Chapitre 8 : Le patriarche

Une fois arrivés au niveau de la piscine, ils n'y trouvèrent personne, même Guillaume était parti. Ils allaient rebrousser chemin lorsque quelqu'un les interpella :

« —Hé ! cria un homme dans leur dos. Attendez-moi j'ai quelque chose à vous dire ! »

Les quatre compères se retournèrent et virent Raphaël Potéo, leur ami journaliste qui leur courait après, un calepin à la main.

« —Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda Ewen.

—C'est Patron qui a un message à vous faire passer. Il va devoir s'absenter jusqu'à demain alors il m'a demandé de vous le dire et aussi de vous dire qu'à partir de demain soir vous devrez vous installer ici, au château. Il dit que ce sera plus facile pour vous.

—Il est parti où ?

—Je ne sais pas. Il a reçu un appel alors il s'est éloigné. J'ai rien entendu, et quand il est revenu il était pressé et il m'a dit de vous prévenir de tout ça.

—C'est tout ?

—Non, il m'a aussi dit de vous dire que c'est à vous de prévenir les propriétaires de votre installation ici. Il n'a pas eu le temps de les mettre au courant.

—J'espère qu'ils vont être coopératifs... »

Raphaël posa sa main sur l'épaule d'Ewen avec un sourire compatissant et il s'éloigna du petit groupe pour retourner vaquer à ses occupations.

« —C'est l'occasion d'aller rendre une petite visite à ce cher monsieur de Féniel ! fit Béthanie en soupirant.

—Encore faudrait-il savoir où il se cache, lâcha Djamila avec mépris.

—Il suffit juste de demander. »

Béthanie se dirigea vers Raphaël qui venait de les quitter afin d'observer plus loin ce que faisait un jeune policier et noter ce qu'il voyait.

« —Excuse-nous, commença-t-elle, mais est-ce que tu sais où nous pouvons trouver monsieur de Féniel ?

—Sûrement dans son bureau. Il refuse d'en sortir depuis qu'il a appris le décès de sa fille.

—Il y a passé la nuit ?

—Il paraît, ouais.

—Et tu sais où se trouve son bureau ?

—Au deuxième étage, en face des escaliers.

—Merci.

—Y'a pas d'quoi. »

Les quatre détectives s'éloignèrent du journaliste qui n'avait pas levé les yeux du policier durant toute leur conversation, et se dirigèrent vers le château. Ils y entrèrent par la porte de la cuisine qui était continuellement ouverte.

La cuisine était assez vaste et ressemblait à une cuisine de restaurant. Elle était plutôt moderne avec un mobilier en inox et une grande cuisinière très fonctionnelle. Le frigidaire n'était pas très grand, mais il devait sûrement y en avoir un autre plus imposant dans une autre des nombreuses pièces du château. Dans la cuisine en question se trouvait Sara Michest, l'employée de maison la plus âgée.

« —Je peux vous aider ? demanda cette dernière sans même lever la tête du plat qu'elle était en train de préparer.

—Non, lui répondit Béthanie, merci beaucoup mais nous allons juste rendre visite à votre patron.

—Monsieur de Féniel ? »

Elle leva soudain la tête de son plat pour regarder la petite équipe d'un air méfiant.

« —Oui pourquoi ? l'interrogea Béthanie qui avait un peu perdu de son assurance face à la réaction de Sara.

—Il n'est pas en état de vous recevoir.

—Comment ça ?

—Il a déjà subit un interrogatoire ce matin qui l'a énormément éprouvé, vous ne pensez pas que c'est suffisant ?

—C'est vraiment important que nous le voyions.

—Avez-vous déjà perdu une fille mademoiselle ?

—Je n'ai jamais eu d'enfants.

—C'est bien ce qui me semblait. Vous ne pouvez donc pas imaginer la douleur que peut ressentir monsieur de Féniel en ce moment même.

—Je sais que c'est difficile pour lui, mais nous sommes ici pour l'aider, alors nous irons le voir, que cela vous plaise ou non. »

Béthanie avait repris confiance en elle tandis que Sara était devenue bouche bée.

« —Faites comme vous le voulez, lança cette dernière avec un hochement d'épaules. Je ne suis personne pour vous l'interdire.

—Merci. »

Béthanie sortit de la cuisine accompagnée de ses trois collègues. Ils suivirent les indications de Raphaël pour se rendre au bureau de monsieur de Féniel. Ils montèrent donc au premier étage puis empruntèrent d'autres escaliers pour se rendre au second étage. Le nouvel étage qui s'offrait à eux était sensiblement le même que celui du dessous. Il y avait une grande allée très joliment décorée avec des souvenirs de voyages.

