Chapitre 6 : Le veuf

Arrivés au château, les quatre détectives ne furent accueillis ni par Sara ni par Rebecca, mais, à leur grande surprise, c'est Patron qui vint leur ouvrir la porte.

« —13h28. »

C'est tout ce qu'il dit. Dans un premier temps personne ne lui répondit. C'est Béthanie, la plus extravertie du groupe, qui se lança.

« —Nous avons interrogé un habitant du village venu prendre un verre au bistrot où nous nous sommes arrêtés pour manger.

—Et qu'est-ce que ça a donné ?

—Rien de spécial. Il nous a lui aussi dit que Victorine était la femme parfaite. En revanche, il nous a dit qu'elle pourrait effectivement susciter la jalousie d'autres femmes, mais il n'avait pas l'air d'y croire beaucoup.

—Donc, si je résume tout ce que vous avez obtenu depuis ce matin, c'est que la victime était une sainte et que personne ne lui voulait du mal.

—Eh bien... »

Béthanie semblait décontenancée.

« —Pourtant elle est bel et bien dans un casier à la morgue et je peux vous assurer que ce n'est pas elle qui s'est étranglée toute seule.

—Mais nous n'avons pas encore vu toute une partie de la famille ! s'indigna Béthanie.

—Qu'est-ce que vous attendez alors ? »

Ewen, Djamila et Béthanie passèrent donc rapidement devant Patron, comme des enfants qui avaient été grondés et qui devaient se rendre dans leur chambre. Maggie croisa rapidement le regard de Patron avant de suivre ses collègues au pas de course. Elle ne sut comment interpréter ce regard. Il paraissait exprimer un millier d'expressions différentes en même temps. Il y avait bien plus d'un mystère qui tournait autour de cet homme et elle se dit qu'il lui faudrait beaucoup de patience avant d'en découvrir ne serait-ce qu'une infime partie. Ce fut une autre des raisons qui la poussa à vouloir continuer à enquêter au sein de l'équipe de détectives qu'elle venait d'intégrer.

Les quatre collègues se rendirent dans le grand salon dans lequel ils avaient interrogé les différents membres de la famille le matin même. C'était le salon principal et ils espéraient y trouver quelqu'un. Ils avaient vu juste car un très bel homme s'y trouvait, assis sur un fauteuil la tête entre ses mains.

« —Excusez-moi, commença Béthanie. »

L'homme releva la tête.

« —Je ne veux pas de journaliste ici, hurla-t-il, rendant Béthanie bouche-bée de surprise, il me semble l'avoir déjà suffisamment demandé toute la matinée ! Foutez-moi la paix tous autant que vous êtes !

—Nous ne... tenta Ewen.

—Peu importe ce que vous me voulez, sortez. S'il vous plaît... »

Sa voix se brisa et il fondit en larmes. Il était vraiment très bel homme. Même s'il était assis, on pouvait aisément deviner qu'il était très grand. Il avait les cheveux châtains très clairs, courts, bouclés et décoiffés. Il avait également des yeux couleur noisette, un nez très fin et des épaules larges. Il était portait une chemise blanche aux manches retroussées, un pantalon de costume noir et de belles chaussures également noires et parfaitement cirées.

Bethanie s'approcha de lui, s'assit sur le fauteuil d'à côté et lui posa une main amicale sur l'épaule. Il ne réagit pas et continua de pleurer.

« —Nous ne sommes pas journalistes, monsieur. Nous sommes détectives.

—Alors c'est vous...

—Oui. Vous êtes son mari c'est ça ? »

Il acquiesça, passa ses mains sur son visage pour essuyer ses larmes, se retourna pour se moucher discrètement dans un mouchoir qu'il venait de sortir de la poche de son pantalon, remit le mouchoir à sa place et se leva. Il tendit sa main à Maggie qui la serra chaleureusement, puis ce fut au tour d'Ewen, de Djamila et enfin de Béthanie.

« —Désolé de vous avoir hurlé dessus, dit-il embarrassé et surtout à l'attention de Béthanie. Mais vous comprenez je viens de perdre ma femme et... »

Il ne continua pas sa phrase et se mordit le poing pour ne pas pleurer de nouveau. Béthanie lui sourit et lui fit signe qu'elle ne lui en voulait pas.

« —Bon, reprit-il, que puis-je faire pour vous aider ?

—Nous dire tout ce que vous nous avez à dire, lui répondit Ewen, sans retenue.

—Eh bien, je pense que je ne pourrai pas vous apporter grand-chose de plus que tout ce que vous savez déjà.

—Je pense au contraire que si, lui dit gentiment Maggie, vous étiez plus intime avec elle qu'elle ne l'était avec n'importe qui d'autre.

—J'aurais tellement aimé être d'accord avec vous...

—C'est-à-dire ?

—Elle n'avait pas particulièrement plus de choses à me dire qu'aux autres.

—Vous ne vous entendiez plus ?

—Je n'ai pas dit ça. C'est juste qu'elle était parfaite, toujours gentille, toujours attentionnée avec tout le monde, elle n'avait pas de problèmes particuliers. C'est dur à dire mais en quelque sorte elle avait une vie somme toute banale. Elle ne travaillait pas. Elle s'est dévouée à l'éducation de notre fille qu'on a eu très jeunes. Ensuite, quand Ségolène est arrivée en âge de quitter le cocon pour aller faire ses études, elle a commencé à être bénévole pour diverses associations. Depuis quelques mois maintenant, elle ne faisait plus rien, elle prenait du temps pour elle.

—Elle n'avait vraiment pas d'ennemis ?

—Non.

—C'est ainsi depuis que vous la connaissez ?

—Je... Et bien... Oui, je crois que oui.

—Vous n'avez vraiment rien de plus à ajouter ?

—Non, mis à part que je ne comprends vraiment pas qui a pu faire ça et quelles sont les raisons qui l'ont poussé à... »

Il ne termina pas sa phrase et s'avachit dans son fauteuil, de nouveau la tête dans ses mains. Il s'était remis à pleurer discrètement. Les détectives échangèrent un regard et ils se mirent d'accord pour quitter la pièce et laisser cet homme tranquille. Ils sortirent donc du salon et, une fois devant la porte Ewen, Djamila et Béthanie se retournèrent vers Maggie.

« —Bon ! fit Béthanie en soupirant. Il nous reste encore à rencontrer le frère de la victime, le frère du mari, le mari de la sœur, le père de la victime et la locataire.

—Tu veux qu'on se sépare pour aller plus vite ? lui demanda Ewen.

—Non, pour aujourd'hui on travaille ensemble. »

Ewen acquiesça. Béthanie allait partir en tête du groupe dans le but de trouver une autre personne à interroger mais Maggie lui attrapa le bras.

« —Oui ?

—Euh, on n'a pas demandé au mari comment il s'appelait.

—Joshua Laseurier, lui apprit Djamila.

—Merci, mais euh, comment tu sais ça ?

—Je l'ai lu dans le dossier pendant le trajet en venant ici ce matin. »

Maggie hocha la tête et le petit groupe partit, mené par Béthanie. Ils se dirigèrent vers la piscine où il y régnait encore une certaine agitation. Il y avait toujours des policiers ainsi que quelques membres de l'équipe médico-légale de présents, mais nettement moins que le matin lorsque les détectives étaient arrivés. Il y avait aussi Guillaume Cavalier qui regardait attentivement chaque faits et gestes d'un très jeune policier et, à côté de lui, Maggie eut du mal à en croire ses yeux mais il y avait Joshua Laseurier, l'homme qu'ils venaient de quitter à l'instant.

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