- Mais putain, t'es complètement barge Eva !

Elle se crispe devant mon exclamation. J'étais sur le point de me rendre au Lux et elle débarque en posant ce truc sur le bar du salon. Je déteste ça. Nourredine en a fait voir de toutes les couleurs à mes parents à cause de cette merde. Mon petit frère adoré a grandi trop vite et ne rentrait à la maison que pour dormir. Ses résultats à l'école étaient catastrophiques et il n'allait plus au foot. Pourtant, il était bon élève et il adorait les sciences. Très vite, les choses ont dégénéré. J'avais trouvé du shit et des talkiewalkies dans sa chambre. Je l'avais confronté et il m'avait violement poussée. J'étais tombée à terre et je m'étais cognée la tête sur le coin de son lit. Il parlait mal à mes parents et pensait pouvoir me donner des ordres. Peu de temps après, la police a perquisitionné notre appartement. Les policiers avaient retourné sa chambre et ils avaient trouvé une arme. Je n'oublierais jamais les yeux humides et rougis de honte de mon père et les lamentations de ma mère : « wouldi, qu'est-ce que tu as fait ? ».

- T'as trouvé ça où ? Et pourquoi tu ramènes ça ici ? demandais-je à mon amie.

Elle retourne le bloc brun.

- Regarde, me dit-elle.

Je me rapproche. Sur le bloc est gravé un F entouré d'un cercle.

- Me dis pas que t'as été dans la cité des Farès...

- Je voulais savoir s'ils géraient encore le business dans leur quartier et tu vois bien que...

Je prends Eva par les épaules et je ne peux m'empêcher de la secouer.

- Tu fous quoi Eva ? T'as perdu la tête ? T'enquêtes déjà sur le ministre, ça te suffit pas ? Tu cherches quoi là ?

- Lâche moi, Laïla, me dit-elle d'un ton calme qui me met hors de moi.

- C'est pas ton ministre ces gars-là ! Tu connais rien de ce monde. T'as pas grandi là, tu sais pas c'est quoi. Si tu cherches la merde, tu vas la trouver Eva et tu seras pas la première.

- Lâche-moi putain ! Elle recule et me repousse.

- Tu vas trop loin ! Tu veux finir comme tes parents, c'est ça ?

Je regrette instantanément d'avoir prononcé cette phrase. Les yeux d'Eva s'agrandissent de surprise et se remplissent de larmes. Elle reste muette. Quand je tente de m'approcher d'elle, elle ramasse son sac par terre et se dirige vers la porte.

- Eva, attends, je veux pas te perdre c'est tout...

La porte claque. Je me retrouve seule, la drogue trônant au milieu du salon semble me narguer...