un énorme serpent de plus de dix mètres de long. Je suis effarée et en même temps captivée par ce qu'il se trouve à quelques mètres de mes yeux.
Le combat entre les deux animaux fantastiques commence. Le demi-taureau essuie échec après échec le mettant encore plus sur les nerfs. D'autres cris de guerre émanent de la progéniture d'adultère. Jordun l'attaque en lançant sa tête en avant et discrètement, entoure petit à petit la proie devant lui. Finalement à quelque seconde de sa nouvelle attaque furtive, Astérios remarque la queue s'approchant de lui et fend l'air pour l'esquiver. Soudain, ses sourcils se froncent. Il se hâte dans ma direction, tête raclant le sol alors que j'essaie de me relever. Je suis en l'air, entre ses cornes, une cuisse perforée. J'en lâche des exclamations de surprise et de douleur. Ma vue se trouble, mes oreilles sont prises d'acouphènes entendant de loin le râle glacial et vainqueur de la bête sanguinaire.
- « Reposssse-là, elle n'est pas ton oppossssant ! » hurle Jordun.
La créature de l'Enfer continue de pousser des râles horrifiants à nous tuer sur le coup. Il presse son pas, s'approchant petit à petit du serpent tout en agitant son crâne. Je rugis de douleur et commence à me laisser partir.
➵
- « Embla ! Embla ! Réveille- toi ! »
Quelqu'un me parle ? J'en ai bien l'impression.
- « Tu dois te réveiller. Tu ne peux rien faire comme ça. Contrôle-toi, contrôle ta blessure et tes douleurs. Passe outre ce qui est en train de se jouer. Passe outre les problèmes. »
C'est une voix de femme. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux, je suis vannée. Même si je ne la vois pas, je sens sur mon corps une chaleur accueillante à chaque mot prononcé par cette voix douce et mélodieuse. Dans le noir, je discerne tous mes os se surélever et mon dos se camper. J'ai l'impression de voler. Plus je monte et plus il fait chaud faisant circuler une « lumière » dans mon sang. Je la sens se déverser dans chacun de mes muscles et mes organes. Ma cuisse droite est moins douloureuse et une force jaillit des profondeurs de mon être. Cette effluve charnel se met à tambouriner et à me brûler la moitié de mon corps. Les brûlures s'intensifient coinçant mes vociférations dans ma gorge, puis disparaissent. Je me sens bien, plus à l'aise, plus adroite, plus... puissante.
- « Va. Initie toi à ton éveil. Reviens vers nous, Hel. »
➵
J'ouvre brusquement les yeux. Tout ce que je peux voir est le plafond, je tourne donc ma tête vers ma droite et l'aperçois. J'aperçois le Minotaure qui, les yeux exorbités, me fixe. Mais quelque chose a changé dans son regard. La peur... Il transpire l'inquiétude. Le reflet dans ses yeux me permets de constater l'origine de son affolement. Je vois ma tête dans sa pupille... Mes cheveux sont devenus beaucoup plus noirs, d'un sombre ébène, plus longs et d'un dégradé impressionnant. Mon œil droit a évolué dans un bleu cobalt profond. Tout mon corps s'est transformé. Ma peau est immaculée et ma partie droite est... nécrosée. Mon axe de symétrie caractérisant le fin fil séparant la vie de la mort.
Je retourne la tête cette fois-ci, vers le second combattant. Il me dévisage de ses yeux reptiliens où des larmes commencent à prendre forme.
- « Hel... », murmure-t-il.
Je lui donne un sourire sincère montrant toutes mes dents. Et j'entrepris un monologue me venant en tête.
« Par ma présence,
La Vie et la Mort se jaugent,
mais la Mort deviendra mon temple.
La vie tentera de s'intensifier
or ma forme finale, ne peut l'aider.
Je suis la Beauté, je suis la Laideur.
Je suis la Lumière, je suis la Noirceur.
Avec moi, ton jugement dernier arrive à grands pas.
Sauras-tu dans quelle voie tu t'embarques ? »
Mon corps se soulève me détachant de la brute m'ayant empalée précédemment. Un halo de lumière transperce le plafonnier dont je me rapproche, mes bras et mes jambes ballants. Le fils de Pasiphae recule de quelques pas, et je me pose délicatement sur le dos au sol. Je ne bouge pas. Mais quand enfin je tente de relever mon buste et mes genoux, ma tête et mes membres thoraciques sont rejetés en arrières tel le réveil d'un mort-vivant. Je suis maintenant assise, le front accolé à mes rotules. Je me lève, avec difficulté, comme si mon corps ne m'appartient pas et qu'il faut l'apprivoiser. Je titube mais finis pas me tenir droite.
