Chapitre 7 - EVA
Lorsque j'observe les Farès quitter le Lux, le malaise est encore présent en moi. Je me maudis en aidant les autres à nettoyer les dernières traces de la soirée. Je savais que ça allait me tomber dessus un jour ou l'autre, je savais qu'on me reconnaitrait. Je m'en fiche de ce qu'on peut penser de moi. Je suis en accord avec mes valeurs en étant simplement serveuse dans ce bar. Le problème, c'est que je n'ai pas envie que ça s'ébruite car la conséquence serait la fin de mon contrat avec le Lux. Aucun homme n'a envie d'avoir une journaliste pile devant son nez dans ce club ! Et le pire dans tout ça, c'est qu'ils ne m'ont pas encore donné leur accord pour l'interview et je ne l'aurais probablement plus. J'allais changer de sujet de travail de toute façon mais j'aurais quand même aimé garder le sujet Farès juste au cas où...
J'enfile ma veste quand Sasha, le barman, m'interpelle :
- Attends, Eva ! On a laissé ça pour toi, me dit-il en avançant vers moi, une enveloppe à la main.
Je la prends en fronçant les sourcils et la mets rapidement dans mon sac.
- À demain tout le monde ! dis-je en agitant la main et en tirant sur le gilet de Laila pour qu'elle s'active.
Arrivée dans ma chambre, déshabillée et démaquillée, je profite de ce sentiment de sécurité quelques instants avant d'ouvrir l'enveloppe. Je ne sais pas très bien à quoi m'attendre et je m'imagine cent et un scénarios : une lettre de menace écrite avec des lettres découpées dans du journal, une déclaration d'amour, une photo compromettante, une lettre de licenciement...
Je repense aux frères et je ne peux m'empêcher de mettre ma tête entre mes mains. Quand j'ai croisé leur regard tout à l'heure, j'y ai vu de l'étonnement. Et puis, impossible de savoir ce qu'ils pensaient de moi, de ça... leur regard était indéchiffrable et impénétrable. Et puis, le calvaire a continué deux bonnes heures. Aucun des deux n'a regardé ailleurs que dans ma direction, sans relâche si bien qu'à un moment, j'ai cru que « Ruby » allait descendre de sa piste de danse et m'insulter pour lui avoir volé la vedette.
J'ouvre délicatement l'enveloppe. La première chose qui me saute aux yeux, ce sont des billets. Plusieurs billets de 50 et de 100. Puis, des lettres écrites sur le premier billet. Je le prends et lis :
C'est pour cela qu'on fait tous des sacrifices.
Ma mâchoire se crispe. Ils ont raison. C'est pour payer mon loyer, mes études et ma bouffe que je bosse au Lux. Mais pas que... c'est assez pratique de travailler dans un repère d'hommes influents, riches, connus et puissants. Plus ils boivent, plus ils parlent. Je ne fais rien d'autre que servir alors bosser ici ou au Mc do, question finance, ça revient au même.
J'essaie de réfléchir à un plan pour me sortir de ce bourbier et me laisse doucement emporter par la fatigue. Ma nuit est agitée et quand je me lève, quelques heures plus tard, le malaise ne m'a toujours pas quittée.
***
Pour la deuxième fois en quelques jours, je suis devant le building blanc.
Cette fois-ci, personne ne m'accueille. Leur assistante m'a téléphonée quelques jours plus tôt pour fixer un rendez-vous avec les Farès. Je suppose qu'ils veulent m'annoncer que notre collaboration s'achève. J'aurais fait pareil à leur place.
La porte s'ouvre quand je sonne. J'entre et me dirige vers l'ascenseur. Arrivée au vingt-quatrième étage, je suis face à un bureau vide. Pas une âme qui vive. Mes sens se mettent en alerte, mon corps se tend durement et je n'avance plus. Je ne fais plus un pas si bien que ma jambe bloque les portes de l'ascenseur quand elles tentent de se refermer. Puis, je perçois un mouvement et Eli Farès apparait, ouvrant la porte de son bureau. Je respire plus calmement quand je remarque son sourire. Il s'avance lentement vers moi jusqu'à l'ascenseur.
- Eva ! Viens, me dit-il en me tendant la main pour me saluer.
Quand je pose la main dans la sienne, elle est grande et douce. Ni chaude ni froide et il retient ma propre main quelques secondes de trop. Ensuite, il me regarde pendant ce qu'il me semble une éternité, d'un regard fraternel, attendri, presque nostalgique, ce qui m'étonne. Je romps le contact visuel quand la silhouette d'Isaac Farès apparait au même endroit que son frère quelques secondes plus tôt. Son regard à lui est bien différent. Un regard qui chercher à percer tous mes sales petits secrets.
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