Mayla se stoppa net dans sa marche avant de se retourner, non sans déglutir difficilement.

- Qui êtes vous ? Lui demanda l'homme sèchement les mâchoires serrées.

Sa voix ne diminuait en rien la peur qu'il lui faisait ressentir à ce moment précis.

- Je fais partie des bénévoles travaillant avec madame Einar, Votre Grandeur. Arriva t-elle à affirmer malgré elle.

Rien n'avait changé dans son regard. Elle le soupçonnait d'être déjà informé de ce qu'elle avait dit.

- Et qui appeliez-vous qui nécessite que vous vous déplaciez jusqu'à cet endroit ? Questionna t-il entre ses dents, les sourcils froncés.

Elle s'étonna qu'il maîtrise sa langue mais reconnu cet accent chaud qui rendait ses phrases encore plus terrifiantes.
Son cœur commença à multiplier ses battements car elle avait peur qu'il la démasque maintenant. Elle se devait de trouver un échappatoire tout en paraissant crédible.

- C'était ma mère, elle désirait savoir comment ça se passait ici. Je suis descendue pour avoir un peu de calme.

Ce qui n'était pas un mensonge.
Il ne paraissait pas tellement convaincu mais arborait une expression faciale on ne peut plus normale. Il plissa ses pupilles impénétrables en avançant de deux pas pour l'atteindre.

- Vous savez mademoiselle Steele, pour des raisons qui me sont encore inconnues, je me méfie de vous. Alors s'il s'avère que vous me mentez, je me chargerai personnellement de votre cas, croyez moi. Claqua t-il de sa voix gutturale.

Mayla faisait de son mieux pour garder un visage détendu alors que c'était tout le contraire qui se passait à l'intérieur de son être. Elle était totalement paniquée.

- C'est entendu..

Sans ajouter quelque chose à son regard méfiant, il se dirigea vers l'ascenseur d'une démarche assurée puis y monta. Elle cessa de respirer au moment où il lui fit face jusqu'à ce que les portes de l'engin se referment sur sa silhouette massive.

Elle relâcha enfin tout l'air bloqué dans sa poitrine en fermant les yeux. Cet homme était aussi beau qu'éffrayant, c'était le cas de le dire. À présent, elle devait doubler de prudence car le Cheikh lui-même était à ses trousses. Cela rendait son travail encore plus compliqué.

- Oh mon Dieu comment vais-je m'y prendre maintenant? Se demanda t-elle en se collant au mur à sa droite.

Quelques minutes plus tard après qu'elle ait reprit ses esprits, elle décida de remonter et de raccourcir sa course de peur de trouver le Cheikh dans les parages.

Mayla rentra discrètement dans la chambre qu'on lui avait attribué pour l'événement et sortit son ordinateur à la hâte. Elle eut la bonne idée d'envoyer le rapport de la première journée à Mr Gordon au cas où elle se ferait démasquer..
Elle lui envoya donc tout son travail accompagné d'un mail pour lui expliquer la situation.
Puis d'un clic, elle supprima le dossier de son ordinateur. Toutes preuves de son travail ayant été effacées, elle soupira de soulagement avant de sortir de sa chambre. Elle créera un nouveau dossier pour cette 2e journée.

À peine retrouvait-elle Saraï que celle-ci l'informait qu'elle devait commencer à se préparer. Mayla fit donc un effort vestimentaire -car elle faisait partie du cortège du Cheikh- mais resta évidemment sobre pour éviter de se faire remarquer, c'est le contraire qu'elle souhaitait à ce stade de sa mission. Surtout que le Cheikh avait dit plutôt qu'il se mefiait d'elle, raison de plus pour se faire petite.

La journée se déroulait sans encombre dans une ambiance très festive. La musique orientale était très entraînante et la population ne cachait pas sa fierté. Des bédouins chantaient à l'honneur du nouveau Cheikh Khalil Al-Moha.

Mayla avait cessé de filmer discrètement car elle était entourée des autres bénévoles. Elle se devait donc de suivre attentivement ce qui se passait pour mieux rédiger un compte rendu. Saraï l'avait abandonné de la journée pour être aux côtés de son mari, qui était un ministre. Il était difficile de voir le Cheikh car il était entouré de ses gardes et était vêtu d'un grand vêtement traditionnel qui le couvrait totalement.
Elle grimaça en se demandant comment il pouvait tenir par cette chaleur écrasante.
Jusque là tout allait bien.

Puis son téléphone vibra dans poche. Elle prétexta une envie pressante auprès de ses collègues et s'éloigna.

- Monsieur Gordon ? Commença t'elle après avoir décroché.

- Mademoiselle Steele je suis très satisfait de ce premier compte rendu. Le résultat est très impressionnant ! J'ai eu l'impression d'être à ce défilé avec vous!

Mayla sourit jusqu'aux oreilles. Elle oublia l'espace d'un instant comment elle travaillait sous pression.

- Merci beaucoup je suis touchée. Ça m'encourage pour la suite.

- Bel état d'esprit. Je vais garder ce dossier secret en attendant les autres.

- Bien monsieur.

- Cependant mademoiselle Steele, j'aimerais que vous ajoutiez un dossier de plus à votre travail.

Mayla fronça les sourcils.
Quoi ?

- Mais le défilé ne se tient que sur quelques jours. Je devrais rentrer bientôt..

Il ne répondit pas. Mayla savait ce qu'il s'apprêtait à faire, il voulait augmenter son travail déjà stressant. Il voulait allonger son séjour.
Elle le connaissait bien depuis quelques années maintenant.

- Comme je l'ai dit tantôt ce premier travail est parfait mais il le serait encore plus si vous y ajoutiez les us et coutûmes de ce peuple particulier.

Son cœur lâcha un battement. Il plaisante? Mayla décida de jouer la carte de l'ignorance.

- Je ne vous suis pas monsieur.

- En clair, il serait meilleur que vous ajoutiez à votre dossier les traditions, j'irai même jusqu'à dire les secrets de ce royaume.

- Mais vous venez de dire qu'il était déjà parfait ? Avança t-elle prudemment.

- Vous savez ce que c'est que le journalisme Steele, je ne vous apprends rien. Bientôt cet évènement s'ébruitera et même si nous aurons une grande longueur d'avance, les informations que vous avez seront connus mais on aura ce petit plus en ajoutant l'identité de ce royaume. Tant qu'à rendre le dossier croustillant, rien ne vous en empêche. Vous pouvez m'envoyer les rapports au fur et à mesure et même rester là-bas le temps qu'il faudra. J'ai triplé votre salaire mademoiselle Steele, à vous de faire votre travail. Ordonna t-il.

Il raccrocha.
Mayla ne savait même pas quoi penser. Elle savait qu'elle était trop bien payée pour qu'il ne lui fasse pas faire un travail supplémentaire. Elle allait reporter son départ mais se promit de ne pas rester ici plus longtemps qu'il le faudra. Elle soupira avant de se diriger vers les autres bénévoles.
Les choses se compliquaient et elle le sut au moment où elle sentit un regard pesant sur elle.