Ô Sapo
Comme à mon habitude,je reste seule dans un coin sombre et éloigné de la pièce,loin des autres et de leur vacarme agité.
Avec le temps, j'ai eu l'habitude de me blottir contre moi même, essayant de noyer mes larmes intérieures.
La douleur de la tristesse et de la séparation, envahie mon cœur meurtri. Dans une solitude qui est devenue mon quotidien.
Les souvenirs douloureux que je pensais avoir enterrés, reviennent aux moindres moments de détresse.
La vie ne m'a toujours pas donné des cadeaux,vivre sans argent, sans parents, dans une ville où les gangs ont le monopole de nos vies.
Ma pauvre mère était enseignante dans l'une des écoles de la Favelas,elle ne gagnait presque rien,mais faisait tout pour subvenir aux multiples besoins de la maison.
Et mon père,un ivrogne de haut niveau,qui ne s'était jamais soucié de sa famille,ne cessant pas s'accumuler les dettes partout.
Des frères ??
Bien évidemment j'en ai pas...Ma mère avait préféré n'avoir qu'un seul enfant à cause de la situation financière que traversait la famille.
Malgré les innombrables disputes de mes parents, j'ai toujours voulu rester au près d'eux jusqu'à mon âge adulte peut être.
Mais le destin a voulu autrement.
Morts lors d'un accident de voiture,aux alentours de 2h du matin, sur le bord de la rivière Rio Paraíba do Sul, quand je n'étais que toute petite, ayant l'âge de 4 ans, ils revenaient d'une fête d'un Prêtre de l'église d'à côté.
Tout au long de ma vie d'adolescente,j'ai pas vraiment grandi avec l'amour d'une mère et la protection d'un père. Bien que le mien était un ivrogne qui battait sa femme et sa fille dès qu'il en avait l'occasion.
J'ai grandi à la suite, dans la petite maison de ma tante maternelle,dans la favela de Jacarezinho au nord de Rio, près de l'aéroport international.
Rapidement,j'ai pu m'habituer à mon entourage. Ma tante était très chaleureuse et son unique fils Bernardo, âgé de 4 ans plus que moi, était très accueillant à mon arrivée.
Je me battais chaque fois pour subvenir aux multiples besoin de la maison.
Bernardo a eu à voler quelques fois, à l'insu de ma tante pour pouvoir avoir quelques choses à manger.
Ma tante travaillait chaque jour dans une épicerie du coin de la ruelle, Bernardo travaillait dans un magasin de vêtements et de nourritures et moi, je travaillais comme femme ménagère, dans les foyers qui avaient de l'argent pour me payer.
J'avais fini par finalement m'adapter à cette vie de misère avant que tout puisse basculer et changer complètement le court de ma vie à jamais.
***
Elle est morte...
Je me tiens là, debout devant un corps inerte qui se trouve devant moi.
- ma...ma...ma tante...
Le sang qui s'est répandu sur les épaves de la ruelle,le corps de ma tante ne bouge plus.
Rien...
Son sourire,sa bonne humeur,ses blagues,sa voix...rien.
Ses yeux sont fermés comme sa bouche
- Elle a été tuée par balle...
Le corps de celle qui avait été ma tante, était percé de tout part.Une balle s'était figée dans son front, faisant dégouliner du sang sur son visage, recouvrant son expression...Deux autres avaient traversé son ventre, créant un trou béant et étant à l'origine de l'énorme flaque de sang dans lequel le cadavre baignait.Et enfin une balle avait pénétré sa jambe laissant les muscles à la vue de tous.
Des frissons me parcourent le corps entier,ne sachant pas quoi faire dans cet instant.
- Pour...pourqu... pourquoi l'ont-ils tuée?
Les larmes parcourent mes yeux déjà humides,en voyant devant moi celle qui m'a hébergée,celle qui m'a soutenue et le plus important, celle qui m'a aimée comme sa propre fille.
