Chapitre un: Petite brune

-Et voilà, c'est terminé. Vous pouvez vous lever doucement et allez voir ce que ça donne.

Je viens de passer une heure à tatouer le prénom de sa copine à ce gars éperdument amoureux. Au moins je sais qu'il reviendra me voir bientôt pour le faire recouvrir. Les gens oublient parfois qu'un tatouage reste à vie, ainsi que sa signification.

Je ne compte même plus le nombre de personnes qui viennent nous voir mon père et moi pour se faire tatouer un prénom ou un motif qui n'a aucun sens pour eux, et que je revois quelques mois ou années plus tard parce qu'ils regrettent. Je traîne dans le salons de mon père depuis tout petit, j'adore cette endroit. Il est un peu old school, il y règne une atmosphère chaleureuse avec toujours un fond musical un peu rock. La charpente et les grosses poutres en bois apparentes donne un côté chalet rustique au lieu. La salle d'attente est composée d'une multitude de poufs en cuir et d'un grand sofa, le tout posé sur un grand tapis persans aux couleurs du désert. J'ai commencé mes première expérience dans le milieu du tatouage à seize ans juste après ma formation d'hygiène. On peut dire que mon père m'a inculqué sa passion dès le plus jeune âge.

-C'est parfait, merci. Tu es très doué. Me dit le client, la bouche en cœur.

-Merci.

Je passe un bon quart d'heure à lui expliquer comment entretenir et prendre soin de mon travail avant de l'encaisser et de passer au client suivant.

Ce soir, j'ai tatoué deux prénoms et un envolé d'hirondelles rien de bien original. C'est presque tout les soirs pareil, les gens pensent que se faire tatouer est cool et donne un air rebelle. Mais est-ce qu'avoir une licorne sur le bras fait de vous un marginal? Licorne, qui soit dit en passant j'ai déjà tatoué une dizaine de fois en deux ans avec des variantes certes mais une licorne reste une licorne.

Je m'apprête à fermer la boutique quand une petite aux cheveux châtains foncés entre dans le salon. Encore une qui vient pour se rebeller et embêter ses parents en se faisant tatouer.

-Bonsoir, je peux vous aidez? Demandais-je avec un faux sourire.

-Bonsoir, je viens pour prendre rendez-vous.

- Très bien, c'est pour parler d'un projet ? Que veux-tu te faire faire?

Depuis que je travaille réellement ici, mon père m'a conseillé d'enlever rapidement la barrière du vouvoiement pour mettre le client plus à l'aise.

-En faite, j'ai déjà parlé avec ton collaborateur la dernière fois et il m'a conseillé de séparer mon projet en plusieurs partie et de commencer avec un premier rendez-vous de trois heures pour la première pièce.

Je me suis peut-être trompé à son sujet, car elle a l'air de savoir ce qu'elle veut, apparemment ce n'est pas pour un petit tatouage et ça ne peut pas être une licorne ou alors c'est une très grosse licorne.

-Quel jour vous conviendrait le mieux? j'ai un rendez-vous possible dans un mois ou alors un client a demandé pour mardi prochain.

Elle soupire ce qui me fait poser un peu plus mon regard sur elle. Elle a de jolis yeux verts en amande et ne porte pas de maquillage ce qui ne l'empêche pas d'être sexy pour autant. Elle me dit quelque chose, l'aurais-je déjà vue quelque part? Elle doit remarquer mon malaise car elle arque un sourcil et pose ses avant-bras sur le comptoir qui nous sépare en se penchant vers moi.

-Ce n'est pas grave si tu ne te souviens pas de moi. Peu m'importe pour le rendez-vous, c'est quand il peut. Le plus tôt sera le mieux. Me murmure-t-elle à l'oreille avant de reculer.

Je ne sais comment vous expliquez l'effet que cette phrase a sur moi. Je peux juste vous dire que mes mains sont devenues moites et que j'ai avalé ma salive difficilement.

-Mardi à dix-huit heures, alors? Arrivais-je péniblement à articuler.

-Mardi à dix-huit heures. Acquiesce la jolie brune avant de partir.

Elle m'a tellement fait perdre mes moyens que j'ai oublié de lui demander son nom pour le rendez-vous. Je note alors dans l'agenda de mon père « Petite brune ».

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