Chapitre 1 - EVA

Pour la première fois de ma vie, je suis ravie d’obéir. Je sors de la villa perdue dans les montagnes sardes par la baie vitrée du salon. Une fois dans le jardin, je tente de me remémorer ce que j’ai observé plus tôt et je me dirige vers l’arrière de la maison, dans les sous-bois. Je cours à toute allure. Mes cheveux fouettent mon visage et des mèches se collent à ma peau à cause de la fine pellicule de sueur qui s’est formée sur mon corps. Je ne sais pas où je vais, la nuit est tombée. J’essaye simplement de m’éloigner le plus possible, encouragée par ma peur.

Que m’est-il arrivé ? On dit que ce sont toujours les cordonniers, les plus mal chaussés. C’est vrai, apparemment. Je savais tout d’eux, de leurs petits délits à leurs crimes et pourtant n’écoutant que ma curiosité et mon désir d’en apprendre toujours plus, je les ai suivi à Londres, en Sardaigne… Je me suis même aventurée sur leur territoire, dans la cité où ils ont grandi, dans laquelle ils vivent toujours. Afin d’assouvir ma soif d’enquêter, j’ai fait semblant d’oublier que ces deux hommes étaient dangereux. Je suis allée jusqu’à leur trouver des circonstances atténuantes… quelle conne.

J’ai mal aux poumons. Je continue à courir à un rythme beaucoup plus lent. Je me pensais plus endurante… La nuit est tombée et il fait terriblement froid. Je ne vais plus tenir longtemps et pourtant, ça ne fait même pas quinze minutes que je suis ici, à me perdre dans les bois. Je n’en peux plus. Je m’arrête au milieu de nulle part et je ralentis afin de trouver un endroit où me cacher. Heureusement, j’ai gardé mon téléphone après l’appel de Julien. Isaac était tellement sur les nerfs qu’il n’a rien vu. Je ne sais pas si Eli l’a remarqué toutefois il n’a rien dit. Je repère une sorte de gros rocher caché par de la végétation et je m’assieds derrière. J’ouvre l’application Maps mais le réseau est instable, ça rame. J’attends et j’en profite pour reprendre ma respiration. Autour de moi, je n’entends que le bruit de la nature et c’est terrifiant.

Cette nuit de février 2016 me hantera toujours et les souvenirs continuent à remonter à la surface, dans le silence de cette forêt.

- Lâche ça petite Eva, me dit Rayan. Tu vas te faire mal.

- Recule, Rayan, je te jure que je vais tirer.

Il est bien trop proche, il lève sa main et me gifle tellement fort que mes oreilles sifflent et le revolver tombe entre nous.

Je me jette par terre pour récupérer l’arme et Rayan se jette à son tour, sur moi. Il me frappe à nouveau le visage et la douleur m’empêche de réagir. Il continue et je sens du liquide couler le long de ma mâchoire et sur mon cou, surement mon sang. La fille crie et Ben dit des choses que je ne comprends pas. À tâtons, je cherche le revolver. Je parviens à mettre la main dessus. Ben essaye de tirer Rayan vers l’arrière mais ce dernier retombe lourdement sur moi et un coup de feu part. Le silence se fait assourdissant pendant les secondes qui suivent, seul le bruit lointain de la fête qui se tient en-dessous perturbe le calme apparent de cette chambre.

Rayan bouge et je suis soulagée qu’il ne soit pas mort. Je ne voulais pas avoir ça sur ma conscience même s’il le méritait. Il se relève, et sort un truc brillant. Je comprends que c’est un couteau, quelques secondes après, il relève ma robe. Je me débats comme je peux, je pense que je pleure aussi.

- T’es qu’une sale petite fouineuse, Eva.

Je hurle quand la lame transperce ma cuisse. Il fait signe à Ben de se rapprocher. Qu’est-ce qu’il se passe putain ?

À présent, je tremble, toujours assise derrière le rocher. Je vais devoir passer la nuit ici en attendant que le jour se lève. Je n’ai plus le courage de bouger. J’essaye de ne pas penser à la douleur que je ressens… Mes pieds sont seulement recouverts de chaussettes. Elles étaient blanches et à présent, elles sont recouvertes de boue et de sang.

***

J’avance péniblement dans la forêt. J’entends le bruit d’une route et j’essaie de m’en rapprocher mais mon sens de l’orientation me fait défaut. Je revois la  colère d’Isaac, son regard tellement dur et la déception d’Eli… Je dois bien avouer que ça m’embête même si je ne comprends pas pourquoi. Comment ont-ils eu accès à mon ordinateur et à ce qu’il contient ? S’ils ont trouvé le dossier les concernant, ils ont également vu le dossier sur D’Allemagne et tout le reste. Ça craint.

Je repasse devant le rocher derrière lequel j’ai dormi et c’en est trop, je craque et je m’effondre au sol, le front contre la terre. Je n’arrive pas à me raisonner. Je tourne en rond depuis des heures. J’imagine que je ne sortirai jamais d’ici, désorientée comme dans un labyrinthe. Et si j’étais restée, que ce serait-il passé ? Peut-être aurait-ce été moins pire…

Soudain, je sens un frisson sur ma nuque. J’ai le sentiment dérangeant d’être observée. Je me relève doucement, aux aguets. Je fais un tour sur moi-même et je ne vois pas un chat. Je dois me calmer, sinon je vais crever ici. Quand j’entends un craquement et des bruits de pas, je me remets à courir sans prêter attention à mon corps qui me fait souffrir.

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