Au bout de cette allée, le couloir se séparait aussi en deux ailes mais il y avait également une porte qui devait être le bureau de monsieur de Féniel, selon Raphaël. Le petit groupe s'arrêta devant cette porte et Béthanie frappa trois coups assurés qui restèrent sans réponse. Elle attendit alors quelques secondes avant de recommencer à frapper, toujours sans succès.

« —On entre ? demanda Ewen.

—C'est malpoli, lui répondit Djamila qui avait perdu un peu de sa froideur.

—Il lui est peut-être arrivé quelque chose, dit Maggie peu convaincue de ce qu'elle venait d'avancer.

—Il a peut-être enfin quitté son bureau, fit Béthanie.

—On fait quoi ? questionna Ewen. »

Aucune des filles ne lui répondit.

« —Je peux vous aider ? »

La question avait été émise de derrière les détectives. Ils se retournèrent donc pour voir qui leur avait parlé et découvrirent Rebecca, une pile de linge dans les bras.

« —Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur.

—Savez-vous si votre patron se trouve toujours dans son bureau ? lui demanda Béthanie.

—Normalement oui. En tout cas, je ne l'ai ni croisé ni vu sortir de son bureau.

—Nous pouvons entrer ou nous devons attendre qu'il nous ouvre ?

—Je pense que vous pouvez attendre longtemps. Mais je ne vous conseille pas non plus d'entrer sans permission. Personne n'entre jamais dans son bureau. Déjà que ce matin il a dû subir la venue de policiers, alors je n'imagine pas sa réaction si vous entriez à l'intérieur à votre tour.

—Il est impératif que nous lui parlions. »

Rebecca fit la moue.

« —Je ne sais pas si je dois vous laisser faire, dit cette dernière visiblement agacée de la situation.

—Vous-même vous n'avez pas le droit d'entrer ?

—Non. C'est Sara qui vient faire le ménage ici une fois par semaine. Personne d'autre ne peut y accéder. Même madame de Féniel n'a pas le droit d'y entrer.

—Pourquoi ?

—Il ne veut pas. Dedans, il y a tous ses documents, le travail de toute une vie, son intimité. »

Béthanie allait tenter une autre approche lorsque Maggie, sans dire un mot, ouvrit la porte, s'engouffra dans le bureau et referma derrière elle, sans laisser le temps à ses collègues de la suivre.

« —Qu'est-ce que...? demanda le vieil homme présent dans la pièce en se redressant sur sa chaise. »

Le père de Victorine était assis derrière son bureau, face à la porte d'entrée. La pièce était assez vaste. Le mur de droite était entièrement recouvert d'immenses étagères pleines de livres. Le mur du fond ne comportait que deux gigantesques fenêtres donnant sur le jardin. Le mur de gauche soutenait aussi quelques étagères, mais sur ces dernières il n'y avait pas de livres. C'étaient des documents qui tenaient en équilibre les uns sur les autres. Maggie imaginait aisément le moindre petit courant d'air renverser tous ces dossiers, entraînant ainsi le chaos dans le bureau. Le mur où était située la porte était orné de deux tableaux, un de chaque côté de la porte. Celui de droite représentait une belle et grande famille, sûrement la famille de Féniel d'il y a quelques générations. Celui de gauche laissait apparaître un homme fier, assis derrière son bureau, exactement de la même façon que le père de Victorine en ce moment même, mais il était évident que ce n'était pas lui qui y était représenté, plutôt l'un de ses ancêtres. Au centre de la pièce, il y avait enfin l'imposant bureau du chef de famille.

« —Qui êtes-vous ? hurla monsieur de Féniel.

—Bonjour, commença Maggie, je suis...

—Peu importe ! Sortez d'ici immédiatement ! Vous n'avez rien à faire dans mon bureau, petite insolente ! Je ne veux voir personne ! HORS DE MA VUE ! »

Monsieur de Féniel avait l'air d'être aussi âgé que sa femme mais il avait également l'air d'être en meilleure forme. Il devait être sûrement très beau dans sa jeunesse, et s'il avait été une femme, il ressemblerait certainement à la fille qu'il venait de perdre.

Maggie ne sortit pas de la pièce comme lui ordonnait le vieil homme, mais au contraire elle s'approcha du bureau, se pencha au-dessus en prenant appui sur ses mains et, une fois son visage à quelques centimètres de celui de son interlocuteur, elle se mit à parler calmement :

« —Vous allez m'écouter, répondre à mes questions, et c'est seulement une fois que ce sera fait que je vous laisserai seul. »

Monsieur de Féniel ne répondit rien, il était complètement abasourdi par le comportement de la jeune femme qu'il avait en face de lui. D'habitude, jamais personne ne lui tenait tête, pas même sa femme. Lui, le chef de famille, le patriarche.

