Chapitre 2 - ISAAC
Elle a marché toute la journée. Quand la nuit arrive, elle se laisse tomber par terre. Elle est assise, le dos courbé et la tête entre les mains. Il me semble qu'elle pleure. Je fais signe à Eli d'attendre encore un peu. Ça fait longtemps que mon frère et moi on ne s'est pas retrouvés dans ce genre de situation à jouer au chat et à la souris. Un frisson d'excitation remonte le long de ma colonne vertébrale. Je sais qu'Eli ressent la même chose.
Pour se faire une place dans ce monde, afin de nous faire respecter, on a dû faire des trucs moches. Tellement moches que je me suis souvent demandé s'il restait encore une part de bien en moi.
Ça fait 24 heures qu'elle est ici, qu'elle n'a ni mangé, ni bu... Il est temps de la ramener. Aussi silencieux que la mort, je me dirige vers elle. Eli me suit. Je la soulève par un bras et mon frère par l'autre. D'abord surprise, elle se laisse faire comme une poupée de chiffon puis elle se rend compte de ce qu'il se passe et elle essaye de se débattre. Quand je vois l'état de ses pieds, putain... je suis soulagé qu'on soit venu en voiture. Elle respire si rapidement que je suis certain qu'elle va s'évanouir.
- La voiture est juste là, Eva, dis-je.
Eli ouvre la portière arrière et j'aide la fille à monter. Je prends même le temps d'attacher sa ceinture. Nous montons à notre tour et mon frère démarre. Le trajet en voiture dure à peine 5 minutes. Nous avons tous les trois l'air d'être dans nos pensées, pour ma part les plus sombres.
Les pièces du puzzle commencent à s'imbriquer mais il reste encore quelques zones d'ombre. Autant j'ai aimé la version d'Eva courageuse, combattante, déterminée autant j'apprécie le spectacle d'elle affaiblie. Il me semble que ce sera plus facile de l'atteindre comme ça.
La silhouette de la villa apparait et Eli ralentit.
- Viens, dis-je à la fille.
Elle ne réagit pas et me regarde sans émotion.
- Tu peux marcher jusqu'à l'intérieur ? lui demandais-je.
Elle acquiesce silencieusement et sort péniblement de la voiture. Je la laisse passer devant moi. J'espère qu'elle est consciente qu'on aurait pu la laisser pour morte au milieu de la végétation. Il n'y a personne à des kilomètres à la ronde, personne d'autre ne lui serait venu en aide. En tous les cas, elle a l'air calme. Elle est certainement à bout de force mais je sais que ça ne va pas durer longtemps.
Eli lui prend le bras et la fait asseoir dans la cuisine, sur une chaise haute. Délicatement, il écarte des mèches de cheveux de son visage. Elle ne le regarde pas mais se laisse faire puis prend la bouteille d'eau qu'il lui tend. Ses mains tremblent tellement qu'elle ne parvient pas à l'ouvrir alors mon frère le fait et la porte devant les lèvres de la fille.
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