Chapitre 6
Tout au long du trajet, Sara s'était remémorée ses années de lycée. Les petits tracas qu'elle avait rencontrés, les fou-rires qu'elle avait partagés, les nuits blanches qu'elle avait passées. Et ses amis. Elle n'en avait pas beaucoup. Jules était le genre de pote –super- sympa qui se pointait toujours en retard, une bonne excuse au bout de la langue. Il la faisait rire. Elle se demande comment les ponts ont été brisés. Elle ne garde que de bons souvenirs de leur amitié. Mais pourquoi la vouvoie-t-il déjà ? Elle commença à enlever son uniforme, quand la voix de son ancien ami la retira de sa léthargie.
- N'enlevez pas vos vêtements ! Je refuse que vous croyiez que je vous aide que pour profiter de votre corps. S'il vous plait, remettez-les.
Sara éclata de rire. Un rire franc. Sans artifice. Le premier depuis bien longtemps.
- De un, j'ai juste enfilé cette tenue pour passer incognito, si jamais on check les caméras de surveillance. De deux, je travaille pour le gouvernement. Et je me suis retournée dans mon pays natal pour tenter de grignoter quelques heures avant qu'ils ne mettent la main sur les documents. Donc non, je n'étais pas à deux doigts d'exposer ma nudité, je porte bel et bien des vêtements décents sous cet uniforme.
Jules rougit. Avant de mêler son rire à celui de Sara.
- Comment ça se fait qu'on se parle plus ? Demanda Sara, d'un ton plus sérieux.
- Tu t'es enfuie juste après la cérémonie de la remise des diplômes. Tu n'as même pas assistée au bal. Et puis il était ennuyeux, tu n'as rien ratée en fait.
Il stationna sa voiture, l'invita à le rejoindre. Et sur un banc, ils s'afférèrent.
- Tu sais, mes parents ont divorcé le jour J. Ils m'ont envoyé un message pour me l'annoncer. J'étais sous le choc et je le suis encore.
- Je suis désolé. Je ne savais pas.
- Comment vous aurez pu savoir ? Je suis rentrée à la maison. Elle était vide. Ils n'ont même pas pris le temps de m'expliquer la situation à vive voix. Ils ont préféré courir leur jambe à leur coup. Comme s'ils cachaient quelque chose. Et j'ai attendu. J'ai attendu une semaine. Deux. Trois. Et ils n'ont jamais pointé le bout de leur nez. Ils ne répondaient même pas à mes coups de fil, comme s'ils s'étaient passé le message. Je n'y crois toujours pas. On était pourtant heureux !
Son regard était perdu dans le vide. Les larmes au bord des yeux, elle se forçait de rester de marbre devant la foulée de sentiments qui lui arrosaient l'âme, de ne pas céder à leur appel. Mais elle n'arrive pas.
Ils étaient heureux.
Peut-être un peu trop, en fin de compte.
- J'ai pu accéder à une prestigieuse université. Toute charge comprise. C'était la seule raison pour laquelle je tenais encore debout. Et puis...
- Et puis ? Insista Jules.
- Et puis je suis tombée enceinte.
Un silence accompagna la confidence.
- J'étais heureuse ! Je me disais qu'enfin je ne serai plus seule. J'ai commencé à donner des cours particuliers pour quelques étudiants de premières années. Ça m'a aidé. A récolter une somme importante d'argent, dans un premier lieu. Puis à oublier mes problèmes. J'ai fis la connaissance de personnes qui me sont devenus, aujourd'hui, très chers. Tout se déroulait pour le meilleur.
Son visage changea d'expression. Il s'était figé.
- Jusqu'à ce que ma mère me téléphona. Sa voix avait changé. J'avais du mal à la reconnaître. Elle prétendait avoir quelque chose d'important à me révéler. Elle me donna alors rendez-vous, tête à tête, dans un bar-restaurant au centre-ville.
- Que voulait-elle te dire ? Demanda Jules concentré.
- Je ne sais pas. Je n'y suis jamais allée.
- Tu regrettes. S'aventura-t-il.
- Des fois.
Sara s'était tue. Elle pesait les étendus de sa propre réponse.
- Elle n'a pas tenté de te joindre une seconde fois ? Interrogea-t-il, une lueur d'inquiétude lui traversant les pupilles.
- Elle est venue me voir le jour de mon accouchement. Elle n'avait pourtant prononcé aucun mot. Je ne comprends toujours pas.
- Elle voulait peut-être te soutenir. Chuchota-t-il.
- Peut-être. Elle avait l'air ailleurs. Absente. Comme si elle combattait un démon à l'intérieur d'elle-même. Sa présence m'avait chamboulé. Je ne savais pas comment agir avec elle. J'ai alors gardé le silence. Moi aussi. Seuls nos regards se croisaient. S'affrontaient. C'était facile, au début. Mais insoutenable, une demi-heure après. Je brûlai d'envie de savoir « pourquoi ». Pourquoi avait-elle quitté mon père ? Enfin je ne savais pas qui a quitté l'autre, mais je m'en fiche. Je veux juste connaître la vérité. Pourquoi ce silence radio après le divorce ? Pourquoi n'avoir plus donné le moindre signe de vie depuis plus de deux ans ? Et mon père. Où est-il ? Pourquoi ne m'a-t-il jamais rappelé ? Pourquoi tant de secrets ? Pourquoi m'avoir laissée tomber ?
Jules s'approcha de Sara. Prit son visage entre ses mains. Effaça ses larmes. Puis la blottit contre lui.
- Je me maudis d'avoir été faible. Aveugle, aussi. J'aurai dû comprendre –toute- seule ce qui se tramait au sein de la maison.
- Tu es forte. Courageuse.
- NON ! s'écria-t-elle, en s'éloignant de lui. J'ai commis des erreurs. Et je les payerai bientôt.
- Qu'as-tu fait ? Brûlée le feu rouge ? Demanda-t-il ironiquement.
Le calme qui suivit la question était glaçant. Troublant. Insoutenable.
- J'ai tué ma fille.
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