Je suis face à Jordun qui laisse ses larmes pleurer à torrent. Je ne m'attarde pas sur ça mais, dans mon fort intérieur je suis chagrinée de le voir comme ça. Je vire de bord et me voici, yeux dans les yeux avec la bête qui m'a blessée. Elle grogne tout ce qu'elle peut et ne m'effraie en aucun point. Je m'avance sûre de moi, sûre de ma force. Elle recule mais n'aimant pas ma témérité, charge dans ma direction. Je tends ma main en avant, poignet cassé puis le redresse rapidement avec le pouce, l'index en l'air et les autres doigts légèrement pliés. Le Minotaure se stoppe dans sa lancé presque à quatre pattes. Il ne bouge plus, ne meugle plus. Il est... comme paralysé. Je continue ma marche, passe ma main droite sur son épaule à tribord, le contourne en laissant trainer mon extrémité palmaire sur son dos, le caressant du bout des doigts. Sa peau tressaille à chacun de mes passages, ses poils se hissant sur toute sa chair.
- « Astérios, fils de Pasiphae et du taureau blanc crée par Poséïdon, enfermé par Minos mari de ta mère dans un labyrinthe créé par Dédale. Enragé par ta soif de faim et d'horreur. Souffrant de ta solitude et de ton apparence. Quel chemin voudrais-tu suivre ? »
Je m'arrête face à son museau percé d'un anneau qui bouge sous sa respiration profonde et saccadée. Pour toute réponse un grognement féroce se fait entendre. J'appose mon front sur le sien et sonde son âme. Les yeux d'Astérios changent de pigments pour devenir noirs, ils ne sont plus rouges flammes et son visage semble plus reposé.
- « Ton choix est entendu. »
Delà, ses paupières se ferment. J'embrasse la bête du baiser de l'ange et une lumière blanche s'ouvre sur le mur derrière lui, l'aspirant particules après particules jusqu'à ne plus voir un atome la caractérisant.
Un « merci » parvient à mes oreilles dans un faible murmure. Dans le couloir, il ne reste que Jordun et moi. Je me retourne pour observer le sang froid et entame une marche vers lui.
Il tremble de tout son être. Non pas de peur mais de surprise et de stupéfaction. Il n'en croit pas ses pupilles. Ça fait si longtemps qu'ils ne se sont pas vus, qu'ils ne se sont pas parlés, qu'ils ne se sont pas touchés. Cela fait des milliers d'années.
À un mètre de lui, j'écarte les bras vers lui et s'étend de tout son long dedans. Je peux sentir dans mes mains sa transformation qui commence.
- « Jorm... Ne m'en veux pas. Je suis partie pour une raison. Je vous ai fait beaucoup de mal à Fen et à toi, je le sais mais si je me suis cachée, c'est que... Je ne pouvais pas faire autrement. Je t'en pris garde le secret et fais moi confiance... Pardonne moi. »
Mes yeux se couvrent d'un voile, mes membres s'engourdissent et mes oreilles bourdonnent. Ma partie droite reprend vie petit à petit et bientôt, alors que le corps humain de Jordun se retrouve dans mes main, je me dissous dans la profondeur de mon âme. Sous mon inconscience et la douleur de ma cuisse revenant au galop, mes jambes défaillent me laissant tomber au sol que je touche pas grâce aux bras de Jordun me retenant.
BOUM ! Je me réveille en sursaut. J'observe mon environnement et constate que je suis tombée de mon lit. Je regarde l'heure, il est 4h00. Était-ce un rêve ? ou... un souvenir ? Je me lève et me rapproche de la cuisine pour aller boire un verre. J'en profite pour aller faire un tour aux toilettes tout en me posant des questions. Tout se tient. Ma blessure avec la corne du Minotaure, ma vision d'Hel lors de mon repas avec les deux frères, la nature de loup d'Ask et le non intérêt qu'ont pu porter les spectateurs du restaurant sur sa transformation. Pourquoi Jordun ne serait-il pas un grand serpent de dix mètres ? Tout se tient... Qui peut bien être Hel ? Pourquoi elle se présente aux autres via mon corps ? Que peut-elle cacher ?
Je finis par passer devant le miroir. Étant en short pour dormir je m'attarde sur ma cuisse droite. La blessure ne me fait plus mal mais en apparence, elle n'est que tâche noire.
_________________________________________________________________________________
Salut tout le monde ! :)
Il est tard je le sais mais voici le chapitre 6 !
Dites moi ce que vous en avez pensé en commentaire ! ;)
Voili Voulou, je vous souhaite une bonne lecture et une bonne nuit ! :D
_________________________________________________________________________________
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top