Une gentille dame qui n'a jamais voulu du mal aux autres malgré tout,elle a toujours gardé le sourire face aux crises économiques que nous traversons,et nous a appris à nous battre pour ce que nous voulons.
Et près de moi,son fils Bernardo ne laisse pas apparaître de l'émotion sur son visage froncé.
- Ils l'ont tuée...dit-il
Dans le silence de mon profond chagrin, résonne tout d'un coup,les bruits d'armes à feu et des balles perdues dans les ruelles de la favela.
Sans réfléchir, Bernardo prend ma main et nous conduit dans une maison du coin abandonnée.
- Mais...Que fais-tu Berna ?
Il place instinctivement sa main sur ma bouche, pour m'empêcher de parler ou faire quelconque bruit.
- Tais toi Linda...Ils vont nous attraper et nous tuer si tu continues.
Nous tuer ?? Mais qui??
La seule sage décision qui m'est venue en tête c'est de me taire et me calmer, attendant que le bruit cesse pour pouvoir parler à Berna.
Dans un silence qui marque la fin des tirs,Berna prend ma main, pour nous conduire vers l'extérieur de la maison en sécurité.
D'un geste bref,il retire doucement sa chemise, avant de l'enrouler autour du corps sans vie de ma tante puis me conduit vers la maison.
Et me laisser dans un état traumatisant des évènements.
Assise toute seule devant la télé allumée,les multiples événements de la journée,ne cesse de trottiner dans mon cerveau.
Qui ont bien pu en vouloir au tant à ma tante à tel point de la tuer ainsi ??
Et le pire pourquoi Berna ne semble t-il pas affecté par cette tragédie ?
Il est clair que seul Berna peut répondre à mes questions les plus pertinents, calmement je prends un verre d'eau bien frais pour calmer mon angoisse attendant patiemment l'arrivée de Berna
Après quelques minutes interminables,la porte du salon s'ouvre,ce qui révèle Bernardo avec une chemise pleine de sang et les yeux gonflés. Une mine qui ne semble pas dans son habitude.
Il prend une profonde inspiration, avant de dire la première phrase.
- Le corps de maman est à la morgue. L'enterrement se fera dans deux jours.
Sans vouloir aller plus loin,il me jette à peine un regard , avant de se diriger vers la salle de bain en face.
Mais que fait-il?
Il n'a pas le droit de me laisser là, sans explication et s'enfuir comme un idiot.
Il est hors de question que je puisse le laisser s'en tirer comme cela, sans explication ni excuse.
D'un bon rapidement,je l'intercepte dans sa marche vers la douche.
- Pourquoi ne me dis tu pas qui l'ont tuée ?
Reste figé devant moi, évitant tout contact de nos yeux comme si il essaie de fuir une vérité cachée.
- Euh...je...tu...Linda...
Le seul mot sensé qu'il a pu faire sortir de sa bouche est mon prénom. Linda.
Il bouge sa tête dans tous les sens en essayant de trouver les bons mots peut être... Sans pour autant me regarder droit dans les yeux.
Calmement,je prends sa main un peu moite, entre les miennes, avant de la poser sur ma comme un ancien mythe le dit : " Si une personne ment,pose sa main sur ta tête et fais lui promettre de dire la vérité. Si il persiste avec son mensonge,tu vas devoir mourir dans les jours à venir."
- Sur ma tête...tu dois me dire la vérité Berna.
Un peu mal à l'aise,Berna semble suffoqué dans cet atmosphère de confession. Et moi,je n'ai aucune envie de le laisser tant que je n'ai pas eu ce que je veux.
- S'il te plaît je veux savoir la vérité Bernardo.
C'est là que dans un moment de tristesse,me voyant au bord des larmes que Bernardo finit par ceder, fatigué de devoir tout garder à l'intérieur de lui.
- CA SUFFIT LINDA...On l'a tuée... Maman a été tuée par nos ennemis.
Quelques veines se sont dessinées sur son visage qui était juste que la impassible.
- OUI maman a été tuée par nos ennemis. Le gang de la Favela voisine...ils ont toujours voulu nous tuer.
