Faux souvenir


Sadness                                                                                                                                                                   Tristesse
Pouring into me like a heavy rain                                      Qui se verse en moi comme une pluie épaisse
Sadness anxiety depression                                                                                   Tristesse anxiété dépression
Walking in deep mud                                                                                    Marcher dans de la boue profonde
Vision blurred                                                                                                                                                 Vision floue
Nothing mattered                                                                                                                                Rien n'importait
Nothing to hold me                                                                                                                    Rien pour me retenir
I could fall at any time                                                                                      Je pouvais tomber à tout instant
I can fall                                                                                                                                                     Je peux tomber
I will fall                                                                                                                                                       Je vais tomber

           Silence dans la maison vide, mon cœur vide, mon esprit vide. J'essaie de contenir, ralentir cette vague lente, morte qui glisse, se traîne en moi, jusqu'à mon cerveau. J'essaie de me concentrer sur ma main, mon stylo, ma feuille, écris une phrase, rature deux mots. Ça monte lentement, ça prend son temps, ça se sait déjà vainqueur. Mais je ne suis pas encore KO. Je serre les dents et la main. Grave une phrase supplémentaire, victoire sur la vague.

Et elle me prend.


           De retour chez moi, les rayons de lumière qui caressent la fenêtre sont des plus agréables sur ma peau. J'ai l'impression d'être un autre homme. Comme après chaque séance d'électrothérapie, je m'assois sur mon vieux fauteuil rouge. Je me sers un verre de brandy et le déguste lentement. J'ai envie de sortir, d'aller à la plage, de parler à de jolies demoiselles, de rire un bon coup. Je me lève attrape un chapeau et sors avec entrain.

           Il est tard, je suis fatigué, mais une bonne fatigue, celle de ceux qui ont fait un effort. J'ai couru sur la plage, discuté avec quelques personnes. Je suis monté à la colline, où j'ai apprécié l'air frais qui y souffle : revigorant, qui a chassé de mes artères les derniers restes de bile noire. Je me sens bien. Je rentre chez moi, me rassois sur le fauteuil rouge et sors le manuscrit de ma biographie.

          Il fallait prendre le tramway pour aller voir Oncle Tom. Il pleuvait, et ma mère avait un parapluie jaune. Le sol était glissant, nous marchions vite, alors j'avais peur de tomber, mais ma mère me traînait par la main. Nous montâmes dans le tramway, le marchepied était haut. Nous étions très serrés dans le wagon et il faisait chaud. Ma mère me dit « nous descendons dans deux arrêts, devant l'usine de pneus. » Je pouvais apercevoir, entre une épaule et une chevelure, le ciel gris et quelques bâtiments de brique rouge défiler.

« Il fallait prendre le tramway » Ça ne me dit rien. Je corrige.

« Le marchepied était haut » Idem. Je rature.

« Le ciel gris et quelques bâtiments de brique rouge défiler. » Je rature.

Je rature. Je rature. Je rature encore et encore. Jusqu'à ce que ça ressemble à ma vie. Jusqu'à ce que ce soit conforme à mes souvenirs. Pourquoi ai-je inventé tout ça ?


           Je ressors de l'électrothérapie. Je suis comme neuf, c'est comme si je brillais. Je passe chez moi boire un brandy dans mon fauteuil rouge, avant de ressortir courir à la plage. En rentrant, j'ouvre mon manuscrit et le feuillette.

          Nous allions voir Oncle Tom. Il pleuvait, et ma mère avait un parapluie jaune. Le sol était glissant, nous marchions vite, alors j'avais peur de tomber, mais ma mère me traînait par la main. Nous montâmes dans le tramway. Nous étions très serrés dans le wagon et il faisait chaud. Ma mère me dit « nous descendons dans deux arrêts, devant l'usine de pneus. » Je pouvais apercevoir une épaule et une chevelure.

« Il pleuvait » Ça, c'est inventé. Je rature.

« Nous étions très serrés dans le wagon et il faisait chaud » Je ne me souviens plus de ça. Je rature.

« Nous descendons dans deux arrêts » C'est étrange. Je rature.

Je rature et rature jusqu'à ce que ce soit convenable.

Il reste si peu. C'est comme des tâches d'encre qui se seraient mêlées. Rien de cohésif. Rien de bon. Dégoût. Quel gâchis... À quoi bon écrire cette chose ? À quoi bon mettre sur le papier ma vie, si je ne cesse d'en rajouter, à chaque fois que j'écris ? À quoi bon écrire, si je rature plus que je n'écris ?
À quoi bon raconter ma vie, si elle est pleine de trous ?

          Nous allions voir Oncle Tom. Ma mère avait un parapluie jaune. Le sol était glissant, nous marchions vite, alors j'avais peur de tomber, mais ma mère me traînait par la main. Nous montâmes dans le tramway. Ma mère me parla un peu pendant le trajet. Je pouvais voir une épaule et une chevelure.

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