« —Je ne suis pas journaliste, continua Maggie. Je suis détective privée. Je suis donc venue avec mes trois autres collègues, qui attendent poliment dans le couloir, pour vous aider. Nous ne vous voulons pas de mal monsieur, bien au contraire. Nous sommes ici pour trouver la personne qui a tué votre fille.

—Ma fille... »

Le vieil homme se laissa tomber dans son siège, tête baissée. Il ne pleura pas mais Maggie sentit qu'il n'en faudrait pas beaucoup plus pour le voir s'effondrer.

« —Continuez mademoiselle... ?

—Annisterre. Maggie Annisterre.

—Très bien Maggie, continuez s'il vous plaît.

—Merci. Nous sommes donc ici à votre demande, c'est bien ça ? »

Monsieur de Féniel releva la tête pour faire face à la jeune détective. Toute la rage que Maggie avait pu voir dans son regard avait disparu et laissait maintenant place à une détresse infinie.

« —Appelez-moi Nathaniel.

—C'est bien ça, Nathaniel ?

—Oui. Je ne l'avouerais jamais devant ma famille car je suis trop fier pour ça, mais j'ai plus besoin de vous que de toute autre chose en ce moment même, je suis totalement désarmé face à une telle situation.

—Nous vous aiderons du mieux que nous le pourrons, je vous le promets.

—Je vous crois. J'aime votre audace Maggie. »

Le visage de la jeune femme s'éclaira d'un sourire qui fut communicatif car monsieur de Féniel eut un faible sourire à son tour.

« —Avez-vous besoin d'autre chose Maggie ? J'aimerais vraiment rester seul alors si vous pouviez allez droit au but...

—J'ai une dernière question.

—Et bien allez-y.

—Pouvons-nous nous installer ici le temps de l'enquête ?

—Oui. Demandez à Rebecca ou à Sara de vous préparer l'une des deux suites restantes. Vous êtes quatre c'est ça ?

—Exact.

—Bien, ce sera parfait. Nous avons une suite de cinq chambres avec une salle de bain et un salon privé. Si vous avez besoin d'autre chose, faites-le moi savoir.

—Merci. »

Maggie allait quitter la pièce lorsque Nathaniel la rappela :

« —Attendez Maggie ! »

La jeune femme se retourna.

« —Entrez ici à votre guise. À condition d'avoir une très bonne raison pour me déranger.

—Merci beaucoup Nathaniel.

—Bonne chance Maggie. »

La détective lui sourit et quitta la pièce. Nathaniel appréciait le bagout de la jeune femme. Il en était convaincu, elle réussirait à résoudre cette enquête.

Une fois dans le couloir, Maggie referma la porte et, lorsqu'elle releva la tête, elle vit ses collègues ainsi que Rebecca qui la regardaient interloqués.

« —Alors ? demanda Béthanie à la fois pressée et méfiante.

—Alors c'est bon, on peut rester ici.

—Il va bien ? l'interrogea Rebecca visiblement stressée.

—Il va mieux.

—J'pensais pas dire ça un jour mais t'es couillue Maggie, lui lança Djamila amusée.

—J'ai rien à ajouter, fit Ewen en rigolant, Djam a tout dit. »

Il donna une tape amicale dans le dos de Maggie, quoique un peu trop forte car elle lui fit perdre momentanément son équilibre.

« —Bon ! repris Béthanie avec un peu plus d'assurance. Je propose qu'on aille interroger le beau-frère, le frère et la locataire. Puis, nous irons chacun faire notre valise rapidement avant de revenir ici pour le repas en famille.

—Monsieur de Féniel a-t-il choisi un endroit spécifique pour que vous passiez la nuit ?

—Il a mentionné une suite à cinq chambres, lui indiqua Maggie.

—Bien sûr, c'est la seule qui serait assez grande pour vous tous. Elle sera prête avant ce soir. Et au fait, la famille mange à 20h.

—Merci beaucoup, lui dit Béthanie ensuite imitée par ses collègues. »

Rebecca, qui tenait toujours sa pile de linge dans ses bras, sourit et allait quitter les détectives lorsqu'elle revint sur ses pas.

« —Je vous ai entendus dire que vous deviez encore interroger le frère de Victorine. Il est dans sa chambre, la dernière porte au fond du couloir, à gauche. »

Les quatre détectives la remercièrent à nouveau et se rendirent devant la porte qui leur avait été désignée comme étant la chambre de Christophe de Féniel. Béthanie frappa trois coups distincts mais il n'y eut pas de réponse.

« —Il faut que vous entriez, lui indiqua Rebecca qui était restée au bout du couloir pour les observer et s'assurer qu'ils ne repartiraient pas bredouilles. Il y a un petit salon avant d'arriver dans sa chambre. Ensuite, il faudra que vous frappiez à la porte qui sera sur votre gauche. »

Béthanie lui fit signe qu'elle avait compris et elle entra donc dans la pièce, suivie par ses trois collègues.

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