Mon sang se gèle immédiatement en entendant cela.
Un Gang ??? Ma tante faisait partie d'un gang ?? Nonn pas possible...
Ayant compris mon étonnement,Berna qui s'est un peu mieux calmé,prend doucement ma main avant de nous conduire près du fauteuil qui se trouve pas loin de nous.
Étant assise,je me considère maintenant comme une guerrière, prête à tout entendre.
Un grand souffle sort de la bouche de Berna, comme si il s'apprête à dire le plus grand secret qui puisse sauver la terre des invasions des extraterrestres...
C'est vrai que je ne crois pas aux extraterrestres, mais cela ne m'empêche guère de me rappeler du dernier film visionné avec ma tante... *L'invasion des aliens*
Son sourire me manque terriblement.
Je suis rapidement ramenée à la réalité,par la voix de Berna qui résonne dans la petite pièce qu'est le salon.
- Maman et moi faisons partie du plus grand gang de la favela. Commando Vermelho...As-tu déjà entendu parler ?
Je bouge ma tête, montrant une négation. Commando Vermelho...ce nom me dit quelque chose dont j'ai oublié.
- Elle devait rembourser les dettes de mon père au gang voisin... malgré ses innombrables efforts,le montant de la dette était élevé. Et jusqu'à maintenant,la totalité n'est pas encore payée... Alors ils voulaient que je puisse intégrer leur gang comme remboursement de toutes les dettes. Mais je ne pouvais pas ... Et ils ont décidé de tuer maman, lorsqu'ils ont appris que nous faisons partie du gang rival.Un peu comme des traîtres ce qui est complètement faux.
Figée sur ma chaise je n'arrive toujours pas à digérer ce que je viens d'entendre.
Tout cela semble comme un mauvais rêve auquel mon désir est de me réveiller et de voir que tout est faux.
- Son souhait était que tu ne saches pas tout cela ...mais un jour ou l'autre tu allais finir par savoir et nous rejoindre.
-Nous rejoindre ?? Quoi??Qui??Moi?
- Oui Linda...tu fais partie de notre Gang mais ne t'inquiètes de rien,je serai toujours là pour toi quoi qu'il arrive .
- Mais je ne veux pas...
Avant que je puisse ajouter autre chose,Berna m'arrête avec sa voix un peu rauque.
- Ô Sapo te voulait depuis que tu étais enfant...et il n'y avait pas d'autres options. Soit tu devais intégrer le groupe soit il allait tout faire pour te tuer.
Berna me prend dans ses bras,les larmes jaillissant de nos yeux.
- Je te promets que je prendrai soin de toi et je te protégerai quoi qu'il en coûte.
***
Et voilà comment j'ai atterri dans ce gang de la favela...
Les funérailles de ma tante se sont déroulées, dans le calme et tout l'honneur qui l'est dû, avec la participation financière d'autres habitants.
Et moi,ma vie maintenant attachée à ce gang, devant dévouement et sacrifice à Ô Sapo.
Mes mains sur mon visage pour essuyer mes larmes,une silhouette s'approche pas à pas dans mon coin, avec une arme à la main comme la règle l'exige.
Il est obligatoire de se munir d'une arme à feu ou arme blanche en cas d'attaque extérieur.
- Ô Sapo exige ta présence dans son bureau immédiatement.
Mais que veut-il me dire en ce moment ?
Ô Sapo est le surnom donné à notre dirigeant en raison de son sang froid face à l'ennemi et au fait qu'il obtient toujours ce qu'il veut quoi qu'il en coûte.
En essuyant les larmes de mes yeux,je me dirige lentement mais prudemment vers son bureau,qui isolé de toute autre pièce.
Je peux sentir mon cœur qui bat à cent à l'heure,prêt à exploser de ma poitrine.
J'arrive enfin devant la fameuse porte du bureau interdit avant de prendre mon inspiration et m'y lancer.
Toc toc toc...
- Entrez...
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